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qu'il n'arrivera pas; la somme de ces deux probabilités doit toujours être égale à l'unité qui devient le symbole de la certitude.

Quand la probabilité d'un événement surpasse, on dit plus généralement que cet événement est probable; dans le cas contraire, on dit qu'il est possible seulement. Ainsi le tirage d'un roi dans un jeu de cartes est possible, tandis que la prise de toute autre carte est probable.

:

Quand le nombre d'épreuves que l'on fait pour arriver à la connaissance de la vérité est très-considérable, on peut, sans erreur sensible, calculer la probabilité comme si les chances étaient connues on regarde toutes les chances données par des épreuves répétées, comme les seules possibles. Je suppose, par exemple, qu'on cherche à savoir s'il naît plus de garçons que de filles on réunira un nombre considérable d'observations; on prendra, par exemple, le nombre des garçons qui naissent en une année dans toute la Belgique, et on le comparera au nombre des filles : ainsi, en 1858, il est né 78,338 garçons et 73,804 filles, ce qui donne le rapport Ce rapport s'éloigne de très-peu de celui qu'indique la théorie des probabilités : on aurait pour les garçons, et pour les filles; ct l'on en déduirait, en comparant ces nombres entre eux,

78338 +1

73804+1

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78338 73804

106
100

78338 +1 152142+2

73804+1 152142+2

ce qui donnerait à peu près exactement le rapport obtenu précédemment. Dans ce qui va suivre, nous aurons souvent recours à ce moyen de simplification, parce que nos résultats sont généralement déduits de nombres assez grands pour qu'on puisse substituer, sans erreur sensible, l'une des manières de calculer à l'autre.

II.

Je suppose, en Belgique, deux provinces voisines jouissant des mêmes avantages, soumises aux mêmes lois et comparables sous tous les rapports; mais leurs populations ne sont pas les mêmes je prendrai la province de Brabant et celle de Limbourg pour exemples. Puis-je dire que le chiffre présenté annuellement par l'une, soit pour la mortalité, soit pour les naissances, comparativement à la population, doive inspirer la même confiance que le chiffre donné par l'autre ? Suivant l'état actuel des choses, on le suppose en général, mais cette estimation est inexacte. Il est temps, je pense, que l'on sorte de ce cercle d'erreur pour entrer dans le chemin de la vérité. La statistique présente chez nous assez de régularité, assez de précision, pour qu'on puisse suivre, sans crainte, la voie indiquée par la science. Si un calcul exact ne s'établit pas dans tous

les États, c'est qu'on a lieu de craindre que les valeurs d'une province ne soient pas recueillies avec les mêmes soins que celles d'une autre province; et qu'il serait impossible alors d'appliquer des procédés exacts à des nombres qui ne sont pas comparables. Dans un petit pays tel que le nôtre, où les modes d'administration, parfaitement connus, sont identiquement les mêmes, et où, par suite, les documents sont comparables, il devient urgent d'employer les méthodes scientifiques. La Belgique, en raison de sa petitesse et des vérifications qu'il est possible d'y faire, peut aspirer, une des premières, à observer les principes qui seront indubitablement suivis, quand la science aura pu pénétrer partout où son secours est nécessaire.

Dans un résultat statistique, la précision est, toutes choses égales, comme la racine carrée du nombre des observations. Par exemple, en Belgique, d'après le dernier volume des documents, publiés par le Département de l'intérieur avec le concours de la Commission centrale de statistique, le nombre d'habitants pour 1 naissance, en faisant usage du relevé des cinq années de 1851 à 1855, a été de 34,7. Cette valeur doit inspirer plus de confiance que si je m'étais borné à prendre le résultat de la seule année 1851, qui est de 33,3 à 1; ou celui de 1855, qui est de 36,6 à 1. La valeur de la précision, pour le premier de ces résultats, comparativement aux deux autres, est, d'après la théorie des probabilités, de 5 à 1, ou dans le rapport de 2,24 à 1. Je puis donc avoir tout au moins deux fois autant de confiance dans le premier nombre que dans chacun des deux autres.

Cette estimation de la valeur probable d'un résultat est très-connue en astronomie et, en général, dans les sciences d'observation; mais elle est peu employée par les statisticiens, qui n'ont guère fait usage encore des méthodes propres à reconnaître les valeurs respectives du nombre qu'ils emploient.

Malgré la préférence que je dois avoir pour le chiffre résultant des observations de cinq années, il pourrait fort bien se faire cependant que le chiffre particulier d'une des cinq années fût plus exact. Je ne connais rien d'avance : je ne puis raisonner ici que d'après des probabilités; et je prends le nombre qui, toutes choses égales, réunit le plus de chances en sa faveur. Le résultat obtenu n'est pas certain, mais probable seulement; et, de plus, j'indique son degré de probabilité : c'est tout ce que l'on peut exiger dans un pareil calcul. Le grand défaut des détracteurs de la statistique, c'est de vouloir traiter cette science purement expérimentale comme une science exacte, et de lui demander une précision absolue qui ne peut être que fortuite.

Si l'on désirait connaître quel est, dans la province d'Anvers, le nombre d'habitants pour une naissance, je répondrais que ce nombre annuel est 34,3, d'après 56

TOME VIII.

les cinq mêmes années de 1851 à 1855. Je ne prétends pas dire cependant que le nombre 34,3 est certain; je le regarde comme probable, mais il est moins probable que le nombre 34,8 que je donnais précédemment pour la Belgique entière. Les degrés de probabilité de ces deux résultats, pris individuellement, sont dans le rapport des racines carrées du nombre des observations, ainsi, comme | 63,321 est à 654,165 (en désignant par 63,321 et 654,165 le nombre des naissances pendant cinq années, dans la province d'Anvers et dans la Belgique entière.) Le rapport précédent peut s'écrire sous la forme suivante, 1 est à 6165; ou bien 1 est à 3,2142: ainsi, le rapport calculé pour la Belgique est au moins trois fois aussi probable que le rapport calculé pour la province d'Anvers seulement.

63321

Le Brabant, d'une autre part, a compté 114,837 naissances pendant les cinq années qui nous ont occupé. Les racines carrées des deux nombres 114,837 et 654,165, contenant les naissances pendant cinq années pour le Brabant et pour le royaume, sont dans le rapport de 1 à 2,3868, ou plus simplement comme 1 est à 2 environ.

La probabilité pour le chiffre du Brabant est donc plus grande que pour le chiffre de la province d'Anvers; ces deux probabilités sont en effet dans le rapport des nombres 3,2142 2,3868, ou bien environ comme 3 est à 2.

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Il résulte aussi de ce qui précède que le chiffre des naissances, pour la province d'Anvers, déduit d'un certain nombre d'années, mérite moins de confiance que le chiffre donné par la province de Brabant, pour le même nombre d'années. Cependant, ce dernier s'éloigne plus que celui d'Anvers de la valeur que donne le royaume entier. La différence provient de ce que le chiffre des naissances dans les villes, surtout dans la capitale, n'est pas le même que dans les campagnes. De la différence de population résulte une différence de mortalité.

Ces exemples suffiront sans doute pour montrer comment il convient de calculer la probabilité d'un rapport comparativement à un autre. C'est une estimation dont on n'a guère tenu compte dans les valeurs statistiques, qui jusqu'à présent ont été recueillies avec trop peu de soin pour qu'on pût, dans les différents pays, comparer les résultats d'une province à ceux d'une autre. Notre royaume, en raison même de ses étroites limites, est assez bien connu et administré avec des principes assez sûrs, pour qu'on puisse préférer, sous le rapport de l'exactitude, une partie à une autre. La précision peut être réputée sensiblement la même dans les neuf provinces qui composent l'État; mais elle diffère néanmoins par le nombre des individus qui concourent à produire le résultat que l'on veut estimer.

III.

Si nous calculons maintenant le chiffre de la mortalité, nous trouverons que, pendant les cinq années de 1851 à 1855, il a été, pour tout le royaume, de 1 sur 44,8 individus. Ce rapport varie dans des limites assez larges. Il a été généralement croissant depuis 1851 jusqu'en 1855; il était d'abord de 1 sur 46,26; il est devenu ensuite de 1 sur 40,87; c'est-à-dire qu'il s'est accru dans le rapport de 1 à 1,13. Pour les naissances, on avait une marche inverse: le plus grand nombre arrivait en 1851, et le nombre le plus petit en 1855; le premier rapport était de 1 sur 33,3, et le second de 1 sur 36,6. Ces nombres sont entre eux comme 36,6 est à 33,3 ou comme 1 est à 0,91.

Les rapports précédents tendraient, au premier abord, à montrer qu'il existait un sentiment de malaise dans la nation, puisque, pendant cinq années consécutives, le nombre des naissances a suivi une progression décroissante, tandis que le nombre des décès suivait une marche contraire. Cependant, pour se faire une idée juste de ce mouvement de la population, il conviendra de consulter plus attentivement les nombres auxquels nous avons joint la somme des mariages. On pourra voir ainsi qu'il y a eu, moyennement, un mariage sur 148 habitants, et que le nombre a diminué depuis 1851, comme celui des naissances.

Pour se rendre un compte exact du mouvement que suit la population, il faudrait comparer, de plus, aux nombres donnés par les cinq années qui ont suivi 1851, ceux qui ont été observés antérieurement, au moins pendant l'espace de dix ans : il devient impossible, sans cela, de juger si une population décroît, ou si la diminution n'est qu'un effet accidentel, qui peut, dans certaines circonstances, se prolonger pendant plusieurs années. Pour permettre d'apprécier ces changements, je citerai les documents des dix années antérieures, pendant lesquelles on a effectué un recensement de la population (en 1846). Ces nombres, joints à ceux que donne la période des cinq années de 1851 à 1855 inclusivement, fournissent une série de résultats recueillis pendant 15 ans, qui est bien suffisante pour reconnaître les effets dont nous nous occupons.

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Ces documents mettent en évidence différents faits qui méritent de fixer l'attention d'abord, le nombre des naissances, de 1849 à 1852, avait une valeur moyenne plus élevée que pendant les trois années qui ont suivi ou précédé; en 1855, il s'est produit même une diminution analogue à celle de 1846 à 1848.

D'une autre part, vers les mêmes années 1850 à 1853, la mortalité était moindre que pendant les années antérieures et suivantes. L'effet, pour la mortalité, a été à peu près diamétralement opposé à ce qu'il était pour les naissances. Les chiffres sont revenus ensuite vers l'état moyen observé pendant les dix années précédentes, mais sans l'avoir sensiblement dépassé.

Le nombre des mariages s'est également accru de 1849 à 1851; on en comptait moyennement 1 sur 135 habitants, pendant la période de ces trois années; tandis que, pendant les trois années précédentes, il y en avait 1 sur 167; et, pendant les trois années suivantes, 1 sur 150. La période des mariages plus fréquents a nécessairement précédé un peu celle des naissances. Il est à remarquer, en outre, que l'état de bien-être de la population en 1850 et 1851, a amené un nombre plus considérable de mariages que toute la série des autres années sur lesquelles porte

notre examen.

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