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frontières; ils déclarent que la moindre démarche tendante à exciter le trouble, inquiéter les esprits, alarmer les citoyens, est dans ce moment non-seulement dangereuse, mais coupable's et voulant réunir tous les bons citoyens autour de la chose publique, et les éclairer sur la confiance qu'ils peuvent avoir dans les précautions que leur zèle leur a suggérées, ils ont arrêté que les présentes seront imprimées et affichées partout où besoin sera.

A Douai, le 22 juin 1791. (On applaudit.)

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Un de MM. les secrétaires annonce que madame Pagnon, de la ville de Sedan, fait passer à l'assemblée nationale un assignat de 300 liv. pour le paiement de deux soldats. (On applaudit.)

M. Broglie. J'étais à Strasbourg forsqu'avant-hier, à neuf heures, on apprit le départ du roi. Cette nouvelle à produit d'une manière remarquable le dernier effet de la révolution. Tous les corps administratifs se sont réunis et ont pris les mesures ordonnées par votre décret aussitôt qu'ils en ont eu connaissance. Le zèle des citoyens n'avait point de bornes, et la plus grande fraternité régnait dans la ville lorsque j'en suis parti. D'après ce que j'ai vu sur la route, je pense qu'environ 500 mille hommes ont pris les armes dans le même moment. (On applaudit.) J'apprends que les militaires de cette assemblée ont prêté un serment nouveau; je demande à y être admis.

M. Broglie prêté serment au milieu d'applaudissemens nombreux.

M. Emmery. La nouvelle du départ du roi est parvenue à Metz le 22. On a pris aussitôt toutes les mesures nécessaires; 500 gardes nationaux étaient prêts à partir, et les scellés ont été mis chez M. Bouillé. Je dois aussi rendre compte d'un fait qu'on m'assure être vrai. Le régiment Royal-Allemand n'était point, comme on l'a prétendu, à Stenai; il était à Saint-Avaux, d'où il n'a pas bougé.

M. Broglie. J'atteste aussi que la nouvelle qui inquiète quel

ques personnes est fausse. Un détachement du régiment RoyalAllemand est à Montmédy, où il se comporte d'une manière patriotique, et tout est calme en ce lieu.

Une assez grande agitation se manifeste dans toutes les parties de la salle. Le bruit se répand que le roi traverse les Tuileries. Il est sept heures et demie.

Vingt minutes se passent sans que l'assemblée reprenne sa délibération.

M. Lecouteulx prévient l'assemblée que les trois courriers qui sont sur la voiture du roi sont entourés par le peuple, et menacés d'être pendus.

Vingt commissaires sortent par ordre de l'assemblée pour aller rétablir l'ordre..

M. Lecouteulx. Lorsque vos commissaires sont arrivés, ils se sont aperçus que l'agitation avait été excitée par la vue de trois personnes enchaînées qui se trouvaient sur le siége de la voiture du roi, et que l'on disait lui avoir servi de postillons lors de son départ de Paris. M. Pétion était à la portière de la voiture du roi, qu'il semblait vouloir couvrir tout entière de son corps. A la vue des commissaires, l'agitation s'est dissipée, et la garde nationale est parvenue à faire faire place à la famille royale, qui est entrée dans le palais : les trois personnes qui ont servi de courriers sont aussi en sûreté. Un d'eux a laissé tomber un portefeuille qui m'a été remis par M. Cormenil, commandant de bataillon, et que je dépose sur le bureau. L'agitation est dissipée, et il ne reste aucun sujet d'inquiétude.

M. le président. Vous venez d'entendre le compte qui vous a été rendu. Louis XVI est maintenant dans le château des Tuileries.

M. Blacon. Si l'assemblée exige que je nomme les trois personnes qui étaient sur le siége, je les nommerai. (Plusieurs voix : Nommez-les.) Ce sont MM. Valori, Moutier et Malsan, tous trois gardes-du-corps.

M. Bonnai. Il n'est pas prouvé que le portefeuille qui a été

ramassé soit d'une des personnes qui étaient sur la voiture. Il n'a été remis à M. Lecouteulx qu'après avoir passé dans deux autres mains. Je demande que le portefeuille soit scellé de manière qu'il soit constaté qu'on n'a pu rien ajouter à ce qui s'y trouve. (On murmure.)

M. Boissy-d'Anglas. Il appartient bien à l'une des personnes qui étaient sur le siége ; il a dit lui-même qu'on le remît à un de nous, qu'il ne contenait autre chose que du papier doré.

M. le président. On vient de me remettre la clé de la voiture du roi; on m'annonce qu'un peuple nombreux entoure les voitures et veut les ouvrir.

M. Voidel. Les comités réunis des rapports et des recherches ont déjà pris à cet égard des précautions, et le département de Paris a été chargé de veiller avec le plus grand soin à ce que l'ordre soit maintenu dans cet endroit ; il y a des commissaires de la municipalité de nommés pour calmer le peuple.

MM. les commissaires, chargés des pouvoirs de l'assemblée pour diriger la marche du roi, entrent dans la salle, où ils sont accueillis par de nombreux applaudissemens.

M. Barnave. Nous allons rendre compte à l'assemblée, en peu de mots, de la mission dont elle nous a chargés. Elle s'est terminée de la manière la plus satisfaisante pour l'assemblée. Conformément à vos ordres, nous avons pris la route qui devait nous conduire au lieu où le roi avait été arrêté. Sur cette route, nous avons pris les instructions que nous avons pu recueillir sur les faits. Nous avons pris en même temps les mesures nécessaires pour le plus grand ordre, la plus grande tranquillité et la plus grande sûreté du retour du roi.

Nous avons appris qu'il était à Châlons, où se trouvait déjà un rassemblement nombreux de gardes nationales accourues des départemens voisins. Voulant que, suivant l'intention de l'assemblée nationale, l'ordre et le respect dù à la dignité royale fussent constamment maintenus, nous avons donné des ordres pour que la garde nationale, la gendarmerie nationale et les troupes de

ligne se portassent partout où il nous a paru nécessaire. Nous nous sommes arrêtés à Dormans, où nous avons été instruits que le roi était parti de Châlons pour se rendre à Epernay. Mais nous avons appris la nouvelle alarmante qu'il était poursuivi. D'autres relations disaient que, sans être poursuivi, on cherchait à couper sa marche pour enlever sa personne. En conséquence, M. Dumas, qui nous accompagnait, et que l'assemblée avait chargé d'exécuter nos ordres, a pris avec un zèle digne de tous les éloges de l'assemblée, toutes les précautions nécessaires afin que les poursuites ou les tentatives hostiles qui pourraient être faites à l'effet de couper sa route, fussent repoussées.

Il a fait placer dans tous les postes des forces considérables, et nous avons mis la plus grande rapidité pour échapper aux poursuites, peu vraisemblables sans doute, mais dont il était prudent de prévoir la possibilité. Nous avons rencortré le roi entre Dormans et Epernay. Nous avons trouvé dans la voiture, avec le roi, le dauphin, la reine, madame royale, fille du roi, madame Elisabeth et madame Toursel, gouvernante du dauphin. Nous avons trouvé sur le siége trois personnes qui nous ont dit s'appeler Valori, Dumoutier, Malsan, et qui se sont dits tous les trois anciens gardes-du-corps. Ils étaient vêtus en courriers. A la suite de cette voiture, il y en avait une seconde dans laquelle étaient deux femmes, qui ont dit s'appeler madame Brigny, et madame Fourville, l'une femme de chambre de madame royale, et l'autre de M. le dauphin. L'un de nous a fait lecture au roi des décrets qui établissaient notre mission. Le roi a répondu en peu de mots, et a marqué de la sensibilité sur les précautions prises par l'assemblée nationale pour sa sûreté et pour le maintien de la dignité royale. Il nous a dit de plus, que jamais il n'avait eu l'intention de passer les limites du royaume. (On murmure.)

Tel est littéralement le sens de la très-courte réponse qui nous a été faite par le roi. Après la réponse du roi, nous avons lu les mêmes décrets aux gardes nationales. En conséquence, nous leur avons ordonné de reconnaître le caractère dont l'assemblée nationale nous avait revêtus, et d'exécuter les ordres qui leur

seraient donnés par M. Dumas. Nous sommes retournés vers Paris, dans ces dispositions. La famille royale a passé la nuit à Dormans. Notre marche jusqu'à ce lieu, avait été extrêmement lente, parce que les gardes nationales qui nous accompagnaient étaient la plupart à pied. Notre marche en partant de Dormans fut aussi assez lente; mais ayant appris que les faux bruits d'une poursuite hostile se confirmaient, nous avons cru devoir accélérer notre marche. En conséquence, ayant renforcé et multiplié les postes, nous nous sommes séparés de l'infanterie, et nous n'avons gardé avec nous que les gens à cheval; ainsi notre marche a été très-rapide jusqu'à Meaux, elle s'est faite avec beaucoup de succès.

Nous avons écrit de Meaux, au président de l'assemblée nationale, au maire et au commandant de la garde nationale de Paris, pour les prier de prendre les mesures nécessaires pour assurer la tranquillité publique au moment de l'arrivée du roi, et d'envoyer un corps de gardes nationales au-devant de nous, afin que les avenues fussent gardées. Aussitôt que nous avons joint la famille royale, nous avons faite une proclamation relative aux circonstances, que nous avons envoyée à tous les corps administratifs, pour que la personne du roi fût en sûreté. Nous avons trouvé partout le plus grand zèle et le plus grand dévoùment à la chose publique, le courage le plus ferme, mais en même temps la tranquillité, le bon ordre, signes de la force et de la sagesse. Partout aussi les troupes de ligne nous ont témoigné le plus entier dévoûment à l'exécution des décrets de l'assemblée nationale, et le zèle le plus courageux pour la défense du royaume. Tels ont été les objets qui nous ont occupés jusqu'à ce moment. L'assemblée nationale devra des éloges au zèle in fatigable des gardes nationales, aux dispositions de tous les citoyens qui partout ont été dans le plus grand ordre. Notre marche s'est faite avec la plus grande rapidité possible. Nous n'avons été incommodés par aucun inconvénient, sinon par la chaleur de la saison, et par les embarras ordinaires des voyages.

Nous sommes partis ce matin de Meaux à six heures et demie.

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