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ses comités réunis des recherches et des rapports, décrète qu'elle autorise le département de Paris à prendre toutes les mesures qu'il jugera convenables pour le logement du roi et de sa famille aux Tuileries, et à déterminer toutes les dispositions qu'il croira nécessaires à cet égard; décrète que la municipalité de Paris demeure autorisée à faire lever les scellés apposés au château des Tuileries, et ce, en présence de l'intendant de la liste civile; décrète de plus que le gouvernement de Paris est autorisé à faire mettre sous un scellé particulier tous les papiers qui seront trouvés dans les appartemens du château des Tuileries, sous le sceau de la municipalité et de l'intendant dé la liste civile, et que lesdits papiers seront à l'instant transportés aux archives nationales.>

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M. Thouret, au nom du comité de constitution. Le travail de votre comité de constitution sur le grand événement qui vous occupe, doit embrasser trois questions différentes: la première concerne les dispositions provisoires que vous avez dû prendre jusqu'à l'arrivée du roi à Paris; la seconde, le nouvel ordre de choses qui s'ouvre par la présence du roi à Paris; la troisième sera relative aux grandes résolutions que l'assemblée nationale aura à prendre pour la sûreté de l'État. L'article que nous vous proposâmes avant-hier se rapportait à la première de ces mesures, à cette durée de temps qui s'est écoulée jusqu'à l'arrivée du roi à Paris. Il a paru nécessaire d'en prendre de nouvelles dans le moment où le roi arrivait à Paris, parce qu'il paraît impossible que le pouvoir exécutif soit abandonné à des intentions ouvertement prononcées contre la constitution, parce que ce serait compromettre le salut de l'État que de soumettre les décrets de l'assemblée nationale à une nouvelle sanction sujette à être désavouée. Les articles que nous vous proposons sont des dispositions purement provisoires; ils ne préjugent rien pour l'avenir: ils laissent à l'assemblée toute la latitude nécessaire pour prendre des résolutions ultérieures.

M. Thouret lit le projet de décret suivant:

Art. 1o. Aussitôt que le roi sera arrivé au château des Tuile

ries, il lui sera donné provisoirement une garde qui, sous les ordres du commandant-général de la garde nationale parisienne, veillera à sa sûreté et répondra de sa personne.

II. Il sera provisoirement donné à l'héritier présomptif de la couronne une garde particulière, de même sous les ordres du commandant-général, et il lui sera nommé un gouverneur par l'assemblée nationale. (Les tribunes applaudissent.)

M. le président. Je rappelle aux tribunes qu'elles doivent se tenir dans le silence, et attendre avec confiance les décisions de l'assemblée nationale.

III. Tous ceux qui ont accompagné la famille royale seront mis en état d'arrestation et interrogés; le roi et la reine seront entendus dans leur déclaration, le tout sans délai, pour être pris par l'assemblée nationale les résolutions qui seront jugées nécessaires.

IV. Il sera provisoirement donné une garde particulière à la reine.

V. Jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, le décret du 21 juin, qui enjoint au ministre de la justice d'apposer le sceau de l'État aux décrets de l'assemblée nationale, sans qu'il soit besoin de la sanction et de l'acceptation du roi, continuera d'être exécuté dans toutes ses dispositions.

VI. Les ministres et les commissaires du roi préposés à la caisse de l'extraordinaire, à la trésorerie nationale et à la direction de liquidation, demeurent autorisés provisoirement à faire chacun dans son département, et sous sa responsabilité, les fonctions du pouvoir exécutif.

M. Malouet. Les mesures qui vous sont proposées sont toutes hors de la constitution: elles changent dans un instant la nature du gouvernement. La constitution prévoit le cas de l'absence du roi: elle a déclaré la personne du roi sacrée et inviolable. Les niesures proposées constituent le roi prisonnier dans la capitale pour transporter dans l'assemblée nationale tous les pouvoirs. Pendant la fuite du roi, vous étiez la seule puissance; vous pouviez, vous deviez même prendre toutes les mesures nécessaires

pour la sûreté de l'État. (Plusieurs voix: Au fait.) Le devoir le plus impérieux est d'obéir à sa conscience. Celui qui vous rend compte du cri de sa conscience, même en vous fachant, mérite votre indulgence. Je ne concevrai jamais comment vous pourrez adopter des mesures qui dénatureraient absolument le gouvernement que vous avez constitué. (On murinure.) Il est possible qu'on voie dans l'adversaire de ces mesures un ennemi public; mais le développement de ines réflexions ne m'embarrasserait pas même dans cette nombreuse assemblée; car, quels que soient les spectateurs et les témoins qui nous environnent, je n'aurai jamais qu'un seul témoin ; c'est ma conscience.... Je demande que l'assemblée se forme en grand comité pour délibérer, ou qu'on se retire dans le comité de constitution, où chacun des membres de l'assemblée pourra faire librement des observations. La matière est de la plus grande importance: elle mérite des réflexions sérieuses. Si vous exercez le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, la nation elle-mème pourra être effrayée d'un si grand pouvoir. Nous devons nous défendre de la prévention comme de l'irréflexion; épargnons au peuple bien des regrets, et peut-être de grands malheurs. Je demande qu'il y ait une conférence dans le comité de constitution, et je déclare que jamais je n'accéderai à des mesures qui tendraient à rendre le roi prisonnier.

M. Roederer. Le préopinant croit le principe de l'inviolabilité attaqué par le projet de décret qui vous est présenté; mais on pourrait examiner si l'inviolabilité du roi ne se réduit pas, comme celle des membres de l'assemblée nationale, aux actes relatifs à ses fonctions, ou si elle s'étend à toute autre espèce d'actes personnels: par exemple, à la connivence avec les ennemis de l'Etat. Au reste, je n'observe qu'un fait le projet de décret n'attaque pas le principe d'inviolabilité; il ne s'agit pas de porter un jugement, il est seulement question de tenir le roi en état d'arrestation provisoire.... (Il s'élève de grands murmures.)

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M. Thouret. Non, non; ce n'est pas cela.

M. Martineau. Je demande que M. Roederer soit rappelé à l'ordre. (Quelques minutes se passent dans une grande agitation.) M. Roederer. Je demande à défendre mon opinion. (Un grand nombre de voix : Non! non!)

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M. Prieur, Je demaude que M. Roederer soit entendu. C'est

au nom de la patrie que je réclame la liberté des opinions, plus nécessaire que jamais, surtout dans les circonstances importantes où nous sommes. (On applaudit.)

M. Rochebrune. M. Roederer ne doit pas être entendu.

M. Roederer. Si l'assemblée a entendu que j'attribuais au comité le projet de l'arrestation provisoire du roi, je me suis mal expliqué. J'ai dit qu'il s'agissait de cela. M. Malouet avait entendu que le roi serait constitué prisonnier; il l'a dit, et on l'a bien passé à M. Malouet. Au reste mon opinion n'a pas besoin d'être appuyée sur cette discussion; je propose seulement un amendement au premier article. Je ne puis me dispenser, en vertu des mêmes droits invoqués par M. Malouet, de dire, d'après ma conscience, que, par la tournure du projet de décret, on a l'air de vouloir préserver le roi contre la nation; je demande aussi qu'on préserve la nation contre le roi, et je pense en conséquence que la fin de l'article premier doit être ainsi rédigée : « Qui, sous les ordres du commandant-général, veillera sur sa personne, pour sa sûreté et celle de la nation. »

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M. Alexandre Lameth. J'ai demandé la parole pour appuyer le projet de décret présenté par le comité de constitution, et pour combattre les objections faites par M. Malouet. Que renferme le projet du comité? D'abord des mesures relatives à la personne du roi; sa sûreté et la sûreté nationale réclament également ces mesures. Le roi est près d'arriver à Paris, et je ne suppose pas que M. Malouet voulût retarder des précautions, si importantes; ces précautions sont sages: inutilement on se retirerait dans un comité, sous prétexte d'en vouloir concerter d'autres. Quant à la seconde partie du décret, relative à l'action provisoire du gouvernement, M. Malouet a avancé qu'elle change la forme du gouvernement. Cette allégation est fausse, et

il est important de la détruire. Que propose le comité de constitution? que l'assemblée ordonne que son décret, qui statue que les lois n'auront pas besoin de sanction et que les ministres exerceront le pouvoir exécutif sous leur responsabilité, continuera d'être exécuté. Eh bien! ce décret, bien loin de nous éloigner des principes, nous y ramène; les principes demandaient que pendant l'existence du pouvoir constituant, l'exercice du pouvoir exécutif fût suspendu dans les mains du roi, puisqu'on organisait le trône, et que les représentans de la nation ne devaient trouver aucun obstacle à remplir leur mission. Si des inconvéniens pratiques nous ont empêchés de proclamer ces principes, les circonstances actuelles les réclament; mais je ne crois pas, vu l'intention de l'assemblée nationale, que le vœu de la nation puisse être d'altérer la constitution et de changer la forme du gouvernement. Envoyés ici pour donner une constitution à notre pays, nous avons cru que l'étendue du royaume et une population de vingt-cinq millions d'hommes demandaient une unité de puissance et d'action qui ne pouvait se trouver que dans une constitution monarchique. (On applaudit.) Si cette vérité existait il y a un an, elle existe encore. Les événemens arrivés n'ont rien changé à la nature des choses, ils ne changeront rien à notre marche. (On applaudit.) Nous continuerons de travailler à la constitution; nous l'achèverons; elle aura, j'espère, l'assentiment de la nation; elle fera son bonheur, et ce sera hotre récompense. Je demande que, sans s'arrêter aux objections de M. Malouet, l'assemblée adopte le projet du comité de constitution. (On applaudit.)

On demande à aller aux voix.

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M. Goupil. Pour tranquilliser M. Malouet, on peut terminer l'article premier en disant : « Et répondra de sa personne, qui sera toujours inviolable et sacrée. On admettrait en même temps l'amendement de M. Roederer.

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M. Malouet. Les réponses à mon opinion n'en détruisent ni les principes ni les motifs. On répond que le pouvoir constituant a le droit de réunir tous les pouvoirs, et que rien alors n'est

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