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à l'intégrité de la force nationale, en prêchant l'insubordination, la désertion, et en provoquant des engagemens contraires à la fidélité des troupes? Enfin, ferez-vous une adresse aux Français pour les tranquilliser, les animer, les encourager, les exhorter à l'union et à tous les sentimens que la liberté nourrit et inspire? Les décrets que vos comités vous proposent résolvent toutes ces questions à l'affirmative. Il est facile de se convaincre qu'elles intéressent la dignité de l'État autant que sa sûreté et sa tranquillité.

Quant à sa dignité, il est sensible que s'il est un moment où elle doit être maintenue aux yeux de l'étranger, à ceux de la nation même, c'est celui où nous ne pouvons porter nos regards autour de nous sans rencontrer des forces imposantes. Vous aviez autrefois à soutenir dans l'Europe un nom révéré, un commerce étendu, l'existence d'un grand empire, composé de provinces riches et fertiles, et vos forces étaient souvent déployées, même avec ostentation, pour des sujets assez légers. Aujourd'hui le ciel et votre courage, en vous laissant tous ces biens, vous ont donné un trésor de plus à garder, la liberté et une constitution qui doit faire vos délices, et quelque jour le bonheur du monde entier.

Mais rappelez-vous que la liberté a été ingénieusement dépeinte sous l'emblème d'Andromède. Elle est placée sur un rocher; elle est au milieu des ondes; mais des monstres la menacent; il lui faut un bras armé et un bras vigoureux pour la défendre. (On applaudit.)

C'était un des torts de l'ancien gouvernement d'être tombé dans un entier discrédit par ses fausses mesures, par ses lenteurs et par son imprudence. Oublions ce qu'il eût dû faire pour l'honneur du nom français, lorsque, malgré nos efforts, on dé. membrait des provinces dans le Nord, lorsque, plus récemment encore, on anéantissait nos alliances les plus anciennes. Mais sentons ce que nous sommes aujourd'hui; appliquons-nous à ef⚫ facer, par une conduite plus digne de nous, les fautes du passé,

ou plutôt écoutons la nation dont la vigueur renaît, et qui nous rappelle elle-même à de hautes destinées.

Les adresses de Marseille, de Strasbourg, d'Huningue, des Bouches-du-Rhône, de Grenoble, et une infinité d'autres, prouvent que les Français ressentent vivement le peu d'égards avec lesquels les habitans de l'empire ont été traités en divers lieux. On a été indigné de voir, il n'y a qu'un moment, celui qui doit être le père commun des hommes, faire à votre monarque l'insulte de ne pas recevoir son ambassadeur. L'Europe aura sans doute observé qu'au lieu des promptes et sévères mesures qu'il vous eût été facile de prendre pour réprimer cette gratuite et importante injure, vous vous êtes vengés au moment même d'une manière bien plus digne de vous, en dédaignant, malgré vos droits très-probables, de recevoir Avignon et le Comtat.

Votre armement maritime de l'année dernière a signalé votre vigueur: il importe à la sûreté, à la dignité de l'Etat d'armer aujourd'hui sur terre. Les mesures que nous vous proposons, promptes, faciles et peu coûteuses, contiendront les mauvais citoyens, les brigands assemblés en plusieurs lieux, et même les agressions du dehors; et si l'ambition de quelques ministres étrangers vous suscitait des ennemis parmi les rois de l'Europe, s'ils n'étaient désarmés par la justice de votre cause, par l'équité de vos principes et par la modération de vos vues, a moins devraient-ils l'être par la vigueur de vos résolutions, par la fermeté de votre maintien et de votre position militaire. Quatre millions de Français, dont la liberté armera les bras au premier instant, ne seront pour aucun prince, et même pour aucune ligue de princes, un faible obstacle à surmonter. (On applaudit.)

Mais les mesures de vigueur importent peut-être aussi à votre propre gloire. Sans doute vous n'en voulez pas d'autre que le bien de vos frères, le bonheur du peuple; mais votre intérêt se joint ici à l'intérêt public : votre honneur appartient à la patrie; et, malgré tous les nuages de l'imposture, la France aimera toujours à compter la probité et la sincérité de l'assemblée nationale comme un des premiers élémens dont seront composés son bon's

heur et sa gloire. (On applaudit.) Chacun de vous, depuis deux ans, s'est identifié avec la chose publique; vous lui avez donné tous vos soins; vous l'avez soutenue, secourue dans les cas les plus pénibles, à travers les succès et les obstacles, les clameurs et les bénédictions, sans jamais vous arrêter ni vous écarter du but. Vous le savez, on vous a accusés d'avoir éprouvé quelque attiédissement, et un sentiment de lassitude. Peut-être même cette opinion répandue a-t-elle contribué à amener la crise actuelle. C'est à nous à prouver, dans une occasion aussi importante, que nous avons voulu aussi persévéramment le bien; que nous l'avons entrepris courageusement; que c'est de notre part une résolution sérieuse et immuable, que celle de remettre à nos successeurs la direction de la chose publique, sinon entièrement florissante, du moins délivrée de cette anarchie à laquelle concourent tant de causes, et que, par un dernier effort et des mesures décisives pour la paix, vous avez voulu vous assurer le loisir de faire face à de nouveaux travaux, de rendre à la patrie des services de jour en jour plus signalés, et de montrer, en approchant du terme, un renouvellement de vigueur et de générosité patriotique, c'est-à-dire de ces vertus qui appartiennent surtout aux fondateurs d'un gouvernement équitable et humain. (On applaudit.)

Laisseriez-vous à vos adversaires le triste avantage d'avoir embarrassé vos derniers pas, et suscité des obstacles insurmontables à votre zèle; rappelez-vous combien vos motifs ont été purs, et vos vues nobles et grandes? Vous n'avez agi que pour le peuple, pour le recouvrement et l'affermissement de ses droits si long-temps méconnus; à tous les ressorts usés d'une monarchie dégénérée, vous avez substitué l'antique et pure morale des droits de l'homme, des principes dictés à la philosophie par l'humanité même et par l'éternelle vérité, mais qui, sans votre héroïque persévérance, seraient encore relégués dans les livres, dans les froids monumens de la sagesse des siècles. Vous avez mis tout en action; vous avez donné la vie et l'être à des principes féconds, régénérateurs; votre code constitutionnel sera à jamais le

trésor du genre humain, le refuge de tous les opprimés; vos efforts, pour les protéger, doivent donc être proportionnés au prix inestimable d'un si grand bien.

Sans doute, il a été donné à nos courageux écrivains, à nos philosophes sensibles, de consigner les maximes de ce code désormais ineffaçable, dans des écrits immortels qui feront toujours l'objet de la méditation des hommes sages; mais c'est à vous seuls qu'il a été donné d'en convertir en lois les précieux résultats; c'est à vous que les siècles, que l'univers devront de voir briser encore le joug de l'erreur du despotisme, de la superstition, de l'ignorance par tous les hommes qui, las comme nous de cet état d'avilissement et d'inertie où le peuple français était tombé, anéantiront toutes les espèces de tyrannie.

Hâtez-vous, par tous ces motifs, d'entourer de nouveaux remparts, de défendre avec une nouvelle ardeur, cette constitution qui compte peut-être encore parmi ses ennemis une grande parue des maîtres du monde, mais qui, chaque jour, acquerra parmi eux d'ardens et d'illustres défenseurs....]

- A la séance du 14, la question des coalitions fut emportée vresque sans discussion. On verra d'après quelle singulière doctrine fut décrétée une loi encore en vigueur. Ce qui prouve, au reste, combien le véritable fond révolutionnaire était alors caché aux yeux des plus sincères patriotes, c'est que pas un d'eux n'éleva la voix en cette occasion. Voici le rapport et la loi:

[M. Chapelier. Je viens au nom de votre comité de constitution, vous déférer une contravention aux principes constitutionnels qui suppriment les corporations, contravention de laquelle naissent de grands dangers pour l'ordre public; plusieurs personnes ont cherché à recréer les corporations anéanties, en formant des assemblées d'arts, métiers, dans lesquelles il a été nommé des présidens, des secrétaires, des syndics et autres officiers. Le but de ces assemblées, qui se propagent dans le royaume, et qui ont déjà établi entr'elles des correspondances, est de forcer les entrepreneurs de travaux, les ci-devant maîtres, à aug

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menter le prix de la journée de travail, d'empêcher les ouvriers et les particuliers qui les occupent dans leurs ateliers, de faire entr'eux des conventions à l'amiable, de leur faire signer sur des registres l'obligation de se soumettre aux taux de la journée de travail fixé par ces assemblées, et autres réglemens qu'elles se permettent de faire. On emploie même la violence pour faire exécuter ces réglemens; on force les ouvriers de quitter leurs boutiques, lors même qu'ils sont contens du salaire qu'ils reçoivent. On veut dépeupler les ateliers; et déjà plusieurs ateliers se sont soulevés, et différens désordres ont été commis.

Les premiers ouvriers qui se sont assemblés, en out obtenu la permission de la municipalité de Paris. A cet égard, la municipalité paraît avoir commis une faute. Il doit sans doute être permis à tous les citoyens de s'assembler; mais il ne doit pas être permis aux citoyens de certaines professions de s'assembler pour leurs prétendus intérêts communs. Il n'y a plus de corporations dans l'État ; il n'y a plus que l'intérêt particulier de chaque individu, et l'intérêt-général. Il n'est permis à personne d'inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation.

Les assemblées dont il s'agit ont présenté, pour obtenir l'autorisation de la municipalité, des motifs spécieux; elles se sont dites destinées à procurer des secours aux ouvriers de la même profession, malades ou sans travail; ces caisses de secours ont paru utiles; mais qu'on ne se méprenne pas sur cette assertion; c'est à la nation, c'est aux officiers publics, en son nom, à fournir des travaux à ceux qui en ont besoin pour leur existence, et des secours aux infirmes. Ces distributions particulières de secours, lorsqu'elles ne sont pas dangereuses par leur mauvaise administration, tendent au moins à faire renaître les corporations; elles exigent la réunion fréquente des individus d'une même profession, la nomination de syndics et autres officiers, la formation de réglemens, l'exclusion de ceux qui ne se soumettraient pas à ces réglemens. C'est ainsi que renaîtraient, les priviléges, les maîtrises, etc. Votre comité a cru qu'il était in

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