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demens soient renvoyés au comité. Si, au contraire, on décrétait la proposition du préopinant, moi, qui suis habitant de la cidevant province du Dauphiné, je demanderais les mêmes honneurs pour M. l'abbé Mably.

L'assemblée décrète le projet présenté par M. Gossin, et renvoie au comité de constitution les diverses propositions incidentes.]

PROVINCES.

Nous empruntons au Moniteur les détails suivans sur ces provinces.

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[Extrait d'une lettre de Tulle, département de la Corrèze, du 12 mai.

J'ai de fâcheuses nouvelles à vous apprendre, et vous gémirez comme moi des funestes excès auxquels le peuple de cette ville vient de se livrer. Le sieur Massey, capitaine du détachement de Royal-Navarre, en garnison ici depuis long-temps, ce même homme que vous vous rappelez s'être si indécemment comporté l'année dernière, à l'époque de la fédération du département, vient d'être la victime de son délire, de ses longues violences, et enfin des attentats qu'il avait commis ces jours derniers. On l'avait encore vu quelques jours avant l'événement tragique, provoquer des citoyens, les poursuivre à coups de sabre ou de pistolet, maltraiter cruellement des enfans, et le peuple avait gardé le silence. Le 9 de ce mois, à dix heures du soir, il rencontra, près du pont, un menuisier nommé Borderie, marchant à la suite de plusieurs jeunes gens qui chantaient çà ira. Cet homme venait d'être reçu membre de la société des Amis de la constitution. Massey, en l'injuriant, tombe sur lui à coups de sabre; et ayant entendu accourir au bruit du malheureux qui appelait à son secours, le laisse sur la place presque mort. La nouvelle de cet attentat s'étant répandue de très-grand matin dans la ville, le peuple s'assemble, s'émeut et demande à grands cris justice de l'assassin. Les corps administratifs requièrent les chefs de la garde nationale de disposer la force publique. Au bruit de la gé

nérale, plusieurs détachemens se forment; mais il est impossible d'occuper tous les postes. Le peuple furieux se rend à la maison de M. Poissac, où logeait Massey. Quelques membres de l'administration, députés par leurs corps respectifs, étaient accourus pour prévenir des malheurs. Ils parvinrent, non sans peine, à faire conduire au district, où le département était aussi rassemblé, M. Poissac, sa femme, et M. Lantillac, ci-devant comte de Lyon; mais ils ne purent sauver Massey. Après de longues recherches, on le trouva caché dans les latrines. Il en est arraché, en vain les membres de l'administration interposent de nouveau leur caractère et leur autorité pour le faire remettre sous le glaive de la loi. La nouvelle, quoique fausse, de la mort du menuisier, qui venait de se répandre, rend le peuple plus furieux encore. Massey tombe sous les coups qui lui sont portés, et expire bientôt après.]

Département des Bouches-du-Rhône.

Orange, 13 mai.

[Le siége de Carpentras est levé, et quoi qu'on fasse, par force à Avignon et dans les villages réduits, une nouvelle levée d'hommes et de chevaux, l'armée avignonaise ne sera plus vraisemblablement si empressée à attaquer une ville autour de laquelle elle ne trouve que sa destruction. -Le 10, un détachement de 50 Carpentrassiens fit une sortie contre un corps de troupes avignonais qui coupait du bois entre Carpentras et Monteux, pour faire des fascines. Le gros de l'armée étant venu au secours de ce corps, les Carpentrassiens se retirèrent en bon ordre sans avoir perdu un seul homme: les Avignonais ont eu trois hommes tués et quelques blessés.

La dévastation du comtat continue toujours. Un détachement de 600 hommes de l'armée avignonaise, avec quelques pièces de canon, a soumis toute la province, excepté Carpentras, Vaurcas et quelques villages du haut-comtat, couverts par le département de la Drôme, et Bonieux enclavé dans celui des Bouches-du-Rhône qui y a formé un cordon de troupes de ligne et de 200 hommes de la garde nationale du district d'Apt. Dans

tout le reste de la province, les Avignonais ont désarmé tous les citoyens qui ne veulent pas seconder leurs execrables projets de dévastation, et armé tous les bras qui peuvent être utiles au pillage et à l'incendie. Les villages sont mis à contribution d'abord en corps de communauté, et ensuite en particulier par individus. Riolène, par exemple, composé de 206 habitans, est forcé de fournir, sous peine d'être traité comme Sarrians, un contingent journalier en pain, vin, eau-de-vie, etc., une somme de quatre mille huit cents liv. qu'il a payée et un détachement pour l'armée avignonaise. Les autres villes et villages sont taxés à proportion, sous peine de pillage.

Le 12, quarante déserteurs de Soissonnais levèrent sur les habitans de Cavaillon une contribution de 25,000 liv., et pillèrent en outre plusieurs maisons. Un officier au service de France, nommé M. Cornillon, faillit avoir la tête tranchée. Le Thor, déjà écrasé par un premier pillage, fut imposé à seize mille liv. Caumont paie deux mille liv. huit cents par semaine; Gadagne fournit du vin.

A Vauqueiras, le château de madame Lauris a été entièrement dévasté; toutes les portes et fenêtres ont été brisées; les meubles, les cheminées de marbre, et jusqu'aux gonds des portes et pavés des appartemens ont été enlevés.

Après l'attaque du 6, contre Carpentras, où les assiégés ont fait une sortie si meurtrière contre les assaillans. On a vu passei au pont Saint-Esprit, plusieurs charrettes chargées de blessés; il n'en arrive pas moins chaque jour, dans le camp avignonais de nouvelles hordes que la haine contre le pape, beaucoup plus que le désir de faire jouir le comtat des bienfaits de la constitution française, fait envoyer de Nîmes, d'Uzès, d'Alais, de la Gardounauge, du Lavinage, etc. M. Antonelle, maire d'Arles, va et vient sans cesse d'Avignon au camp. Voilà une esquisse de la situation actuelle de ce malheureux pays.]

EXTÉRIEUR.

Voici un fait semblable à celui qui s'est passé récemment dans

un port de la Méditerranée, par l'imprudence d'une frégate américaine.

[Depuis l'avènement de Selim au trône impérial, l'usage ayant été rétabli de saluer par quelques coups de canon le sérail, en entrant ou en sortant du port de Constantinople, il arriva, ces jours-ci, qu'un navire marchand vénitien, venu de l'Archipet, voulait s'acquitter de cette étiquette; mais ayant par inadvertance oublié de retirer les boulets, il lâcha sa bordée contre le sérail avec tant de justesse, que deux boulets tombèrent au milieu du jardin et que d'autres endommagèrent les édifices. Le grandseigneur, extrêmement irrité de ce manque de respect, fit sur-lechamp demander la tête de l'imprudent capitaine. Par bonheur, le drogman de Venise se trouva dans ce moment à la SublimePorte; il mit tout en œuvre pour apaiser les esprits animés et sauver le patron du navire, en attribuant cet accident à l'étourderie des gens de l'équipage; ce qui, joint aux représentations du bayle de Venise, protestant que le capitaine, déjà mis aux fers, serait puni, et que des irrégularités pareilles n'arriveraient plus à l'avenir, a eu un succès si heureux que l'affaire s'est terminée sans aucune effusion de sang.] (Moniteur du 2 mai.)

De Rome, le 16 avril.

[M. Cagliostro est jugé. Il a été condamné à une prison perpétuelle, et sa femme à être renfermée dans un couvent. On ne connaît pas bien encore les vraies charges du procès. C'est un homme qu'on a voulu perdre; on l'a perdu. Il sera transféré au château de Saint-Leo, dans le duché d'Urbin. On a bien pensé à le faire périr; mais pour cela il eût fallu le faire juger par le saint-office, et alors on ne se fût pas dispensé de l'accusation de sorcellerie; c'est ce qu'on voulait surtout éviter. N'est-ce pas un hommage que rend la cour de Rome aux progrès des lumières, et à cet autre art diabolique qu'on appelle politique?] (Moniteur du 3 mai.)

Varsovie. Révolution du 3 mai 1791.

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[La séance du 3 mai sera à jamais célèbre dans les fastes de la

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Pologne. La plus heureuse révolution s'est faite, pour ainsi dire, en ce seul jour mémorable. Dans une république de nobles pays d'esclavage pour les autres hommes, la liberté a été rendue à tous, et les droits politiques aux habitans des villes sans effusion de sang; il n'y a pas été commis une seule violence; il ne s'est pas présenté un seul soldat, et le peuple était sans

armes.

Depuis quatre mois, les amis du bien public, les patriotes s'étaient concertés, ayant pour chef et pour conseil le roi. Plus de soixante personnes ont gardé ce grand secret; la majorité de ces soixante ne passe pas trente ans. Exemple admirable que donne cette jeunesse polonaise, que le roi et quelques sages ont mis depuis quelques années un soin particulier à élever pour un grand événement.

Peu de jours avant que la séance qui devait être consacrée à la révolution, ne dût s'ouvrir, une trahison en a hâté l'effet, On avait été forcé de mettre de nouvelles personnes dans la confidence des principes, du plan et de la journée dont on brûlait de montrer bientôt l'éclatante nouveauté. Un de ces nouveaux confidens, soit séduction, soit faiblesse, avait dévoilé le sublime mystère: aussitôt les ministres étrangers en sont instruits. L'intrigue s'éveille, travaille, s'étend, et sur l'heure se trahit ellemême par sa haine pour le bonheur public, pour la félicité nationale. Terrible obstacle! les patriotes s'inquiètent, frémissent, se rassemblent; il faut agir, il faut déjouer la perfidie. Le temps presse; un nouveau secret se donne et se garde la fameuse séance est résolue plutôt qu'on ne l'attend, et les ennemis publics seront confondus.

En effet, le 3 mai, tout à coup à l'ouverture de la séance, M. Matusewiez, nonce de Briesc, et rapporteur de la députation des affaires étrangères, se lève. Il peint l'effrayante situation de la république; mille dangers la pressent, et nulle force ne la rassure. Les armées des voisins semblent marcher à des ennemis connus; mais en un moment la paix peut se conclure, et ces ar

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