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nent tellement l'nne à l'autre, qu'elles n'en forment véritablement qu'une. Voilà pourquoi, dans leur démonstration, il serait impossible de ne pas les faire marcher ensemble. Distinguons-les néanmoins le plus possible, sans altérer en rien leur analogie. 1o Les principes et les élémens de notre constitution ne sont-ils pas dans une opposition continuelle avec la forme de notre gouvernement? Oui, sans doute, et cela est aisé à prouver.

» Qu'est-ce qu'une constitution? C'est une conséquence d'une bonne déclaration des droits. Qu'est-ce qu'un gouvernement? C'est une conséquence de cette constitution. Mais en bonne logique, il faut que la conséquence soit d'accord avec les prémisses, sans quoi l'argument ne vaut rien.

»Voyons donc si le gouvernement monarchique est une conséquence nécessaire de la constitution française, et si nos législateurs sont de bons logiciens.

Pour cela il faudrait, ce nous semble, que notre gouvernement fût dans un rapport exact et dans une parfaite harmonie avec les élémens et les principes de nos lois constitutionnelles. S'il y a discordance et contradiction, il est palpable que c'est une absurdité.

› Or, les élémens et les principes de notre constitution sont, l'égalité, l'élection, l'amovibilité, la responsabilité personnelle et l'économie. Certainement cela est très-sage; mais cette sagesse n'a-t-elle pas abandonné nos législateurs dans la formation du pouvoir exécutif? C'est ce qu'il faut examiner.

> On est toujours fort embarrassé toutes les fois qu'on commence par où l'on devrait finir; et nos architectes politiques, ́ayant débuté par construire le faîte de l'édifice avant d'en avoir établi les bases, il ne faut pas être surpris si ses parties ne sont point d'accord, ne sont point cohérentes entre elles, il ne faut point être surpris si l'importance et la pesanteur du faîte écrase l'édifice de son poids, et s'il ne finira pas par le détruire tôt ou tard entièrement.

› La grande base de toute constitution libre est ce principe d'éternelle vérité, déclaré par l'assemblée nationale elle-même, que

tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Voilà la mesure de toute égalité ou plutôt l'égalité elle-même.

› Or, ce principe vraiment fondamental, et sur lequel repose toute notre constitution, n'a-t-il pas été évidemment renversé dans l'institution de notre pouvoir exécutif, et cette belle et grande mesure de l'égalité naturelle et politique ne vient-elle pas se briser contre les marches du trône?

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> Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits; et cependant vous décrétez une dynastie dans laquelle des générations d'individus viennent au monde avec des droits que les autres hommes n'ont pas, et qu'ils ne sauraient jamais avoir! et vous décrétez qu'ils les auront, par cela seul qu'ils sont nés, quels que soient leur ignorance, leur ineptie, leur bassesse ou leurs vices!

› Pressés par le grand principe de l'égalité, vous renversez toutes les prérogatives héréditaires, tous les priviléges honorifiques et pécuniaires; et d'un autre côté, vous les consacrez dans la dynastie régnante! Quelle étrange contradiction!

On a peine à concevoir une plus grande inconséquence. Cependant nos législateurs l'ont portée encore plus loin: ils ont placé le monarque hors la loi; ils l'ont mis hors de la sphère de l'humanité, et n'osant pas précisément lui décerner un autel sur la terre, ils ont été, pour ainsi dire, le placer dans le ciel, et ils ont déclaré sa personne inviolable et sacrée.

>Un simple mortèl, quelque méprisable qu'il puisse être d'ailleurs, déclaré inviolable et sacré ! On a peine à concevoir ce que le sénat romain aurait fait de plus aux jours de sa servitude et de sa bassesse, lorsqu'il décernait l'apothéose aux monstres couronnés qui s'étaient baignés dans son sang. Telle est donc la nature de la monarchie, que, pour élever le monarque au-dessus de tout, on se croit obligé de rendre le blasphème constitutionnel! Et pour comble de délire, on profane la sainteté du serment jusqu'au point de lier les citoyens par un acte religieux à une pareille impiété! Si ce n'est pas là une lâcheté, une trahison ou un crime, ces mots-là n'ont plus de sens dans notre langue.

» On voit par-là combien le principe de l'égalité a été violé ou plutôt renversé et détruit dans l'étrange institution de notre pouvoir exécutif; et il nous semble qu'on ne devrait pas avoir besoin d'un grand effort de raison pour reconnaître combien on s'est at taché à prendre le contre-pied des autres principes qui découlent nécessairement de celui-là, tels que l'élection, l'amovibilité, la responsabilité personnelle et l'économie. Néanmoins on dirait que tout le monde s'est donné le mot pour fermer les yeux sur ces contradictions, Relevons-les donc; notre devoir est de faire connaître la vérité.

>Toute délégation héréditaire est une violation des droits et une contradiction en principes. Cette seconde proposition s'enchaîne à la première, comme elle se lie et se confond avec la troisième; car nous avons prouvé que le droit d'égalité a été violé, et nous allons prouver encore que les droits d'élection, d'amovibilité, de responsabilité personnelle et d'économie n'ont pas moins été sacrifiés.

Le droit d'élection est de droit naturel et même de droit divin, puisque Dieu lui-même en fit une loi à son peuple chéri. Le premier homme qui a été constitué en dignité, a été nécessairement élu ; mais être élu n'est pas un droit, et moins encore un droit transmissible, puisque l'élection suppose un choix et une volonté quj le déterminent, et que, dans aucun cas, on n'a pu ôter aux électeurs le droit de choisir et de se déterminer à leur gré. L'élu n'a donc pu transmettre à ses successeurs un droit qu'il ne tenait pas de lui-même, ni les électeurs abdiquer au préjudice de leurs enfans un droit naturel, un droit personnel. Toute l'argumentation de l'auteur étant déduite de ce dernier principe, nous ne conduirons pas plus loin notre citation. (Révolutions de Paris, n° LCVI.)

-La polémique entre journalistes fut très-active pendant le mois qui nous occupe. Brissot écrit une lettre en trois parties à Camille Desmoulins, Celui-ci fait une réponse en proportion.

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Cette guerre était le dernier mot de leurs querelles sur la Fayette, dont Brissot était le partisan, et sur les Lameth et Bar

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nave que Desmoulins défendait contre les attaques du rédacteur du Patriote français. La lettre de Brissot est d'un pédantisme et d'une hauteur; il y règne un ton de protection froide, de sentiment de ses forces, tels, que Camille, entre les mains de son antagoniste, a l'air d'un écolier semoncé par son maître. Ce ne fut -pas la seule aventure de ce dernier. Marat lui écrivit aussi une lettre en plusieurs parties. Nous regrettons de ne pouvoir donner place à cette lettre. On y sent d'un bout à l'autre l'autorité d'une profonde conviction; on y voit Marat exerçant une sévérité toute paternelle sur un franc étourdi, et le faisant rougir à force de probité, de quelques mauvaises plaisantèries qu'il s'était permises. Mentionner ces débats suffit à l'histoire; elle s'arrête là où commencent les détails personnels.

~ Nous signalerons sur ce même Desmoulins, une preuve de la faiblesse qui plus tard lui fera commettre tant de bévues politiques, disons le mot, tant de sottises. Voici comment il s'en explique: On me reproche d'avoir dîné ces jours derniers avec quelques-uns des grands pivots de l'aristocratie royale. Le mal n'est pas de dîner, mais d'opiner avec ces messieurs : j'ai cru que je valais bien un docteur de Sorbonne, à qui il était permis de lire les livres à l'index, que de même je pourrais bien dîner avec des auteurs à l'index. Il serait à souhaiter que les forts de Judas allassent se promener ainsi quelquefois dans le camp ennemi, non pas pour coucher avec les belles filles de Madian; mais pour reconnaître les batteries, observer les manoeuvres qu'on veut bien leur montrer, et comparer le fort et le faible des deux armées. J'avoue que je suis sorti de la tente ennemie, accable de réflexions désolantes, cependant j'ai un peu repris mes esprits, avec nos héros jacobins, et en jetant les yeux sur les derniers événemens. (Révol. de France, etc., n° LXXVIII.)

Notre dernier extrait sur la presse est un compte-rendu de l'ouvrage de Lavoisier, précédemment annoncé par nous. Ce travail était tiré de son livre sur la richesse territoriale du royaume de France, il était imprimé par les ordres de l'assemblée nationale.

[M. Lavoisier, par une méthode très-simple et très-ingénieuse, est arrivé à des résultats que nous ne nous permettrons pas de 'juger, et qui peuvent être très-utiles pour le travail des imposi tions. Cette brochure de peu d'étendue renferme toutes les bases de l'économie politique; elle n'est cependant que le précurseur d'un ouvrage considérable dont M. Lavoisier ne saurait assez hâter la publication. C'est bien utilement servir la patrie que de multiplier les connaissances sur une matière si intimement liée à la prospérité publique. Ce travail n'est pas de nature à être extrait. Nous nous bornerons à citer un calcul très-patriotique et dont l'exactitude arithmétique paraît démontrée.

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Les ci-devant nobles, en y comprenant les anoblis, ne formaient qu'un trois-centième de la population du royaume, et leur nombre, hommes, femmes et enfans compris, n'était que de 83,000, dont 18,325 seulement étaient en état de porter les armes. Les autres classes de la société, celles qu'on avait coutume de confondre sous la dénomination de tiers-état, peuvent fournir un rassemblement de 5,500,000 hommes en état de porter les

armes.]

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(Moniteur.)

Faits révolutionnaires. Nous avons dit que le bataillon des Cordeliers avait changé son nom en celui de l'Observance. Voici ce que nous lisons là-dessus dans l'Orateur du peuple, tome ɔ̃, page 47. La minorité du bataillon des Cordeliers, influencée par les mouchards du général, après avoir prêté le fameux serment, rougissant d'avoir une identité de nom avec le redoutable club des Cordeliers, avait cru devoir prendre le titre de bataillon de l'Observance. Le conseil municipal s'était empressé de donner par un arrêté sa sanction à cette mascarade; mais la majorité patriote s'est ralliée à la voix du brave Danton. Le résultat unanime de la délibération a été que le bataillon reprendrait son glorieux nom de Cordeliers. >

La compagnie des grenadiers de l'Oratoire, qui avait été licenciée, fut immédiatement réorganisée; on en exclut cependant douze membres. « Ce replâtrage, dit Brissot, n'efface point la flétrissure, et les quatorze hommes exclus ont le droit de de

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