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reçues & feftoyées très-noblement ; & on y fit quatre beaux Bains, richement ornés, croyant que la Reine s'y baigneroit; ce qu'elle ne fit pas, fe fentant un peu mal difpofée, & auffi parce que le temps étoit dangereux; & en l'un defdits Bains fe baignèrent Madame de Bourbon & Mademoiselle de Savoye; & dans l'autre Bain, à côté, fe baignèrent Madame de Monglat & Perrette de Chálon, bourgeoife de Paris.... Le mois fuivant, le Roi foupa à l'Hôtel du Sire Denis Heffelin, fon Panetier, où il fit grande chère, & y trouva trois beaux bains, richement tendus, pour y pren dre fon plaifir de fe baigner; ce qu'il ne fit pas, parce qu'il étoit enrhumé, & qu'auffi le temps étoit dangereux.

La cérémonie du Bain étoit une de celles qu'on obfervoit le plus exactement à la réception d'un Chevalier. Quand un Ecuyer (1) viendra à la

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Cour pour recevoir l'Ordre de Chevalerie, il fera » très-noblement reçu par les Officiers de la Cour... » Deux Ecuyers d'honneur, fages & bien inftruits »en courtoifies & nourritures, & au fait de la

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Chevalerie, feront chargés de tout ce qui regardera ledit Ecuyer.... Ils enverront chercher le » barbier, & accommoderont un Bain avec de la

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(1) Gloffaire de Ducange, tome 2, page 357.

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toile en-dedans & en-dehors de la cuve; & la » barbe & les cheveux de l'Ecuyer feront faits & coupés en rond.... Le Roi commandera à fon » Chambellan de mener dans la chambre de l'E»cuyer les plus gentils & les plus fages Chevaliers qui feront préfens, pour qu'ils lui enfeignent » l'ordre & le fait de la Chevalerie; & les Méneftriers marcheront devant lefdits Chevaliers, » chantant, danfant & s'ébattant jufqu'à la porte » de la chambre dudit Ecuyer; & quand les » Ecuyers d'honneur entendront les Méneftriers, » ils dépouilleront l'Ecuyer, & le metront toud nud » dans le bain.... & le premier des Chevaliers s'agenouillera par-devant la cuve, en lui difant » en fecret: Sire, à grand honneur eft pour vous »ce Bain; & puis lui enfeignera le fait de la Che» valerie le mieux qu'il pourra; enfuite il lui mettra » de l'eau du Bain fur l'épaule, & feront de même, » l'un après l'autre, les autres Chevaliers ».

Charles VI, voulant faire Chevaliers Louis & Charles d'Anjou, ces deux Princes, dit la Chronique, parurent d'abord comme de fimples Ecuyers, n'étant vêtus que d'une longue tunique de drap grisbrun fans aucun ornement. On les mena dans la chambre où leurs Bains étoient préparés; ils s'y plongèrent; on leur donna enfuite l'habit de Che

valier, de foie vermeille (1), fourré de menu-vair(2), la robe traînante, avec le manteau fait en manière de chappe. Après le fouper, on les conduifit à l'Eglife pour y paffer la nuit en prières, felon la coutume. Le lendemain matin, le Roi, revêtu du manteau Royal, entra dans l'Églife, précédé de deux Ecuyers qui portoient deux épées nues la garde en-haut, & d'où pendoient deux paires. d'éperons d'or. Après la Meffe, qui fut célébrée par l'Evêque d'Auxerre, les deux jeunes Princes fe mirent à genoux devant le Roi; il leur donna l'accollade & leur ceignit le baudrier de Chevalerie; le Sire de Chauvigni leur chauffa les éperons; & l'Evêque leur donna fa bénédiction.

Pendant le repas, dit une ancienne Ordonnance, Le nouveau Chevalier ne mangera, ni ne boira, ni ne fe remuera, ni ne regardera çà & là, non plus qu'une nouvelle mariée.

Il y avoit en Angleterre un Ordre de Chevaliers du Bain. Le nouveau Chevalier, le jour de fa réception, dînoit avec le Roi. Lorsqu'on fortoit de table, le Chef de cuifine entroit, &, lui montrant fon grand couteau, le menaçoit de lui couper ignominieusement les éperons, s'il n'étoit pas fidèle au ferment qu'il venoit de faire.

(1) Cramoifi. (2) Petit-gris.

le P. Daniel, que l'armure complette de fer qui commença d'être en ufage fous le règne de Philippele-Bel, & (1) qui couvroit l'Homme d'Armes depuis la tête jufqu'aux pieds; mais je crois qu'en fe rendant prefque invulnérable par l'une & l'autre façon de s'armer, on s'expofoit en même temps à une mort cruelle, par la difficulté de fe relever lorfqu'on étoit renversé de cheval: il paroît qu'alors on fe tuoit moins qu'on ne s'affommoit. Nous avions, dit Philippe de Comines, en parlant de la bataille de Fournoue, grande fequelle de (2) valets & de ferviteurs, qui tous étoient à l'environ de ces Hommes d'Armes Italiens, & en tuèrent la plupart; prefque tous ces valets avoient haches à couper bois, dont ils rompoient les vifières des armets, & leur en donnoient de grands coups fur la tête; car ces Hommes d'Armes étoient bien mal alfésà tuer, tant

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(1) En 1638, M. Defnoyers, Secrétaire d'État, écrivit au Maréchal de Châtillon: « Le Roi defire que vous failiez » diftribuer, par Meffieurs les Intendans, à la Cavalerie Françoife, les armes qui font à Montreuil; & que vous obligiez les Cavaliers à les porter, fous peine d'être dégra» dés de nobleffe: c'est à vous, Monfieur, & à M. le Maré» chal de la Foffe, à leur faire connoître combien il importe à l'État & à leur propre confervation, de n'aller pas ≫ tous les jours combattre, en pourpoint, des ennemis armés depuis les pieds jufqu'à la tête »>.

(2) Fantaffins qui accompagnoient l'Homme d'Armes.

que

au combat la tête nue; & la víteffe avec laquelle ils fondent fur leur ennemi, femble égaler celle du javelot qu'ils ont lancé. Ce ne fut fous le règne des fils de Clovis, qu'ils s'accoutumèrent à porter le cafque & la cuiraffe, comme les Romains & les Gaulois qu'ils avoient fubjugués. Les Seigneurs de certains fiefs, fous la feconde race, & tous les Chevaliers, fous la troisième, portoient un plaftron de fer (1); fur ce plaftron, le (2) gobiffon; fur le gobiffon, le (3) haubert; & fur le haubert, la (4) cote-d'armes. Je ne fais pas fi ce harnois étoit plus pefant & plus incommode, comme le prétend

(1) Milice Françoise, tome 1, page 396.

(2) Le gobiffon ou gambeffon, efpèce de pourpoint de taf fetas rembourré de laine, & piqué : il fervoit à rompre l'effort du coup de lance qui, fans percer le haubert, auroit pu faire des contufions.

(2) Le haubert ou la jacques-de-mailles, tunique faite de petits anneaux de fer, à laquelle on accrochoit les chauffes, qui étoient auffi faites de pareils anneaux, & qui couvroient la jambe. Le heaulme garantiffoit la tête, le vifage & le chignon du cou. On appeloit vifière du heaulme une petite grille qu'on pouvoit relever pendant le combat pour prendrel'air. Dans les Tournois, les épées étoient larges de quatre doigts, afin qu'elles ne puffent pas paffer à travers les trous de cette grille.

(1) La cote-d'armes étoit du drap le plus fin, & quelquefois d'étoffe d'or ou d'argent; on y mettoit fes armoiries : elle étoit faite comme la foubrevefte des Moufquetaires.

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