Page images
PDF
EPUB

l'état de siège, Revue du droit public, 1915, p. 153 et 547; Jèze, interprétation du conseil d'État et de la cour de cassation, loi du 9 août 1849 sur l'état de siège, Revue du droit public, 1915, p. 700

et s.

La loi du 19 février 1917, établissant les sanctions aux interdictions prononcées en matière de vente et de circulation de l'alcool dans une zone déterminée et pendant la durée des hostilités, est venue indirectement, mais d'une manière incontestable, consacrer législativement les interdictions prononcées par beaucoup de commandants militaires concernant le transport et la vente de l'alcool dans la zone des armées, interdiction qui s'imposait, mais dont certainement la légalité était plus que douteuse.

§ 8.

Situation des étrangers résidant en France.

Les étrangers, comme les Français, ont droit de la part de l'État au respect et à la protection de leur liberté individuelle. On considère que c'est un droit naturel de l'homme, et que, par conséquent, tous ceux, Français ou étrangers, qui se trouvent sur le territoire français, en sont également investis. Toutes les lois précédemment indiquées, qui garantissent le respect de la liberté individuelle, s'appliquent également aux étrangers et aux Français. D'ailleurs, les étrangers étant soumis aux «<lois de police et de sûreté qui obligent tous ceux qui habitent le territoire » (c. civ., art. 3, § 1), il est juste qu'en retour ils profitent des garanties que les lois assurent à la liberté individuelle.

Cependant certaines obligations spéciales sont imposées aux étrangers. Aux termes du décret du 2 octobre 1888, tout étranger non admis à domicile qui se proposait d'établir sa résidence en France devait, dans le délai de quinze jours à partir de son arrivée, faire à la mairie de la commune où il voulait fixer cette rési

dence une déclaration énonçant ses noms et prénoms, ceux de ses père et mère, sa nationalité et diverses autres indications. Au cas de changement de domicile, une nouvelle déclaration devait être faite devant le maire de la commune où l'étranger fixait sa nouvelle résidence. Les infractions à ces dispositions étaient punies. des peines de simple police. Ce décret a été abrogé par le décret du 2 avril 1917, aux termes duquel tout étranger devant résider en France plus de quinze jours est tenu, dans les quarante-huit heures de son arrivée dans la première localité où il doit résider, de demander au préfet du département une carte d'identité (art. 1or). Les décrets du 8 novembre 1920 et 6 juin 1922 sont relatifs aux travailleurs étrangers. Les obligations de police imposées aux étrangers sont actuellement déterminées par le décret du 25 octobre 1924, qui maintient l'obligation, pour tout étranger devant résider en France plus de quinze jours, de demander, dans les quarantehuit heures, la délivrance d'une carte d'identité, fixe les formalités relatives à la délivrance de cette carte et abroge les dispositions antérieures contraires à celles qu'il édicte (J. off., 1er novembre 1924).

En outre, la loi du 8 août 1893, modifiée par la loi du 16 juillet 1912 (art. 9), impose à tout étranger non admis à domicile, arrivant dans une commune pour y exercer une profession, un commerce ou une industrie, l'obligation de faire à la mairie une déclaration de résidence en justifiant de son identité dans les huit jours de son arrivée. Il est tenu à la mairie un registre d'immatriculation dont un extrait est délivré au déclarant. Tout étranger qui n'a pas fait cette déclaration est passible d'une amende de 50 à 200 francs. Toute personne qui emploie sciemment un étranger non muni d'un certificat d'immatriculation est passible des peines de simple police. Les dispositions de la loi du 8 août

1833, toujours en vigueur, se cumulent avec celles des divers décrets précités.

Il est bien entendu que cette réglementation ne s'impose qu'aux étrangers qui se fixent en France avec l'intention d'y faire un séjour prolongé. Il a été dit expressément, dans le rapport au président de la République précédant le décret de 1888, qu'il ne concernait aucunement les étrangers qui sont momentanément en France pour leur plaisir ou pour leurs affaires.

Une réglementation analogue à celle résultant des décrets précités et de la loi de 1893 existe pour les étrangers à peu près dans tous les pays. Dans certains, elle est même sensiblement plus sévère et plus compliquée. En outre, c'est une règle admise dans tous les pays que le gouvernement peut toujours, par mesure de police et en dehors de toute condamnation judiciaire, expulser du territoire les étrangers qui y résident ou du moins ceux que, d'après une expression devenue générale, on qualifie d'indésirables.

En France, ce droit du gouvernement est consacré par les articles 7 et 8 de la loi du 3 décembre 1849. Le ministre de l'intérieur peut, par mesure de police, et par un simple arrêté qui n'a pas besoin d'être motivé, enjoindre à tout étranger voyageant ou résidant en France de sortir immédiatement du territoire, et peut même le faire reconduire à la frontière par les agents de l'autorité. Ce droit appartient au ministre, même pour les étrangers qui ont obtenu du gouvernement l'autorisation de fixer leur domicile en France; mais l'arrêté d'expulsion cesse d'avoir effet dans un délai de deux mois, si l'autorisation de fixer le domicile en France n'est pas révoquée. Dans les départements frontières, le préfet peut ordonner l'expulsion des étrangers, mais seulement des étrangers non résidants, et il doit en référer immédiatement au ministre de l'intérieur.

D'autre part, le code pénal contient un article 272 ainsi conçu « Les individus déclarés vagabonds par jugement pourront, s'ils sont étrangers, être conduits par les ordres du gouvernement hors du territoire. »

L'article 8 de la loi du 3 décembre 1849 édicte une sanction pénale de ses diverses dispositions. Il y est dit «< Tout étranger qui se sera soustrait à l'exécution des mesures énoncées à l'article 7 (de ladite loi de 1849) ou dans l'article 272 du code pénal, ou qui, après être sorti de France par suite de ces mesures, y serait rentré sans la permission du gouvernement, sera traduit devant les tribunaux et condamné à un emprisonnement d'un mois à six mois. Après l'expiration de sa peine, il sera conduit à la frontière. » La même disposition se retrouve à l'article 3, § 4, de la loi du 8 août 1893, rédaction de la loi du 16 juillet 1912, loi portant le titre de loi sur les professions ambulantes et la réglementation de la circulation des nomades.

On a parfois prétendu que la décision par laquelle le ministre de l'intérieur ordonne l'expulsion d'un étranger est un acte de gouvernement et que, par suite, nul n'est recevable à former contre elle le recours pour excès de pouvoir. Laferrière a très justement combattu cette idée. Il enseigne avec raison que tout intéressé, et spécialement l'étranger expulsé, est recevable à former le recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté d'expulsion en se fondant sur la violation directe de la loi, par exemple en soutenant que l'arrêté a été pris par un ministre autre que le ministre de l'intérieur, ou par un préfet d'un département qui n'est pas département frontière, ou encore en prétendant que c'est par erreur qu'on l'a cru étranger et qu'en réalité il est Français; toutefois, dans ce dernier cas, le conseil d'État ne serait pas compétent, à mon avis, pour se prononcer sur la question de nationalité; il devrait surseoir à statuer sur

la validité de l'arrêté d'expulsion jusqu'à ce que le tribunal judiciaire ait prononcé sur la question de nationalité.

Cependant le conseil d'État, si l'on en juge par son arrêt Graty (4 janvier 1918), semble bien encore considérer, malgré sa jurisprudence antérieure qui paraissait rejeter définitivement la théorie des actes de gouvernement, qu'est insusceptible de tout recours la décision prise par un ministre concernant un étranger. Il s'agissait de la décision du ministre de l'intérieur qui avait prescrit et maintenu pendant la durée des hostilités l'internement d'un sujet belge, par conséquent national d'un pays allié, dans un dépôt spécial. Le requérant soutenait que le ministre de l'intérieur peut ordonner l'internement dans un dépôt spécial des individus ressortissant d'une puissance ennemie, mais qu'en ce qui concerne les sujets d'une puissance alliée ou d'une puissance neutre, il peut seulement ordonner leur expulsion du territoire français en vertu de l'article 7 de la loi du 3 décembre 1849. Cette argumentation était inattaquable et le conseil d'État ne pouvait pas ne pas l'admettre. En d'autres temps, il aurait probablement déclaré le recours recevable et fondé. Déterminé par les circonstances graves que traversait le pays, il a préféré ressusciter la vieille et caduque théorie des actes de gouvernement et il a déclaré le pourvoi non recevable. « Considérant que la décision du ministre relève de l'exercice du pouvoir qui appartient au gouvernement, chargé de veiller à la sécurité du territoire de la France et d'assurer la défense nationale, de prendre en temps de guerre, à l'égard des étrangers, les mesures de police qu'il juge nécessaire à cette fin; qu'elle n'est pas de la nature des actes qui peuvent être déférés au conseil d'État pour excès de pouvoir. »

Cons. d'État, 4 janvier 1918, Recueil, p. 1; Revue du droit public,

« PreviousContinue »