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des victimes calvinistes ou catholiques, et désirant sincèrement la paix du royaume. A chaque renouvellement d'hostilités, leur pitié s'enhardissait. L'Hôpital, cet intègre chancelier, devint leur organe; il voulut se poser en conciliateur, et fut repoussé avec indifférence. La Saint-Barthélemi lui donna le coup de la mort. Cependant tout ce qui n'était ni catholique fanatique, ni protestant furieux, se rattacha aux politiques, et les arrêts du parlement, pour légitimer les massacres, ne firent pas taire leurs récriminations. Bientôt même ils acquirent une importance sérieuse par les grands noms derrière lesquels ils se retranchèrent pour agir, ceux des Montmorenci, du duc d'Alençon et du jeune roi de Navarre. Le duc d'Alençon croyait faire preuve d'habileté en se créant un parti à lui, pour le jour de la vacance du trône. Henri était en Pologne, et avant que la nouvelle de la mort du roi lui fût parvenue, il pourrait, espérait-il, facilement le supplanter. Ils se jetèrent donc, lui et tous ses partisans, dans une série de complots échouant les uns après les autres, et qui finirent par devenir funestes, non aux principaux chefs, mais à leurs subalternes immédiats.

La cour était à Saint-Germain, assistant aux dernières souffrances d'un roi décrépit avant vingt-cinq ans. Médicis dominait la France sans partage; l'anarchie sommeillait son réveil sera terrible. Les politiques se concertaient secrètement pour favoriser l'évasion de d'Alençon et de Henri de Navarre; le moment était fixé, quand soudain la peur s'empare du fils de Catherine, qui va incontinent raconter tout à sa mère. Le coup manqué, les acteurs s'éclipsèrent rapidement, pas assez rapidement toutefois pour que tous échappassent à la vengeance de la reinemère. Les serviteurs payèrent pour leurs maîtres. La Mole et Coconnas périrent du dernier supplice (1574). Peut-être Catherine eût-elle bien désiré la mort du roi de Navarre;

mais elle recula devant un coup aussi hardi. Le prince de Navarre comparut par devant les chambres réunies du parlement, et montra tant de fierté, qu'il se fit absoudre.

Toutes les procédures cessèrent dans l'attente du dernier souffle prêt à s'échapper des lèvres du malheureux roi de France. Du moins, s'ils avaient attendu ma mort, disait-il tristement au milieu de ses tortures, en apprenant les tentatives des politiques et les diversions des calvinistes dans le Poitou, la Saintonge et le Languedoc. Perdant son sang par tous les pores, le cœur abreuvé d'amertume, la malédiction dans la bouche mêlée à la prière, Charles IX expira le 30 mai 1574, après avoir donné la régence à Catherine de Médicis.

Franc et gai de caractère, son éducation première et les trahisons le rendirent violent et soupçonneux. On sait son amour de la poésie et des poëtes. Amyot, Dorat, Baïf et Ronsard se partagèrent ses bonnes grâces, et lui-même nous a laissé des vers qu'on cite comme un phénomène littéraire à une époque où la langue était encore loin d'être fixée.

CHAPITRE III.

HENRI III.

Après tant de rudes convulsions, la France pouvait bien espérer qu'un changement de règne apporterait quelque repos, sinon une paix durable à ses peuples. Encore toute haletante de la dernière lutte, elle n'eut pas un instant de répit, et les quinze années qui suivirent lui coûtèrent aussi cher que les quinze années passées.

Les partis se multiplient; des fédérations partagent le royaume; des chefs influents tendent à mener à bonne fin les projets les plus ambitieux. Henri III est à peine roi, sous les mignons successifs qui se supplantent tour à tour dans la faveur du Valois; la ligue catholique s'intronise et contre le pouvoir et contre ses ennemis: un homme met enfin un terme à cette dissolution croissant d'heure en heure; le Béarnais dote, après tant de fatigues sanglantes, le royaume d'une paix glorieuse.

Tandis que Charles IX expirait au milieu des tourments d'une agonie de plusieurs mois, son frère Henri, roi de

Pologne, faute de mieux, restait étranger dans son royaume, et par ses plaisirs et par son incurie; déguisant mal ses dégoûts, il semblait ne patienter que dans l'espérance de revoir bientôt Saint-Germain et le Louvre. Catherine de Médicis tenait son fils chéri au courant des douleurs de son autre fils, et, à la mort de ce dernier, quatorze jours suffirent pour informer Henri de l'événement. Soudain l'on abdique en comité secret le trône de Pologne, et l'on se concerte sur les moyens de pouvoir échapper sans esclandre à la fidélité polonaise. Une nuit, courtisans et roi, à la manière d'écoliers mécontents, fuient à toutes jambes jusqu'aux frontières de l'empire, et de là, se croyant en sûreté, ils commencent une marche triomphale par Vienne, les états d'Allemagne, l'Italie, Turin, et arrivent en France pour aider à ses révolutions, et remplir leurs rôles dans ses discordes civiles (1575).

Pendant l'interrègne qui s'écoule de la mort de Charles IX à l'arrivée de Henri III en France, Médicis, qui gouverne par intervalles, et voudrait gouverner toujours, prend les rênes de l'état cette fois à elle seule. Les politiques ou tiers-parti augmentaient chaque jour leurs ressources, et aidés des calvinistes, ils avaient mis toutes les provinces méridionales en combustion. Catherine s'efforça de faire face à tout événement ici elle envoyait ses généraux faire la guerre, là elle usait de condescendance pour arrêter l'insurrection. En même temps elle faisait condamner à mort Montgommery, qui avait demandé à la réforme protection contre le ressentiment de la reine. Ce n'était point pour avoir eu la main malheureuse dans un tournoi, mais bien dans Domfront, quinze ans plus tard.

Les mécontents avaient ouvert entre cux des conférences, qui se tenaient à Millau, en Rouergue, et dont Condé était l'âme. Il ne s'agissait de rien moins que de la déchéance d'Henri III en faveur du duc d'Alençon. On avait

mis en vote une sorte de budget devant servir à payer des mercenaires allemands, et à couvrir les frais d'expéditions; les calvinistes s'adjugeaient la liberté de leur culte, et les catholiques la délivrance de Montmorenci, Cossé et autres proscrits de leur parti. Chaque jour voyait arriver de nouveaux adhérents aux conférences de Millau, tandis qu Henri III, allant de fête en fête, s'approchait à petites journées.

Catherine se rendit à sa rencontre jusqu'à Lyon. Son premier acte royal décela son ignorance ou son oubli du passé ou du présent. Croyant qu'à sa seule parole toute discorde allait cesser, il envoya de tous côtés l'ordre de mettre bas les armes. Le seigneur de Montbrun, auquel il faisait enjoindre de rendre des prisonniers, lui fit répondre, au dire de Sully: « Puisque le roy escrit comme roy, je << veux bien qu'il sache que cela seroit bon en temps de paix; « mais, en temps de guerre, qu'on a flamberge au vent et «< cul en selle, tout le monde est compagnon1. »

Henri voulut aller lui-même faire le siége de la petite ville de Livron. La bicoque résista fièrement aux faibles attaques de l'armée royale, qui se retira lâchement après cette première équipée de son chef. Henri avait hâte d'aller figurer avec sa cour à la procession solennelle des pénitents d'Avignon. Il y parut avec ses courtisans revêtus de sacs bleus, verts, gris, blancs, au goût de ces effrontés religieux de cour. Dans toutes ces sortes de fêtes, processions, orgies, spectacles, le roi emmenait son frère d'Alençon et le jeune Henri de Navarre, tous deux retenus prisonniers à sa suite. Le roi de Navarre montrait peu de goût et d'enjouement au milieu de tous les dévergondages qu'inventaient le Valois et ses favoris: Notre cher cousin n'est guère propre à cela, disait lui-même Henri III.

1 Sully, tome 1, 6.

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