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fallait vaincre ; Napoléon, après avoir confié la régence à Marie-Louise et le commandement de la capitale au roi Joseph, courut se mettre à la tête de son armée : « Je pars, « dit-il aux officiers de la garde nationale; je vais com« battre l'ennemi, et je vous laisse ce que j'ai de plus cher, « l'impératrice et mon fils.» « Il marcha en Champagne contre les deux grandes armées ennemies; le général Maison était chargé d'arrêter Bernadotte en Belgique; Augereau, les Autrichiens à Lyon; Soult, les Anglais sur la frontière d'Espagne. Le prince Eugène devait défendre l'Italie, et l'Empire, quoique envahi au centre, étendait encore ses vastes bras jusqu'au fond de l'Allemagne par ses garnisons d'outre Rhin. Napoléon ne désespéra point de rejeter, au moyen d'une puissante réaction militaire, cette foule d'ennemis hors de la France, et de reporter ses drapeaux sur le territoire étranger. Il se plaça habilement entre Blücher, qui descendait la Marne, et Schwartzemberg, qui descendait la Seine; il courut de l'une de ces armées à l'autre, et les battit tour à tour. Blücher fut écrasé à Champ-Aubert, à Montmirail, à Château-Thierry, à Vauchamps; et lorsque son armée eut été détruite, Napoléon revint sur la Seine, culbuta les Autrichiens à Montereau et les chassa devant lui. Ses combinaisons furent si fortes, son activité si grande et ses coups si sûrs, qu'il parut sur le point d'atteindre la désorganisation entière de ces deux formidables armées et d'anéantir avec elles la coalition. >> (Mignet, Révol. française.)

Le duc de Vicence avait reçu carte blanche pour traiter; après la victoire de Montmirail, l'Empereur se hâta de lui retirer ses pouvoirs discrétionnaires, et manœuvra pour détruire Blücher, qui s'était recomposé une armée avec les réserves de la Belgique; après la sanglante bataille de Laon, qui resta indécise, il se rejeta sur le prince de Schwartzemberg et lui coupa hardiment la retraite. Le gé

néralissime autrichien ne s'émut pas; il se lança sur la route de Paris par les plaines de l'Aube, où il fit sa jonction avec les Prussiens, et le 30 mars deux cent mille hommes arrivérent sous les murs de la capitale. L'impératrice et son fils en étaient partis; la défense manquait d'initiative et de concert; on se battit cependant sur les hauteurs environnantes pendant toute la journée; mais il fallut se résoudre à une capitulation, et Napoléon, qui accourait avec cin quante mille hommes, apprit à Fontainebleau cette triste nouvelle. Le 31 mars, les coalisés entrèrent dans Paris, en présence d'une population nombreuse et au milieu d'un silence profond; quelques cris de: Vivent les Bourbons, s'élevèrent; des cocardes blanches et des fleurs de lis furent promenées dans les rues; mais ce nom et ces emblèmes ne réveillaient aucun souvenir, et la masse laissa faire les meneurs avec une parfaite indifférence. Bientôt le sénat s'assembla; ce corps, si longtemps humble et soumis devant le maître, s'empressa de le répudier, et de le déclarer déchu du trône. Un conseil fut tenu entre l'empereur Alexandre, le roi Frédéric-Guillaume, le prince de Schwartzemberg, M. de Talleyrand, le duc de Dalberg, l'archevêque de Malines, le baron Louis, et l'on y prononça définitivement sur le sort de l'Empereur; les alliés exigeaient une abdication absolue. Napoléon s'était déjà démis en faveur de son fils; la défection du duc de Raguse lui fit perdre tout espoir, et le 13 avril, il renonça pour lui et les siens à l'Empire. Les souverains avaient annoncé qu'ils reconnaîtraient et garantiraient la constitution que le peuple français se donnerait. Le gouvernement provisoire composé de MM. de Talleyrand, de Beurnonville, de Jaucourt, de Dalberg et l'abbé de Montesquiou, appela au trône Louis-Stanislas-Xavier de France, et les Bourbons, auxquels personne n'avait pensé, malgré l'entrée du duc d'Angoulême à Bordeaux (12 mars), se retrouvèrent rois.

Le comte d'Artois, créé lieutenant général du royaume, fut bien accueilli des Parisiens, grâce à un mot heureux : « Il

n'y a rien de changé en France; il n'y a qu'un Français « de plus. » La France était à la merci de ses ennemis, qui occupaient avec la capitale tous les départements de l'Est; le maréchal Soult, dont la popularité date de cette époque, n'avait pu repousser le duc de Wellington à la bataille de Toulouse (10 avril) et l'armée anglo-espagnole s'étendait dans le midi; le comte d'Artois dut signer une convention désastreuse, dont l'humiliation lui a été imputée à tort (23 avril). Le 20, Napoléon, qui avait essayé vainement, dit-on, de finir par le poison, comme les héros de Plutarque, avait fait à ses soldats de touchants adieux dans la cour de Fontainebleau, et toutes ces vieilles figures de bronze avaient manifesté leur profonde émotion par des larmes silencieuses. Le monarque déchu partit pour l'île d'Elbe, qu'on lui avait donnée en toute propriété et souveraineté, avec deux millions de revenu, et quatre cents hommes de sa garde. L'impératrice Marie-Louise obtint les duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalla, avec la faculté de les transmettre à son fils après sa mort. On stipula pour les membres de la famille impériale une rente de deux millions cinq cent mille francs, et pour le prince Eugène un établissement convenable, hors de la France. Ainsi finit l'Empire et commença la Restauration.

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Le nouveau roi était attendu avec impatience, car à lui seul désormais appartenait l'avenir. Traité en souverain à Londres, il débarqua à Calais avec quelques serviteurs dévoués (22 avril), et fit son entrée à Paris (3 mai) accompagné de la duchesse d'Angoulême, fille de l'infortuné Louis XVI, et n'ayant pour tout cortége militaire que quelques bataillons de la garde impériale, qui refusèrent obstinément de crier : Vive le roi. Son attitude fut hautaine et sévère, en dépit des ferventes acclamations des royalistes, et les hommes clairvoyants comprirent qu'on aurait à subir une violente réaction. La déclaration de Saint-Ouen, due à la salutaire influence de l'empereur Alexandre et de M. de Talleyrand, avait cependant été publiée (2 mai) en réponse au projet de constitution présenté par le sénat, et la teneur en était assez libérale; elle avait garanti à la nation le gouvernement représentatif appuyé sur deux

chambres, le libre consentement de l'impôt, la liberté de la presse, la liberté individuelle, la liberté des cultes, l'inviolabilité de la propriété et le maintien des ventes de biens nationaux, la responsabilité des ministres, l'inamovibilité des juges et l'indépendance du pouvoir judiciaire, l'égale admissibilité de tous les citoyens aux emplois civils et militaires, la conservation de la Légion d'honneur, le respect des engagements pris par l'État avec ses créanciers, et le complet oubli du passé. Mais au ministère vinrent figurer avec le prince de Bénévent des noms impopulaires ou inconnus à la France de la Révolution et de l'Empire, tels que ceux du général Dupont, flétri par la capitulation de Baylen, de M. Dambray et de M. de Blacas, favori du monarque. Le frère de Louis XVI data son règne de la mort de cet enfant, qui avait succombé au Temple en 1795, sous les mauvais traitements du cordonnier Simon, et la Charte constitutionnelle de 1814 fut octroyée comme un don de la munificence royale (4 juin), au lieu d'être investie de toute la valeur d'un contrat librement accepté par les deux parties intéressées. C'était une faute grave, en ce qu'on supprimait ainsi d'un trait de plume toute une époque féconde en souvenirs de gloire et en améliorations sociales et politiques; la dynastie bourbonienne semblait prendre à tàche de remonter aux principes surannés de l'ancien régime, de se tenir à l'écart des générations nouvelles qui ne la connaissaient pas, et de mettre en relief l'origine étrangère de sa restauration. Aussi, dès les premiers jours, l'opinion se déclara contre elle, et l'on se prit à regretter ce trône impérial qu'on avait si mal défendu. L'heure de régler avec la coalition était d'ailleurs venue, et les comptes avaient été rigoureux. La France restituait toutes ses conquêtes, moins le comtat Venaissin, la principauté d'Avignon, le comté de Montbelliard, une partie de la Savoie, les enclaves allemandes de la rive gauche du Rhin, et quelques cantons

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