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guerres. Louis de Condé eut la tête cassée d'un coup de pistolet; il n'avait que trente-neuf ans. « Il avait pourtant été recommandé à plusieurs des favoris de monseigneur, »> ajoute froidement Brantôme1.

Malgré ce désastre, les affaires des calvinistes demeurèrent sur le même pied qu'auparavant; le jeune Condé promit de remplacer dignement son père. Accompagné de Henri de Béarn et de Jeanne d'Albret, il se montra à l'armée, et, d'une voix unanime, on donna le commandement à Henri de Navarre, sous le nom duquel Coligny conduisit les affaires, comme Tavannes sous celui du duc d'Anjou. Dans l'armée de ce dernier prince combattait aussi le jeune Henri de Guise, qui, plus tard, devait être pour lui un antagoniste si redoutable.

L'indolence ou l'incertitude arrêta un instant la marche que devait suivre l'armée victorieuse, et avant qu'elle n'arrivȧt à Cognac, place importante des rebelles, la garnison avait eu le temps de se fortifier. Aussi, quand on vint attaquer les calvinistes, dit Lanoue, ils firent bien voir que tels chats ne se prennent pas sans mitaines. Les troupes royales abandonnèrent le siége.

1 Voici un quatrain, que l'on fit sur la mort du prince de Condé, et qui courut toute la France:

L'an mil cinq cent cinquante-neuf

Entre Jarnac et Châteauneuf,
Fut porté mort sur une ânesse

Le grand ennemi de la messe.

Les poëtes huguenots s'exercèrent à leur manière; on chantait au son des trompettes, dans le camp de Coligny :

Le prince de Condé

Il a été tué;

Mais monsieur l'amiral

Est encore à cheval,

Avec La Rochefoucault,

Pour écraser tous les papaux.

Cependant de nouveaux bataillons allemands accouraient se joindre aux calvinistes des bords de la Vienne. Les catholiques n'avaient pu s'opposer à leur passage, et la journée de la Roche-l'Abeille mit encore le devil dans plus d'une noble famille; les calvinistes eurent tout l'avantage dans cette escarmouche sérieuse (1569). Une partie de l'armée royale qui avait été licenciée revint sous les drapeaux, et l'on marcha au secours de Poitiers, assiégé par Coligny. Depuis quelque temps déjà la démoralisation gagnait les soldats français et allemands, tous fatigués d'une année de travaux inutiles; pour comble de malheur, une maladie épidémique vint mettre hors de combat plusieurs milliers d'hommes. Enfin le duc d'Anjou s'avance à la tête de son armée et délivre Poitiers; puis les deux ennemis vont se mesurer encore une fois en un lieu appelé Moncontour (octobre 1569). Les massacres de cette bataille surpassèrent tous les précédents; il y eut des corps entiers de soldats passés par les armes, et Coligny lui-même, la màchoire fracassée, put à grand' peine se soustraire, avec les débris de ses bataillons, à une mort certaine.

Comme à Jarnac, comme pendant toute cette guerre, le duc d'Anjou fit preuve de vaillance à Moncontour, et de telle sorte, que le roi son frère en devint jaloux. Cette jalousie avait déjà jeté quelques germes dans son cœur, ses courtisans prirent à tâche de l'entretenir. Charles IX quitta donc Paris, malgré les efforts de Catherine, qui déguisait mal sa préférence pour son second fils, et n'avait pas été sans discerner les sentiments du roi à son égard. Le roi voulut à son tour commander l'armée, et Tavannes, contrarié dans ses dispositions stratégiques, se retira dans son gouvernement. Charles, resté à la tête de l'armée, commence par assiéger les places des religionnaires; mais l'hiver fit bientôt sentir ses rigueurs, et, au lieu d'avoir enlevé la Rochelle, ce boulevard des calvinistes, l'armée royale se

retira tranquillement dans ses foyers, après s'être mise en possession de quelques villes sans importance.

Les plus clairvoyants firent remarquer l'inhabileté des chefs; mais la faute était commise: elle fut d'un heureux résultat pour les vaincus. Coligny agit sans relâche auprès des puissances protestantes, et tandis qu'on s'occupait de lui rassembler de nouveaux mercenaires, son armée, si affaiblie par les derniers désastres, se rétablissait et réparait ses pertes par les nombreuses recrues du Languedoc et l'armée de Béarn. Il put dès lors se mettre en marche pour opérer sa jonction avec les reîtres, et, selon son plan, marcher ensuite sur Paris.

L'avantage de la journée d'Arnay-le-Duc acheva de rendre leur ancienne audace à ces religionnaires si rudement châtiés à Jarnac et à Moncontour (1570). Renforcés encore par les levées allemandes, ils s'avancèrent hardiment sur l'Ile-de-France, pillant et ravageant tout sur leur passage. On ne sait jusqu'où serait allée cette lutte infatigable, soutenue avec tant d'opiniâtreté de part et d'autre, si une paix plus funeste que la guerre elle-même n'était venue y mettre un terme. C'était la troisième que l'on faisait avec les huguenots depuis le commencement de la guerre. Mais elle ne devait pas être plus sérieuse que celles de 1563 et de 1568; le peuple le comprit, et faisant allusion à l'infirmité de Biron et au nom du sieur de Mesmes, seigneur de Malassise, qui l'avaient conclue, il la nomma la paix boiteuse et mal assise.

Du reste la preuve que cette paix ne devait pas être gardée religieusement, c'est qu'on se soucia peu d'accorder les plus larges conditions aux vaincus, jusqu'à former un conseil mi-parti de protestants. Quoi qu'il en soit, les biens confisqués furent rendus, et la liberté de conscience et de culte publiquement proclamée (1570).

Les calvinistes ne pouvaient croire à tant de bénignité

de la part de Catherine et de ses conseillers; cependant ils acceptèrent. Toute animosité cesse, tout esprit d'intrigue est déposé, du moins de la part des vaincus; la concorde sembla donc avoir repris son empire.

des

L'année 1571 se termina par des réconciliations, projets de mariage, et surtout de guerre, dans les Pays-Bas contre Philippe II; réconciliation de Charles IX avec les principaux chefs réformés, Coligny d'abord, son brave amiral; réconciliation de la famille de Navarre avec celle de Catherine; on alla plus loin, pour consacrer ce rapprochement, on proposa d'unir le jeune Henri de Béarn à Marguerite de Valois, qui employa plus tard toutes les ressources d'un esprit supérieur à ourdir de folles intrigues d'amour. Coligny, depuis longtemps, avait reconnu l'intervention secrète de l'Espagne dans nos dissensions civiles, et son adresse à les prolonger; aussi s'était-il bien promis d'en tirer plus tard une éclatante vengeance. L'occasion s'en présentait dans la révolte des Pays-Bas qu'il voulait à tout prix favoriser. Tous ses efforts, toutes ses demandes tendront désormais à obtenir du roi une armée, ou tout au moins l'autorisation de faire un appel aux siens contre Philippe.

Philippe II n'ignorait pas ces projets; ses agents l'en instruisaient de point en point, et il faisait travailler l'esprit du roi et son conseil en conséquence. Coligny ne put jamais obtenir de passer la frontière.

Le commencement de l'année 1572 ne fut signalé par aucun événement extraordinaire. Les négociations se continuèrent au sujet du mariage du roi de Navarre avec Marguerite de Valois. D'autres prétentions s'étaient élevées en même temps; le jeune Guise était en concurrence avec le Béarnais, et les intrigues étaient traversées par des intrigues. Charles IX, furieux, n'en pressait que plus vivement les arrangements avec le roi de Navarre. La mère

du jeune prince était loin d'être disposée à cette union, quand la mort l'emporta inopinément. Le bruit courut qu'elle avait été empoisonnée. Bien d'autres personnages ne voyaient qu'avec peine ce que le roi désirait tant: Si ces noces se font à Paris, disait le père de Sully, les livrées en seront vermeilles.

Les seigneurs calvinistes, Coligny, Damville, recevaient de secrets avis de quitter la cour ou de ne s'y point rendre ; mais rien ne put les décider. On était alors au 18 août. Les noces de Henri de Navarre se firent au milieu des plus pompeuses fêtes; catholiques et calvinistes étaient mêlés : Coligny près du duc de Guise, à Notre-Dame; La Rochefoucault, Damville, Rohan, près des courtisans les plus intimes de Charles IX. Les mémoires de Tavannes font mention d'une particularité qui peut-être avança l'exécution de la Saint-Barthélemi. L'amiral, revenu imprudemment de sa campagne, pour les noces du Béarnais, ne quittait pas le roi; tout à son projet de guerre en Flandre, il ne cessait d'en entretenir Charles, et de piquer sa jalousie et son amour-propre par des insinuations que son imprévoyance ne lui faisait pas dire assez bas. Catherine savait toutes ses paroles, toutes ses déclamations contre la sujétion où elle tenait son fils, tous ses encouragements pour qu'il s'en arrachât lui-même, et se mit à la tête des soldats de son royaume. L'ambitieuse régente tremblait pour son crédit et sa puissance; elle résolut, sinon la perte des calvinistes, au moins celle de leur chef.

Aussitôt elle aborde son fils, mettant tout son espoir dans cette démarche. Dès les premières paroles, des larmes sortent de ses yeux, elle demande à se retirer avec son plus jeune fils à Florence. Charles interroge, presse : Catherine fait alors un tableau affreux de la position de la famille royale, des catholiques, du royaume. Catherine enfin est redevenue maitresse des destinées de la France.

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