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lever en masse au premier signal. Catherine tenta vainement de dissoudre ces confréries; elles subsistèrent toujours, et chez les protestants et chez les catholiques. En même temps les hauts seigneurs, toujours avides de biens et de richesses, faisaient payer leur dévouement le plus cher possible, et le trésor s'épuisait à les satisfaire.

provinces entières. Pendant le voyage du roi, on en découvrit une, dont Louis de Bourbon, duc de Montpensier, les Guises et les plus grands du royaume étaient chefs. La reine, à la vue de cette nouveauté, assemble un conseil extraordinaire. La plupart des confédérés y furent mandés ; et tous néanmoins, jurèrent et signèrent qu'ils n'avaient point trempé dans ces complots, qu'ils les abhorraient, et que jamais ils ne prendraient les armes que par le commandement de sa majesté.

« Ces protestations ne rompirent point des liaisons qu'on croyait fondées sur de si bons motifs: elles prévalurent même bientôt sur toutes les autres. Les frères se séparérent des frères, les pères des enfants, et on vit les familles déchirées par le même schisme qui divisait l'Etat.

« A l'égard des calvinistes, comme s'ils eussent été en pays ennemi, ils avaient des signaux d'intelligence, des mots de ralliement, des rôles de recrues et de recette, des routes tracées, des entrepôts marqués, des magasins d'armes, et tout ce qui est nécessaire pour faire éclater au premier ordre un soulèvement général. C'est avec ces précautions que les chefs attendaient l'effet des projets qu'ils croyaient concertés contre eux.

<<< Ils entretenaient, outre cela, dans les états protestants et catholiques, des envoyés publics ou secrets, chargés d'éclairer les ministres du roi, de traverser leurs négociations, s'il était nécessaire, ou d'en entamer à leur avantage. Enfin, de temps en temps ils faisaient à la cour, tantôt des propositions raisonnables, tantôt des demandes outrées, afin de juger, par la réponse, des dispositions cachées; ensuite, sous prétexte de divertissements ou de simples visites, ils se rassemblaient dans des châteaux, et y prenaient en commun des résolutions, toujours couvertes du voile du mystère.

(ANQUETIL, Esprit de la Ligue, t. I.)

De leur côté, les calvinistes cherchaient à s'emparer de l'esprit du roi par l'entremise de Coligny, qui s'acquittait de cette tâche avec ardeur. Charles, un jour, impatienté des réclamations perpétuelles de l'amiral: « Il n'y a pas longtemps, dit-il avec aigreur, que vous vous contentiez d'être soufferts par les catholiques, maintenant vous demandez à étre égaux, bientôt vous voudrez étre seuls et nous chasser du royaume.» Coligny aurait dû comprendre toute la portée de ce reproche.

C'est ainsi que souvent le jeune prince manifestait ses dispositions peu bienveillantes à l'égard des réformés; et pourtant ceux-ci portaient encore plus de haine à Catherine qu'à son fils, bien qu'elle sût toujours voiler habilement ses projets comme ses sympathies. Au commencement de l'année, il parut un ouvrage, dont la maxime était ainsi conçue : Il est loisible de tuer un roi et une reine qui résistent à la réformation de l'Evangile '. Catherine, sortant de sa chambre, trouva à ses pieds une lettre qui la menaçait du sort de Minard et du duc de Guise. Elle se tut, et profita d'une occasion favorable pour lever des soldats.

Les Pays-Bas venaient d'entrer en pleine révolte contre l'inquisition de Philippe II et de se déclarer indépendants; l'Espagnol donna une armée au farouche duc d'Albe pour les faire rentrer dans le devoir; cet armement permit à la reine-mère de jouer l'inquiétude, et de lever de nouveaux bataillons. Elle eut recours aux Suisses, tandis que Condé et les siens offraient leurs services en cas d'attaque. Mais Catherine était bien assurée que le passage des Espagnols sur ses frontières devait être tout inoffensif; ce qui lui importait, c'était son propre salut, la stabilité de sa prépondérance; et rien autre chose qu'une bonne armée n'était

Dupleix, t. III.

capable de la soutenir et de la sauver. Spiffer et ses montagnards suisses, au nombre de six mille, s'avancèrent au centre du royaume, tandis que les réformés, discernant bien le but caché de cette levée étrangère, murmuraient et se rassemblaient pour délibérer secrètement sur l'état des choses.

Ce fut alors qu'ils tentèrent un coup de main, déjà essayé dans plus d'un règne, et sous le même prétexte de s'emparer de la personne du prince. La cour était à Monceaux en Brie, dans la plus grande sécurité, quand arriva soudain la nouvelle d'un soulèvement des calvinistes. Les Suisses étaient loin; peu de soldats se trouvaient autour de Charles; le danger était imminent : une fois le prince aux mains des rebelles, qu'allait devenir l'État?

Le 26 septembre, au soir, tout était calme; le 27, la France était en feu : la seconde guerre civile allait commencer (1567). La cour se réfugie à grand' peine dans la ville de Meaux. Condé, Coligny, d'Andelot, arrivaient à marches forcées, aussi bien que les Suisses. Ceux-ci, malgré les attaques furieuses des révoltés, firent bonne contenance, et, formés en bataillon carré, reconduisirent vaillamment le roi jusqu'à Paris. «Sans mes bons compères les Suisses, disait depuis le roi, ma vie ou ma liberté étoient en trèsgrand branle. »

Cependant les calvinistes n'abandonnèrent pas la partie, et mirent hardiment le siége devant la capitale. La reinemère voulut, comme d'ordinaire, avoir recours à la négociation; mais les esprits étaient trop irrités; on résolut d'en venir à une action. Le connétable de Montmorenci fut obligé, malgré tous ses efforts pour arrêter l'effusion du sang, de se mettre à la tête des catholiques, et la bataille se livra dans la plaine de Saint-Denis (10 novembre 1567). Grandes furent les pertes que la France eut à déplorer dans cette journée; aucun des deux partis ne fut vainqueur,

à moins qu'on ne veuille donner la victoire aux catholiques, parce qu'en dernier résultat, ils demeurèrent maîtres du champ de bataille. Le vieux Montmorenci succomba, après s'être engagé dans un escadron ennemi, sous les coups de Robert Stuart. Il n'y eut que le maréchal de Vieilleville qui comprit l'issue de ce funeste combat : « Ce n'est point votre majesté, disait-il à Charles IX, qui a gagné la bataille, encore moins le prince de Condé. Et qui donc? reprit Charles. Le roi d'Espagne. » En effet, l'on verra s'accroître d'heure en heure l'influence du démon du midi sur les affaires de France, au point qu'elles tomberont un instant sous sa tutelle.

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Le lendemain de la bataille les huguenots revinrent aux portes de Paris; mais la disette se faisait sentir; le secours de reìtres, promis par Casimir, second fils de l'électeur Palatin, n'arrivait pas; Condé résolut de se replier sur la Lorraine, et d'opérer le plus tôt possible sa jonction avec le renfort. Mais ces nouvelles troupes, à leur arrivée, exigèrent un à-compte de leur solde, et Lanoue rapporte que chacun donna ce qu'il possédait d'argent, de bijoux : exemple rare d'une armée qui se dépouille pour en payer une autre. Puis calvinistes et reîtres rentrèrent au cœur de la France (1568), et commencèrent leurs opérations par le siége de Chartres. Longtemps ils se consumèrent devant cette place, au milieu des frimats de la mauvaise saison, jusqu'à ce qu'enfin Catherine leur fit proposer une entrevue à Longjumeau. On s'aboucha encore une fois pour renouveler l'édit de pacification de 1563; mais, comme alors aussi, personne ne s'en tint aux conclusions prises, ces six mois ne s'étaient pas écoulés que cette paix, dite la petite paix, était violée de nouveau.

Le calme qui succéda un instant à la guerre fut employé de part et d'autre à tracer des plans d'exécution ultérieure. Catherine défit et refit son conseil. Condé et Coligny, en

tourés des autres chefs, se concertaient de loin, puis se rapprochant, ils faillirent tous tomber aux mains des catholiques. Sûrs désormais des projets de la cour à leur égard, et encore possesseurs de places fortes qu'ils avaient toujours différé de rendre, ils traversèrent la France et choisirent La Rochelle pour abri, abri qui leur fut de si grande utilité dans la suite: «J'ai fui autant que j'ai pu, et que terre m'a duré, écrivait Condé après les périls du voyage1. >>

Dès lors le gouvernement ne ménage plus rien. Un édit révoque la pacification de Longjumeau, ordonne d'imposantes levées qu'il met sous la conduite du duc d'Anjou, nommé généralissime. Aussitôt les calvinistes de toutes classes, ne voyant de force que dans l'union, se soulèvent en masse pour rejoindre Condé à La Rochelle. Il n'est point de cruautés qu'ils n'exercent, à l'exemple de leurs chefs. Un nommé Briquemant, dit de Thou2, prenait plaisir à couper les oreilles des prêtres qu'il avait massacrés, et s'en était fait un collier. Condé et les siens, tout à l'heure proscrits, étaient alors à la tête d'une nombreuse armée, en possession de deux provinces et de leurs villes. On croit que c'est à cette époque qu'il fit battre monnaie, avec cette légende Louis XIII, premier roi chrétien de France. Une dernière ressource pouvait augmenter encore ses forces, et les rendre égales en nombre à celles de la cour; elle devait lui venir des bords du Rhin. Tous les efforts de Tavannes, qui commandait sous le duc d'Anjou, tendaient donc à empêcher cette jonction des reîtres aux calvinistes. Condé se mit en campagne, et, arrivées en présence, les deux armées eurent à décider la querelle, le 13 mars 1569, sur les bords de la Charente, auprès de Jarnac. On sait la fatale issue de cette bataille, une des plus sanglantes de ces

1 Le Laboureur.

2 De Thou, t. II,

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