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invoquer celui qui les terminait d'un mot victorieux. >>

La mort de Mirabeau consterna les partisans de la royauté; en lui reposait la dernière espérance de Louis XVI; dès le moment où cet appui venait à lui manquer, il ne lui restait plus qu'à fuir. Sa captivité était d'ailleurs évidente, et le 18 avril, lorsqu'il essaya de partir pour Saint-Cloud, le peuple s'attroupa et lui barra le chemin; aussi, tout en faisant écrire par M. de Montmorin aux ambassadeurs étrangers qu'il était parfaitement libre et résolu à tenir son serment constitutionnel, s'était-il mis en relation avec les émigrés et les agents de l'empereur Léopold. En même temps il ordonnait à Bouillé, qui avait été dans le secret des négociations avec Mirabeau, d'échelonner ses troupes sur la route de l'Est, et de lui préparer une retraite à Montmédy. Le 20 juin, vers minuit, déjouant l'active vigilance de Lafayette, le roi, la reine, madame Elisabeth et les enfants de France sortirent déguisés des Tuileries avec deux ou trois serviteurs dévoués, et prirent le chemin de Châlons-sur-Marne. Monsieur était parti de son côté pour la Flandre, et il parvint heureusement jusqu'à Bruxelles. Le voyage de Louis XVI se passa sans encombre jusqu'à SainteMenehould, bien que les ordres de Bouillé eussent été mal exécutés, et qu'aucun détachement ne fût à son poste. Mais là, il fut reconnu par Drouet, fils du maître de poste, et quelques moments après il était arrêté à Varennes. La nouvelle de sa fuite avait produit à Paris une sensation profonde, et sur le champ l'assemblée, agissant avec un calme admirable, s'était emparée de tous les pouvoirs. Son retour, sous la conduite des trois commissaires envoyés par la Constituante, Barnave, Pétion et Latour-Maubourg, eut lieu au milieu d'un silence sombre et imposant, car un avis placardé partout laissait lire ces mots en gros caractères : « Quiconque applaudira le roi sera battu; quiconque l'in«<sultera sera pendu.» Louis XVI fut suspendu de ses fonc,

tions, retenu prisonnier aux Tuileries, et l'on agita vivement dans les clubs la question de la déchéance. Toutefois l'assemblée, qui voulait avec sincérité l'établissement du régime constitutionnel, décréta, en dépit de Robespierre, de Pétion et de Buzot, que le roi était inviolable et qu'il ne pouvait être mis en cause pour le fait de son évasion. Barnave, qui avait vu la reine de près, avait été gagné par elle à la cause royale, et il travaillait à cette heure à opérer, avec les Lameth et Malouet, une sorte de réaction en faveur de la monarchie. Le club des jacobins cria à la trahison, et la multitude, irritée de la modération de l'assemblée, se porta au Champs de Mars pour signer une pétition contre la royauté; il fallut appliquer la loi martiale et commander le feu; quelques-uns des factieux tombèrent, et ce devait être plus tard un grief des plus redoutables contre Bailly et Lafayette. (17 juillet.)

Bientôt après parut la célèbre déclaration de Pilnitz, par laquelle l'empereur d'Allemagne et le roi de Prusse déclaraient leur intention de réunir leurs forces pour mettre le roi de France en état d'établir, en parfaite liberté, un gouvernement monarchique, également conforme aux droits des souverains et au bonheur des Français (27 août). L'exaspération populaire s'accrût encore à la lecture de cette menaçante protestation; mais l'assemblée, sans s'émouvoir des dispositions républicaines des clubistes et autres agitateurs, se hâta de terminer l'œuvre constitutionnelle, et de la présenter à Louis XVI qui l'accepta le 13 septembre, et fut aussitôt relevé de son interdiction provisoire. Puis, sur la motion de Lafayette, elle vota une amnistie générale pour tous les actes relatifs à la révolution; enfin, le 30 septembre 1791, le président Thouret annonça que la session était close et que la mission de la Constituante était achevée; mais auparavant on avait décidé, à l'instigation de Robespierre, que nul ne pourrait être réélu à la prochaine légis

lature, et cet étrange désintéressement était une grande faute, car ceux-là seuls pouvaient aimer et défendre la constitution, qui l'avaient enfantée au milieu des orages des deux dernières années,

CHAPITRE XIII.

ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE ET CONVENTION NATIONALE
JUSQU'A LA MORT DE LOUIS XVI.

L'assemblée législative ouvrit ses séances (1er octobre 1791) par une cérémonie empreinte d'une certaine ostentation, et qui tendait à s'inspirer des grandes solennités antiques; les douze membres les plus âgés allèrent chercher l'acte constitutionnel, et toute la salle debout, la tête découverte, prêta le serment de la maintenir. Les élections nouvelles avaient toutes eu lieu dans le sens de la révolution; la noblesse, la cour, le clergé n'étaient plus représentés par personne; les constitutionnels sincères, parmi lesquels on comptait Dumas, Vaublanc, Beugnot, etc., n'avaient même pas pour eux l'autorité du nombre; ils s'entendaient au dehors avec le club des Feuillants, avec Lafayette et avec le triumvirat de Barnave, Lameth et Duport, qui aidaient le roi de leurs conseils. A gauche siégeaient les orateurs passionnés de la Gironde, qui formèrent pha

lange, et rallièrent autour d'eux les esprits les plus ardents, Vergniaud, Guadet, Gensonné, Isnard, Brissot, Condorcet, Pétion, et plus loin, du même côté, s'étaient assis les révolutionnaires les plus emportés, Merlin, Chabot, Bazire, qui apportaient à la tribune les résolutions du club des Jacobins, dont Robespierre était l'âme, et parfois même celles du club des Cordeliers, plus violent encore, où dominaient Danton, Fabre d'Églantine, et Camille Desmoulins. La situation dans laquelle l'assemblée législative trouvait les affaires, était difficile et compliquée. A l'extérieur, les puissances avaient suspendu leurs dissentiments communs, et tenaient leurs regards fixés sur les événements de France; la déclaration de Pilnitz laissait entrevoir des mesures plus décisives; les émigrés, dont le chiffre s'accroissait tous les jours, avaient vu sur toute la frontière du Rhin, les portes s'ouvrir avec empressement devant eux, et les petits princes allemands sur l'autre rive leur avaient accordé une hospitalité menaçante; le prince de Condé et le duc de Bourbon, avaient protesté, à la face de l'Europe, contre l'acceptation de l'acte constitutionnel par Louis XVI; on formait des régiments de gentilshommes à Coblentz et à Worms; on envoyait des quenouilles aux indifférents qui tardaient à quitter le sol du pays, on leur montrait en perspective la perte de leurs titres de noblesse au jour du triomphe, s'ils ne rejoignaient pas. Au dedans, les déclamations du clergé contre la constitution civile, avaient porté leurs fruits; les prêtres constitutionnels, surnommés les intrus, étaient mis au ban des populations; les sacrements administrés par eux devenaient un odieux sacrilége; le mariage béni par eux n'avait aucune validité; les officiers, municipaux qui présidaient à leur installation, étaient considérés comme surpris en flagrant délit d'apostasie. Ces écrits fanatiques avaient semé l'alarme dans les campagnes, et des séditions avaient éclaté dans le Cal

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