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tinua le Louvre, commença la galerie qui joint ce palais aux Tuileries, fit construire ce beau pont où l'on aime à contempler sa statue, bâtit la place et la rue Dauphine, le collége royal (car François Ier et Henri II avaient seulement créé les différentes chaires de cet établissement); fonda divers hospices pour les militaires blessés invalides, et le bel hôpital Saint-Louis : établit à La Flèche un collége pour l'instruction de la jeune noblesse, éleva le château de Saint-Germain, embellit ceux de Monceaux et de Fontainebleau. Il appela autour de sa personne des artistes en tout genre, et leur donna des logements dans le Louvre, où il les encourageait souvent de ses regards non moins que de ses récompenses. Il fut enfin le véritable fondateur de la Bibliothèque royale.

En 1603, Henri IV rendit un édit contre les duels, dont la fureur était poussée si loin, qu'elle avait coûté, dans une seule année, quatre mille gentilshommes à la France. Le nouvel édit renvoyait les différends des nobles au tribunal des maréchaux de France, et la peine de mort était prononcée contre les duellistes. Mais cette rigueur eut peu d'effet. L'appréhension du déshonneur, qu'un préjugé invétéré attachait au refus des satisfactions par la voie des armes, prévalut sur la crainte des châtiments; et le roi lui-même, qui affectait trop de se dire gentilhomme, fut le premier à infirmer sa propre loi, tantôt par des railleries piquantes, tantôt par des saillies chevaleresques.

C'est au règne de Henri IV, qu'appartient l'institution de de la Paulette (1604), qui rendit les charges de judicature héréditaires dans les familles, moyennant une somme modique que ceux qui en étaient pourvus devaient payer tous les ans. On appela ce droit le droit annuel, ou autrement la Paulette, du nom du traitant Paulet, qui en donna l'idée, et qui en fut le premier fermier. (Ragon, Histoire moderne.)

CHAPITRE VI.

LOUIS XIII.

A peine la mort de Henri IV est-elle connue, que d'Épernon court au parlement, et à force de menaces lui arrache un arrêt qui excluait le prince de Condé et le comte de Soissons de la régence en faveur de la reine-mère. Marie, déjà nommée régente par son mari, en cas de longue absence, s'empare aussitôt des rênes de l'État, et dès ses premiers actes décèle l'inexpérience de sa main novice. A tous les grands, ses amis ou ses ennemis, dont elle pouvait récompenser le dévouement ou désarmer la haine en les appelant auprès d'elle; au prince de Condé, à d'Épernon, elle préfère un Florentin, Concini1, dont la femme, Léonora Galigaï, avait su lui inspirer une de ces amitiés de

1 << Bien au-dessous de ces deux personnages pour la qualité, mais plus avant peut-être dans l'affection de la régente, on remarquait le couple florentin, qui portait le nom de Concini. Marie avait amené de Toscane une femme de chambre, fille de sa nourrice et sa sœur de lait, et lui avait donné un nom honorable de son

femme dont l'aveugle vivacité cadre mal avec les obligations sévères de la royauté. Les vastes projets de Henri IV sont abandonnés, et Sully disgracié se retire.

pays, un titre dans sa maison. Léonora Galigaï, dame d'atours malgré le roi, admise en d'autres confidences que celles dont la jeunesse de la reine l'avait entretenue, se trouva être une personne habile, capable de conseil et d'influence, très-résolue à en profiter pour son compte. Elle était d'une laideur extrême qui lui laissait tout loisir pour l'intrigue. Un jeune Florentin, bien fait, aimable et spirituel, petit-fils d'un notaire qui s'était élevé au poste de secrétaire d'état et l'avait laissé à son fils, était venu aussi en France à la suite de la reine. Il s'offrit pour épouser la faveur de Léonora, s'introduisit par sa femme, et plut bientôt par lui-même. La reine livra dès lors toute sa pensée aux deux époux. Comme elle vivait en de fréquentes querelles avec le roi, ses confidents avaient sans cesse occasion, ou de l'irriter, ou de la consoler, ou de l'adoucir, et quelque libéralité nouvelle était pour eux toujours la première condition de la paix. Du reste, cette position ne sortait pas encore des limites d'un dévouement domestique, récompensé par des grâces, et quelquefois malignement interprété. Ni le mari ni la femme n'étaient devenus d'une importance à s'attirer la haine publique. La cour en médisait ou leur portait envie, et n'en admettait pas moins le seigneur Concini à ses divertissements; mais c'était à peine si l'on s'occupait d'eux ailleurs. Une seule fois, et c'était peu de jours avant le 14 mai, le Florentin s'était compromis avec la partie la plus bruyante de la population parisienne. Étant allé pour quelque affaire dans le couvent des Augustins, où se tenait le parlement, il était entré « par mégarde » dans une chambre des enquêtes, sans songer qu'il avait des éperons d'or à ses bottes. Suivant l'usage du palais, c'était là une grosse inconvenance; et les jeunes clercs, milice turbulente de la justice, avaient voulu venger la dignité de son sanctuaire en déchirant les habits du cavalier, qui s'était tiré de leurs mains avec peine. A cela près, on peut dire que les deux étrangers n'avaient jusqu'alors offensé personne; mais les partis avaient compris où ils pouvaient aller, et celui qui s'appelait catholique, après les avoir choyés soigneusement sous le règne de Henri IV, se promit bien qu'ils le serviraient dans la régence.» (BAZIN, Hist. de Louis XIII.)

Il n'avait pu voir sans dépit les millions économisés à grand' peine pendant son intendance, dilapidés en fêtes de sacre, en tournois, en bals, et prodigués à toutes les créatures de la favorite. Il fallait payer le dévouement de chacun des seigneurs, peu disposés à servir le gouvernement né de la veille. On paya, mais le jour n'était pas loin où Richelieu devait se charger de venger le trésor et la royauté chancelante de Louis XIII, de frapper enfin à coups redoublés l'antique féodalité dans la personne de ses derniers représentants. Jusque-là, toutefois, la France aura à subir les caprices d'une régente hautaine, opiniâtre, s'en remettant du soin des affaires à d'indignes favoris. Condé, d'Épernon, Bouillon, beaucoup d'autres seigneurs, travaillaient activement à monter au conseil de régence. Il n'était point de moyens qu'ils ne missent en usage. Pamphlets, sourdes menées, promesses au peuple, ils avaient recours à tout. Pour calmer l'effervescence toujours croissante, et qui s'était communiquée même aux grands corps de l'état, et au parlement, la reine redoublait de largesses et de concessions, mais inutilement. Les grands étaient insatiables, et le peuple grondait déjà. Peu soucieuse de la clameur publique, Marie de Médicis créa le mari de sa confidente marquis d'Ancre, puis maréchal, lui donna d'importants gouvernements en provinces, des sommes énormes, et pourtant l'Italien plus circonspect que Léonora sa femme, prévoyait l'orage et voulait s'y soustraire en fuyant dans sa patrie. La Galigaï lui fit honte de sa peur, et ils demeurèrent en France.

Cependant le mécontentement se montrait au grand jour, et menaçait hautement; les provinces attachées aux nobles disgraciés se remuaient, et au commencement de 1613, Condé, Bouillon, le comte de Soissons coururent se mettre à la tête d'une armée imposante. De leur quartier-général, les seigneurs révoltés lancèrent un manifeste contre le gou

vernement, manifeste que toujours les mécontents, qu'on les prenne au temps de saint Louis ou de la Ligue, ont basé sur les mêmes griefs, la dépendance du roi, le mauvais choix des ministres, l'illégalité des actes administratifs.

« L'Église, disaient-ils, n'a plus sa splendeur; nul ecclésiastique n'est employé aux ambassades et n'a plus rang « au conseil; la noblesse, appauvrie et ruinée, est main<«< tenant taillée, bannie des offices de judicature et de << finance faute d'argent, privée de la paye des gens d'armes, «et esclave de ses créanciers; le peuple est surchargé par « des commissions extraordinaires, et tout tombe sur les << pauvres pour les gages des riches. »

« Pour toute réponse, la reine fit marcher une armée contre les rebelles. Aucune action ne s'engagea, sinon par des pamphlets réciproques; cette inutile et fade polémique aboutit au traité de Sainte-Menehould, dans lequel Marie acheta lâchement la paix aux dépens du trésor et de l'autorité royale (1614).

<< Dans les articles signés à Sainte-Menehould, il fut dit que les états-généraux seraient convoqués à Sens le 25 août, que des fortifications gênantes pour les princes à Mézières et en Bretagne seraient démolies, que les troupes levées de part et d'autre seraient licenciées et les étrangers conduits hors du royaume. Le prince de Condé devait garder en dépôt, jusqu'après la tenue des états-généraux, la ville et le château d'Amboise; on permettait aux ducs de Nevers et de Mayenne de maintenir jusqu'à la même époque un supplément de garnison dans les villes de Mézières et de Soissons; le duc de Vendôme était rétabli dans son gouvernement, et toutes lettres contraires révoquées. La reine s'engageait à écrire aux parlements et aux alliés pour approuver tout ce qu'avaient fait les princes. Enfin elle promettait de payer quatre cent cinquante mille livres pour les indemniser de leurs dépenses à l'occasion de ce mouve

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