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taillons de volontaires; mais il va se présenter une difficulté; c'est l'armement. Déjà il en arrive quelques-uns qui demandent des armes, et vous savez que nous sommes bien pauvres sur cet objet.

On répand le bruit que les ennemis pénètreront par la Flandre, mais je crois que ce sont eux qui le font courir, car ce n'est pas là leur chemin, et le maréchal pense comme moi qu'un très-petit corps peut y suffire pour manœuvrer entre les places.

Agréez, mon cher Lajard, mon sincère attachement

DE M. DIETRICH AU GÉNÉRAL LAFAYETTE.

Strasbourg, le 26 juillet, à 11 heures et demie du matin, l'an IV.

M. de Broglie a passé la nuit avec le maréchal lorsqu'il a reçu votre courrier. Vous aurez eu lieu d'être content de sa réponse. — J'écris celle-ci par le retour d'un courrier extraordinaire expédié par le ministre de l'intérieur au maréchal. Je présume que ces dépêches ont pour objet de le faire expliquer. Nous défendrons la constitution dans notre coin et nous nous battrons bien. Pourquoi M. de La Rochefoucauld a-t-il abandonné la partie (1)? DIETRICH.

A M. D'ABANCOURT, MINISTRE DE LA GUERRE (2).

Longwy, ce 29 juillet 1792, l'an IV de la liberté.

Lorsque le conseil du roi, souhaitant donner à M. le maréchal Luckner le commandement de l'armée du centre et de celle du Rhin, a voulu

(1) M. de La Rochefoucauld venait de donner sa démission de membre du conseil administratif du département de Paris. (Voy. la note de la p. 424 de ce vol.)

(2) M. d'Abancourt, nommé ministre de la guerre le 23 juillet, écrivit trois jours après au général Lafayette, pour lui témoigner des inquiétudes au sujet de son mouvement sur Montmédy, concerté avec le maréchal Luckner, tandis que les impériaux venaient d'occuper Bavay, M. d'Abancourt paraissait blåmer Le général d'avoir dépassé Givet comme point extrême de la droite de son com

que je prisse celui de l'armée de gauche, je pouvais, en ne pensant qu'à mes intérêts personnels, me borner à la défense de Dunkerque à Givet. Mais comme toutes les dépêches ministérielles et toutes les nouvelles nous annonçaient que les ennemis coalisés sous le duc de Brunswick se portaient sur le Rhin, et devaient probablement envahir cette partie-ci de la frontière, je n'ai plus consulté que mon zèle et je ne me suis pas refusé au désir de M. le maréchal Luckner pour étendre mon commandement jusqu'à Montmédy. Je sais bien, Monsieur, que cette étendue de frontière avait été souvent refusée par M. le maréchal de Rochambeau, qui cependant avait droit de s'attendre alors au commandement d'une armée disponible de 50,000 hommes. Ce général a dit souvent dans les comités de l'assemblée constituante, au ministre et dans les conférences militaires, qu'il y avait de l'importance à s'étendre de Dunkerque à Montmédy; et jamais il n'avait consenti à aller plus loin que Sedan qu'il n'occupait que par un camp retranché de trois à quatre mille hommes. Quant à moi, qui attendais les principales forces des ennemis dans cette partie-ci, et qui ne croyais pas si facilement qu'on paraît le faire à l'enlèvement des places de Flandre, lorsqu'un général un peu intelligent peut, à la tête d'un corps détaché, y jeter des garnisons avant l'investissement, je m'étais porté vers Montmédy avec la majeure partie de mes forces pour être à portée de donner la main à M. le maréchal Luckner; j'ai même poussé jusqu'ici en attendant son arrivée, et M. le maréchal m'en a remercié.

Je vous déclare, Monsieur, que, parfaitement impassible aux clameurs, aux calomnies, aux raisonnemens de ceux qui n'entendent pas le métier de la guerre, je ne me détournerai pas, pour les éviter, d'un quart de lieue de la route que je crois la plus utile à la chose publique. Je suis persuadé, Monsieur, que vous pensez de même et que ce sentiment deviendra la base des instructions que j'attends.

J'ai proposé à M. le maréchal Luckner de laisser à Sedan six mille hommes retranchés, et d'étendre mon commandement jusqu'à cette place, mais il tient beaucoup à ce que j'aille jusqu'à Montmédy, et la réponse que j'en ai reçue depuis que je lui ai communiqué votre lettre est positive à cet égard. Il est bien sûr que tant que les choses resteront dans l'état actuel, je ne puis empêcher les ennemis de s'avancer sur la frontière de Flandre, d'y prendre des postes, de courir le pays, d'inquiéter les départemens voisins, ce qui nécessairement excitera dans la capitale des clameurs et des alarmes. M. le maréchal Luckner et moi avions pensé que cet inconvénient était moins fâcheux que de ne pas porter la majeure partie des deux corps, appelés armées, sur la frontière de Montmédy à Longwy.

mandement, le priait de se rapprocher de la Sambre, s'affligeait de l'infériorité des forces opposées à l'ennemi par le général Arthur Dillon, le frère de celui qui avait été massacré dans la déroute de Bézieux, et insistait surtout sur la nécessité de calmer la fermentation plus inquiétante que raisonnée du public et d'une partie de l'assemblée nationale.

Il est vrai qu'à présent M. le maréchal est à portée d'occuper les postes importans, et qu'il sera vraisemblablement renforcé avant le commencement des grandes opérations du duc de Brunswick.

On a beaucoup parlé de changemens de troupes de l'armée du nord avec celle du centre, et personne n'a dit qu'il n'y avait que deux petites marches de différence entre l'armée de M. Luckner et la mienne, et qu'il aurait sûrement fallu plus de deux jours pour réorganiser les deux armées. Il n'y a pas eu d'ailleurs une seule garnison changée.

Il est une observation que je dois ajouter, c'est que, si les ennemis tentaient de percer par la trouée de La Capelle, je suis ici fort loin de pouvoir m'y opposer; mais encore une fois, M. le maréchal Luckner et moi avions cru que le plus pressé et le plus important était de venir ici. Vous vous étonnez, Monsieur, de ce que la gauche de mon commandement n'est pas pourvue de tout; un plus long séjour dans le ministère vous instruira de la pénurie de nos moyens, de l'insuffisance de notre organisation pour ces diverses parties.

A présent, Monsieur, que vous connaissez le résultat de la conférence tenue à Valenciennes entre M. Luckner et moi, la situation des frontières, celle des ennemis, et la répugnance qu'éprouve M. le maréchal à me laisser éloigner de lui, je vous prie de me fixer d'une manière précise les limites de mon commandement, et l'étendue de la frontière que je dois défendre. Je placerai à l'extrémité de cette frontière, quelle qu'elle soit, un corps retranché de six mille hommes pour servir de point d'appui à la défensive de l'armée du centre.

Si vous jugez à propos que ma frontière s'étende de Dunkerque à Givet et Rocroy, je placerai six mille hommes à Givet, et me porterai avec le reste des troupes à portée des trouées par lesquelles l'armée des Pays-Bas pourrait s'avancer vers Paris.

Si vous fixez ma frontière à Sedan, je placerai le camp de six mille homme à Sedan, laissant M. Arthur Dillon avec un corps détaché du côté de Valenciennes, me portant moi-même vers les points qui me paraîtront les plus exposés. Je pourrai même rapprocher M. Dillon de moi, ou me rapprocher de lui, suivant les circonstances.

Si au contraire ma frontière doit s'étendre jusqu'à Montmédy, il faudra que la Flandre reste abandonnée à peu près aux forces actuelles, qui la défendent, car je ne serais pas à portée d'y aller arrêter ou combattre les ennemis; mais ils auront devant eux des places dans lesquelles on doit jeter à temps des garnisons suffisantes.

Je vous prie, Monsieur, de m'envoyer une décision précise, parce qu'il est temps que les généraux d'armée sachent quelles frontières ils ont à défendre, et sur quel nombre de troupes ils peuvent compter......

A. M. DE LA COLOMBE,

AIDE-DE-CAMP DU GÉNÉRAL LAFAYEtte.

De Brouelle, près de Sedan, le 3 août 1792, l'an IV de la liberté.

Je reçois, mon cher La Colombe, votre lettre par Bureaux de Pusy; elle m'annonce un courrier qui n'est pas arrivé; elle m'annonce aussi que ma frontière s'étendra de Dunkerque à Givet. C'est bien sans doute ce qu'il y a de plus commode pour ma responsabilité; mais je vous observerai que, dans la lettre que je vous ai écrite, il s'agissait de s'étendre jusqu'à Sedan, c'est-à-dire d'avoir dans mon commandement tout le département des Ardennes.

Voici quels étaient mes deux motifs principaux. D'abord, il est à croire que le duc de Brunswick essaiera de percer avec son armée principale, entre la Moselle et la Meuse. Nos armées ne sont pas en état de le combattre de front, à moins qu'elles ne se renforcent extraordinairement. Qu'avons-nous donc à faire? tomber sur les flancs de l'armée combinée, couper ses communications, et la forcer, pour cheminer en avant, à venir nous combattre sur un terrain que toutes les ressources de l'art auront fortifié. Vous remarquerez que la position de Sedan, en étendant son camp retranché, est la plus commode pour le général de l'armée du nord qui se destine à remplir cet objet, et l'exécution de cette partie du plan de campagne demande trop de tact pour être indifféremment confiée à tout le monde.

Un autre motif très-déterminant est l'obstination du maréchal Luckner sur ce point. Il veut absolument que j'aille jusqu'à Montmédy, ce qui n'est pas raisonnable puisque j'aurais à défendre toute la trouée de Carignan, et que je ne pourrais en aucune manière m'occuper de celle de la Capelle; mais ce serait bien pis si on lui donnait à garder jusqu'à Givet, et je suis persuadé qu'alors il écrirait à l'assemblée nationale et au roi, pour offrir sa démission. Dans cette embarrassante circonstance, mon cher La Colombe, je crois que le ministre peut mettre la totalité du département des Ardennes dans mon commandement, pourvu qu'il soit bien reconnu que ma frontière se borne à Sedan, et que la défense de Montmédy, Verdun et tout le département de la Meuse appartient au maréchal Luckner.

J'aurais alors un corps de troupes sous M. Dillon qui, abandonnant le camp de Maulde, se réduirait à Valenciennes et à Maubeuge ; j'aurais un camp retranché très-fort à Sedan, et je me tiendrais avec un troisième corps à portée, suivant les circonstances, de me réunir au camp de Maubeuge ou au camp de Sedan.

T. II.

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Je sais bien que de cette manière je me compromets davantage, mais il faut avant tout aller au bien public, et il me semble que c'est là le moyen. Vous remarquerez d'ailleurs que cela ne change en rien les dispositions que vous m'annoncez, puisque je dois placer à Sedan un camp de six mille hommes et qu'il suffira de dire que, quoique la frontière militaire soit naturellement de Lille à Givet, je dois étendre ma surveillance jusqu'au camp retranché de Sedan. Alors je serais à portée, si le duc de Brunswick veut percer par la trouée de Carignan, de donner du secours au maréchal Luckner; mais il sera censé que la seule trouée dont je sois chargé est celle de La Capelle, et mon secours à la trouée de Montmédy sera uniquement de surérogation. Je crois que ce plan de campagne est le plus propre à bien servir la chose publique.

Il faudrait que la lettre au maréchal, en lui exprimant les inquiétudes de Paris et la nécessité de boucher le chemin le plus court de la capitale, lui promît et lui donnât des secours pour défendre la trouée de Montmédy. Il faut, par exemple, que le 102e et 103e régiment soient envoyés à Verdun et à Montmédy, au lieu de rester à Châlons, ainsi que le 13 régiment d'infanterie légère. Quant au bataillon de M. Montesquiou, il est ridicule d'opposer au roi de Sardaigne plus de troupes qu'à l'empereur et au roi de Hongrie.

Il importe beaucoup, mon cher La Colombe, de faire régler les départemens qui nous enverront des gardes nationales; ayez pour moi le plus de départemens qu'il vous sera possible. La Bretagne et la Normandie, Paris surtout, doivent me fournir des bataillons de grenadiers. Si les deux armées pouvaient recevoir chacune trente ou quarante mille gardes nationaux pour trois mois, et si les habitans de la campagne opposaient de la résistance aux partis ennemis, le duc de Brunswick serait fort embarrassé pour envoyer son escorte à Paris. Il faut que le ministre requière directement les départemens pour envoyer au maréchal et à moi leurs compagnies de grenadiers tout armées.

Je ne puis pas m'empêcher d'être un peu inquiet de voir les Suisses garder exclusivement des places importantes de Flandre. Songez qu'il ne faut qu'un ordre des cantons pour leur faire mettre bas les armes. J'ai toujours pensé que d'avoir leurs compagnies de grenadiers avec moi serait une manière de conserver des ôtages; parlez-en au ministre. Je pense qu'il vous serait facile d'arranger par M. d'Affry, en interpellant son amitié pour moi, que les deux compagnies de Salis à Rouen, les six compagnies qui sont en Flandre, et les quatre compagnies des gardes suisses, formassent un bataillon de grenadiers sous les ordres de M. de Maubourg, Un si petit détachement ne nuit pas à la garde du roi à Paris, et peut être extrêmement utile dans toutes les hypothèses.

Vous savez que j'ai rendu à M. Luckner les cinq escadrons et les six bataillons qui me sont restés en Flandre; ainsi ma dette est payée à cet égard. Il est nécessaire, mon cher La Colombe, que vous m'envoyiez ici des compagnies de grenadiers de ligne. Je ne puis résister aux ennemis que par des mouvemens très-lestes et avec des troupes d'élite. J'aime mieux trois bataillons de grenadiers que six bataillons de ligne pour le genre de guerre que j'aurai à faire. On m'a dit que l'on avait détourné

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