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AU ROI.

Ce vendredi.... (1)

J'ai l'honneur d'envoyer au roi une réponse dont le général Paoli vient de me charger, et que je prends la liberté de joindre aux notes que le roi a daigné me demander sur les idées que je pourrais avoir.

Je mettrai demain à l'ordre, si le roi le trouve bon, la revue qu'il compte passer de dimanche en huit.

M. de Mirabeau a fait aujourd'hui la motion, et l'assemblée a passé le décret que je joins ici. On a réfléchi depuis, qu'un deuil de cour était indiqué pour samedi. Je suis sûr que le roi ferait un grand plaisir à l'assemblée si son ministre mandait au président:

Que le roi, apprenant avec satisfaction l'hommage rendu par l'assemblée à la Mémoire de M. Franklin, et ne voulant pas qu'il soit confondu avec le deuil de cour indiqué samedi, a suspendu, pour les lundi, mardi et mercredi, ou ce qui vaudrait mieux encore, reculé le deuil de l'électrice, pour que rien ne gênât les justes témoignages de considération que les représentans de la nation ont donnés à la mémoire de M. Franklin.

J'arrangerais ces objets avec M. de Saint-Priest, si le roi daignait nous donner des ordres.

M. de Saint-Priest pourrait ajouter un mot des regrets et des bontés personnelles du roi pour M. Franklin.

(1) Cette lettre est du 11 juin. A la séance de ce jour, l'assemblée, sur la proposition de Mirabeau, décréta qu'elle porterait pendant trois jours le deuil de Franklin.

AU ROI. (1)

19 juin 1790.

Je n'étais pas assez sûr que madame de Lafayette n'eût pas la rougeole pour me présenter devant le roi. Je suis rassuré ce soir à cet égard, et pourrai lui faire ma cour à la revue.

Je supplie le roi de daigner me donner ses ordres sur l'heure à laquelle il arrivera.

Mon attachement pour le roi, et le vif désir que j'ai de prévenir tout ce qui produirait un mauvais effet me forcent à insister auprès de lui sur un point qui lui paraîtra minutieux, mais que les circonstances et la disposition des esprits rendent trèsimportant: c'est que le roi, au lieu de venir à la revue comme à ses promenades ordinaires, y porte son habit de revue. Je prie le roi de croire que je ne ferais pas cette observation si je ne la croyais pas très-intéressante. Il daignera excuser la liberté que je prends en faveur des sentimens d'attachement et de respect qui m'y ont engagé.

AU ROI (2).

(Datée de la main du roi, 25 juin 1790.)

J'ai vu ce soir M. Necker, M. de Montmorin et ensuite M. le garde-des-sceaux; nous avons causé sur la discussion qui a eu lieu au conseil du roi relativement au décret du 19. Quelques informations que j'ai données à ces Messieurs, et les réflexions importantes qu'elles ont fait naître, nous ont fait regarder comme très-intéressant de prendre de nouveau les ordres du

(1) Armoire de fer, no 353.

(2) Armoire de fer, no 354. Voyez la note de la p. 173 de ce volume.

roi. Je le supplie de retarder l'envoi de sa réponse jusqu'à ce qu'il ait vu M. de Montmorin.

Je supplie le roi de daigner recevoir mes regrets de ne poupas lui faire ma cour.

voir

A M. DE BOUILLÉ.

Ce 26 juin 1790.

Je m'étais promis, mon cher cousin, de vous écrire longuement par monsieur votre fils, mais on a bien voulu employer ma matinée par cinq ou six querelles qu'on a tâché d'exciter pour troubler notre tranquillité, et essayer si le 14 juillet ne pourrait pas devenir une occasion de tapage. J'espère que nous serons plus forts que ceux qui nous tourmentent, et parmi lesquels je mets à la première place le parti factieux dont votre fils vous donnera les détails. M. le duc d'Orléans nous annonce son arrivée pour le 10. Je compte encore sur sa lâcheté pour le retenir à Londres. Le travail sur l'armée paraîtra la semaine prochaine; on nous promet le choix d'une discipline exacte, nous en avons bien besoin. Nous avons su les mouvemens que les ennemis de la révolution ont excités en Languedoc; ceux-là ne partent pas comme ceux de Paris, Marseille et autres places, du parti orléanais; il est à croire qu'ils n'auront pas de suite. L'époque du 14 juillet, quoiqu'un peu critique, tournera bien, suivant toute apparence. Constitution et ordre public doivent être le cri de ralliement de tous les bons citoyens, et c'est une belle occasion de s'en pénétrer.

J'ai été sensible à votre lettre, mon cher cousin, et mon cœur y répond avec une confiance et une amitié qui dureront autant que ma vie.

AU ROI (1).

Datée de la main du roi ce dimanche, 27 juin 1790.
(Armoire de fer, no 109.)

SIRE,

Je suis vivement touché de la bonté qu'a Votre Majesté d'entrer avec moi dans de nouveaux détails sur le décret du 19; la première faute est aux membres de l'assemblée, à commencer par moi, qui, étant présens à cette séance, pouvions demander une rédaction plus raisonnable. J'ai tâché de réparer le mal en présentant à Votre Majesté une occasion peu commune où des dispositions qu'on avait cru très-populaires pouvaient être chan

(1) La lettre apostillée du 27 juin, et datée du dimanche, dont le protocole n'est pas celui dont Lafayette se sert dans ses autres lettres, paraît avoir subi quelque altération. Le fond en est vrai; Lafayette et ses amis n'avaient voulu, dans la séance du 19 juin, que déclarer qu'il n'y avait plus de noblesse héréditaire en France, et que tout acte portant titre de noblesse ou de féodalité serait nul. La défense absolue de porter des armoiries et des livrées fut proposée par Noailles et plusieurs de ses collègues; le lendemain quelques députés causant avec Condorcet sur le décret de la veille, celui-ci leur observa que l'injonction de ne porter que son nom patronymique, et les dispositions sur les armoiries et livrées étaient contraires à la liberté, et qu'il eût fallu, pour mieux établir le système d'égalité, dire que, toutes ces distinctions n'étant point une propriété, il était loisible à tout le monde d'arborer celles qui lui plaisaient sur son cachet ou sur l'habit de ses domestiques. D'après cette idée, quelques membres du comité de constitution rédigèrent une nouvelle forme de décret également destructive de toute prétention nobiliaire, mais plus conforme à la liberté individuelle. On pria Lafayette d'obtenir une suspension de la sanction; il se rendit chez le garde-des-sceaux; celui-ci le pria sans affectation d'en écrire un mot au roi. On voit par les ouvrages même de M. Necker ce que tout le monde savait déjà, qu'il y eut débat au conseil ; que Necker voulait suspendre la sanction; qu'il bláma non-seulement la précipitation du parti qui fut adopté, mais ses motifs cachés. En effet c'est précisément pour que le décret eût des défauts qu'on se hâta de le sanctionner, et il paraît que le billet de Lafayette fut tenu en réserve pour le compromettre au besoin, Il ignorait les motifs déguisés dans une lettre du roi sous une fausse apparence de confiance, lorsqu'il écrivit la réponse qui ne fit qu'avancer l'envoi de la sanction. (Note du général Lafayette.)

gées, sur les observations du roi, à la grande satisfaction du public. Mais puisque le roi n'a pas jugé à propos d'en faire, je vais tâcher, s'il en est temps et s'il y a moyen, d'amener quelque décret explicatif qui préserve d'une exécution rigoureuse. Je prierai en conséquence M. le garde-des-sceaux de faire parvenir la réponse un peu tard dans la séance.

Je supplie Votre Majesté d'agréer ma vive sensibilité pour la confiance qu'elle daigne me témoigner et la justice qu'elle rend à mes sentimens; je lui suis dévoué jusqu'à mon dernier soupir par la reconnaissance et l'attachement le plus profond.

Je suis avec respect,

Sire,

de Votre Majesté, le très-humble, très-obéissant serviteur et fidèle sujet.

DE M. DE LA LUZERNE AU GÉNÉRAL LAFAYETTE.

Londres, ce 4 juillet.

Boinville vous a rendu compte, mon cher marquis, de tout ce qui s'était passé lors de son départ; tout allait le mieux du monde; mais depuis, il est arrivé un petit incident, dans lequel je me suis conduit, à ce que je crois, comme la prudence m'ordonnait de le faire; mais comme, dans une chose qui peut être vue sous différentes faces, il est possible de se tromper, j'ai cru devoir bien vite vous envoyer un courrier pour que vous puissiez prévenir les démarches que pourraient faire à l'assemblée les amis ou plutôt les fauteurs de M. le duc d'Orléans, afin de présenter sous un point de vue défavorable une chose que j'ai cru nécessaire d'accorder, parce qu'il m'a semblé qu'elle ne pourrait faire qu'un bon effet, dans l'esprit de tous les gens raisonnables. Au reste tout ceci peut n'être qu'un surcroît de précaution; car M. le duc d'Orléans m'a donné sa parole qu'il ne ferait d'autre usage de l'éclaircissement de l'écrit que je lui ai remis, que de vous en envoyer une copie dans la lettre qu'il vous écrirait, et qu'il le regardait simplement comme un moyen de montrer un jour à

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