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Les Bulletins de la Société des Sciences naturelles et

d'Antiquités de la Creuse,

Lu dans la séance du 31 mars 1856.

MESSIEURS,

Naturellement j'ai plaisir à parler de la Creuse, où je suis né; j'ose espérer que vous-mêmes, nés dans la Haute-Vienne, si je ne suis pas trop au-dessous de ma tâche, vous accueillerez avec bienveillance les pages que j'ai l'honneur de vous présenter, car la Creuse c'est encore presque le Limousin. Ce département est formé de la Marche limousine; il est sous la juridiction de notre évêque, et dans le ressort de notre cour impériale.

Analyser simplement les mémoires publiés sur la Société des Sciences naturelles et d'Antiquités de la Creuse ce serait taire ses meilleurs travaux permettez-moi donc, Messieurs, de parler d'abord du musée.

Le musée de Guéret fut créé, en 1832, par des jeunes gens qui, jusqu'alors, prenaient plaisir à former, quelques-uns, des herbiers; d'autres, des collections d'oiseaux ou d'animaux empaillés; d'autres encore, à réunir et à classer des coquillages, des minéraux ou des médailles. Ces efforts isolés prirent une activité merveilleuse en trouvant un centre commun sous la direction paternelle et savante de M. Furgaud, ingénieur en chef de l'arrondissement minéralogique de la Creuse. Déjà, en 1837, la salle choisie pour les collections ne pouvait plus les contenir, et, le 1er octobre de la même année, par acte public, la ville de Guéret acceptait la propriété des objets antérieurement recueillis, à la charge par elle de fournir désormais un local convenable. Le 8 janvier 1838, parurent les statuts de la Société des Sciences naturelles et d'Antiquités de la Creuse. Grâce au dévoûment intelligent des conservateurs, MM. Bonnafoux et Guillon; grâce encore aux sollicitations patriotiques et vives faites par M. le docteur Guisard à toutes les autorités locales pour obtenir des subventions généreuses, le musée de Guéret est devenu incontestablement un des plus riches des villes de province.

Sans parler d'une foule d'objets d'art et de sciences naturelles étrangers au département, parmi lesquels la Haute-Vienne pourrait réclamer à titre d'échange: 4° un panonceau de la chambre des notaires de Limogas, sujet tiré de l'histoire ecclésiastique, au revers duquel on lit Palanceau de la communauté des notaires de Limoges, donné par M. Fournier, doyen (ovale de 16 centimètres de hauteur (1)); 2° un casque en fer, portant de chaque côté une tête de Méduse allée, et trouvé, dit-on, dans les ruines du château de Chalusset; ce musée offre une collection presque complète des quadrupèdes mammifères, des oiseaux, des reptiles, des mollusques, des annélides, des crustacés, des arachnides, des minéraux et des végétaux qui se trouvent dans la contrée. Il renferme également la majeure partie des fragments d'antiquités qu'on y a découverts. C'est là une assez belle gloire pour la Société des Sciences naturelles et d'Antiquités de la Creuse.

(1) M. Auguste Bosvieux, archiviste de la Creuse, a bien voulu, pendant son dernier voyage à Paris, recueillir pour le Nobiliaire du diocèse et de la généralité de Limoges les armoiries des villes et des communautés du Limousin et de la Marche. Nous reproduirons textuellement ce travail, fait avec labeur et avec savoir; mais, en attendant que l'ordre alphabétique nous amène au mot Limoges, voici ce qu'on lit sur les armoiries des notaires de cette ville : « La communauté des notaires, n'ayant pas envoyé (1697) le dessin de ses armoiries en même temps que la somme demandée pour les frais d'enregistrement, d'Hosier les imagina de sinople à deux cygnes affrontés d'argent, soutenus d'une foi de carnation parée d'or et mouvante des flancs ». (ÅRMORIAL GÉNÉRAL).

« Le musée de Guéret conserve un panonceau de cette communauté, exécuté sur email au milieu du siècle dernier c'est un médaillon ovale représentant le supplice de saint Jean-l'Evangéliste, qui était, sans doute, le patron des notaires de Limoges. Saint Jean est placé debout dans une chaudière, d'où s'élève une épaisse fumée, et sous laquelle brûle un feu ardent. Deux hommes, vêtus à l'antique et les manches retroussées, poussent le bois sous le trépied, l'un avec une fourche, et l'autre, qui est à genoux, avec les mains. A gauche, Domitien, vêtu d'une robe rouge fourrée d'hermine, tenant le sceptre du commandement, et escorté de deux gardes armés de piques, en costume moitié romain, moitié juif, préside au supplice. Le dessin des personnages est assez correct, et la scène, bien présentée; mais les couleurs dures et sans éclat, au lieu d'offrir le reflet vitreux de l'émail, rappellent le ton sec des peintures appliquées à froid sur le cuivre. La régularité de la composition, le choix des couleurs, où domine le rouge cru, et l'apparence terne de l'émail dénotent l'œuvre de J. –B. Noualhier. Au revers du médaillon, sur un fond violet, est tracée l'inscription suivante :

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Quoique les bulletins de cette Société puissent paraître relativement pauvres, ils offrent pourtant des travaux utiles.

M. J. Coudert de Lavillatte a publié une dissertation fort intéressante sur le Puy-de-Gaudy, montagne voisine de Guéret. Le digne magistrat fait de grands frais d'érudition afin de tirer trois conséquences glorieuses pour son pays, mais dont les deux premières pourraient bien ne pas être fort rigoureuses. Le Puy-de-Gaudy a été 4° sous l'ère gauloise, un sanctuaire religieux, et en même temps un oppidum, c'est-à-dire une de ces citadelles dans Jesquelles les populations voisines pouvaient se réfugier en temps de guerre, parce que l'art et la nature les avaient fortifiées; 2° plus tard, une citadelle romaine que les vainqueurs de Vercingétorix et de Bituit entourèrent de villas, et au pied de laquelle ils construisirent des bains; 3° au moyen-âge, un lieu de pèlerinage fort vénéré.

Dans une notice sur les bains d'Evaux, M. J. Coudert de Lavillatte fait l'historique des fouilles et des découvertes opérées jusqu'en 1843 dans ces thermes, à l'occasion desquels il rend à nos chroniques limousines le bon témoignage que voici :

A partir des faits recueillis vers la fin du siècle dernier, jusqu'aux travaux de 1834, 1832 et 1839, tout se réunit pour confirmer la vérité du récit des chroniques. Elles disaient que le proconsul Duratius avait fait construire et paver de marbre, en l'honneur d'Auguste, les bains chaux d'Evaux. Dix-huit cents ans s'écoulent.... Les cartes de l'empire romain, la tradition locale, l'aspect des lieux durant les trois derniers siècles, rien n'indique que cette gorge sauvage ait jamais contenu un édifice romain: tout est muet; et voici que, au XIXe siècle, dans cette même gorge, sous d'énormes couches de terre, produit de longues alluvions, se découvrent des fondations séculaires, et, au milieu, de vastes piscines pavées et revêtues de marbres blancs précieux, venus de différents points de la Gaule et de l'Italie..... Il est difficile de rencontrer des faits donnant une sanction plus positive à un document écrit. Ce n'était donc point sans raison que les vieilles chroniques limousines étaient conservées avec un soin religieux dans les riches archives des chanoines de Saint-Etienne et de Saint-Martial de Limoges, qui eux-mêmes, suivant l'expression d'un écrivain, a étaient les registres vivants des antiquités du pays ». (Bulletin de 4847, page 41.)

Après avoir exposé les faits récents, le savant magistrat s'aide de Vitruve, de Pline et de Strabon pour rendre aux bains d'Evaux la splendeur qu'ils durent avoir, sous les Romains. Nous aurions lu

aussi bien volontiers une description des bains et du paysage actuels. Il nous semble même qu'un plan ne serait pas inutile pour aider à l'intelligence du texte. On peut encore peut-être reprocher quelques citations superflues. Quoi qu'il en soit, ce travail est fait avec talent. S'il était complété par l'excellent article que M. Bosvieux a fait imprimer dans notre Bulletin (ve volume) sur les découvertes plus récentes faites dans la même localité; puis, si l'on fondait tout cela avec l'analyse de M. Legrip de Chambon d'une nouvelle source d'eau minérale ferrugineuse, et avec la savante brochure du docteur Ossian Henry sur les propriétés minérales de ces mêmes eaux, il en sortirait aisément un volume à la fois précieux pour les baigneurs et honorable pour la Creuse.

M. Bonnafoux, conservateur du musée et de la bibliothèque de Guéret, s'est chargé de consigner dans le Bulletin que j'analyse toutes les découvertes archéologiques qui concernent la Creuse. Telles qu'elles sont, ces notes n'offrent que l'intérêt qu'on éprouve à lire une nomenclature. On en peut dire autant du travail que le même archéologue intitule Huit jours de vacances, et dans lequel il parle des monuments qu'il a pu rencontrer en parcourant une vingtaine de paroisses. Dans cette course d'antiquaire, M. Bonnafoux s'occupe parfois d'objets peu dignes d'attention. Certains objets s'y trouvent aussi classés d'une manière peut-être trop affirmative. Toutefois ces notes, celles de M. Yves Fesneau sur divers monuments, et la description de quelques monnaies par M. A. Fillioux, sont précieuses, même prises isolément. Mais M. Bonnafoux est plus qu'un pionnier littéraire il sait coordonner et développer, comme l'atteste sa Notice pour servir à l'histoire de la ville de Guéret. Nous espérons bien qu'un jour, après avoir complété ses recherches en parcourant. les autres paroisses du département, et après avoir recueilli encore sur chacune d'elles les faits historiques qui sont indiqués dans le savant Pouillé du diocèse, laissé manuscrit par l'abbé Nadaud, il publiera l'histoire de la Creuse.

:

M. le docteur Bussière a voulu grouper les faits relatifs au canton de Chatelus. Il entre dans des détails minutieux; puis il suit trop Jouilleton il faut plus d'originalité. Dans cette dernière étude, nous avons lu avec plaisir et avec intérêt la description des six bassins que forme le département de la Creuse.

Notre distingué collègue M. Bosvieux, archiviste de la Creuse, vient d'enrichir le dernier Bulletin (2 du Ile volume), du Procèsverbal de l'assemblée de l'arrière-ban de la province de la Marche tenue à Guéret le 6 juillet 1553. Ce document historique offre la liste

complète et authentique de la noblesse de la Marche au XVIe siècle, et M. Bosvieux l'a fait précéder de quelques pages pour expliquer ce qu'était l'arrière-ban.

Les bulletins de la Société des Sciences naturelles de la Creuse renferment d'autres travaux purement scientifiques.

Le président actuel, M. le docteur Guisard, a raconté les tentatives infructueuses faites, dans un marécage peu distant de Guéret, pour conserver et reproduire les sangsues grises, qui pullulaient autrefois dans les marais, les ruisseaux et les étangs du département, d'où diverses causes les ont fait presque complètement disparaître. M. Pierre de Cessac donne la description de deux variétés de pisidies qu'il croit particulières à la Creuse. Dans une des deux livraisons que nous n'avons pu nous procurer (la 4re de chacun des 2 volumes), probablement dans la 4re du le volume, M. P. de Cessac avait publié le Catalogue des mollusques de la Creuse. Il a signé encore deux articles que nous avons lus avec profit et avec plaisir : 1o une Notice géologique sur le département de la Creuse; 2o une Description géologique du bassin houiller d'Ahun. Nous regrettons de n'avoir pu comparer la première de ces deux dernières études avec celle qu'avait donnée, sur le même sujet, dans le 1er Bulletin du Ier volume, M. Furgaud, dont les affirmations sont d'autant plus précieuses qu'il a vieilli dans notre contrée.

MM. Pailloux, P. Filloux, G.-E. Monnet et Télémaque de Cessac ont formé le Catalogue des plantes de la Creuse. Ce catalogue a plus d'intérêt qu'on ne pourrait croire. Sans doute, comme le dit judicieusement mon vieil ami Télémaque de Cessac, nos plantes sont très-bien décrites dans l'excellent ouvrage de M. Boreau; mais on se ferait une idée fausse de la végétation dans notre département si on voulait la juger par celle du centre de la France en général. En effet un grand nombre d'espèces que la flore de Boreau indique comme communes ou très-communes dans ce vaste rayon manquent ou tout-à-fait ou presque absolument dans la Creuse, tandis que d'autres abondent sur nos montagnes, et sont très-rares dans les contrées voisines. Le jeune botaniste fait donc espérer pour son catalogue complet 4° une distinction graduée entre les plantes qui croissent partout et celles qui n'ont que des stations restreintes; 2o afin que les médecins et les paysans du pays puissent mieux s'entendre, les noms vulgaires des végétaux, non pas tels qu'on les prononce d'ordinaire, mais tels qu'ils sont admis dans la Creuse, où, par exemple, le glécome ne se nomme point lierre terrestre, mais bien herbe de Saint-Jean; 3o même les plantes cultivées, dont plusieurs sont déjà naturalisées dans la Creuse :

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