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dont plus tard il reconnaissait volontiers le néant. L'imagination de notre ami l'avait transporté jusqu'à ces sphères idéales dans lesquelles à vingt ans les rêves et les réalités se confondent. Il en fait lui-même le naïf aveu dans une page inédite qu'il m'a été donné de lire, page imprégnée d'un indicible parfum de jeunesse. « Les oiseaux, dit-il, ont des ailes pour voler, l'homme a une âme » pour désirer, et le monde va où le mène l'espérance. Espérons » donc, et allons! » Et plus loin il ajoute : « J'avais le mal de >> l'inconnu, comme d'autres ont le mal du pays ». La terre d'Afrique surtout l'attirait par un charme irrésistible. Il partit comme aidemajor d'un chirurgien militaire, et, le 4 novembre 1842, il foulait la plage d'Alger.

Chacun de vous a pu lire le journal de son séjour en Afrique, récit dans lequel les fantaisies humoristiques se mêlent aux considérations élevées, et dont la manière tour à tour familière et grave rappelle si fidèlement les causeries de celui qui n'est plus. Le 21 janvier 1845, M. Auguste Du Boys était de retour en France. Deux mois plus tard, la Faculté de Montpellier lui décernait un diplôme de pharmacien de première classe, et il revenait mener au milieu de nous l'existence recueillie qui n'a pu le soustraire à la mort. « Le sol natal, a-t-il dit dans les pages dont je citais tout à >> l'heure quelques lignes, m'attirait par un charme indéfinissable, » et ne me permettait pas de l'oublier.... Je préfère aujourd'hui le » bonheur tel qu'il est et la gloire que donnent le mérite et la » vertu.... » Et plus bas il ajoute : « Quand on voyage seul, on » s'ennuie on n'est heureux qu'à demi lorsque l'on n'a personne à >> qui l'on puisse communiquer les sentiments que l'on éprouve; et » j'étais presque toujours seul ! »

Bientôt une jeune femme, en unissant sa destinée à celui qu'elle pleure aujourd'hui, fit cesser sa solitude. Il ne tarda pas à connaître les attachantes sollicitudes de la paternité; et depuis lors vous savez comment il a vécu, se délassant de ses occupations journalières par ses enfants, ces délices de son cœur, et par ses études, cette sévère distraction de son esprit.

Ses travaux étaient multiples, un moment même les fonctions municipales l'attirèrent elles ne purent le fixer. Mais l'archéologie surtout sut le retenir à elle par des charmes tout-puissants. C'est par elle que beaucoup d'entre nous ont noué avec lui des relations qui devenaient de jour en jour plus intimes, et se transformaient bien vite en une étroite amitié. C'était pour M. Du Boys presque un bonheur d'initier les autres à cette science aride dans ses

commencements, et dans laquelle il avait profondément pénétré. La supériorité le laissait sans envie, et il avait pour l'ignorance des conseils et non des railleries.

Dois-je parler avec détail de ses travaux divers dans une Société au sein de laquelle il a vécu, et qui a puˆ juger à chacune de ses séances de la sûreté et aussi de l'étendue de son érudition? Vous l'aviez nommé secrétaire, et je ne vous dirai pas avec quel zèle il remplissait les fonctions qu'il avait reçues de vous je craindrais de paraître penser que vous l'avez oublié déjà. Enumérer toutes les questions délicates qu'il éclaira serait une œuvre difficile: permettezmoi seulement de rappeler à vos souvenirs ses Vies de Bugeaud et de Latreille, insérées dans la collection de M. Albert; son édition des poésies de Jacques Dorat; ses notices sur les médecins de l'ancienne province du Limousin publiées dans les Bulletins de la Société médicale de la Haute-Vienne; ses biographies des hommes célèbres de notre pays, œuvre capitale que sa mort laisse inachevée, et dont l'éminent collaborateur de M. Du Boys voudra sans doute nous donner la fin.

C'est ainsi, Messieurs, que vivait celui qui n'assiste pas à votre séance ce soir, et que vous n'y reverrez jamais.

Depuis long-temps une maladie mystérieuse épuisait ses forces et amaigrissait ses traits. La science avait été impuissante à combattre un ennemi qui trahissait sa présence par un affaiblissement continu plutôt que par des douleurs. Les amis de M. Du Boys se prirent à trembler. Lui-même avait parfois comme l'intuition de sa fin prochaine, et se laissait aller à de mélancoliques épanchements. Mais bientôt le sourire et les paroles bienveillantes revenaient à ses lèvres. Peut-être avait-il peur d'attrister les autres.

Long-temps il a lutté contre le mal, qui l'envahissait chaque jour davantage. La jeunesse a tant de force à opposer à la mort ! Nous l'avons tous rencontré se promenant à pas lents, et redemandant à la chaleur du soleil les forces qu'il avait perdues.

Enfin il a fallu mourir! Le 16 août, nous avons marché derrière son cercueil. Il ne restait rien de ce jeune ménage, si plein naguère de joie et d'union, qu'une veuve et des orphelins!

Et nous, Messieurs, nous avions perdu un homme d'intelligence, un ami dévoué, un noble cœur!

0. PÉCONNET.

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Avant 1789, il y avait, dans le Limousin, un assez grand nombre de bibliothèques appartenant aux couvents ou à des particuliers lettrés. Quelques-uns de ces dépôts étaient importants, entre autres ceux du séminaire et du collége des Jésuites de Limoges; mais aucun n'était public.

Les actes législatifs de la révolution, en ordonnant la suppression des communautés religieuses et la vente du mobilier qui s'y trouvait, firent toutefois exception en faveur des archives, livres, manuscrits, médailles et autres objets scientifiques.

L'article 5 des lettres-patentes du 26 mars 1790 prescrivait aux officiers municipaux « de se transporter dans toutes les maisons religieuses du territoire; de se faire représenter tous les registres et comptes de régie, de les arrêter..., et de dresser, sur papier libre et sans frais, une description sommaire de l'argenterie, argent monnayé, des effets de la sacristie, bibliothèque, livres, manuscrits, médailles, et du mobilier le plus précieux de la maison, en présence de tous les religieux, à la charge et garde desquels ils devaient laisser lesdits objets >>.

Cette expression de « description sommaire » appliquée aux archives, livres et manuscrits, n'avait pas, à proprement parler, de signification. L'art. 5 faisait la part trop belle à la précipitation et à l'ignorance révolutionnaires. On ne saurait décrire une bibliothèque en quelques mots, et la loi, demandant une description sommaire là où il eût fallu un inventaire bien détaillé, ne prenait en réalité aucune mesure efficace pour conserver des richesses dont on commençait à reconnaître si bien le prix que déjà on songeait à les cen

traliser au profit de la nation. On n'a qu'à lire les procès-verbaux dressés en exécution de ces lettres-patentes pour se convaincre de leur peu de valeur comme renseignements bibliographiques, et cependant ces procès-verbaux devaient servir de base à toutes les opérations ultérieures.

Ce fut du moins ce qui se passa à Limoges. A la suite d'une délibération prise le 26 avril 1790, le maire et les officiers municipaux se divisèrent en comités, et alors commencèrent, dans chaque communauté, les opérations prescrites par les lettres-patentes ci-dessus. Ces opérations furent continuées les jours suivants. Voici l'ordre chronologique dans lequel furent faites celles dont nous avons pu consulter les procès-verbaux aux archives de la commune. Nous nous contentons d'indiquer les dates afin qu'on puisse au besoin recourir aux actes eux-mêmes, et de mettre en regard le nombre de volumes constatés dans chaque procès-verbal, quoique ce nombre ne soit qu'approximatif :

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(Rien dans ce procès-verbal qui concerne la bibliothèque.)

juin 4er. Chanoines réguliers de la congrégation de France (place St-Gérald). .... 200 vol.

Il est à croire que la même pauvreté d'indications bibliographiques régnait dans les autres procès-verbaux qui durent être dressés vers les mêmes époques, mais que nous n'avons pu retrouver. Dans ceux que nous avons sous les yeux, nous voyons que les officiers muni

(1) Ce procès-verbal et le précédent sont les seuls qui indiquent quelques ouvrages d'une manière spéciale. Le procès-verbal fait aux Feuillants donne le titre d'une quinzaine d'ouvrages, parmi lesquels on remarque l'Histoire ecclésiastique de Fleury, en 37 vol. in-4°; le Dictionnaire historiquè de Moréri; le Dictionnaire des cas de conscience de Pontas; une Vie de saint Martial, in-fo. — Le procèsverbal dressé aux Grands-Carmes fait uniquement mention d'une Bible manuscrite en 2 vol. in-f' et d'une polyglotte en 9 vol. également in-fo. La Bible manuscrite n'a jamais existé dans la bibliothèque communale de Limoges; quant à la polyglotte et aux autres ouvrages indiqués dans le procès-verbal des Feuillants, nous nous sommes assuré qu'aucun des exemplaires de ces ouvrages que pessède cette bibliothèque ne porte de traces ou d'indications de provenance.

cipaux ne s'étaient même pas donné la peine de compter les volumes. Les chiffres que nous reproduisons sont toujours précédés du mot environ, et suivis de cette description par trop sommaire : a la plupart dépareillés et déchirés ».

Les choses restèrent en cet état jusqu'au 2 décembre 1790. On trouve à cette date un arrêté du directoire du département de la Haute-Vienne qui, en exécution d'un décret de l'assemblée nationale concernant la vente des biens nationaux, enjoint aux officiers municipaux de Limoges de veiller à la conservation de ces biens dans la circonscription de la commune. On connaît toutes les opérations municipales de recollement d'inventaires et d'apposition de scellés qui furent faites, en vertu de l'arrêté ci-dessus, au sujet des meubles et effets mobiliers des communautés religieuses. On sait comment ensuite furent vendus les immeubles eux-mêmes. Mais les détails de ces évènements sont moins connus. Ainsi, grâce à une prévision qui fait encore honneur au gouvernement de cette époque, on eut bien soin d'excepter de la vente du mobilier des couvents les livres, manuscrits, papiers, etc., qui restèrent sous les scellés à défaut de dépôt commun pour les recevoir, et ne furent transportés au district que plus tard et au fur et à mesure que chaque acquéreur des communautés religieuses réclamait la possession complète des bâtiments à lui adjugés. Il faut ajouter, pour que la justice soit entière, premièrement que ces choses se passaient avant 1793, et secondement que, par une contradiction singulière avec les idées libérales dont nous venons de parler, il dut être fait, avant le transport au district, un triage des livres propres à être vendus. On n'a, pour se convaincre de ce fait, qu'à lire l'arrêté du directoire du district en date du 14 février 1790. Cet arrêté, qui concerne la vente du mobilier du couvent de St-Gérald et le triage des livres bons à être conservés, porte qu'il sera procédé aux mêmes opérations pour les communautés des Feuillants, des Grands-Carmes, des Augustins, laissant ainsi à la libre décision du commissaire délégué la question de savoir quels sont les livres bons à être vendus. C'est à ces ventes et à celles qui suivirent qu'il faut, selon nous, rapporter ce que dit, au sujet de la bibliothèque des Jésuites, l'auteur de la Statistique de la Haute-Vienne, publiée en 1808 cet auteur prétend, page 248, que les 6,000 vol. que contenait cette bibliothèque furent dispersés dans la révolution, et vendus presque tous à la livre. Nous n'avons pu vérifier cette assertion. Nous avons, au contraire, une preuve écrite que les bibliothèques de la Mission, du séminaire et du collège des Jésuites, étant trop considérables, furent laissées sous

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