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J'espère beaucoup que la cure puisse réussir, et elle ajouterait beaucoup à l'honneur que vous ont fait les autres.

Je vous salue avec toute l'estime et l'amitié possibles.

Ce 20 mars 1803.

Votre dévoué,

A. VOLTA.

A Milan, ce 23 mai 1803.

MONSIEUR,

:

J'ai reçu à Côme votre lettre, qui m'a fait beaucoup de plaisir en m'apprenant l'accueil favorable que vous ont fait les professeurs de Pavie : il étoit certainement dû à votre mérite beaucoup plus qu'à mes recommandations je suis pourtant bien aise qu'elles aient pu y contribuer. Je suis bien content qu'on vous ait confié le soin des cures électriques avec mes appareils, et je le serai encore plus d'apprendre le succès que vous en aurez eu.

A propos de mes appareils, la dépense que j'ai faite pour ceux que vous avez apportés à Scarpa et à Carminati est de 50 livres en tout, que l'abbé Rè, machiniste assistant au cabinet de physique, recevra pour moi, et m'en tiendra compte.

Je suis venu à Milan avec la bonne disposition d'aller à Bologne pour le 29 de ce mois, terme que le Gouvernement avait fixé pour la réunion des membres de l'Institut; mais j'apprends ce matin que cette convocation sera probablement suspendue, et renvoyée à la fin du mois prochain. Cela me fâche, et me déterminera probablement à ne pas y aller à cette saison, souffrant trop des grandes chaleurs. Enfin, si le voyage de Bologne se fait dans ce mois, suivant l'invitation que nous avons reçue, je partirai mercredi de la semaine prochaine, 28 mai, avec l'abbé Amoretti. S'il se diffère, je le ferai ou je ne le ferai pas, selon que je le pourrai, et qu'il me plaira ou non ; et en attendant je resterai à Milan une vingtaine de jours ou davantage. En tout cas vous pourrez m'écrire à Milan ou par la voie de la poste ou par d'autres occasions si c'est par la poste, comme je vais moi-même au bureau, il est inutile de marquer dans l'adresse ni la rue ni le numéro de la maison. Mais, si c'est un voiturier ou une autre personne qui porte la lettre, il faut marquer Contrada del Lauro, no 2805.

:

L'ouvrier à Côme va tout de suite travailler vos septante plaques doubles, comme le chirurgien Casanova lui a ordonné.

Je suis, avec les sentiments d'une estime distinguée et un véritable attachement,

Votre très-humble et très-obéissant serviteur et ami,

A. VOLTA.

Les lettres originales ont été données à la Société Archéologique par M. LAVERINE, chevalier de la Légion d'Honneur, à Oradour-sur-Glane.

SUR

L'APOSTOLAT DE SAINT MARTIAL.

CHAPITRE QUATRIÈME.

OBJECTIONS CONTRE L'APOSTOLAT DE SAINT MARTIAL

Depuis la publication des trois premiers chapitres de notre Dissertation dans le Bulletin de la Société Archéologique du Limousin, la question de l'apostolat de saint Martial a eu un retentissement auquel nous étions loin de nous attendre. Le dernier concile de la province de Bourges, tenu à Clermont en 1850, ayant prescrit le retour à la liturgie romaine, Mgr Buissas avait dû présenter, l'année dernière (1853), à l'approbation du Saint-Siége, le propre des saints du diocèse de Limoges, et il n'avait pas manqué de conserver à saint Martial le titre et le culte d'apôtre, que lui a donnés une tradition immémoriale, et que plusieurs conciles provinciaux et deux souverains pontifes lui ont solennellement décernés.

Le secrétaire de la congrégation des Rites, Mgr Gigli, n'avait pas été favorable à ces priviléges : il avait effacé le titre d'apôtre pour le remplacer par celui d'évêque, et substitué au culte qu'on rend aux apôtres le culte inférieur qu'on rend aux confesseurs-pontifes.

En recevant ce propre ainsi révisé, Mgr Buissas s'empressa d'écrire au souverain pontife pour lui faire entendre ses légitimes réclamations, et, sur sa demande, Sa Sainteté Pie IX renvoya l'affaire à l'examen de la sacrée congrégation des Rites, tribunal suprême chargé de prononcer un jugement sur toutes les questions qui concernent la liturgie.

Voici comment la correspondance de Rome publiée dans l'Univers du 21 avril 4854 s'exprimait à ce sujet : « Un avocat de la sacrée congrégation (M. Francisco Mercurelli) a été chargé par Mgr l'évêque de Limoges de proposer l'affaire aux cardinaux qui la composent. Naturellement il a exposé la question du côté favorable à la possession et aux priviléges de l'Eglise de Limoges. Mgr le promoteur de la Foi (Andrea Frattini) a soutenu au contraire l'opinion de Grégoire de Tours et des adversaires du titre et du culte apostolique. Une réplique de l'avocat a tâché de renverser l'échafaudage d'objections élevé par ce que nous appellerions en France le ministère public. Les pièces à l'appui ont été produites de part et d'autre. En un mot, la discussion la plus approfondie et la plus savante s'est engagée, et a été soumise aux cardinaux de la sacrée congrégation des Rites, réunis en séance ordinaire le 8 avril. S. E. le cardinal Morichini avait bien voulu accepter la tâche de rapporteur.

Le sentiment exprimé par la sacrée congrégation a été que l'Eglise de Limoges devait être maintenue dans le privilége qu'elle possède de temps immémorial, et en vertu des constitutions apostoliques, de donner à saint Martial, son premier évêque, le titre et de lui rendre le culte d'apôtre (1). » (Univers, 24 avril 1854.)

Cette décision de la congrégation des Rites à d'autant plus d'importance que le promoteur de la Foi prétendait, d'après une règle posée par Benoît XIV et par Guyet, qu'on ne doit donner, extraordinairement et par privilége, le culte d'apôtre qu'aux hommes apostoliques qui ont été du nombre des disciples de Notre-Seigneur (2). Or les quinze cardinaux qui composaient, au Vatican, le tribunal de la congrégation des Rites ont rendu leur décision à l'unanimité (3).

Nous remercions M. Mercurelli, qui a plaidé avec tant de succès la cause de l'apostolat de saint Martial, d'avoir bien voulu, en réfutant Grégoire de Tours, nous emprunter les principaux arguments de notre Dissertation, s'appuyer sur les documents qui en font la force, et donner à nos preuves, en les citant devant ce haut tribunal, une nouvelle autorité (4). Le plaidoyer qu'il a fait imprimer à Rome,

(1) An confirmari debeat elogium et cultus ut Apostoli, quo sanctus Martialis. primus Lemovicensium episcopus, hactenus gavisus est ab immemorabili tempore et ex constitutionibus apostolicis ? — AFFIRMATIVE.

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(2) BENEDICT. XIV, de Servorum Dei Beatific., L. IV, part. II, cap. XI, n° 7.— FRATTINI, Adnotationes super Dubio, etc., p. 2 et 3.

(3) Lettre circulaire de Mgr l'évêque Limoges du 6 juin 1854 (no 66).

(4) Quo quidem in opere cum nobis præiverit absolutissima dissertatione sua de sancti Martiatis apostolatu R. D. Arbellot, vicarius ecclesiæ cathedralis Lemovicen

suivi de la réfutation des observations critiques du promoteur de la Foi, mérite de rester comme un monument de haute critique et de savante discussion (1).

L'Univers, en publiant le compte rendu de cette affaire, ajoutait que, selon toute apparence, le Saint Père confirmerait cette décision de son autorité apostolique; et en effet, le 18 mai 1854, Sa Sainteté Pie IX, dans un décret solennel, rappelant le jugement prononcé par la congrégation des Rites dans son assemblée ordinaire tenue au Vatican le 8 avril précédent, reconnaissait le titre d'apôtre et le culte apostolique dont le fondateur de l'Eglise de Limoges avait joui de temps immémorial (2).

Ainsi désormais, comme nous le disait Mgr Pie, évêque de Poitiers, dans une lettre qu'il nous a fait l'honneur de nous écrire, la cause de l'apostolat de saint Martial est gagnée canoniquement. Mais, pour qu'elle soit complètement gagnée au tribunal de l'histoire, nous ne devons pas laisser sans réponse les diverses objections que les partisans de Grégoire de Tours et les critiques modernes ont faites contre la mission de saint Martial au 1er siècle. Nous allons les exposer dans toute leur force, et nous pensons qu'on ne nous fera pas le reproche de les passer sous silence ou de les atténuer.

1o La légende d'Aurélien et Grégoire de Tours.

OBJECTION. L'auteur de la légende de saint Martial est un écrivain inconnu qui, pour donner plus de crédit à son histoire, a cherché à la faire passer sous le nom de saint Aurélien or comment un auteur légendaire et apocryphe, un écrivain pseudonyme, aurait-il plus d'autorité que Grégoire de Tours, ce père de l'histoire de France, cel pontife illustre que l'Eglise a placé sur ses autels?

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RÉPONSE. Cet auteur légendaire et apocryphe a plus d'autorité (en ce qui concerne la vie de saint Martial) que Grégoire de Tours, 4° parce qu'il est plus ancien que cet historien, comme nous l'avons démontré par les vers que Fortunat a composés sur cette légende;

sis, non admodum laborandum erit. Ab eo siquidem petemus observationes, argumenta, testimonia, quæ undique summo studio diligentiaque collegit, quibus perpauca tantum e nostro pene addemus, ubi animadversionum ratio id exposcat. (Réplique, no 22.)

(1) Grand in-4° de 88 pages. Rome, chez Joseph Brancadoro, 1854.

(2) Sanctitas Sua... rescribendum mandavit : Constare ab immemorabili de cultu et elogio de quo agitur. Die 18 mai 1854. (Nous citerons in extenso, dans l'appendice, ce décret de Pie IX.)

2o parce que c'est un écrivain du pays, mieux renseigné sur les traditions locales que Grégoire de Tours, écrivain étranger, dont la conjecture sur saint Martial ne repose que sur une citation inexacte; 3° parce que c'est la légende de cet écrivain, et non pas l'histoire de Grégoire de Tours, qui a été reconnue constamment et de toute antiquité, par le Limousin et l'Aquitaine, comme le livre officiel, en quelque sorte, où sont déposées et enregistrées les vieilles traditions du pays sur saint Martial; 4° parce que d'autres monuments du vre siècle, que nous avons déjà cités, confirment le fait principal renfermé dans cette légende, à savoir la mission de l'apôtre de l'Aquitaine au temps même de saint Pierre; 5o parce que Grégoire de Tours, comme nous l'avons montré ailleurs, se trompant sur la mission de saint Trophime, n'a basé que sur une citation inexacte sa conjecture incertaine sur l'époque où saint Martial a été envoyé dans les Gaules.

Au commencement du vie siècle, lorsqu'un écrivain inconnu rédigea cette légende pour remplacer les anciens Actes que saint Aurélien avait écrits, et qui s'étaient perdus dans l'invasion des barbares ; à cette époque, disons-nous, il y avait apparemment quelques traditions sur saint Martial dans le Limousin et dans ces provinces d'Aquitaine où il a porté le premier les lumières de la foi supposons que l'auteur de cette légende eût fait un récit contraire aux traditions du pays, sans conformité avec les idées d'alors, sans fondement dans l'opinion de ses contemporains, comment ce livre aurait-il été accueilli? Les vieillards auraient hoché la tête, et auraient dit : << Jamais nous n'avons ouï de semblables choses: ce n'est point là ce que nous ont raconté les anciens; ce n'est point là la vie de celui qui nous a porté l'Evangile ». Les pontifes et les prêtres, fidèles dépositaires des traditions, auraient répudié cette légende comme une œuvre de mensonge; ce livre eût été rejeté de tous, supposé qu'il se fût trouvé quelqu'un assez audacieux pour l'écrire, et assez confiant dans l'ignorance et la crédulité de ses contemporains pour s'imaginer qu'un roman fait à plaisir serait reçu comme une histoire authentique.

Bien loin de là: cette légende, malgré l'alliage de détails apocryphes qu'elle renferme, est adoptée partout comme la traduction fidèle. des vieux souvenirs du pays sur l'apôtre de l'Aquitaine; même au Vi siècle, Fortunat dit en vers que ce sont là les Actes très-véridiques de saint Martial: au 1x siècle, les murailles de l'église de SaintSauveur retracent, dans de vives peintures, des récits empruntés à cette légende; l'office liturgique de Saint-Martial, qui date au moins

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