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saint Martial, qui rendent témoignage à sa mission apostolique au premier âge du Christianisme : c'est encore l'Orient, sa patrie, qui le reconnaît pour un disciple de saint Pierre et un contemporain des apôtres.

Nous n'avons pas la prétention d'avoir arraché à la science son dernier mot sur cette question de l'apostolat de saint Martial; nous somnies persuadé que des recherches plus étendues et plus approfondies que les nôtres feront faire un nouveau progrès à cette discussion, et jetteront sur ce fait traditionnel une pleine lumière historique. Nous sommes persuadé que des recherches ultérieures, faites, soit en France, dans les manuscrits de la bibliothèque Royale, soit dans les bibliothèques les plus célèbres de l'Italie et de l'Angleterre, feront découvrir de nouveaux documents relatifs à cette question capitale des origines du Christianisme dans les Gaules. On a vu le rôle important que joue, dans notre Dissertation, le poème de Fortunat découvert à Florence sur la fin du siècle dernier, et inconnu des critiques qui, avant nous, ont discuté le fait de l'apostolat; on a pu apprécier l'importance des pièces manuscrites récemment découvertes par M. Faillon à la bibliothèque Royale: qui sait ce que l'avenir mettra en lumière sur ce sujet ? La bibliothèque du Vatican renferme, dans un manuscrit du xr siècle, une Vie de saint Martial différente de la légende d'Aurélien, si nous en jugeons par les premières lignes que M. l'abbé Rouard nous a transcrites. Cette légende, inconnue de tous les critiques qui nous ont précédé, peut apporter un nouveau poids dans la balance (1); en Angleterre, la bibliothèque du collège de SaintJean-Baptiste d'Oxford possède une Vie de saint Martial qui n'a pas été encore examinée (2) : aussi nous souscrivons volontiers à ce que nous dit sur ce point le savant auteur des Monuments inédits sur l'apostolat de sainte Madeleine, M. l'abbé Faillon, dans une lettre qu'il nous a fait l'honneur de nous écrire : « Si j'avais à donner quelque conseil à un écrivain qui voudrait éclaircir les origines des

(1) Cette légende commence ainsi : « Patebant quædam 'fortiorum impiorum gesta.... Eo namque tempore quo Dominus noster Jesus Christus ex intemerato almæ Virginis utero, etc (Collection de la reine de Suède, n° 543.) Il serait possible que cette Vie fût celle qu'Ellies Dupin dit avoir été composée, au commencement du 1x siècle, par saint Odon de Cluny, Vie encore inédite, que nous n'avons pu trouver jusqu'à présent.

(2) « Une Vie de saint Martial, évêque, avec celle de saint Alexis, etc., dans le college de Saint-Jean-Baptiste d'Oxford en Angleterre, mais dont on ne dit pas le siècle.» (Catal. mss. Angl., 1697). (Note de Naduud.)

Eglises des Gauies, je l'engagerais à ne pas se borner aux bibliothèques de France, telles que la bibliothèque du Roi, à Paris, qui renferme près de cent mille manuscrits; je l'exhorterais à pousser ses recherches surtout en Angleterre, dont les bibliothèques n'ont point été explorées par les critiques, surtout dans la partie qui concerne l'histoire des saints. Les Anglais, depuis leur schisme, semblent avoir dédaigné tous les monuments concernaut la vie des saints, qui sont encore enfouis dans leurs bibliothèques je ne doute pas qu'elles ne renferment des richesses précieuses pour les Gaules, et inconnues aujourd'hui à nos Eglises.

>> Si ma position et mes fonctions eussent pu me permettre de faire un an de séjour en Angleterre, lorsque je travaillais aux Monuments inédits, je n'aurais pas balancé d'aller y faire des recherches la Vie de sainte Madeleine, par Raban Maur, dont nous ne possédons en France aucune copie, peut justifier ce que j'avance ici. Je crois donc, Monsieur, que, si vous pouviez parcourir les bibliothèques d'Angleterre, vous pourriez y faire des découvertes qui jetteraient beaucoup de jour sur l'origine de nos Eglises, et probablement sur l'apostolat de saint Martial (1). »

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Si la Providence, qui nous emploie aujourd'hui à un laborieux ministère, nous réserve un jour quelque loisir, nous espérons bien faire sur ce sujet quelque découverte nouvelle mais, en attendant, nous croyons que l'histoire moderne doit, dès à présent, casser le jugement qu'elle avait porté sur l'apostolat de saint Martial, et assigner, sans hésitation, sa mission au rr siècle.

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Voilà donc une tradition constante, que nous trouvons établie d'une manière positive ou confirmée indirectement par des témoignages historiques, en remontant de siècle en siècle jusqu'au premier àge du Christianisme. Au XIe siècle, nous la trouvons répandue partout, non-seulement dans toutes les Eglises d'Aquitaine qui reconnaissent saint Martial pour fondateur, mais encore d'un bout de la France à l'autre, en Angleterre et en Italie, à Constantinople et dans la Palestine, c'est-à-dire dans toute l'étendue du monde chrétien. Ou en voit les preuves irréfragables dans les conciles tenus à Paris et à Poitiers, à Bourges et Limoges, sur la question de l'apostolat de

(4) Lettre de M. Faillon, datée d'Issy, 2 mars 1854.

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saint Martial, au commencement du XIe siècle. Au x siècle, les Eglises de Bordeaux et d'Angoulême, du Quercy et de la Bourgogne, etc., ajoutent leurs témoignages à ceux du Limousin. Au Ix siècle, nous trouvons notre tradition consignée dans la Vie de saint Sacerdos, dans les peintures murales de Saint-Sauveur, dans le livre des Miracles de saint Martial et dans les écrits de Raban Maur, archevêque de Mayence. Au vur siècle, notre tradition est confirmée par le moine Florus, auteur des Additions au Martyrologe de Bède; elle est appuyée indirectement par le célèbre diacre Paul Warnefride, secrétaire de Didier, roi des Lombards. Au VIIe siècle, les légendes de saint Ausone et de saint Austremoine attribuent sans hésitation la mission de saint Martial au temps de saint Pierre. Au vi siècle, cette tradition se retrouve encore nonseulement dans l'Eglise de Limoges, mais encore dans les. Eglises de Poitiers, de Bourges et d'Arles; elle n'est contredite que par un mot de Grégoire de Tours: or, après la réfutation que nous avons faite de ce passage, on peut juger combien cette contradiction est peu sérieuse, et nous avons d'ailleurs, pour contrebalancer Grégoire de Tours, un de ses contemporains les plus illustres, Fortunat, évêque de Poitiers, dont les vers composés sur la légende de saint Martial prouvent que notre tradition est antérieure à Grégoire de Tours. En remontant plus haut encore, nous trouvons un appui indirect dans une lettre du pape Innocent Jer. Au me et au Ie siècle, notre tradition est confirmée indirectement par Tertullien et saint Irénée, qui affirment que, de leur temps, il y avait des Eglises chrétiennes établies chez les diverses nations des Gaules et chez les Celtes.

Bien plus, des monuments étrangers, d'une autorité incontestable, donnent à notre tradition une confirmation éclatante: c'est ainsi dans l'Eglise romaine, notre tradition se rattache à celle de saint Paul et de saint Luc; et nous la trouvons consignée dans les vieilles archives de Sainte-Marie in Via Lata. Dans la Tosca: e, l'église de Saint-Martial bâtie près de la ville de Colle, sur le tombeau de saint Austriclinien, et les souvenirs traditionnels qui s'y rattachent; en Orient, la Vie de saint Martial, écrite en grec, qui se trouvait, au x siècle, daus le monastère du Mont-Sinaï, et qui faisait de l'apôtre de l'Aquitaine un des soixante-douze; puis l'église de Saint-Martial que le cosmographe Thévet assure avoir vue, dans son voyage en Palestine, près de la ville de Rama, dans le lieu où la tradition ancienne faisait naître le premier évêque de Limoges voilà des monuments, voilà un faisceau de traditions qui,

30 DISSERTATION SUR L'APOSTOLAT DE ST MARTIAL.

en s'accordant avec la nôtre, et en se donnant un mutuel appui, jettent une vraie lumière historique sur la mission de saint Martial au temps des apôtres. Cette tradition est catholique ou universelle : elle est de tous les temps et de tous les lieux.

Et l'on voudrait que tant d'Eglises, dans les Gaules et dans 'Italie, en Angleterre et en Palestine, se fussent accordées à admettre un fait historique qui n'aurait aucun fondement ! Et l'on voudrait que toutes les Eglises d'Aquitaine eussent perdu de vue un fait aussi important que celui de leur origine, que l'époque de la mission de leur premier apôtre, et se fussent laissé tromper par le rêve fabuleux de quelque imposteur !... Mais à qui persuadera-t-on que tant d'Eglises, rivales de celle de Limoges, aient admis sans réclamation un fait qui donnait à notre Eglise une telle supériorité d'origine? Et comment supposer alors que l'erreur devint si générale ? Comment supposer que l'Aquitaine et la France, Rome et la Toscane, l'Occident et l'Orient se rendissent complices du mensonge, et s'accordassent unanimement sur un fait controuvé ? Comment expliquer que tant d'Eglises étrangères, parfaitement désintéressées dans la question, rendent le même témoignage? Comment expliquer qu'un si grand nombre de témoins, dont plusieurs, comme nous l'avons vu, n'ont pu s'entendre, fassent sur ce point une déposition unanime? Il faut reconnaître, avec Tertullien, que « une tradition qui est la même en beaucoup de lieux n'est pas une erreur, une fiction ou un mensonge, mais une vérité transmise de vive voix (1) ». Et c'est pourquoi nous terminerons ce chapitre par ces paroles du savant et illustre de Marca, que nous sommes fier de trouver avec nous dans cette importante discussion « J'ai pensé qu'il fallait, non pas renverser, mais conserver nos traditions, qui sont fondées sur la vérité avec d'autant plus de raison qu'elles ont été reçues autrefois dans l'Eglise romaine et dans tout le monde chrétien (2) ».

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L'ABBÉ ARBELLOT.

(La fin à un prochain Bulletin.)

(1) Cæterum quod apud multos unum invenitur non est erratum, sed traditum. (TERTULLIAN., De Prascript., C. XXVIII.)

(2) Non evertendas, sed retinendas putavi, quæ veritate nituntur, traditiones nostras; præcipue cum in Ecclesia romana ac toto in orbe Christiano jam olim receptæ fuerint. (De tempore prædicatæ primum in Galliis fidei, no 27. — Apud Acta SS, T. V junii, p. 552.)

NOTICE BIOGRAPHIQUE ET LITTÉRAIRE.

I.

Au-dessous des grandes figures littéraires qui se détachent en relief sur la surface d'une nation se trouvent des physionomies plus humbles, plus locales, mais qui ne manquent cependant ni d'originalité ni d'expression.

Les écrivains célèbres, soit qu'ils planent dans les régions élevées de l'art et de la spéculation, soit qu'ils descendent sur le terrain brûlant de la philosophie militante et de la politique, résument en eux les tendances d'un siècle ou d'un pays. Leur renommée franchit rapidement les murailles de la ville qui les vit naître, et s'étend avec les idées dont ils sont devenus les représentants. Pendant leur vie, comme après leur mort, la gloire les entoure d'une lumineuse auréole littérateurs, peintres et sculpteurs s'efforcent de saisir leurs traits, et de les transmettre à la postérité dans toute leur précision.

Aux pieds de ces géants s'agite une foule d'écrivains dont l'action. ne se fait sentir que dans leur province. Leur nom, inconnu aux étrangers, jouit d'une popularité locale qui est à la gloire ce qu'une étoile est au soleil. Après leur mort, leur physionomie s'efface rapidement, et c'est à peine si la génération suivante saurait dire quels en furent le type et les contours.

Le Limousin, qui ne compte parmi ses enfants aucun de ces colosses littéraires qui éclairent leur berceau à la splendeur de leurs rayons, a vu naître et mourir dans son sein un certain nombre d'hommes qui ont rempli d'une douce lueur la modeste sphère qui les contient. La patience leur tient lieu d'inspiration, le travail prit la place du génie. L'un d'eux cependant se distingue entre tous par sa vie tourmentée, par les souvenirs révolutionnaires qui se groupent autour de lui, par le caractère essentiellement limousin de son œuvre, et par l'idiome dans lequel il l'écrivit. Cet homme c'est Foucaud. Contraste étrange! les vieillards ne parlent de lui qu'avec

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