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la retraite du duc d'Anjou, Coligny se dirigea sur Poitiers, établit son quartier général à St-Benoit, petit village à trois kilomètres sud-est de cette ville, et en commença immédiatement le siége (4); mais ses trente mille hommes, son artillerie et six semaines d'efforts continuels ne purent rien contre la ténacité du duc de Guise (Henri-le-Balafré), qui commanda it la place.

Les eaux du Clain, arrêtées par des vannes adaptées à l'un de ses ponts, débordèrent, et il se forma, au dire des assiégés, une petite mer sur laquelle l'amiral n'avoit aucune autorité, et qui rendit le siége impraticable (2).

L'approche du duc d'Anjou décida Coligny à tenter une suprême et dernière attaque, dans laquelle ses troupes, entassées pendant plusieurs heures entre les rochers et la rivière, furent écrasées par le feu du château, et firent de telles pertes qu'il leva le siége pour aller ensuite se faire battre dans les plaines de Montcontour (3).

Laissons les armées belligérantes s'éloigner des lieux dans lesquels notre mémoire doit être circonscrit : si nous avons quelque peu réussi à faire ressortir les fautes qui furent commises dans cette campagne, essayons également, par une revue rétrospective mais succincte, de faire la part de l'époque en comparant l'instruction des troupes et l'organisation des armées au XVIe siècle avec ce qui existe aujourd'hui.

L'infanterie, au XVIe siècle, comprenait des piquiers, des Ce qu'était l'infanhallebardiers, des arquebusiers et des mousquetaires.

A part le mousquet et l'arquebuse, les armes dont ces troupes portaient le nom sont encore assez connues aujourd'hui pour qu'il soit inutile d'en parler.

L'habillement des troupes en général était facultatif, et par conséquent sans uniformité: un casque connu sous le nom de salade et un plastron de buffle étaient les armes défensives de l'infanterie ; une épée à monture de fer, suspendue à un baudrier, complétait son armement.

Premiers jours d'août.

(2) On voit encore aujourd'hui les rainures de ces vannes contre les arches étroites du pont de Rochereuil, auprès duquel.s trouvait le château.

(3 3 octobre.

terie au Avie siecle.

Les lansquenets furent l'infanterie allemande qui vint combattre en France à cette époque.

En 1569, les arquebusiers et les mousquetaires portaient des armes de différents modèles.

L'arquebuse primitive, imaginée vers la fin du xive siècle, consistait en un canon monté sur bois, comme les fusils actuels, et assez lourd pour nécessiter l'emploi d'une fourche, que le soldat plantait en terre, et sur laquelle il appuyait le bout de son arme pour ajuster et tirer. De petits étuis en fer ou en bois suspendus au baudrier renfermaient les charges de poudre; une poire ou cornet contenait une poudre plus fine propre à amorcer; un petit sac renfermait les balles. Au moment du combat, le soldat en mettait plusieurs dans sa bouche afin d'accélérer la charge; plusieurs brasses de mèche étaient roulées autour de son cou. L'arquebusier était en outre obligé de porter du feu, ce qui pouvaitle trah ir dans les marches de nuit, et devait être très-incommode en temps de pluie.

Cette arme fut bientôt améliorée : on lui adapta un ressort garni d'une mèche, et on la tira sans le secours de la fourche.

Vers 1515, on inventa à Nuremberg l'arquebuse à rouet. Une roulette d'acier cannelée, mise en mouvement par un ressort violent, tournait contre une pierre métallique qu'un chien tenait au-dessus du bassinet, et en détachait des étincelles, qui mettaient le feu à la poudre.

Trente ans plus tard, les Espagnols modifièrent cette arme, et lui donnèrent le nom de mousquet. Elle était pour lors d'un calibre très-fort, lançait des balles d'un quart de livre, qui perçaient les cuirasses. Avec de telles armes, le feu de l'infanterie ne pouvait être bien vif, et devenait à peu près nul en temps de pluie.

L'infanterie combattait en masses profondes et en lignes déployées.

Dans le premier cas, plusieurs rangs de mousquetaires couvraient la tête des colonnes; chaque rang faisait successivement feu, puis s'écoulait à droite et à gauche de la colonne pour aller se reformer à la queue et recharger ses armes. Lorsque le feu était épuisé, les piquiers qui composaient la colonne se déployaient pour charger, ou chargeaient en masse.

Dans les défenses de positions, les piquiers étaient devant, et mettaient le genou en terre en croisant leurs armes pour

donner aux mousquetaires placés derrière eux la facilité de tirer par-dessus leurs têtes.

L'infanterie combattait en lignes déployées lorsqu'on voulait exécuter une charge à l'arme blanche, ce qui ressemblait exactement aux charges à la baïonnette d'aujourd'hui.

Vers 1630, pendant la guerre de trente ans, Gustave-Adolphe inventa les cartouches, et le fusil à pierre fut imaginé en Italie. En 1703, d'après le conseil de Vauban, on adapta la baïonnette à cette nouvelle arme, mais en se privant toutefois de la facilité de tirer, car cette baïonnette primitive se fixait au canon au moyen d'un manche qui entrait dedans. Un peu plus tard, on l'améliora en conservant la possibilité de tirer sans l'enlever.

Le tambour enfin, cet instrument que connaissaient les anciens peuples, n'a pas toujours été employé comme il l'est aujourd'hui, et ne servit pendant long-temps qu'à donner dans les armées les signaux en usage. Vers 1740, le maréchal de Saxe, frappé de la difficulté que l'on éprouvait à faire marcher régulièrement les troupes, le fit adopter comme régulateur de la marche.

La cavalerie, au XVIe siècle, comprenait la gendarmerie et plusieurs autres espèces de troupes dont nous allons parler.

La gendarmerie, composée de gentilshommes, était organisée en compagnies dites d'hommes d'armes. Couverts de casques, de cuirasses et d'autres armes défensives, montés sur de grands chevaux également couverts de fer, les gendarmes portaient une longue et forte lance, une lourde épée et une masse d'armes. Celle-ci fut abandonnée vers l'époque dont nous nous occupons.

Chaque gendarme, moyennant une solde élevée qu'il recevait, amenait avec lui à l'armée trois ou quatre soldats montés et armés à ses frais. La réunion du gendarme et de ses hommes s'appelait lance ou lance fournie.

Ces soldats, connus sous les dénominations de pages, varlets, argoulets, coutilliers, arbalétriers et enfin d'arquebusiers à cheval, étaient réunis en corps, et formaient la cavalerie légère de l'armée.

Dans les batailles, les arquebusiers à cheval tiraillaient sur la tête ou les flancs des colonnes; lorsqu'une charge était nécessaire, ils débarrassaient le terrain pour laisser passer la

Cavalerie.

Reitres.

gendarmerie; une fois la charge fournie, ils se reportaient en avant pour aider la gendarmerie dans la poursuite de l'ennemi.

La cavalerie était peu manœuvrière, et ne savait guère que charger quand elle avait le dessous, elle se ralliait derrière les autres troupes pour se reformer.

A mesure que les progrès de l'artillerie devinrent plus sensibles, et que ses effets sur les champs de bataille furent plus remarquables, les armures, devenues inutiles, furent abandonnées; la gendarmerie cependant, malgré de grandes modifications apportées dans sa constitution, subsista encore long-temps; car, aux approches de la révolution française, elle se trouvait représentée par dix compagnies, faisant partie de la maison militaire du roi, et connues sous le nom de gendarmerie de France.

Les reîtres (die reuter) furent la cavalerie allemande qui vint combattre en France pendant les guerres civiles du xvre siècle. Montés sur des chevaux de moyenne taille, couverts d'armures légères, il se servaient de l'épée, de longs pistolets à rouet, et se rendirent redoutables même à la gendarmerie, sur laquelle ils avaient l'avantage de la légèreté. On ne peut mieux faire leur éloge qu'en rapportant ce qu'en dit le maréchal de Montluc (1), dans ses mémoires, à l'occasion de la défense du pays d'Agen:

<< Nos gens de cheval sortoient bien souvent, dit-il; mais ils trouvoient toujiours ces reîtres si serrés dans les villages et enfermés avec des barrieres qu'on ne pouvoit rien gagner sur eux que des coups, et tout incontinent estoient à cheval.

» A la vérité ces gens-là campent en vrais gens de guerre. Il est malaisé de les surprendre.

>> Ils en sont plus soigneux que nous, et encore plus de leurs armes et chevaux. Davantage ils sont plus espouvantables à la guerre, car on ne voit rien que feu et fer, et n'y a valet d'estable en leurs troupes qui ne se dresse pour le combat, et ainsi avec le temps se font gens de guerre. »

(1) Blaise de Montluc, maréchal de France, a fait presque toutes les guerres du xvi siècle, et a laissé deux volumes de commentaires, ouvrage assez rare aujourd'hui, d'un style original, et qu'Henri IV appelait la Bible du soldat.

Les plus brillantes qualités étant souvent accompagnées de vilains défauts, on peut ajouter en toute sûreté que les reîtres étaient pillards par excellence.

Sous les règnes de Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, la cavalerie fit quelques progrès; mais, un peu plus tard, le roi de Prusse Frédéric II, qui connaissait cette arme, et savait la faire combattre, en organisa une qui depuis servit de modèle aux autres puissances de l'Europe.

Quant à l'artillerie, sans revenir sur ses débuts, et faire l'histoire de son matériel primitif, de ses pièces informes et souvent composées de morceaux réunis au moyen de cercles, il nous suffira de dire que, sous le règne de Charles IX, elle était encore très-pesante, et embarrassait souvent les troupes dans leurs mouvements. Son service, peu perfectionné, ne lui permettait de tirer qu'avec lenteur, et les manœuvres lui étaient inconnues aussi était-elle peu nombreuse dans les armées.

Ce ne fut que vers la fin du XVIIe siècle, et plus tard dans le xvi, qu'elle fit des progrès vraiment remarquables, qui furent dus au génie de deux hommes, Vallière et Gribeauval (1).

Tels furent les éléments qui servirent à constituer les armées depuis l'invention de la poudre jusque vers le milieu du XVIIe siècle.

Sous Louis XIII, et surtout sous Louis XIV, les troupes perdirent ce qui leur restait de leur physionomie du moyen-âge, et prirent un aspect analogue à celui qu'on leur voit aujourd'hui. Malgré les longues guerres de Louis XIV et les armées nombreuses qu'il fut obligé d'entretenir, la tactique fit peu de progrès sous son règne.

Dans la première moitié du XVIIIe siècle, parut Frédéric II, qui, doué du génie de la guerre, fit faire à la tactique en géné ral des progrès immenses, et donna à ses troupes des règlements que les autres armées ne tardèrent pas à adopter, et sur lesquels ceux qui régissent nos troupes aujourd'hui sont encore calqués.

Enfin la révolution française arriva, et avec elle vingt an

(1) De Gribeauval, né à Amiens en 1715, lieutenant-général d'artillerie en 1767, mort en 1789, fut celui qui lui fit faire le plus de progrés.

Artillerie.

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