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confesseurs auxquels les apôtres résolurent de conférer la dignité épiscopale (1).

2o L'ancienne légende de saint Ursin publiée par M. Faillon place saint Saturnin au nombre des sept évêques envoyés par les saints apôtres de la ville de Rome (2).

3o Le document de l'Eglise d'Arles, publié par le même savant, fait de saint Saturnin un des sept évêques envoyés par saint Pierre dans les Gaules pour prêcher la foi de la Trinité aux gentils (3). Ce monument appartient, comme les deux précédents, au vr siècle.

4o D'anciens Actes de saint Saturnin, cités par De Marca, enseignent aussi que saint Saturnin avait reçu sa mission de saint Pierre (4).

Cette troisième tradition avait été adoptée par Adam d'Auvergne, Bernard Guidonis et d'autres écrivains du moyen-âge; on la trouvait consignée dans de vieux bréviaires, parmi lesquels nous citerons ceux de Limoges et de Toulouse, etc. Elle se trouvait aussi dans une vieille inscription du cloître de Saint-Sernin (5).

Au fond, cette dernière tradition diffère peu de la précédente en effet saint Pierre et saint Paul, ayant reçu la palme du martyre l'an 66 de Jésus-Christ, et saint Clément ayant commencé son pontificat vingt-cinq ans après, l'an 91, quelques-uns des hommes apostoliques envoyés par saint Clément auraient pu voir les apôtres, être instruits par eux, être destinés par eux à la prédication évangélique, et ne partir toutefois pour la mission qui leur était confiée que sous le pontificat de saint Clément, qui leur aurait conféré la dignité épiscopale. Il serait vrai de dire, à la rigueur, de ces missionnaires de saint Clément, qu'ils auraient primitivement reçu leur mission de saint Pierre et des apôtres, dont saint Clément du reste était le contemporain, puisqu'il est question de lui dans l'Évangile (6).

(1) (Apostoli) electis viris Dei dispositione providenter honorem decreverunt Jepiscopalem adjungere... Ex qua confessorum turba sanctum et venerandi meriti Saturninum urbs Tolosana promeruisse gaudet episcopum. (Patrolog., T. LXXXVIII, col. 580.)

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(6) Cum Clemente et aliis adjutoribus meis, quorum nomina sunt in libro vitæ. (Philipp, IV, 3.)

La question étant ainsi exposée, la solution ne nous paraît pas douteuse. La masse des anciens témoignages et des vieilles traditions que nous venons de citer attribue à saint Saturnin l'antiquité apostolique; Grégoire de Tours et Raban-Maur reconnaissent qu'il avait été ordonné et envoyé par les disciples des apôtres; Odon de Beauvais, les légendes de saint Denis, de saint Marcel, etc., expliquent qu'il faut entendre par là le pape saint Clément, disciple et contemporain des apôtres; les documents qui attribuent sa mission aux apôtres et à saint Pierre doivent s'entendre dans le sens que nous venons de l'expliquer.

L'illustre De Marca, qui n'avait pas connaissance de tous les documents découverts aujourd'hui, mais qui avait au plus haut degré ce que nous appelons le coup d'œil critique, avait fixé au pontificat de saint Clément la mission de saint Saturnin (1).

Les savants auteurs de l'Art de vérifier les dates, après avoir étudié les divers documents et pesé les raisons pour et contre, ont été forcés de s'en tenir à cette opinion: « Saint Saturnin, disent-ils, premier évêque de Toulouse, envoyé dans les Gaules par saint Clément, vers la fin du ror siècle (2) ».

le pape

Mais alors comment expliquer que l'auteur des Actes de saint Saturnin ait fixé la mission de ce saint évêque à l'empire de Dèce? - « Cet écrivain, répond M. Faillon, pourrait bien s'être mépris sur le temps de la mission de saint Saturnin; il ne la fixe que d'après le bruit public, ex fideli ou felici recordatione. Ce bruit était assez éloigné de l'évènement, car l'auteur y parle avec éloge de saint Exupère de Toulouse, qui a vécu au ive et au ve siècle; et par conséquent lui-même n'a vécu qu'au ve, peut-être même au vio, et peu de temps avant Grégoire de Tours. Et ce qui montre qu'il aurait pu en effet se tromper, en confondant, par exemple, avec saint Saturnin envoyé dès le 1er siècle quelque évêque de Toulouse venu au Ie siècle, et martyrisé dans la persécution de Dèce, c'est que, au temps de saint Grégoire de Tours, malgré ces Actes, on disait que le même saint Saturnin avait été envoyéà Toulouse au 1er siècle. Or, s'il y avait alors deux traditions différentes, n'a-t-il pas pu se faire que

(4) Satius est ut hæreamus relatæ a Gregorio traditioni, scilicet a discipulis apostolorum ordinatum, id est à Clemente, juxta Fortunatum. (Ap. Acta SS. T. V junii, p. 551.)

(2) Art de vérifier les dates, p. 166, 249.

[404 DISSERTATION SUR L'APOSTOLAT DE ST MARTIAL. l'auteur des Actes de saint Saturnin ait pris celle des deux qui était déjà corrompue (1)? »

Nous sommes pleinement de cet avis. Ce document traditionnel, presque isolé, ne nous paraît pas pouvoir tenir devant le faisceau des autres documents traditionnels qui le contredisent. Nous assignons donc la mission de saint Saturnin au pontificat de saint Clément, à la fin du 1er siècle.

L'ABBÉ ARBELLOT.

(La fin à un prochain Bulletin.)

(1) Monuments inédits, T. II, col. 366.

NOUVELLES RECHERCHES

SUR

LES ÉMAILLEURS LIMOUSINS.

Encouragé par l'approbation bienveillante de M. de Laborde, juge si compétent en pareille matière, j'ai cru devoir mettre en ordre le fruit de longues recherches dans nos archives municipales et départementales, et les fragments d'anciens rôles des tailles, au sujet des émailleurs. Je viens vous communiquer ce que j'ai découvert sur ces peintres dont les œuvres sont estimées et appréciées des savants, et enrichissent les collections des palais.

Au peu de détails que nous connaissions sur nos émailleurs, et que j'avais extraits des rôles de 1602, 1624, 1625 et 1635, je viens ajouter les notes suivantes.

M. Albert Way, directeur de la Société des Antiquaires de Londres, m'a signalé des œuvres d'un émailleur de Limoges, magister de Limogia, faites, vers la fin du XIIe siècle, pour un évêque de Rochester et un chevalier Arden. Ce Jehan de Limoges qui fit aussi le voyage d'Angleterre au commencement du xive siècle pourrait bien être un des I. Lemovici frères qui ornèrent d'émaux le tombeau du cardinal de La Chapelle-Taillefer.

La carrière de Jehan Court dit Vigier, que je regarde comme le plus habile de ces peintres, se serait prolongée plus tard qu'on ne l'avait pensé.

On lit au rôle de 1602, quartier Manigne, sous le n° 138, la mention d'un Jehan Court dit Vigier, et de son fils, Petit-Jehan, pour 4 écu 2 sols de contribution. Le terrier de Thoumas, notaire, place au 15 novembre 1597 la vente de sa maison des GrandesPousses, confrontant aux jardins de Catherine Boyol, veuve de Jean Romanet.

Un plan colorié des Audoueynas, présentant en marge une esquisse de l'enceinte de Limoges, en forme de cœur, et celle de la Cité, à peu près carrée, où sont indiqués les clochers et les églises les plus remarquables, est signé de la main de Jehan Court dit Vigier on y

voit la porte fortifiée de la ville, appelée l'Eperon Saint-Martin, l'église des Feuillants, la Maison-Dieu, à moitié détruite, les églises de Saint-Augustin, des Bénédictins, de Saint-Jacques et de Saint-Christophe, la maladrerie Saint-Jacques sur le ruisseau d'Aigueperse, et quelques maisons du Naveix, avec le ramier pour retenir les bois de flottage, ou peut-être des abaux empilés.

Ce plan, d'une grande vivacité de couleur et d'une pureté de dessin singulière, porte inscrits au nom de Jehan Limousin une terre et un pâtural représentés sur une bande verte longeant les bâtiments des Audoueynas.

On y lit, tout de la même écriture, ces mots : « Figure faicte par >> moy, Jehan Court dict Vigier, maistre peintre de la ville de Limoges, » prins d'office par monsieur de Petiot, juge royal de Limoges, en >> présence des parties. Signé COURT (D.-V.), etc. ». Il a été calqué sur place avec autant de talent que d'obligeance par notre excellent collègue et secrétaire M. Auguste Du Boys. Nous avons des actes de Jehan Petiot, juge et commissaire de la reine de Navarre, vicomtesse de Limoges, de l'an 1564.

Un autre plan colorié, de Bost-Boucher, Bridier, Bramaud, Panla, etc., de la paroisse de Rilhac-Rancon, avec de jolies et fraîches peintures des bâtiments de ces localités, appartient aussi à Jehan Court, à en juger par l'écriture et le dessin.

Une autre mention du terrier de Thoumas, fo 47, cite les maisons possédées, le 29 juillet 1756, par François Grosbras et Bénigne Clorieux, comme n'en ayant jadis fait qu'une seule, appartenant aux Seignat, à Jehan Vigier dit Court, émailleur, et à Narde Jourdanie, sa veuve, puis à Jean Muret, etc. Elle donnait sur la Grande-Rue Manigne et la rue du Verdurier, anciennement du Verdier et des Étables. M. Muret de Pagnac m'a communiqué l'original de cet acte.

Au 21 août 1761, le terrier nouveau du notaire Ardant, fo 97, no 26, 6 sac, constate l'acte de reconnaissance de Jacques Seignat pour la maison qui fut de Jehan Vigier dit Court, émailleur, de Léonarde Jourdanie, sa veuve, passée par la suite à Hélie Peyssac, à Jean Muret, Maledent de Fontjaudran, Devoyon du Buisson, contigue à celles de MM. Benoist de Vanteaux et Roulhac du Rouveix. Cette maison payait 14 sous 6 deniers de cens.

Un autre terrier, du 19 juillet 1756, est presque identique dans les détails concernant la reconnaissance de Seignat.

Jehan Court aurait donc possédé deux maisons, et les actes qui l'appellent Vigier, dit Court, mot qui donnait à ce dernier nom l'apparence d'un sobriquet, sont rectifiés par la signature, qui établit

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