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est entravée par les dispositions du droit public romain qui, malgré son perfectionnement relatif incontestable, est bien loin de répondre aux vœux des peuples et aux besoins des sociétés.

Dans la deuxième époque, une transformation totale s'complit: la loi romaine et les principes du droit public restent encore debout; mais au moment où l'antique édifice va tomber en ruines, une force providentielle intervient pour reconstituer la vieille société sur un nouveau plan, tout en employant à son œuvre ceux des matériaux anciens qui ne sont pas encore usés de vétusté. On reconnaît ici l'apparition du christianisme, religion divine, qui, en promulguant ses admirables maximes de dévouement et de fraternité, changera la base des relations, et remplacera l'exclusivisme païen par un principe nouveau, la Charité ! Cette vertu féconde appellera tous les hommes à la participation aux charges et aux avantages résultant de l'état social où ils sont placés, et vivifiera toutes les relations qui les unissent.

Jetons d'abord un coup d'œil sur l'époque romaine antérieure au christianisme, et ensuite nous donnerons des explications plus étendues sur les institutions de droit publicqui se rapportent à l'ère chrétienne.

TITRE I.

DU DROIT PUBLIC ROMAIN AVANT LE CHRISTIANISME.

La législation d'un peuple est toujours en harmonie avec la situation politique de ce peuple; elle porte le caractère des vicissitudes qu'il est obligé de traverser pour arriver au bienfait de la civilisation. Il résulte de cette simple observation que la société romaine ayant passé successivement par le gouvernement de la république et par celui de l'empire, ses lois eurent un caractère différent selon l'époque de leur promulgation, ou selon les circonstances au milieu desquelles eut lieu leur application; ainsi les lois de la république se ressentent de la rudesse et de l'austérité des mœurs qui caractérisent les premiers âges de Rome, tandis que celles de l'empire portent l'empreinte de la volonté arbitraire du souverain, qui ne reconnaissait aucune sujétion dans l'exercice de son pouvoir.

Suivons donc l'ordre naturellement indiqué par les événements, et examinons successivement les principales dispositions du droit public romain pendant la période républicaine d'abord, et pendant la période impériale ensuite.

triciat romain forme une caste toute belliqueuse; chaque magistrature est un commandement militaire; et quand les plébéiens finissent par avoir part aux affaires publiques, ils tiennent. leurs assemblées dans le champ de Mars, en armes et rangés par centuries, c'est-à-dire en bataille. Peu importe la forme du gouvernement, autocratie, aristocratie ou démocratie, c'est toujours le droit du plus fort qui l'emporte; il se manifeste dans le premier cas par le despotisme d'un seul; dans le second, par le despotisme de plusieurs, et dans le dernier par le despotisme de tous.

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Le règne de la force sur toutes les volontés, tel est le caractère du gouvernement de Rome; cette conclusion rigoureuse, qui ressort du texte même des lois, semble en contradiction avec certains faits tendant à faire penser que le pouvoir, à Rome, laissa toujours une large part à la liberté des citoyens; comment accorder en effet cette domination despotique du gouvernement sur tous les habitants de la cité, avec les prérogatives dont jouissaient les citoyens, avec les institutions si favorables à leur liberté? Cette difficulté tombe devant la simple observation que cette liberté si vantée n'existait que dans l'ordre politique, et qu'elle n'avait pu s'établir qu'au pré-, judice de la liberté civile.

Le gouvernement de Rome, en effet, comme ceux de toutes les républiques de l'antiquité, n'avait pas même l'idée d'un accord possible entre ces deux sortes de liberté; mais l'amour de la liberté politique, exalté par l'entière suppression de la liberté civile, enfanta des prodiges; les hommes libres, toujours en petit nombre, se croyant d'une nature supérieure à celle des esclaves, puisaient dans cette haute opinion qu'ils avaient de leur supériorité, un courage qui les rendait capables des actions les plus héroïques; cependant un pareil enthousiasme ne pouvait être que passager, car il ne saurait y avoir rien de stable qui ne soit fondé sur la justice. Cette liberté politique, établie sur la supériorité prétendue des hommes libres, et sur

l'oppression des esclaves, était en opposition radicale avec la doctrine chrétienne qui seule devait proclamer les véritables principes de tout droit et de toute justice.

Aussi, le droit romain nous apparaît-il rempli d'imperfections quand nous le jugeons avec nos idées chrétiennes, et que nous le comparons avec les préceptes si sublimes de l'Evangile! On retrouve toujours dans le gouvernement de Rome deux vices qui le rendaient odieux et qui devaient entraîner sa ruine aussitôt qu'il cesserait d'être nécessaire au monde l'avarice et la cruauté! Ce double caractère apparaît dans toutes ses institutions et dans toutes ses lois, depuis l'époque où les Douze Tables permettaient aux créanciers de tailler en pièces le débiteur insolvable et de s'en partager les membres, jusqu'au siècle des Antonins où les jurisconsultes examinent froidement s'il faut appeler vente ou louage, l'engagement d'une troupe de gladiateurs, et décident qu'il y a contrat légitime, louage de sueur et vente de sang (1)!

Cet esprit de cruauté et d'avarice se trouve dans la conquête comme dans la législation: quand Rome prend pour emblème l'aigle, l'oiseau de proie, elle annonce aux peuples ce qu'ils doivent attendre de leurs vainqueurs; ils furent avertis, et ne furent pas trompés après l'événement!

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Tels furent les principes à l'ombre desquels grandit et se développa cette puissance romaine qui exerça une action si prépondérante sur la société ancienne. La gloire étant sa seule passion, elle sacrifia sur les autels de cette divinité tous les droits des individus au profit de la grandeur de la cité; aussi arriva-t-il à cette société romaine ce qui arrive à ces êtres chez lesquels les dons de l'esprit ne se développent qu'au préjudice des qualités du cœur ; l'égoïsme étouffant dans leur âme tout sentiment de dévouement et de commisération pour les souffrances des autres, on ne sent pour eux que

(1) Gaïus, Institut. comment. III, 146.

de

l'éloignement ou de l'indifférence; ainsi le peuple romain, après être arrivé au plus haut degré de puissance, de richesse et de gloire qui fut jamais, a été voué cependant au mépris et à la haine des autres peuples ses contemporains, tandis qu'il n'a mérité que le dédain et l'indifférence de la pos

térité !

C'est qu'il manquait à ce peuple un sentiment sans lequel aucun lien sympathique et durable ne saurait s'établir entre les hommes; il lui manquait un sentiment éminemment chrétien la Charité!

:

Deux faits plus saillants apparaissent quand on étudie les lois fondamentales qui présidèrent à l'organisation et au développement de la société romaine : l'unité de la législation d'une part, et de l'autre, la division des personnes en deux classes, les patriciens et les plébéiens; cette division, toutefois, ne portait aucune atteinte à l'unité de la cité romaine, ni à l'unité du droit public et privé, qui donnait son empreinte à la famille et à la propriété, bases de l'organisation civile, ainsi qu'à l'obligation personnelle et à l'intervention de la justice, lien et garantie nécessaire de cette organisation.

Cette unité du droit fut fondée par la législation des anciens rois; elle s'affermit ensuite par la promulgation de la loi des Douze Tables; mais, plus tard, après l'institution de la préture, à l'unité du droit succéda une sorte de dualisme, par l'établissement du droit nouveau, plus conforme à l'équité, qui se développa à côté du droit primitif.

Ce sont ces trois sources du droit public romain que nous allons analyser, afin de faire connaître les principaux caractères de cette législation célèbre, qui, perfectionnée par l'influence du christianisme, servit de base à l'organisation des sociétés, dans les âges suivants.

Le plus ancien monument du droit public de Rome remonte à l'époque où la ville était gouvernée par les rois. Numa, en donnant ses lois, posa le fondement d'un édifice que ses suc

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