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même temps les vassaux du roi d'Angleterre à opter entre les deux suzerains, et obtient la préférence; est choisi pour arbitre entre le roi d'Angleterre et les seigneurs anglais, et se prononce pour l'union des libertés avec l'autorité royale.

Il sait résister au Pape; lui refuse un asile après qu'il vient d'excommunier l'empereur d'Allemagne; publie sa fameuse pragmatique sanction par laquelle il déclare la France indépendante du Pape et soumise à Dieu seul ; il supprime les legs forcés faits à l'Église; il saisit même les biens du clergé quand il a trop dépouillé les peuples.

Saint Louis fait plus encore: il fonde une bibliothèque ; il est législateur; il fait des lois qu'on appelle établissements pour remplacer les ordonnances seigneuriales et les coutu→ mes féodales; il abolit le duel judiciaire et le remplace par des Baillis royaux, des témoins et des plaidoiries; il établit les appels au lieu des prises àpartie d'après lesquelles le juge était forcé de se battre avec le condamné mécontent de son jugement; il juge lui-même les appels, assis sous un chêne, a Vincennes, et condamne le duc d'Anjou son frère,plaidant contre un simple gentilhomme; il interdit aux seigneurs les guerres de famille et la création des monnaies.

Et ses lois, faites d'abord pour ses propres domaines, sont imitées partout dans les provinces ou adoptées avec le droit romain récemment retrouvé et publié en Italie et en France; il établit même le jury dans toutes les Communes, et les protége contre la domination féodale.

On peut lui faire quelques grands reproches; mais c'est assurément un prodige pour son siècle.

Son fils prend son barbier pour Ministre, et le fait pendre ensuite pour avoir voulu séduire la femme de son maître.

SECT. 8.

- Philippe IV ( le Bel ).

1285 à 1314.

Parlement. - Rétablissement des Assemblées nationales.

Règne fameux! Philippe réunit la Champagne à la cou

ronne et Lyon à la France. Il conquiert la Guyenne sur le roi d'Angleterre son vassal désobéissant, et la Flandre sur son Comte mais les Flamands se révoltent à la voix d'un tisserand; des milliers de Français sont massacrés; vingt mille périssent dans une bataille; et le Comte est rétabli.

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Les Templiers, religieux militaires créés pendant les croisades.ont des richesses qui font envie; le Roi jure leur perte, et le Pape nomme une Commission pour les juger. Arrêtés tous, accusés de crimes imaginaires, on les met à la torture, qui leur arrache quelques aveux mensongers; on les condamne; on supprime l'ordre; on saisit les biens; et le GrandMaître, ainsi que les Grands-Officiers, sont brûlés vifs, protestant de leur innocence au milieu des flammes.-Les autres, au nombre de 15,000, périssent ou sont dispersés et dépouillés...

Philippe expulse les Juifs pour confisquer leurs biens, altère les monnaies, accable le Peuple d'impôts, et excite ainsi plusieurs émeutes populaires.

Mais il rend le Parlement sédentaire à Paris, et c'est là une immense innovation.

Depuis longtemps les Rois ont pour conseils leurs grands vassaux, des Barons et des Evêques choisis par eux: tous ces seigneurs forment deux Cours : celle des Pairs, c'est-àdire des grands vassaux, égaux entre eux et pairs du Roi, qui seuls peuvent juger l'un d'eux ; et la Cour des Barons, composée d'un certain nombre de Barons et d'Évêques choisis par le Roi. Ces deux Cours sont ensuite réunies en une seule appelée Cour des Pairs, et composée de douze Pairs seulement: six seigneurs (trois Ducs, de Normandie, Bourgogne et Guienne; trois Comtes, de Flandre, Toulouse et Champagne); et six Évêques (de Reims, Beauvais, Langres, Noyon, Châlons et Laon).

Mais ces Ducs et ces Comtes n'estimant que les armes et la guerre, et ne sachant ni lire ni écrire, tandis que l'étude des lois est devenue nécessaire, on leur adjoint des Conseillers qui siégent avec eux sans avoir voix délibérative, et

ées conseillers sont pris nécessairement parmi les membres du Clergé, qui seuls ont alors quelque instruction. C'est cette Cour ou Tribunal que l'on nomme Parlement, présidé par le Roi, et jugeant au nom du Roi.

Jusqu'à présent, le Parlement a suivi le Roi dans ses voyages. Mais Philippe-le-Bel le fixe à Paris dans son palais, ne le préside plus que rarement, ordonne qu'il soit perma ́nent et sédentaire, et veut qu'il juge en son nom, pendant ses voyages et son absence.

"Bientôt les Pairs cessent d'y paraître, du moins assiduement; et leurs anciens Conseillers deviennent juges, d'abord amovibles, puis inamovibles, nommés à temps, puis à vie, puis héréditaires', puis achetant leurs charges; et bientôt encore, chaque Province aura son Parlemont.

Quand les Pairs y siégent, il reprend son nom Cour des Pairs; en leur absence, il n'est plus que Parlement.

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Cet établissement fait révolution; car alors naît une classe nouvelle, les légistes (juges, avocats, hommes de loi). Ce sont d'abord des Moines et des Clercs ou membres du Clergé, parce qu'eux seuls étudient, eux seuls savent le latin, eux seuls peuvent connaître le Droit romain et le Droit canon ou les décrets des Papes et des Conciles écrits en latin. Quelle influence nouvelle! Quel avantage du Clergé sur la Noblesse féodale T

...bes Légistes trouvent, dans les lois des Empereurs romains, mille arguments contre les usurpations des Papes et des vassaux féodaux, en faveur du pouvoir monarchique, et même du despotisme royal.

Aussi, que de faveurs les Rois ne vont-ils pas leur prodiguer Que de services ne vont-ils pas rendre aux Rois, en attendant qu'ils en rendent au Peuple et à sa liberté !

Bientôt la Noblesse de robe naîtra comme à Rome, et marchera l'égale de la Noblesse d'épée; bientôt le despotisme de l'aristocratie judiciaire remplacera le despotisme de l'aristocratie militaire; bientôt les avocats formeront un Or

T. I.

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dre prétendu noble; et bientôt la carrière de la magistrature et du barreau sera presque aussi encombrée que celle de la guerre et de l'Église.

Bientôt encore le Parlement agrandira son pouvoir et usurpera la puissance législative en refusant d'enregistrer les lois qu'il désapprouvera : il sera même admis, une seule fois, il est vrai, comme quatrième Ordre dans les États-Généraux.

Mais ces États-Généraux sont une seconde innovation bien autrement importante que celle du Parlement. Voici comment ils sont rétablis.

Philippe a besoin d'argent, et met une petite taxe sur le Clergé grands cris de celui-ci, bulle du Pape qui défend à ses soldats de jamais rien payer sans sa permission. Philippe reculera-t-il? Non : il défend aux Français de payer au Pape le denier de saint Pierre établi presque partout: on transige alors; on s'arrange.

Mais bientôt, nouvelle bulle contre le Roi, qui repousse l'insolence Papale et refuse tout paiement. Excommunication indirecte repoussée par une accusation d'imposture : excommunication directe; mais..... coup de main de quelques hardis partisans du Roi, et enlèvement du Pape, qui meurt d'un accès de fièvre chaude. Mais ce n'est rien; on trouvera bien un autre Pape: voici l'important.

Jusqu'à présent, nous l'avons vu, les Papes sont des ennemis bien redoutables pour les Rois: que fait donc Philippe?-Il cherche un appui dans la Nation; il se ressouvient des anciennes Assemblées nationales interrompues depuis longtemps, et en convoque une, en 1302, dans l'église de Notre-Dame, où sont appelés les Seigneurs et les Évêques ; et, soit en souvenir des anciens usages, soit à l'imitation du Roi d'Angleterre, il appelle aussi des Députés des Communes pour représenter le Peuple ou le Tiers-État.

Sans doute ces Députés, élus par la Bourgeoisie quasiaristocratique, ne représenteront ni les serfs ni la populace; mais c'est le premier pas d'une révolution sociale et politique.

Les Seigneurs se réunissent dans une Chambre, les Évêques dans une autre, et les Députés des Communes dans une troisième : voilà le Tiers-Etat constitué et formant un troisième Ordre à côté des deux ordres de la Noblesse et du Clergé quel changement!

Le Clergé demande des ménagements pour le Pape; la Noblesse refuse net; et les Députés du Tiers, à qui le Roi demande de l'argent, en accordent sans difficulté.

Ainsi Philippe vend aux Communes le droit d'envoyer des Députés à Paris, comme Louis-le-Gros leur a vendu leur droit d'association....! Et sans doute, on ne leur doit pas beaucoup de reconnaissance!

Mais ce n'est pas la question : c'est un avantage inappréciable que leurs successeurs ne leur pardonneront pas d'avoir étourdiment accordé; car le droit est là qui tient les cordons de la bourse tient tout; qui l'ouvre pour donner peut refuser de l'ouvrir et peut prendre par famine; et si, unjour, les Députés sont élus par le véritable Peuple; s'ils veulent prendre ses intérêts; si, par leur intermédiaire, le Peuple se trouve face à face avec le Roi et l'Aristocratie, on verra!

Ces Députés ne pourront d'abord paraître devant le Roi qu'à genoux... On les appellera la gent taillable et corviable à miséricorde et merci: puis, insensiblement, ils arriveront jusqu'à dicter la loi à la Royauté, tant est inévitable le progrès des institutions! C'est presque toujours la boule de neige, qui peut devenir grosse comme une montagne !

SECT. 9. Louis X (le Hutin). — Philippe V (le Long). – Charles IV (le Bel). — 1314 à 1328.

Affranchissement des paysans serfs.

Le premier fait pendre comme sorcier, sans l'entendre, son ministre des finances, Marigny, injustement poursuivi par la haine personnelle de son oncle, et consent à l'affranchissement des Paysans serfs dans les domaines de la Couronne. Presque tous les Seigneurs suivent son exemple, et

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