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sés par la succession du temps et la localité, ne forment cependant qu'un fait unique, dont les faits particuliers ne sont que les circonstances; que, dans ce fait, les divers individus ont différemment figuré; mais que le résultat est la tentative d'introduction de contrebande avec attroupement, port d'armes, violences, voies de fait et meurtre d'un préposé; ces dernières circonstances se rattachant nécessairement à la première, puisqu'elles n'ont eu lieu que pour soustraire les marchandises de contrebande à la saisie à laquelle la tentative d'introduction avait donné lieu (1). »

Dans une seconde espèce, la question s'est présentée de savoir si le recélé commis sur le territoire d'effets volés en pays étranger peut être jugé par les tribunaux du territoire. La Cour supérieure de Bruxelles a décidé négativement cette question: « Attendu que les juges des Pays-Bas ne peuvent connaître des crimes ou délits commis en France; d'où il suit qu'ils sont de même incompétents pour connaître de la complicité de tels crimes ou délits (2). » La Cour de cassation a suivi la même décision: « Attendu que le recelé fait sciemment des objets volés se rattache nécessairement au vol puisqu'il ne peut exister sans lui; que le complice d'un vol par recélé devait être puni des mêmes peines que le voleur, et le voleur en pays étranger

(1) Arr. cass. 21 novembre 1806 (J. P., tom. V, p. 546). (2) Arr. Bruxelles, 12 août 1819 (J. P., tom. XV, p. 491).

ne pouvant être puni que conformément aux lois de ce pays, les tribunaux français n'ont ni compétence ni pouvoir pour les appliquer (1). » Ces deux arrêts sont parfaitement fondés. La loi n'exige pas, pour que les complices d'un crime puissent être incriminés, que l'auteur du crime lui-même soit poursuivi; mais il faut du moins que le fait principal soit constaté; or, les tribunaux français n'ont aucun moyen et aucune mission de constater un crime commis en pays étranger.

Dans une troisième espèce, la Cour de Colmar a déclaré les tribunaux français compétents pour connaître d'un délit d'escroquerie consommé par des actes passés en France, encore bien que les manœuvres frauduleuses aient été commises en pays étranger (2). Ce point ne pouvait donner lieu à aucune difficulté, puisque c'est en France que le délit avait été exécuté. Mais si, en prenant l'espèce dans le sens inverse, les manœuvres frauduleuses avaient eu lieu en France et la remise des valeurs en pays étranger, les tribunaux français seraientils encore compétents? Il faut répondre négativement, puisque les manœuvres frauduleuses, isolées du fait de l'escroquerie, ne constituent aucun délit, et par conséquent ne peuvent donner aucune prise à la juridiction criminelle. Il en serait autrement si ces manoeuvres pouvaient former une ten

(1) Arr. cass. 17 octob. 1834 (J. P., tom. XXVI, p. 970).
(2) Arr. Colmar, 27 janvier 1824 (J. P., tom. XVIII, p. 392).

tative punissable, ou si elles constituaient en ellesmêmes, et indépendamment de leur but, un crime ou un délit.

L'espèce suivante fait encore l'application de la même règle. Un Français, domicilié dans le royaume des Pays-Bas, avait été déclaré en faillite à Tournay; au nombre de ses créanciers se trouvaient plusieurs maisons françaises qui exercèrent en instance une poursuite en banqueroute frauduleuse pour détournement de marchandises déposées sur le territoire. L'inculpé, mis en accusation, fonda un pourvoi sur ce que la faillite ayant été déclarée en pays étranger, les tribunaux français étaient incompétents pour connaître des faits de fraude qui pouvaient s'y rattacher. La Cour de cassation a rejeté ce moyen : « Attendu que la faillite en elle-même n'est point un délit ; que le crime de banqueroute ne gît que dans la fraude dont le failli se rendrait coupable; que ce crime n'est point, nécessairement et par sa nature, commis au lieu du domicile du failli; que si les faits de fraude se sont passés ailleurs, le domicile de ce failli ne peut plus déterminer exclusivement, comme en matière civilé, la compétence des tribunaux; que, dans l'espèce, la fraude consiste spécialement dans un enlèvement de marchandises; que ces marchandises étaient en France lorsque la soustraction s'en est opérée; que cette soustraction, commise en France, était préjudiciable aux créanciers français; que c'est donc réel

lement en France que le crime de banqueroute a été commis (1). »

Enfin, la Cour de cassation a décidé que les tribunaux français sont compétents pour juger un étranger accusé d'un crime de bigamie commis en France, encore bien que le premier mariage ait été contracté en pays étranger (2). En effet, c'est le second mariage qui seul constitue le crime; il suffit donc, pour que la juridiction soit compétente, que ce mariage ait été contracté en France.

Tous ces arrêts ne font que confirmer la règle que nous avons posée. Il faut, nous le répétons, que les faits qui se sont passés en France constituent des délits ou des crimes, indépendamment des faits antérieurs ou postérieurs auxquels ils sont joints, pour que la jurisprudence puisse être saisie; c'est cette règle qui a dicté toutes les décisions que nous venons de parcourir. C'est encore en l'appliquant qu'il faudrait décider que l'action publique peut être exercée en France, soit à raison d'un meurtre commis en tirant du territoire étranger un coup de fusil sur une personne placée sur le territoire français, et réciproquement, soit à raison d'une arrestation arbitraire effectuée en pays étranger et suivie d'une séquestration continuée en France, soit enfin à raison de tout autre crime continu (3).

(1) Arr. cass. 1er sept. 1827 (J. P., tom. XXI, p. 795). (2) Arr. cass. 20 nov. 1828 (J. P., tom. XXII, p. 364). (3) M. Mangin, no 73, tom. 1, p. 140.

SECTION III.

DE L'EXTRADITION.

§ 132. Du principe de l'extradition.-Droit d'asile.

tions successives.

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·Source et progrès de l'extradition. tères généraux de cette mesure.

§ 133. A quelles personnes l'extradition peut être appliquée. Peutelle être étendue aux nationaux du pays qui l'accorde, aux individus étrangers aux deux pays?

§ 134. Dans quels cas et pour quels faits l'extradition peut être accordée. Traités avec les puissances étrangères. -Règles générales. § 135. Formes de l'extradition, soit en ce qui concerne l'État qui l'accorde, soit en ce qui concerne l'État auquel elle est accordée. § 136. De l'exécution des actes d'extradition.-Incidents contentieux relatifs à cette exécution.

$ 132.

Après avoir examiné les règles qui s'appliquent à la répression des crimes commis hors du territoire, nous arrivons naturellement à l'extradition. L'extradition est l'acte par lequel un État livre le prévenu d'une infraction commise hors de son territoire à un autre État compétent pour juger cette infraction et la punir. Cette mesure, née des rapports qui se sont formés entre les peuples pour la répression générale des crimes, rapports que la civilisation tend incessamment à développer, est devenue un indispensable auxiliaire de la juridiction répressive de chaque nation; elle saisit, hors du territoire, les accusés que les lois locales n'ont pu

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