Nos lecteurs savent que la Revue a chargé M. Maurice Pernot d'une enquête aux Indes. Notre collaborateur nous donne de ses nouvelles et, dans la lettre que voici, nous fait part de ses premières impressions: En mer Rouge, non loin d'Aden, le 1 février 1925. Mon cher Directeur, Ou je me trompe fort, ou ce n'est pas d'Égypte que partira le signal de la grande lutte entre Orient et Occident. L'Egypte est trop heureuse, et trop riche. Elle songe beaucoup moins à expulser de son sol les Européens qui en ont ex.rait tant de richesses, qu'à ramener d'Europe chez elle les titres, les papiers de Bourse qui représentent tous ces trésors. Le coton, valeur subtile et impressionnable, a rendu l'Égypte prospère et les Égyptiens nerveux et joueurs. Plusieurs fois, au cours de nos entretiens, ils ont évoqué l'exemple des Turcs. Quelle différence! Si puissant qu'il soit, le génie rayonnant d'un chef est stérile, inoffensif, aussi longtemps qu'il n'entraîne point derrière lui un peuple capable de se sacrifier et de souffrir volontairement. Saad Zagloul a toutes les qualités, tous les défauts d'un entraîneur d'hommes. Mais où sont les hommes? Je songe aux paysans d'Anatolie, silencieux et graves, dédaignant d'ensemencer un sol qu'il était plus urgent de défendre. Je revois sur les routes glacées, les paysannes marchant, souvent avec un enfant dans les bras, devant les attelages de buffles qui trainaient lentement. vers le front les caisses de vivres et de munitions. Les conférences les plus enflammées des dames les plus éloquentes semblent bien påle rhétorique au regard de ces pèlerinages muets et passionnés. Où ressent-on mieux qu'en Égypte l'impuissance des siècles à modifier une race, une manière d'être, le caractère d'un peuple? Écoutez chanter ces fellahs qui, sans hâte et sans entrain, manoeuvrent aux abords du temple d'Amon, à Karnak, le pesant levier d'une machine à eau. On les croirait descendus d'un des gigantesques bas-reliefs où les souverains de l'Egypte ancienne ont inscrit, avec leur propre grandeur, la servitude de leurs peuples. Moise, voulant préserver le peuple éin, eut pour premier soin d lui faire passer la mer Rouge. Et c'est un fuil d'alexandrie ani me rappelait l'autre jour l'ordre donne par Javeb & son serviteur Le Tout-Puis Hit & Moise Va trouve le Pharaon Et quand tu iras le trouver, preds fon balon. » Dans e Gommonia Alexandrin, Moïse prenait an bâton pem paris 1 bou-être, pour un peuple, même s'il ne s'étend point a toel le peuple, est un terrible obstacle à la liberté. Croyez, je vous prie, mon cher Directeur, à mes sentiments les plus sincèrement dévoués. MAURICE PERNOT. Toute traduction ou reproduction des travaux de la Revue des Deux Mondes est interdite dans les publications périodiques de la France et de l'Etranger, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. |