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Note particulière. (Service de mars.)

On sépare cet article du Mémoire précédent, afin qu'il fixe davantage l'attention de l'Assemblée nationale.

Les administrateurs de la caisse d'escompte veu. lent payer en rescriptions ou assignations reçues, il y a un an, du Trésor royal, mais échéant dans les mois d'avril, mai et juin, la somme qu'il leur reste à fournir au Trésor public pour complément des 80 millions. L'administration des finances se refuse obstinément à cet arrangement, qui apporterait un obstacle positif au service de ce mois et des premiers jours de l'autre. Le ministre des finances prie l'Assemblée nationale d'empêcher par un décret ou par une simple lettre de son président, autorisé d'elle, que la caisse d'escompte ne donne au Trésor public pour le reste de son engagement de 80 millions, des effets payables au-delà du mois de mars.

Plusieurs membres font des motions et demandent que le mémoire de M. Necker soit imprimé afin que l'Assemblée puisse en prendre une connaissance plus précise.

L'impression est ordonnée.

M. le Président lève la séance à trois heures, après avoir annoncé que la séance du soir commencera à six heures.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. L'ABBÉ DE MONTESQUIOU.

Séance du samedi 6 mars 1790 au soir (1).

M. l'abbé Méric de Montgazin, député de Boulogne-sur-Mer, prête le serment patriotique qu'une absence forcée l'avait empêché de prêter le 4 février.

L'un de MM. les secrétaires fait ensuite lecture des adresses suivantes :

Adresse de la ville de Marceillan dans le diocèse d'Agde, portant serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi, et protestation qu'elle verserait au besoin tout son sang pour appuyer les décrets de l'Assemblée nationale dont il lui est, dit-elle, plus aisé de sentir que de décrire les avantages inestimables.

Adresse des gardes nationales du Dauphiné et du Vivarais, réunies sous les murs de la ville de Romans, qui ont renouvelé avec la plus grande solennité le serment patriotique d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée par Sa Majesté.

Autre de la nouvelle municipalité de la ville de Faverney; elle fait remise à la nation de la somme de 7,000 livres, montant de l'acquisition des anciens offices municipaux, et sollicite un tribunal de district.

Autre des communautés de la Bruyère, de Breuchotte et de Sainte-Marie-en Chanois; elles adhèrent notamment au décret concernant la contribution patriotique.

Délibération de la ville de Coulommiers en Brie

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur,

portant établissement d'une tribune patriotique, où, à des jours et heures convenables, il serait fait lecture des Droits de l'homme, des principaux décrets de l'Assemblée nationale, et des nouvelles publiques qui pourraient intéresser les citoyens.

Cette tribune a été ouverte dans la principale église, le 28 du mois dernier. Tous les citoyens de l'un et de l'autre sexe y ont prêté avec transport le serment civique, et ont offert à la patrie le produit des impositions sur les ci-devant privilégiés.

Adresse de la communauté de Montardier; elle consulte l'Assemblée sur des difficultés relatives à l'élection de ses officiers municipaux.

Adresses des nouvelles municipalités des communautés de Fluis et de Bohal, de la ville de Vezelis, des communautés de Blesmes, de Saint-HilaireLacroy, de Chavançon, de Gommecour, de SaintNicolas-de-Grue, de Gernainville, de la ville du Pont-de-l'Arche, de la communauté de Châteauneuf en Nivernais, de la ville de Bonny-sur-Loire, de Fécamp, de la communauté de Saint-Pardoux, de la ville de Melun, des communautés de NotreDame-sur-Fontaine, de Fresnes-sur-Apame, de Vannes-le-Châtel en Lorraine, de Riocourt en Bassigny, de l'Isle-Adam, de la ville de Pontl'Evêque, des communautés de Douzens, Chonzy, Coulanges, Chambon, le Petit-Primay, Seillac, Meslan, Montaud et Veuves en Blaisois, de la communauté de Puygiron, de celles de Champier en Dauphiné, de Vauchelles en Picardie, de Gretelles, de Mazey-sur-Tille en Bourgogne, de Grimault, de la ville de Beaujeu, de la communauté de Varire, de celles de Beaume-la-Roche et de Pange, de celle de Puyssay en Pange, du Mas-SaintesPuelles, du bourg de Marseille en Beauvoisis, de la ville de Noirmoutiers, de la communauté de Vouvray-sur-Loire, de celles de Saint Genest-deMalifaux en Forez, de Saint-Nicolas-de-Lagrave, de la ville de Conflans en Barrois, de la communauté d'Ormoy en Franche-Comté, de la communauté du Cannet en Provence, de celles de Frucourt, de Verissey, de Corcelotte en Montagne, de Jailly-les Moulins en Bourgogne, de Bouvant en Dauphiné, de Sournia, de Salces, de la ville de Forcalquier, de la communauté du Petit-Cluny en Bourgogne, de la ville de Ganges en Languedoc, et des commuautés de Breucholte, de Sainte-Marieen-Chanois, de Belmont, de la Poiselière, de la Corbière, de Raddon, de Chapendu et de la Bruire. La ville de Bonny réclame plusieurs établissements.

Celle de Melun supplie l'Assemblée de décréter en sa faveur la formation des troupes citoyennes.

La communauté de Notre-Dame-sur-Fontaine en Lyonnais, annonce que ses déclarations patriotiques s'élèvent à la somme de 1,042 livres 6 sols.

La communauté de Vannes-le-Châtel fait plusieurs observations sur l'élection des officiers municipaux, et porte plainte contre les officiers de la Gruerie de Nancy.

La communauté de l'Isle-Adam fait don à la nation du produit de la contribution sur les cidevant privilégiés, et annonce que les déclarations relatives à la contribution patriotique se portent actuellement à 3,083 livres.

La ville de Noirmoutiers sollicite une justice royale; elle fait le don patriotique de vingtsept marcs quatre onces d'argenterie, indépendamment de la contribution du quart, qui se monte déjà à 16,000 livres.

Les communautés de Douzens et de Vouvraysur-Loire demandent d'être chefs-lieux de canton.

La communauté de Saint-Genest-de Malifaux en Forez offre le produit du moins-imposé sur les ci-devant taillables.

La ville de Conflans demande avec instance la conservation du monastère des religieuses Augustines établie dans son enceinte.

Délibération de la communauté de Beaurepaire en Dauphiné, contenant adhésion réitérée aux décrets de l'Assemblée, et son option d'être incorporée au département du Nord-Dauphiné.

Adresse des procureurs du bailliage de Vienne en Dauphiné, contenant protestation de fidélité à la constitution, et adhésion aux décrets. Ils exposent que le territoire du bailliage étant divisé en deux districts, il serait juste de transporter la moitié de leurs offices dans le second tribunal qui sera institué.

Adresse des nouvelles municipalités de la communauté de Saint-Anteure en Auvergne, de celle de Croissy-sous-Châton et de celle de Brosse près Vezelai; elles font hommage à la patrie du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.

Adresse des officiers municipaux de la ville d'Andelot en Champagne, qui adhèrent à tous les décrets de l'Assemblée nationale, quel que puisse être le sort réservé par le nouvel ordre d'adininistration à cette ville, siège d'un des plus anciens et plus considérables tribunaux du royaume.

Ces officiers annoncent qu'à la nouvelle de la démarche paternelle de Sa Majesté, tous les cœurs ont été pénétrés de la plus vive sensibilité et de la plus tendre reconnaissance, que les citoyens de tout âge et de tout sexe se sont aussitôt rassemblés dans l'église pour y assister à un TE DEUM, après lequel ils ont prêté le serment civique,

A la suite de cette cérémonie, la municipalité a arrêté qu'il serait déposé dans les écoles publiques du lieu plusieurs exemplaires du discours du roi, et des décrets de l'Assemblée sanctionnés ou acceptés, afin que les enfants puissent, dès leur plus tendre jeunesse, admirer les sentiments patriotiques et la tendre sollicitude du roi pour le bonheur du peuple, et que, par une étude des nouvelles lois qui assurent la liberté, ils puissent se rendre dignes d'exercer les droits de citoyen.

Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Tulle en bas-Limousin, contenant adhésion, hommage et respect aux décrets de l'Assemblée nationale; elle expose les services rendus à la province entière par la garde nationale de leur ville, dont un détachement d'environ cent hommes a dissipé les brigands qui, au nombre d'environ six cents, dévastaient cette contrée.

M. le président a été chargé d'écrire aux villes de Tulle et de Rodez, pour leur témoigner la satisfaction qu'a éprouvée l'Assemblée nationale, du zèle qu'elles ont apporté au rétablissement de l'ordre dans leurs environs, et du succès qu'ont eu les efforts de leur patriotisme.

Un membre a annoncé une pétition des entrepreneurs et fournisseurs employés à la construction des églises de Saint-Sulpice, Saint-Philippe du Roule, et des capucins de la Chaussée d'Antin. Le mémoire contenant cette demande a été renvoyé au comité de liquidation.

M. l'abbé Goubert, député de la province de la Haute-Marche, fait part à l'Assemblée d'une difficulté existant actuellement entre les villes d'Aubusson et de Montluçon, et lui propose d'autoriser son président à écrire à la municipalité de cette dernière ville, pour lui ordonner de rendre à celle

d'Aubusson des grains que celle-ci avait achetés pour sa subsistance, et que le peuple de Montluçon s'est permis d'arrêter et de retenir contre la disposition des décrets qui ordonnent la libre circulation des grains dans le royaume, et même d'en compter la valeur en argent dans le cas où les grains se trouveraient gâtés par l'humidité du lieu dans lequel ils ont été mis en sequestre.

L'Assemblée, après s'être fait rendre compte des pièces justificatives de cette demande, autorise son président à écrire la lettre proposée.

Le sieur Pellier, horloger, a été admis à la barre, où il a offert à l'Assemblée l'hommage d'un cadran solaire de son invention, d'un métal que le temps embellit, et qui marque l'équation du soleil, les vents principaux, et les degrés du méridien.

M. l'abbé Boulliotte, député du bailliage d'Auxois, dit que la ville d'Arnay-le-Duc, sa patrie, après avoir, le 21 février dernier, prêté le serment civique, a arrêté d'offrir, et qu'il offre effectivement pour elle cinq parties de rente montant à 9,990 livres 6 sols 8 deniers, avec une année d'intérêts échus, montant à 249 livres 15 sols.

Le même député ajoute que les procureurs de sa ville offrent en outre un capital de 880 livres, produisant pour leur communauté 44 livres de gages avec six ou sept années qui en sont échues.

Les titres de ces rentes sont déposés sur le bureau des trésoriers.

Des députés extraordinaires de la Bastie-Vieille, petite communauté du Dauphiné, dans le département des Hautes-Alpes, admis à la barre de l'Assemblée, y font le don patriotique d'un contrat sur le Trésor royal de 166 livres, et d'une somme de 150 livres offerte par le curé de cette paroisse.

D'autres députés extraordinaires de Ruelle font un don patriotique de boucles d'argent, et de l'imposition des six derniers mois des ci-devant privilégiés.

Le sieur Corbet, architectecte, présente à l'Assemblée un projet de monument à ériger en l'honneur du roi, sur l'emplacement de l'ancienne Bastille.

Une députation de la commune de Paris est introduite à la barre; elle est composée de MM. de Maissemy, Davoust, l'abbé Mulot, de Vouge, Paulmier, Desmousseaux et Rousseau.

Ces députés sont porteurs de deux adresses. La première a pour objet la situation actuelle de la caisse d'escompte et la rareté du numéraire dans la capitale.

M. l'abbé Mulot en donne lecture.
Elle est conçue dans les termes suivants :

« Messieurs,

La rareté du numéraire dans la capitale y a excité et y excite encore les plus vives inquiétudes. On a envisagé l'existence de la caisse d'escompte comme une des causes principales du défaut de circulation des espèces; on a pensé du moins que sa situation avait un rapport direct avec cette pénurie. Vous avez, Messieurs, pris en considération cet important objet; vous avez nommé des commissaires pour examiner l'état de la caisse d'escompte, ses opérations, ses statuts, l'usage qu'elle avait fait de son crédit, de ses

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moyens et de ses fonds». Un rapport lumineux a été le résultat de ce travail; et vous avez reconnu que, si la caisse d'escompte s'était écartée de ses statuts par une complaisance blâmable, dans un temps où les ministres pouvaient abuser de tout, elle avait, sous le règne de la liberté, rendu des services signalés à la chose publique, par des avances qui ont suppléé à la cessation du paiement des impôts. Vous avez même pensé, Messieurs, que les secours de la caisse d'escompte étaient encore essentiels au salut de l'Etat, en décréant, le 19 décembre dernier, qu'elle fournirait au Trésor national, du premier janvier au premier juillet 1790, des billets jusqu'à concurrence de 80 millions; mais vous avez cru qu'il était de votre justice d'assurer en même temps le remboursement des sommes pour lesquelles la caisse était et devenait créancière du gouvernement, et qui montaient, compris ces 80 millions, à 240 millions. Vous avez principalement assigné ce remboursement sur la vente d'une portion des biens du domaine et du clergé, et le reste se trouve liquidé par 70 millions d'annuités qui éteindront le capital en vingt ans.

« Un décret si sage aurait dû ramener la confiance, puisqu'une hypothèque sur des biens-fonds donnait à la caisse d'escompte une solidité qu'elle n'avait jamais eue. Cette solidité devait naturellement augmenter la circulation des espèces en ralentissant l'empressement des capitalistes à réaliser les billets dont ils étaient porteurs, d'autant plus que l'administration de la caisse d'escompte leur offrait la facilité de les échanger contre des assignats produisant intérêt. Cependant, soit que le public envisageât l'époque de la vente des biens ecclésiastiques comme incertaine, soit que les spéculations de la cupidité, peut-être même celles des ennemis de la Révolution, contribuassent à resserrer le numéraire, il en a paru à peine de quoi suffire aux besoins les plus pressants du commerce. Cette rareté d'argent a jeté les citoyens de Paris dans de nouvelles alarmes et quelques districts sont venus les déposer dans le sein de l'Assemblée des représentants de la commune. Ils lui ont proposé diverses mesures pour remédier à la disette d'espèce qu'éprouve la capitale, et dont ses habitants sont presque les seules victimes.

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« Les représentants de la commune de Paris, qui ne cesseront jamais de regarder comme le plus saint de leurs devoirs la sollicitude qu'ils doivent à ce qui peut intéresser le bonheur et la tranquillité de leurs commettants, ont cru que cette circonstance leur imposait l'obligation de rechercher tous les moyens capables de rendre le numéraire plus abondant. C'est dans cet esprit qu'ils ont nommé deux commissions successives, pour prendre des « éclaircissements positifs sur la circulation des « billets de caisse, sur les causes de la rareté du << numéraire, et sur les remèdes qu'il était possi"ble d'y apporter ». Les commissaires chargés de cet examen n'ont rien négligé pour remplir l'objet de leur mission; et après une discussion très longue et très approfondie, dans laquelle les opinions les plus opposées ont été pesées et débattues, l'Assemblée des représentants de la commune de Paris a été forcée de reconnaître avec douleur que le résultat de cette discussion lui offrait plus de difficultés que de moyens efficaces pour tarir promptement la source du mal. Elle a pensé cependant que les représentants de la nation ne lui sauraient pas mauvais gré, dans une position si critique, de leur proposer quelques palliatifs qui peuvent être considérés comme propres à di

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2° Nous la supplions pareillement de ne point permettre qu'il soit créé, sous aucun prétexte, des billets au-dessous de deux cents livres; parce que l'émission de ces petits billets, loin de produire un effet avantageux, ferait au contraire disparaître le peu de numéraire qui circule dans la capitale.

3° De peser dans sa sagesse, s'il convient ou non d'attacher des intérêts progressifs aux billets en circulation.

4° De ne point proroger, au delà du premier juillet prochain, le délai fixé par le décret du dixneuf décembre dernier, pour le paiement à bureau ouvert des billets de la caisse d'escompte.

5o De nommer, ainsi que le public paraît le désirer, et que l'administration de la caisse d'escompte le sollicite elle-même avec instance, des commissaires pour surveiller ses opérations, et pour s'assurer, d'une part, qu'il ne sera pas mis en circulation un plus grand nombre de billets que celui qui doit exister d'après les dispositions du décret du 19 décembre, et, d'un autre côté, que l'anéantissement de ces billets s'opérera exactement à mesure qu'ils seront retirés ou échangés contre des assignats.

« Nous croyons aussi devoir informer l'Assemblée nationale de quelques offres faites par l'administration de la caisse d'escompte, et qui ont été acceptées par la commune de Paris. « Cette administration s'est obligée :

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De fournir en espèces les fonds nécessaires pour les subsistances, les travaux publics, le prêt de la garde nationale parisienne soldée, les besoins du gouvernement, et de payer, en outre, au public, une somme de deux millions et demi par mois, suivant l'ordre établi.

2° De faire rendre en espèces, par ses porteurs d'argent, lorsqu'ils iront en recette, tous les appoints des effets qu'ils présenteront à paiement; de sorte que si une lettre de change à toucher par la caisse d'escompte est de 501 liv. et que le débiteur offre pour l'acquitter deux billets de 300 livres, le porteur de là caisse sera tenu de rendre 99 livres en argent, engagement qui procurera au commerce une grande facilité.

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Enfin, Messieurs, pour mettre l'Assemblée nationale à portée de connaître les motifs du vœu que nous lui présentons, nous prenons la liberté de joindre à cette adresse un exemplaire de chacun des deux rapports qui ont été faits à l'assemblée des représentants de la commune de Paris, par ses premiers et seconds commissaires. >>

La seconde adresse de la commune de Paris tend à informer l'Assemblée de procédures prévôtales, dirigées contre les habitants de Brive en Limousin, et à solliciter de son humanité des mesures propres à arrêter l'activité de ces poursuites, dont plusieurs citoyens, moins coupables

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Toujours nous nous sommes fait gloire de nous unir avec toutes les municipalités du royaume pour la défense de vos décrets pourrait-on nous blâmer de solliciter votre intérêt et votre sensibilité pour une d'entre elles que l'iofortune accable, et que peut-être on a calomniée devant vous?

« Oui, Messieurs, on vous aura peint avec les couleurs les plus noires les troubles du bas-Limousin on vous les aura exagérés, et des pinceaux intéressés vous auront fait paraître de simples paysans trompés, comme de vils brigands, contre lesquels toute la sévérité de la loi martiale a dû se déployer, et qui, s'ils ont échappé à ses rigoureux effets, doivent tomber sous le glaive de la justice. Nous laisserons à l'intégrité de votre comité des rapports les détails des faits de cette malheureuse affaire, nous vous dirons seulement parmi les citoyens des environs de Brive, qui n'avaient tué personne, trente ont été tués, plusieurs ont été pendus, d'autres ont subi des peines afflictives; le reste est sous la main dangereuse d'un prévôt.

Hâtez, Messieurs, hâtez votre décision sur cet objet; elle est urgente chaque instant qui se consommera dans une discussion, cependant nécessaire, sera peut-être marqué par la mort d'un de nos frères.

M. le Président répond à la députation que l'Assemblée prendra en considération les deux mémoires présentés par la commune de Paris.

La première de ces pétitions est renvoyée au comité des finances, qui en rendra compte à l'Assemblée.

La seconde donne lieu à une discussion très étendue.

M. Malès fait la motion de suspendre toute procédure et surtout de surseoir à toute exécution.

M. Charles de Lameth appuie la motion de M. Malès et dit que la rigueur prévôtale a déjà fait plusieurs victimes.

M. Guillaume. S'il faut à un grand empire des troupes de ligne qui défendent ses frontières, il lui faut aussi une force armée, qui, à l'intérieur, garantisse les citoyens des attaques des malfaiteurs. Telle est l'origine des prévôts des maréchaussées établis d'abord sans juridiction, iis remettaient les coupables entre les mains des juges et exécutaient les ordres des tribunaux. Un homme libre ne peut voir sans effroi l'augmentation de leur pouvoir jusqu'à prononcer sur la vie des citoyens. Vous avez établi la liberté sur la division de tous les pouvoirs; cependant

la maréchaussée réunit encore à la puissance d'une force armée, le droit plus redoutable encore de rendre la justice et surtout la justice souveraine en matière criminelle; enfin c'est une conséquence de la déclaration des Droits, que tous les citoyens égaux devant la loi, plaident en la même forme et devant les mêmes tribunaux, pour les mêmes cas. Cependant, tandis que l'homme aisé ne doit en général répondre de sa conduite qu'aux juges ordinaires et qu'il est prémuni contre leur injustice par la ressource de l'appel, quelques classes d'hommes sont, en plusieurs cas, soumises à la juridiction en dernier ressort du prévôt des maréchaux. Pour mettre un terme à un tel abus, je vous propose le projet de décret suivant :

« L'ASSEMBLÉE NATIONALE décrète que la juridiction des prévôts des maréchaux est et demeurera supprimée.

Fait défense à tous officiers et cavaliers de maréchaussée, d'exercer aucunes fonctions judiciaires.

< Leur enjoint d'arrer d'office, dans les cas prévus par les ordnces, ceux qui étaient précédemment soumis à leur juridiction, et de les traduire devant le juge royal ordinaire du lieu du délit, lequel décidera de la validité de l'arrestation, et connaitra de la suite du procès, s'il y a lieu de l'instruire.

« Leur enjoit également de prêter main-forte à la justice et d'exécuter tous les mandements des tribunaux.

«Ordonne, enfin, que les détenus en vertu des décrets des prévôts des maréchaux, seront par eux transférés, avec les charges, informations et autres pièces et procédures, chacun par devant le siège royal du lieu du délit dont il est accusé, lequel continuera l'instruction à la charge de l'appel.

M. le baron de Menou. La motion de M. Guillaume est trop importante pour qu'elle puisse être discutée à l'improviste dans une séance du soir; je propose d'en fixer la discussion à mardi prochain.

M. le marquis de Foucault. Les circonstances présentes sont trop graves et la tranquillité publique est trop précaire, pour que l'Assemblée ne conserve pas le plein exercice des juridictions prévôtales jusqu'au moment où elle aura pourvu à la complète rénovation du pouvoir judiciaire.

M. Goupilleau. J'appuie la motion d'ajournement, mais je demande que les prévôts soient tenus de faire juger leur compétence et qu'il soit sursis à toute exécution.

M. de Cazalès. Dans le cas où cette dernière motion serait appuyée, je propose de dire que tous ceux qui seront convaincus d'assassinat seront exceptés du sursis.

M. le comte de La Galissonnière. Ce sousamendement doit être étendu aux incendiaires et aux fauteurs des troubles.

M. le comte de Mirabeau. Autant dire que vous ne ferez rien. Je demande la question sur ces amendements comme destructifs de la motion principale.

M. le Président pose la question en ces

termes :

La motion principale sera-t-elle ajournée, en décrétant dès à présent le sursis aux condamnés? On demande la division de cette question. La division est mise aux voix et rejetée. Le décret suivant est rendu :

« L'Assemblée nationale ajourne la motion sur la suppression des juridictions prévôtales; et cependant charge son Président de se retirer à l'instant par devers le roi, à l'effet de supplier Sa Majesté de donner les ordres convenables pour qu'il soit sursis à l'exécution de tous jugements définitifs, rendus par ces tribunaux. »

M. le Président quitte le fauteuil pour porter ce décret, ainsi que plusieurs autres, à la sanction du roi.

M. Freteau remplace M. le Président au fauteuil.

Des députés extraordinaires du Havre sont introduits à la barre. Ils font lecture de l'adresse suivante relative à l'intérêt du commerce de la France avec les colonies:

Nosseigneurs, la commune du Havre vient avec cette respectueuse liberté qui caractérise le vrai citoyen vous peindre ses alarmes et l'effrayant tableau des malheurs dont l'Etat est menacé.

Nous n'emploierons pas les moments précieux que vous nous accordez à démontrer l'importance des colonies, leur influence sur la force et la prospérité de l'Empire, l'impossibilité de les conserver sans la continuation de la traite et de la servitude des noirs; la liaison intime du commerce et de l'agriculture et ses rapports avec tous les genres de travail et d'industrie. Ces grandes vérités se sont développées dans toute leur étendue, sous la plume éclairée du patriotisme; et les adresses que vous avez reçues des différentes parties du royaume, vous out prouvé, Nosseigneurs, qu'elles ont frappé l'œil de la nation.

Nous nous bornons à vous exposer la situation actuelle des ports de mer, des places_commerçantes, des villes manufacturières, enfin de tout ce qui tient au commerce; et sa chaîne est immense...

Vos importants travaux, une impérieuse nécessité, ont retardé jusqu'à ce moment la décision que la nation inquiete attend avec tant d'impatience; et l'incertitude seule que ce retard a fait naître, a causé des maux infinis et peut-être irréparables.

Au premier cri qui s'est fait entendre pour la destruction de la traite et de l'esclavage des noirs, seuls moyens possibles de continuer la culture des colonies, le royaume s'est ébranlé, la terreur s'est répandue dans toutes les classes des citoyens, la suspension des travaux, la défiance, le discrédit, ont été la suite de cette première commotion; des secousses violentes ont agité les colonies; les inquiétudes de la métropole ont redoublé, et les presages d'un avenir sinistre ont déjà produit des malheurs. Enfin les nouvelles qu'on a reçues des Antilles ont porté le dernier coup au commerce expirant... Les navires désarmés dans les ports, les ateliers déserts, les manufactures immobiles, un desséchement universel de toutes les branches de l'industrie nationale, la douleur, les plaintes, les murmures, le désespoir... Cette peinture est affligeante, mais malheureusement trop fidèle.

Des milliers d'ouvriers demandent à grands cris l'emploi de leur temps et de leurs bras, bientôt ils demanderont leur subsistance; et lorsque la

source des bienfaits asséchée par des pertes et des sacrifices énormes, sera tarie pour eux, que deviendront-ils? que feront-ils?

Si la seule appréhension du mal, encore incertain, a causé tant de désastres réels, que serait-ce donc, si une loi à jamais fatale, marquait le commerce du sceau d'une éternelle réprobation?

Nous n'entreprendrons pas, Nosseigneurs, de décrire les terribles effets que produirait cette décision impolitique; votre sagesse et vos lumières sauront les pressentir.

L'anéantissement des fortunes, les banqueroutes, le désordre, les soulèvements, sont peut-être les moindres maux que nous aurións à redouter.

Prononcez donc, Nosseigneurs, prononcez sans différer; le sort de l'empire est dans vos mains; qu'un décret digne de votre sagesse, rassure la nation alarmée, raffermisse le crédit chancelant et consolide les bases de la félicité publique. Nous sommes avec respect, etc.

M. le Président. L'Assemblée nationale exa minera votre pétition avec intérêt. Elle vous permet d'assister à sa séance.

L'ordre du jour appelle ensuite l'affaire de M. de Bournissac, prévôt général des maréchaussées de Provence.

M. Brevet de Beaujour, nouveau rapporteur, nommé en exécution du décret du 23 janvier dernier, après avoir fait le récit des troubles arrivés à Marseille, ainsi que des chefs d'accusation intentés contre le prévôt, et des motifs allégués par ce dernier pour sa justification, examine: 1° si le prévôt doit rester juge des procès dont il a commencé l'instruction à Marseille; 2° s'il n'y a pas lieu de le renvoyer lui-même au Châtelet, le tout, aux termes du décret du 8 décembre dernier.

Voici le projet de décret qu'il propose:

• L'Assemblée nationale, ouï son comité des rapports, décrète que conformément à son décret du 8 décembre dernier: 1° son Président se retirera par devers le roi pour supplier Sa Majesté de faire renvoyer par devant les officiers de la sénéchaussée de Marseille, les procès criminels instruits depuis le 19 août dernier, par le prévôt général de Provence, contre les sieurs Rebecqui, Granet, Pascal et autres, et d'ordonner que ceux des accusés qui sont détenus en suite des décrets de prise de corps lancés par ce prévôt, seront transférés dans les prisons royales de Marseille, pour y être jugés en dernier ressort;

20 Que la copie des requêtes présentées par trois des accusés au prévôt général de Provence, au bas desquelles sont les conclusions du procureur du roi, et les ordonnances des 20 et 25 novembre dernier, ainsi que les délibérations et dénonciations des districts et du conseil de la commune de Marseille, des 18 et 19 février dernier, seront envoyées au procureur du roi du Châtelet de Paris, pour y être donné les suites convenables.

M. l'abbé Maury demande la parole pour combattre le projet de décret et pour justifier le grand prévôt de Marseille.

M. Brevet de Beaujour. Votre comité n'a pas terminé sa tâche : aux termes de votre décret du 28 du mois dernier, il doit vous faire le rapport des procédures dirigées par le même grand pré

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