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ment à toutes celles vraiment exigibles, se monteraient à plus de, ci........... 60 millions.

5o Il faudrait, pour être parfaitement exact, ajouter à ces quatre articles l'intérêt de l'emprunt de 80 millions fait postérieurement à l'époque du mois de mai de l'année dernière, et quelques autres objets de peu d'importance, ci... 3 millions.

6o Le retard dans le recouvrement de la taille et de la capitation: ce retard augmentera sensiblement les embarras de la finance jusqu'à la fin d'avril, mais il n'occasionnera pas vraisemblablement un grand vide, en considérant comme je le fais ici l'année dans son entier. Je ne placerai donc ici cet article que pour......... Mémoire.

Ces six articles forment ensemble une somme de 294 millions; et tel serait le vide de l'année, si l'on voulait satisfaire à tous les paiements avec une parfaite exactitude, si dans le même temps aucune anticipation ne se renouvelait, et si les autres causes du déficit n'éprouvaient aucun allégement.

C'est, sans doute, en faisant un pareil compte que plusieurs personnes versées dans les affaires, et en même temps à la suite de notre situation de finance, ont répandu que les besoins de cette année se monteraient à 300 millions, et qu'il n'y avait aucun autre moyen de se tirer d'embarras, qu'une création de billets d'Etat proportionnée à ce déficit.

Mais, quel moyen qu'un si vaste accroissement de billets-monnaie! car il faudrait les ajouter à la masse circulante des billets de la caisse d'escompte, dont on ressent déjà le pesant fardeau. Il ne serait pas juste cependant de discuter cette opinion avant d'avoir mis à portée de juger des inconvénients attachés à d'autres ressources, puisque c'est toujours par comparaison que de pareilles questions doivent être traitées.

Il est une vérité bien certaine : c'est qu'on ne peut franchir l'intervalle des dix derniers mois sans recourir à des dispositions pénibles, et pour ceux qui doivent y être assujettis, et plus encore pour ceux qui sont dans la triste et douloureuse nécessité de les proposer. Mais fut-il jamais de circonstances pareilles à celles où nous sommes en cet instant de passage? L'imagination eût tenté vainement d'aller plus loin. Le numéraire enfoui; les impôts qui l'attirent, détruits ou forcément perdus; les revenus de l'Etat affaiblis ainsi journellement; un discrédit sans exemple et fondé sur les causes les plus réelles, et partout une suite d'alarmes ou de désordres qui multiplient à chaque instant les défiances et les présages funestes. L'avenir nous donne des promesses, mais elles n'influent pas encore sur les opinions du moment. La confiance, d'ailleurs, la confiance en général est soumise aux lois d'une régénération lente et successive: elle périt graduellement; elle renaît de même. Il faut la cultiver, non pas aujourd'hui pour demain, mais à l'avance, et pour en cueillir les fruits à leur maturité.

Je crois donc que, dans les circonstances où se trouve le Trésor public, et à l'aspect de ses besoins jusqu'à la fin de l'année, il faut, ou s'abattre sous le poids des difficultés, ce que vous ne ferez sûrement pas, ou adopter un remède expéditif et général, tel qu'une émission immodérée de billets d'Etat; et je m'arrêterai dans la suite sur cette proposition, ou recourir à des moyens divers en suivant un plan de conciliation, d'arrangement, de mitigation, qui puisse, à défaut de tout autre secours extraordinaire, nous faire arriver, sans un trop grand trouble, à l'époque peu éloignée

du rétablissement parfait de l'ordre dans les finances.

Uu plan de ce genre ne peut pas être composé de parties toutes positives ni définitivement arrêtées; il faut, en le préparant, déférer à l'avance aux modifications qu'exigeront les circonstances et les événements. Cependant, il est nécessaire de se former une idée générale des ressources qui peuvent remplir le bui qu'on se propose.

Reprenant donc la somme de 294 milions, qui, d'après des calculs rigoureux, et en rejetant toute espérance, paraîtrait être la mesure des besoins de l'année, je dois vous présenter une suite d'observations:

1. Il y aura le premier mars en caisse au Trésor public, environ 20 millions; mais je n'estimerai qu'à 10 millions le secours qu'on peut en tirer pour les besoins du reste de l'année, puisqu'il est prudent d'avoir toujours au Trésor public un fonds de caisse d'environ 10 millions.

2o La caisse d'escompte doit encore nous payer 28 millions pour solde des 80 millions qu'elle s'est engagée à fournir.

3o L'ancienne différence entre les revenus et les dépenses fixes, représentée par le déficit au 1er mai 1789, laquelle, en proportion de ce déficit, devrait s'élever à 47 millions pour les dix derniers mois de l'année, ne tardera pas à être réduite. Vous rendrez incessamment, je n'en doute point, les décrets nécessaires pour assurer les économies arrêtées dans votre comité des finances, et dont vous avez déjà connaissance. Il en résultera, dès cette année, une diminution graduelle de dépenses, que j'estimerai à environ 30 millions (1).

4° L'assujettissement des biens ecclésiastiques aux vingtièmes et la cessation de tous les abonnements, produiront, dans le cours des dix derniers mois de l'année, un secours au Trésor public; mais il faudra sur ce produit fournir un supplément à la caisse du Clergé pour le paiement des intérêts à sa charge je porterai, pour résultat, en recette, neuf millions.

5o Les anticipations engagent, dans les dix derniers mois de cette année, cent vingt-quatre millions de revenu. En comptant sur la conservation du peu de crédit qui subsiste encore en ce moment, on devrait espérer le renouvellement d'une moitié de ces anticipations telle a été en effet la inesure des renouvellements dans ce moisci et le précédent; mais je ne dois pas dissimuler que, pour se fier à cette continuation de secours, il faut que le public prêteur soit encouragé par la confiance que lui inspirera la suite des dispositions que prendra l'Assemblée nationale relativement aux finances: j'espère qu'elles répondront à ce qu'exigent les circonstances; ainsi, je suis fondé à évaluer à soixante millions la ressource du renouvellement des anticipations pendant les dix derniers mois de l'année.

6o Les receveurs généraux, les trésoriers des pays d'Etats ne se sont engagés à payer au Trésor public, dans le cours de cette année, que les 7/12 environ de la taille, de la capitation et des vingtièmes de l'année 1790. On pourrait les mettre en état d'étendre un peu leurs soumis

(1) L'Assemblée nationale vient de fixer, par son dernier décret, la réduction des dépenses à 60 millions, à commencer du premier avril; mais il sera absolument impossible de remplir son intention, à compter de l'époque qu'elle a déterminée je l'avais fait observer à MM. du comité des Douze. (Note du 3 mars.)

sions, au moins pour la fin de l'année, si les assemblées de département, secondant les recouvrements des collecteurs, en procuraient l'accélération; et en évaluant cette accélération à un douzième seulement de la masse totale des impositions directes de 1790, il en résulterait pour le Trésor public une ressource de près de quinze millions.

Ce serait chose raisonnable en ces circonstances, puisque le concours des privilégiés aux impositions de 1790, et la jouissance entière que vous avez donnée aux taillables, de la cotisation de ces mêmes privilégiés pour les six derniers mois de 1789, leur procurera cette année une très grande aisance.

7° La contribution patriotique nous fournira quelques secours à commencer du mois de mai prochain, mais il est encore impossible en cet instant de s'en former une juste idée (1).

8° Il ne faut pas désespérer que, dans le cours de cette année, il se présente un moment favorable pour faire un emprunt modéré, sous quelque forme attrayante; et les dispositions que vous prendrez, Messieurs, relativement aux finances, hâteront et faciliteront beaucoup cette res

source.

9° Il faudrait continuer encore quelque temps à user de l'indulgence actuelle des créanciers de l'Etat, en n'augmentant pas les fonds destinés au paiement des rentes; mais une facilité particulière que je croirais convenable pendant cette année, et qui leur serait peut-être agréable, ce serait de pouvoir payer à la fois deux semestres, au lieu d'ùn, à ceux qui consentiraient à recevoir en paiement trois quarts en effets portant 5 0/0 d'intérêt, et un quart en argent ; et pour remplir cette disposition, on pourrait faire usage de la partie de l'emprunt de quatre-vingts millions, ou de la partie de l'emprunt du Languedoc, qui n'est pas encore rempli.

10° On pourrait faire les mêmes propositions et laisser la même liberté à ceux qui jouissent de gages, d'appointements et de pensions qui ne sont point au courant.

11° L'administration des finances prolongerait jusqu'à l'année prochaine, ou paierait en effets, à cette échéance, toute la partie des dépenses ordinaires et extraordinaires qui seraient susceptibles de cette facilité.

Il est plusieurs des diverses ressources que je viens d'indiquer, auxquelles je n'ai pas mis d'évaluation, vu l'extrême incertitude de ce qu'elles pourront produire dans les circonstances où nous nous trouvons; je me suis contenté de me former, à part moi, une idée générale de ce qu'on pouvait raisonnablement en espérer; et si je me détermine, pour mieux fixer vos idées, à mettre sous vos yeux cette supputation très vague, c'est que j'aime encore mieux m'aventurer un peu, que de négliger aucun des moyens qui peuvent servir à éclairer les déterminations que vous avez à prendre.

Voici donc comment je désignerais chaque article des ressources applicables aux dix derniers mois de cette année.

(1) Les déclarations pour Paris se montent à près de 30 millions. Le nombre des déclarants est d'environ douze mille. (Note du 3 mars.)

1 SÉRIE, T. XII.

1° L'argent en caisses..... 10,000,000 livres. 2o A recevoir de la caisse d'escompte pour solde des 80 millions....

3o Produit de la réduction des dépenses dans le cours des dix derniers mois de l'année.

4° Vingtièmes du clergé... 5o Renouvellement des anticipations.....

6o Accélération sur la partie des recouvrements des receveurs généraux...........................

7° De la contribution patriotique, y compris les fonds remis directement à l'Assemblée nationale.... 8. D'un emprunt dans le cours de l'année..

......

..........

9° En différant encore d'accroître le fonds destiné aux rentes, et en payant, à l'amiable, deux semestres à la fois sur divers objets, ainsi qu'on l'a indiqué..

10 Retards ou paiements en effets à terme, de diverses dépenses ordinaires et extraordinaires...

28,000,000

30,000,000 9,000,000

60,000,000

15,000,000

30,000,000

30,000,000

50,000,000

30,000,000

Total... 292,000,000 livres.

Tous ces articles, je le répète de nouveau, sont pour la plupart susceptibles de beaucoup de variations aussi par cette raison, et parce que la gradation des époques successives de ces différentes ressources ne peut pas être la même que celle des besoins, je crois qu'il est indispensable, pour assurer le service, que vous ouvriez à l'administration des finances un nouveau crédit de 30 à 40 millions sur la caisse d'escompte, pour en faire un usage plus ou moins instantané, selon le besoin.

Je vous proposerais en même temps de favoriser les billets de caisse, en promettant une prime de 2 0/0 à la partie de ces billets qui resterait encore en circulation au 15 de juin prochain. Cette faveur, en améliorant le prix de l'échange des billets contre de l'argent, balancerait ou diminuerait la perte de ceux qui ont besoin de numéraire.

On pourrait, pour dédommager en partie l'Etat de la prime de 2 0/0 dont je viens de parler, convenir avec la caisse d'escompte que sa nouvelle avance serait sans intérêt, sí son bénéfice, pour le semestre courant, s'élevait sans cela à 3 0/0 sur le capital des actions.

Quand vous aurez indiqué les ventes dont le produit doit servir au paiement des assignations à terme sur le receveur de l'extraordinaire, je crois qu'il y aurait de la convenance à ouvrir une souscription générale dans tout le royaume, pat laquelle chacun pourrait s'engager à prendre une certaine quantité de ces assignations, sous la réserve que ces engagements ne seraient valables qu'autant que la somme totale,ainsi souscrite, serait suffisante pour mettre la caisse d'escompte en état de payer ses billets en argent à bureau ouvert. La certitude d'atteindre ce but si généralement et si justement désiré, décidera sûrement à souscrire beaucoup de personnes que l'idée d'un

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simple placement d'argent ne détermine pas; et l'intérêt que vous manifesteriez pour le succès d'une telle souscription, serait bien propre à exciter le zèle patriotique de tous les bous citoyens.

Vous ne pouvez pas refuser, Messieurs, aux administrateurs de la caisse d'escompte de choisir certain nombre de commissaires pour inspecter leurs opérations, ou d'autoriser les représentants de la commune de Paris à en nommer. Il ne serait pas généreux d'abandonner au hasard des faux jugements, et à toute l'oppression de la calomnie, d'honnêtes citoyens qui servent la chose publique sans intérêt et par dévouement, et qui sollicitent pour seul encouragement et pour seule récompense, que l'on porte les regards les plus attentifs sur leur administration journalière. Je dirai plus je ne sais comment on pourrait exiger de simples particuliers la constance nécessaire pour résister aux préjugés populaires, si les hommes publics, qui sont faits pour régir l'opinion, craignaient eux-mêmes de heurter ces mêmes préjugés, en refusant d'accorder une protection ouverte a ceux qui en sont la victime.

Il est temps maintenant d'examiner les avantages et les inconvénients d'une création de papiers-monnaie dans une étendue suffisante pour satisfaire exactement à tous les besoins et à tous les engagements de l'année. Une telle idée semblerait d'autant plus favorable aujourd'hui, que ces billets d'Etat pourraient consister en des assignats sur un objet réel, sur le produit de la vente des biens ecclésiastiques et domaniaux, et sur le produit du rachat des rentes et droits dépendants de ces propriétés. Ces assignats devraient porter jusqu'à leur extinction un intérêt de 4 ou de 50/0 l'an, payable par semestre ou par quartier, le tout à votre choix; et à mesure qu'ils rentreraient dans la caisse de l'extraordinaire, ils seraient brûlés avec toutes les formes ostensibles et légales que vous jugeriez à propos de prescrire.

De tels billets, dont la teneur rappellerait sans cesse la réalité de leur objet et de leur terme, auraient, sous ce rapport, un avantage sur les billets de la caisse d'escompte, dont l'hypothèque, sur les mêmes fonds de l'extraordinaire, n'est ni directe ni présente habituellement à la pensée; ils rappelleraient aussi, d'une manière plus constante et plus générale, l'intérêt de tous les citoyens, à la réalisation prompte et avantageuse des biens destinés à l'amortissement des billets admis, comme monnaie, dans la circulation, et il résulterait de l'évidence d'un tel intérêt plusieurs conséquences heureuses. Les nouveaux billets d'Etat he participeraient pas non plus à la défaveur que les ennemis de la caisse d'escompte, ou les faux juges de ses embarras ont attirée, contre cet établissement, et par reflet, contre ses billets de caisse. Ils n'auraient pas non plus, à la vérité, cette portion de crédit qui tient à l'habitude, et dont on ne peut apprécier au juste l'influence. Mais une considération plus importante, et à laquelle il me semble qu'on n'a pas fait attention, c'est que l'extinction des billetsassignats sur la caisse de l'extraordinaire, rendus papier-monnaie, serait nécessairement plus tardive que l'extinction des billets de la caisse d'escompte; en effet, celle des billets assignats ne pourrait être opérée qu'aux époques du versement effectif dans la caisse de l'extraordinaire du produit des ventes ou des rachats, au lieu que l'extinction graduelle des billets de la caisse d'escompte, aurait lieu dès l'instant où cette caisse négocierait des assignations à terme sur le receveur de l'extraordinaire; époque qui pourrait

précéder d'un an celle des paiements effectifs entre les mains de ce receveur.

J'ai cru devoir m'arrêter sur ce parallèle entre les billets de la caisse d'escompte et les billetsassignats, parce qu'il est applicable à tous les systèmes également. En effet, soit qu'on eût recours à de nouveaux billets pour satisfaire à tous les besoins de l'Etat, soit qu'on ne voulût accroître la somme du papier circulant aujourd'hui, soit qu'on ne voulut enfin l'excéder que modérément, il faudrait toujours considérer si les billets-assignats sont préférables aux billets de la caisse d'escompte, puisqu'on pourrait toujours, quand on le voudrait convertir ceux-ci dans les autres. Ainsi donc l'adoption des assignats sur le receveur de l'extraordinaire pour faire office de papier-monnaie, n'est point une proposition particulièrement liée au système d'une vaste création de billets d'Etat, d'une création suffisante pour satisfaire à tous les besoins du Trésor public cette proposition se rapporterait à la quantité actuelle des billets circulants, ou à telle autre qu'on jugerait à propos de fixer.

Examinons donc en elle-même l'idée d'une création trop étendue de billets circulants; car il n'est aucune forme donnée à ces billets qui puisse préserver des inconvénients attachés à l'excès de leur quantité. Il est une proportion que l'expérience seule peut indiquer; et, en ce genre, c'est elle qui constamment donne les meilleures leçons. Il y a dans ce moment cent soixante millions de billets de la caisse d'escompte en circulation, et l'on aspire avec raison à leur diminution. Une nouvelle forme qu'on y substituerait, et plus sûrement un intérêt qu'on y attacherait, en faciliterait la circulation; mais il serait à désirer que ces encouragements ne servissent qu'à donner plus de prix aux billets actuels, sans diminuer cet avantage par l'accroissement de leur nombre; ou si l'on était forcé de chercher un nouveau secours de ce genre, il faudrait bien y penser avant de se hasarder à une augmentation pareille à celle qui serait nécessaire pour satisfaire exactement tous les besoins de l'année. Une somme de deux à trois cents millions, jointe à celle de cent soixante millions, montant actuel des billets de caisse, présente un total effrayant. L'Assemblée nationale a bien décrété que l'on réaliserait pour quatre cents millions de biens domaniaux ou ecclésiastiques; mais on attend leur désignation, on attend de connaître l'époque des ventes, on attend de juger de l'empressement et du nombre des acheteurs; enfin, la confiance qui est applicable à une certaine somme, ne l'est point à une plus forte, et en toutes choses une juste mesure est la plus indispensable des conditions.

On croit lever les difficultés en demandant que les nouveaux billets d'Etat soient admis légalement dans tout le royaume comme les billets de caisse le sont dans Paris; mais l'Assemblée nationale a montré jusqu'à présent une grande opposition à cette idée; et si elle l'adoptait d'une manière indéfinie, si, en l'adoptant, elle multipliait considérablement la somme des billets circulants, je ne sais jusqu'à quel point son autorité serait suffisante pour une si vaste disposition. Il me semble que l'Assemblée nationale, en se faisant une juste idée des circonstances, cherche essentiellement à concilier ses décrets avec l'opinion publique; et les résistances qu'elle éprouve dans beaucoup d'endroits, quand elle veut exiger les sacrifices d'intérêts personnels les plus raisonnables, la rendrait sûrement circonspecte quand il s'agirait d'une loi aussi multipliée dans ces ra

mifications, que l'introduction forcée du papiermonnaie dans l'universalité d'un royaume. Une telle loi peut-être n'aurait toute sa force qu'à l'égard des receveurs des droits et des impôts, et alors le Trésor public se trouverait absolument privé de la partie de numéraire effectif dont il a besoin pour la solde des troupes, et pour les différents achats ou marchés libres auxquels on n'est pas toujours le maître de pourvoir avec du papier. Je croirais que ce serait assez faire si l'on pouvait adjoindre à la loi qui régit Paris pour les billets de caisse, deux ou trois villes principales, Lyon surtout, qui extrait beaucoup de numéraire effectif de Paris; et comme cette ville a de grands intérêts dans nos fonds publics, on aurait plus de considérations à lui présenter, pour l'engager à s'unir aux dispositions que l'embarras des finances aurait rendues inévitables.

Observons aussi, Messieurs, qu'on est toujours à temps d'accroître les secours en papiers circulants; au lieu qu'en se livrant, par l'effet d'un principe ou par une opinion spéculative, à se servir d'une telle ressource, sans autre mesure que celle de ses dépenses, on se place à l'avance dans une position exagérée, à laquelle on ne peut plus apporter de changement que par des moyens injustes, violents, et dont les conséquences sont incalculables.

En général, les remèdes absolus sont ce qu'on désire le plus dans les grands maux; mais ce désir est plutôt l'effet d'un sentiment que le résultat de la réflexion; car c'est dans les grands maux que l'injustice ou la rigueur des moyens extrêmes paraît d'autant plus pénible, et devient souvent dangereuse. Dans l'état actuel des affaires de finance, et jusqu'à l'époque où elles seront mises dans un ordre simple et parfait, il est plus sage que jamais d'aller en toutes choses par gradation, de cotoyer sans cesse l'opinion et les événements, d'employer des ménagements journaliers, de combattre séparément chaque difficulté, d'entrer, pour ainsi dire, en composition avec tous les obstacles, et d'user avec patience d'une grande diversité de moyens, afin qu'aucun ne soit exagéré, et ne pèse trop fortement sur aucune classe particulière des citoyens.

Il ne faut donc pas demander que les créanciers de l'Etat, que les hommes qui servent la chose publique par leur travail et par leurs talents, que les hommes qui reçoivent le prix de leurs anciens services, que tous ceux, enfin, qui ont des droits actifs sur le revenu public, éprouvent de trop grands retards, soient soumis à des sacrifices trop pénibles; et c'est sous ce rapport intéressant, qu'à défaut absolu d'autre ressource, l'introduction momentanée des billets de caisse doit paraître une disposition raisonnable; mais il ne serait pas juste non plus que, pour le payement exact de certaines charges de l'Etat, les habitants de Paris ou des provinces fussent associés inégalement, et selon le hasard de leur position, aux inconvénients attachés à la circulation des billets de caisse, inconvénients indéfinissables, selon que l'on est soimême débiteur, ou non, envers d'autres. Et c'est par une telle considération réunie à celles que j'ai indiquées, qu'il ne serait pas équitable de satisfaire à tous les besoins par une création de billets circulants. Il faut, dans une pareille circonstance, partager les sacrifices et les adoucir autant qu'il est possible.

C'est pour remplir en partie ce plan d'équilibre et d'allégement, que je vous ai proposé de recourir à l'emploi de divers moyens pour franchir les difficultés de cette année. Vous avez vu, par l'indi

cation de ces moyens, qu'un tel plan, nécessairement mixte, rendra, pendant quelques mois encore, l'administration des finances infiniment compliquée; que, durant un pareil intervalle de temps, il est impossible de fixer une marche invariable, et de prescrire le genre de ressources, d'expédients, de facilités, de modifications de tout genre auxquels il faudra successivement s'attacher; enfin, qu'il faudra laisser à l'administration des finances une liberté que vous serez peutêtre inquiets de voir remise à un seul homme; mais celui qui, depuis le mois d'août 1788, combat contre tant d'obstacles, et cherche à faire entrer dans le port le vaisseau battu par la tempête, a plus d'envie que personne d'alléger son fardeau, de diminuer sa responsabilité, et de la diminuer non pas envers le roi qui voit de près ces efforts, non pas envers vous, Messieurs, non pas envers la nation dont il ne redoute point le jugement sévère, mais envers un censeur encore plus rigide, envers lui-même. Il faut sans doute un grand dévouement pour se charger d'une telle tâche elle sera, je le sais, toute composée de peines; mais cette réflexion ne peut me décourager, puisque mes regards sont encore tout entiers vers la chose publique. Je l'ai connue de reste; l'administration des finances est une œuvre trop compliquée par une infinité de circonstances, pour ne pas exposer celui qui les conduit, dang des moments difficiles, à des plaintes et à des reproches qui rendent souvent injustes. A une certaine distance de toutes les administrations, on n'en saisit qu'une partie; et celle des finances, quand le désordre y règne, devient pour la plupart des hommes le chaos des chaos; et les maux qu'on évite, les sacrifices qu'on adoucit, les troubles qu'on prévient, sont le plus souvent des choses inconnues. Cependant, dans la carrière de dévouement et de sacrifices où je me trouve entraîné, je me sentirais le courage de répondre seul à l'étendue de la tâche, et d'opposer le sentiment de ma conscience à toutes ces injustices aveugles ou méditées qui sont l'effet inséparable des temps de malheur et de désordre; je me sentirais, dis-je, ce courage, si, en vous demandant des coassociés, je ne remplissais pas, en moins de temps, un projet dont l'utilité sera éprouvée dans tous les temps, un projet que j'ai toujours eu en vue, dont j'ai souvent entretenu le roi en d'autres circonstances, et qui s'approprierait néanmoins encore plus parfaitement au nouvel ordre constitutionnel que vous avez établi. Ce projet consisterait dans l'institution que ferait le roi d'un bureau, d'un comité pour l'administration du Trésor public comité qui ferait ce que je fais aujourd'hui; c'està-dire que, sous l'approbation et l'autorité de Sa Majesté, il fixerait toutes les dépenses journalières, il déterminerait tous les modes de payements, veillerait sur toutes les recettes; il dirigerait enfin toute l'action du Trésor public, sans aucune exception ni réserve. Le bureau d'administration devrait être composé de tel nombre de personnes que le roi jugerait à propos de déterminer, lesquelles, sous le nom de commissaires de la trésorerie, rempliraient toutes les fonctions que je viens d'indiquer. Le Président, ou seul, ou accompagné de quelques autres des commissaires de la trésorerie, où de tous dans certaines circonstances, selon la volonté du roi, rendrait compte à Sa Majesté des délibérations du bureau de la trésorerie, et prendrait ses ordres. Les commissaires de la trésorerie seraient donc à l'avenir les seuls ministres du roi pour le département du Trésor public; et lorsque bientôt les affaires

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générales du royaume seront simplifiées, lorsque tout ce qui tient aux impôts, aux revenus de l'Etat, sera établi d'une manière régulière, on pourrait adjoindre à ce comité deux personnes entendues dans la partie de la finance étrangère à la direction du Trésor public; et ces deux personnes se divisant cette tâche d'une manière distincte, il se trouverait que le bureau de la trésorerie serait le centre et l'agent de l'administration entière des finances, et les places de contrôleur général et de directeur général du Trésor public deviendraient inutiles. Ainsi, l'ensemble de toutes les parties de cette vaste administration qui, dans le système actuel, doit se trouver réuni tant bien que mal dans la tête d'un seul homme, serait confié aux lumières d'une commission composée de plusieurs personnes dont l'action serait dirigée par un président aidé d'un commissaire rapporteur, pour la direction journalière du Trésor public.

Je n'entends point, Messieurs, me mettre à l'écart par l'institution dont je vous entretiens : ce n'est pas en des jours d'orage que je me séparerais du vaisseau; je crois même qu'en des temps plus tranquilles, je serais encore utile à cet établissement, ne fût-ce que pour l'aider à franchir les premiers moments d'inexpérience: mais ma place dans l'administration sera suffisamment marquée par le degré de confiance dont le roi veut bien m'honorer. Le roi devant seul, dans la constitution, déterminer le mode et la forme de différentes administrations qui émanent de son autorité, ce n'est point pour inviter l'Assemblée nationale à prendre aucune délibération sur ce projet, que j'ai demandé à Sa Majesté la permission de vous en donner connaissance : mais d'abord, il est convenable, il est dans les sentiments du roi, que l'Assemblée nationale soit instruite de tous les changements dans la forme d'administration qui peuvent intéresser le bien public; et je crois celui-ci l'un des plus propres à prévenir toute espèce de défiance de la part des députés de la nation, en même temps qu'il est un des plus utiles à l'affermissement du crédit public. On sera bien sûr que nul abus insensible ne s'introduira, que nulle atteinte ne sera portée, par l'usage et la disposition de l'argent, au maintien des droits constitutionnels, lorsque nulle dépense, nulle extraction des deniers d'aucune caisse ne pourront être présentées à l'approbation du roi que d'après la délibération d'un bureau composé d'un nombre collectif de personnes, la meilleure des sauvegardes contre tous les commencements de mystère et contre leur conception même. Ainsi, tandis que par des lois générales, vous affermirez l'ordre et la règle, un bureau de trésorerie, formé de plusieurs membres, assurera à la nation que rien ne sera dérangé par l'effet de l'administration des finances. Mettez donc, Messieurs, au nombre des bienfaits multipliés dé Sa Majesté, au nombre des effets journaliers de ses intentions pures, au nombre de ses grandes et nobles volontés, le dessein qu'elle a formé de substituer à l'administration d'un seul homme, celle de plusieurs personnes qui ne pourront agir et délibérer qu'ensemble, et qui deviendront à la fois et une sauvegarde réelle et une sauvegarde d'opinion dont on éprouvera les plus salutaires effets. Il y aura aussi dans l'exécution, dans le soin des affaires, plus de diligence, plus d'exactitude, car la tâche du ministre des finances est beaucoup trop forte: et en s'y livrant sans relâche, en ne faisant que ce que les autres ne peuvent pas faire, il reste néanmoins chaque jour le sentiment pénible de toutes les affaires qu'on laisse

en arrière et de toutes celles qu'on a examinées trop superficiellement; et l'on finit même, au bout d'un certain temps, par prendre tous les détails en répugnance à moins qu'on n'y soit spécialement destiné par la nature, et qu'on ne soit jamais attiré par aucune des pensées générales qui sont cependant nécessaires pour voir et pour diriger l'ensemble.

Indépendamment des grandes considérations qui ont déterminé Sa Majesté à vous instruire de l'intention où elle était de former un bureau de trésorerie pour l'administration du Trésor public, il est un autre motif qui rend votre concours nécessaire à l'exécution des vues de Sa Majesté. Le roi sent la convenance de choisir dans l'Assemblée nationale la plupart des membres de ce comité; mais, pour remplir ce but, il faut que vous dérogiez en quelque chose au décret que Vous avez rendu pour obliger les membres de votre assemblée à n'accepter, pendant la durée de cette session, aucune place donnée par le gouvernement. Il me semble que le principe de ce décret n'est pas applicable au cas présent; vous aviez sûrement en vue, lorsque vous l'avez délibéré, de mettre à l'abri de toute séduction, de tout ascendant de la part du gouvernement, tous ceux qui composent votre assemblée; mais, dans cette occasion, c'est bien plus une charge pénible qu'une grâce ou une faveur qu'il serait question de confier

ceux qui seront nommés par le roi pour remplir le comité actif et permanent de trésorerie. Enfin, de quelque importance que soient les principes généraux, il est cependant des occasions où le législateur, dirigé par l'amour du bien de l'Etat, son premier objet d'intérêt, doit consentir à quelque modification. Il est très important qu'un comité actif de trésorerie soit formé sans retard, et il est de la plus grande convenance aussi que tous ses membres, ou la plupart d'entre eux, soient choisis dans votre assemblée, parce qu'elle contient des hommes infiniment éclairés par leurs lumières naturelles et par la connaissance qu'ils ont déjà prise au milieu de vous des affaires de finance, et enfin, parce qu'il est essentiel à mes yeux qu'il y ait une relation continuelle de vous, Messieurs, à l'administration des finances, et d'elle à vous, et que cette relation soit telle, qu'à chaque instant, l'intérêt des finances, la connaissance de leur situation et de leur embarras, la prévoyance des événements qui peuvent les concerner, s'unissent immédiatement au cours variable et souvent inattendu de vos délibérations; et si l'institution dont je vous entretiens eût eu lieu depuis un certain temps, vous auriez vraisemblablement évité quelques erreurs relatives aux finances. Rien ne peut remplacer cette lumière qui dérive de l'expérience et de la connaissance habituelle de l'état des affaires; rien ne peut remplacer cet intérêt actif au succès d'une grande administration: il y a et il y aura toujours une différence immense entre l'effet des examens que vous confiez à divers comités, et l'utilité de cette communication journalière des lumières et des observations de ceux qui dirigent le Trésor public, et qui attachent à l'ordre et à la régularité de cette administration, leur devoir, leur honneur et tous les intérêts qui agissent sur les hommes. On ne peut pas réparer les inconvénients qui sont résultés, dans le cours de votre session, de la séparation absolue de l'administration et de la législation des finances; et ce serait vous affliger inutilement, que de vous en présenter le tableau; mais puisqu'il s'offre un moyen naturel de prévenir la continuation de ces inconvénients par la

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