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nécessaires pour toute espèce de condamnation (1).

Art. 25. Les jurés seront tenus de statuer par un seul (2) et même rapport sur tous les accusés à la fois.

Art. 26. Le rapport des jurés sera toujours positif comme un tel est déchargé avec honneur de l'accusation; un tela fait telle chose, il l'a faite méchamment, ou il l'a faite sans dessein.

Art. 27. Ce rapport sera signé de tous les jurés et affirmé véritable par eux.

Art. 28. Ils pourront néanmoins circonstan cier les détails du délit, et finir par requérir (3) le juge de déclarer ce que la loi ordonne en pareil

cas.

Art. 29. Dans tous les cas, soit qu'un homme convienne du fait dont il est accusé, ou que ce fait soit établi par le rapport des jurés, il sera admis (4), ainsi que ses conseils, à plaider devant les juges que ce fait n'est défendu par aucune loi.

Art. 30. Les jurés pourront, dans le même rapport, condamner les dénonciateurs, les parties civiles, même les plaignants, aux dépens et dommages-intérêts, s'il y a lieu.

Art. 31. A l'égard des dénonciateurs ou des plaignants qui seront trouvés calomniateurs, il y sera statué également, mais après une procédure particulière.

Art. 32. Le jury qui aura décidé le fait principal, fera l'office du premier jury (5), relativement aux faux témoins, et le juge rendra le décret sur leur accusation.

Art. 33. Les juges seront tenus d'homologuer sans délai le rapport des jurés, s'il est à décharge, et d'appliquer la loi, s'il porte que l'accusé est coupable.

(1) En Angleterre, il faut l'unanimité pour condamner, mais elle est également nécessaire pour absoudre. De lå il résulte ou que la décision représente la simple majorité, la minorité devant naturellement lui succéder; ou les hommes les plus forts et les plus tenaces obligent toujours les autres à revenir à leur avis. D'après cela, la double unanimité est mauvaise. La loi des cinq sixièmes est plus juste et plus humaine. Chacun peut aisément sentir le motif de cette proportion: il résulte de ce qu'un seul homme peut trop aisément se tromper. Deux peuvent aisément avoir fait une convention; mais entre trois, l'erreur ou la convention est infiniment peu vraisemblable.

(2) Cette règle de l'indivisibilité de la procédure criminelle est connue, ainsi que son importance.

(3 Il est nécessaire de laisser au juge le droit de dé cider si la loi s'applique à de certaines circonstances. Par exemple, une loi barbare dit que tout vol domestique sera puni de mort. A-t-elle voula qu'un intendant soit regardé comme un domestique? cette question s'éleve; elle doit être jugée par les juges, parce que c'est une question de droit: sans quoi les jugements sont arbitraires. Les jurés ne pouvant appliquer la loi, ils doivent seulement exposer les circonstances et déterminer le fait, comme en matière civile, lorsque le fait et la loi sont controversés.

(4) Disposition conforme à un article de notre déclaration des droits, qui porte que tout ce qui n'est pas défendu par les lois est permís, et qui soule peut assurer à chaque citoyen sa liberté et sa tranquillité. Elle a également lieu en Angleterre.

(5) Le second jury qui reconnaît dans une procédure un ou plusieurs faux témoins, a toutes les qualités nécessaires pour devenir accusateur de ceux qui ont commis ce crime. On ne peut même guère en trouver ailleurs, puisque le erime est né, pour ainsi dire, sous leurs yeux. D'ailleurs, cette procédure courte et simple est sans danger, parce qu'il faut encore une instruction et un autre jury pour condamner l'homme accusé de faux témoignage.

Art. 34. Ils seront tenus, en conséquence, d'ordonner l'exécution du jugement, de faire relâcher le prisonnier sur-le-champ, ou de faire procéder à l'exécution, sauf les moyens de droit ci-après.

Art. 35. Il sera fait, avec le produit des amendes et autres deniers qui y seront appliqués, un fonds pour (1) indemniser les accusés qui auront été déchargés d'accusation; et le taux de l'indemnité sera fixé par les jurés dans chaque affaire.

Art. 36. A cet effet, le juge, après avoir lu le jugement d'absolution, deinandera à celui qui vient d'être jugé, s'il veut recevoir l'indemnité. S'il la refuse, il en fera mention; s'il l'accepte, il lui sera délivré un exécutoire du montant de la somme fixée par les jurés.

Art. 37. L'on ne pourra se pourvoir contre la décision des jurés; mais l'accusé, ainsi que la partie publique, pourra (2) appeler du jugement des juges, et cet appel sera porté par-devant les grands juges.

Art. 38. Les grands juges examineront si la loi a été bien ou mal appliquée. Dans ce dernier cas, ils casseront le jugement, et le (3) renverront à d'autres juges.

TROISIÈME ANNEXE

à la séance de l'Assemblée nationale du 29 mars 1790.

Plan d'exécution des jurès au civil (4), par M. Duport, député de Paris. (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)

AVERTISSEMENT.

Le désir de mettre sous les yeux de l'Assmblée nationale un plan de l'établissement des jurés ; la certitude intime et profonde de l'utilité, de la nécessité d'établir parmi nous les jurés, m'oblige à le présenter sans les développements qui pourraient en rendre la facilité plus démontrée. Ils paraîtront dans deux jours, parce que le temps de l'impression aurait trop retardé. Au reste, qu'on y prenne garde, c'est demain qu'on va décider de la liberté des Français. Les Américains, ces premiers modèles dans l'art de conquérir la liberté,

(1) Cette indemnité est une dette de la société et un dédommagement de la perte qu'elle a occasionnée à l'accusé. Elle doit l'acquitter, car tous les hommes rassemblés ne sont pas plus dispensés d'être justes qu'un seul

homme.

(2) N'oublions jamais qu'il n'y a point de gouvernement, point de constitution dans un pays, et par conséquent point de liberté politique ni civile, lorsque la loi n'y est pas exécutée, et uniformément, exécutée dans chaque partie de l'Empire.

(3) C'est une idée heureuse et favorable à la liberté, que celle de donner à des hommes le droit de décider si l'on a bien ou mal jugé, sans pouvoir juger euxmêmes l'affaire; au reste, je ne m'en fais pas honneur, car elle existait dans notre ordre judiciaire.

(4) On peut voir aisément que ceci ne s'applique qu'aux procès en général, et qu'il faudrait quelques articles pour le rendre propre à tous les procès en particulier. Il faut aussi observer qu'on doit commencer de plus loin la division du fait et du droit la prendre dès le premier moment de la procédure, cela est l'objet d'une ́ordonnance à laquelle je travaille dès ce moment, et dont j'ai détaché ces articles en les modifiant de manière à rendre claire l'institution des jurés,

ont établi dans leurs Déclarations de droits, le droit d'être jugés par jurės,

Art. 1. Lorsque deux parties seront en procès, elles seront tenues, après les plaidoiries respectives, de déclarer positivement quels sont les points sur lesquels elles sont d'accord, et quels sont ceux sur lesquels elles restent divisées.

Art. 2. Les points sur lesquels elles restent divisées, formant vraiment le procès, seront contenus d'une manière précise dans un écrit succinct appelé résumé (1),

Art. 3. Les parties pouvant être divisées, soit sur les fails, soit sur l'application de la loi, il y aura deux sortes de résumés; un de fait, pour exprimer leur division sur le fait; l'autre de droit, pour exprimer leur division sur la loi.

Premier cas. Contestation sur la loi, décidée par le juge.

Art. 3. Si les parties sont d'accord sur tous les faits allégués (2), le juge sera tenu de leur en donner acte par une formule de droit, qui exprimera l'accord des parties sur les faits, lesquels, dès lors, seront tenus pour constants, et ne pourront faire la matière d'une contestation (3).

Art. 5. Cette formule contiendra aussi leur réquisition au juge, de déclarer ce que la loi ordonne en pareil cas: elle sera signée du juge et des parties, ou de leurs conseils.

Art. 6. Sur un résumé de droit, l'affaire sera portée immédiatement devant les juges, lesquels seront tenus de rappeler la formule ci-dessus, et de prendre pour base de leur jugement les faits qui y sont contenus.

Art. 7. Tous les faits de la cause qui auront été avancés par une partie, sans avoir éte déniés par l'autre, seront également regardés comme constants pendant tout le procès, et le juge en donnera acte.

Second cas. Contestation sur le fait, décidée par les jurés,

Art. 8. Si les parties, d'accord sur le sens et l'application de la loi, contestent seulement sur les faits allégués réciproquement, alors le juge sera tenu de leur en donner acte par une formule de fait qui exprimera leur consentement de soumettre leur contestation au jugement de fait.

Art. 9. Alors, sur un résumé de fait de la part d'une partie, et sur une formule de fait de la part du juge, l'affaire sera portée directement devant les jurés pour donner leur décision.

Art. 10. En rappelant la formule de fait qui a servi de base à la décision des jurés, les juges seront tenus d'homologuer cette décision purement et simplement, sans pouvoir y rien changer.

(1) Cette forme, qui a lieu en Angleterre, s'appelle ane issue, conclusion. Je n'ai pas employé ce mot, parce qu'il a chez nous une signification différente,

(2) On se rappelle les mémoires faits par les jurisconsultes dans les procès. Ils commencent tous par l'exposition des faits: ce sont ces faits qu'il faut constater, soit par le consentement des parties ou par jurés.

(3) Il en sera de même si les parties trouvent que ces faits ne sont d'aucune importance, et qu'ils ne peuvent servir à la décision de l'affaire.

Troisième cas. Contestation, et sur le fait et sur la loi, décidée successivement; l'une par les jurés et l'autre par les juges.

Art. 11. Enfin, si les parties ne sont d'accord, ni sur les faits ni sur l'application de la loi, elles exprimeront d'abord les faits sur lesquels elles sont divisées; ensuite elles présenteront les moyens de droit, sans pouvoir les confondre ensemble (1).

Art. 12. Tous les faits, de quelque nature qu'ils soient, devant être décidés par les jurés, l'affaire, dans ce cas, sera portée devant eux; ils jugeront tout ce qui est contenu dans le résumé de fait; ils feront ensuite leur rapport aux juges, en les requérant de prononcer ce que la loi ordonne en pareil cas.

Art. 13. Les juges alors seront tenus de prendre pour constant et pour base de leur jugement, soit les faits contenus entre les parties, soit ceux que les jurés auront décidés, d'y appliquer la loi et de faire exécuter le jugement, en mentionnant le rapport des jurés.

Art. 14. Pour parvenir à ce que dessus, si l'une des parties, soit le demandeur, soit le défendeur, nie les faits articulés par l'autre, et en conséquence donne un résumé de faits, le juge fera aussitôt assembler le jury.

Art. 15. A cet effet, il fera lirer au sort en présence de deux adjoints nommés pour cela, quarantehuit jurés dans le tableau, et il en présentera la liste aux parties, ou à leurs conseils, avec la désignation de leur profession et demeure.

Art. 16. Les deux parties, à commencer par le demandeur, en récuseront chacune douze, sans pouvoir en donner de motif. On tirera au sort parmi les vingt-quatre restants, de manière à les réduire à quinze.

Art. 17. Les quinze formeront le jury, lequel sera néanmoins complet et valable à douze.

Art. 18. S'il y a plus de deux parties au procès; ou elles ont le même intérêt ou un intérêt différent dans le premier cas, elles seront tenues de se concerter pour la récusation.

Art. 19. Si les parties ont un intérêt différent, la liste des jurés sera augmentée, de manière que la collection de celles qui ont le même intérêt puisse récuser au moins six, et que les deux parties principales puissent toujours en récuser douze.

Art, 20. Le juge fera avertir, sans délai, les jurés qui seront tenus de se rendre au lieu et à l'heure indiquée. Ils ne pourront s'en dispenser sans des motifs graves, et qui seront jugés (2).

Art. 21. Les jurés assemblés, le juge leur fera prêter le serment suivant : « Citoyens, vous allez entendre ce qui va être dit dans la contestation qui a lieu entre un tel et un tel, vous examinerez tout ce qui vous sera soumis, vous vous exprimerez avec la droiture, la franchise et la fermeté qui conviennent à des hommes libres. Vous donnerez une décision impartiale, et autant que vous la saurez conforme à la vérité. »

Art. 22. Cela fait, les jurés prendront place, les parties ou leurs conseils exposeront succincte

(1) Cette triple division renferme tous les procès qu'on peut imaginer, et toutes les questions quelconques, quelles que soient les lois, les coutumes, etc., qui ont lieu dans chaque pays; lesquelles, je prie de le remarquer, ne font jamais rien au jugement de fait, qui est toujours simple, quelles que soient les lois et leur obscurité.

(2) De même que les témoins dans l'ordre actuel.

ment et contradictoirement devant eux les points leur sont soumis. Les témoins seront entenqui dus et les pièces lues en public, après quoi l'officier civil analysera le tout; les pièces leur seront remises et ils se retireront.

Art. 23. Une fois retirés dans leur chambre, ils ne pourront ni parler, ni communiquer avec qui que ce soit. S'ils ont besoin de nouveaux éclaircissements de la part des parties, ils ne pourront les recevoir qu'en rentrant dans l'auditoire, en présence de l'officier civil, des parties et du public.

Art. 24. Il suffira pour une décision entre deux parties, de la pluralité de deux voix; en cas de partage, on leur adjoindra quatre autres jurés, également par la voie du sort.

Art. 25. Le rapport des jurés sera positif et clair en faveur d'une des parties, ou il contiendra l'exposition des faits en requérant le juge de décider ce que la loi ordonne en pareil cas.

Art. 26. Les juges seront tenus d'homologuer sur-le-champ la décision des jurés, et d'en prononcer l'exécution, ou d'appliquer la loi au rapport qui leur est fait.

Art. 27. Les jurés, dans tous les cas, fixeront tous les dommages intérêts demandés par les parties.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. LE BARON DE MENOU. Séance du mardi 30 mars 1790, au matin (1). La séance est ouverte à 9 heures du matin.

Un de Messieurs les secrétaires donne lecture des adresses dont la teneur suit:

Adresses des nouvelles municipalités des communautés de la Bruffière, d'Auvergne, de la Vallée d'Ossès, de Beaurain, de Farret, de Borce en Ayse, de Levignac, de Loubières au Pays de Foix, de Villedubert, de Linay, de Dancé, de Guinchay en Bourgogne, de Saint-Léger en Bazadois, de Montelliot; de Clion, département de Nantes; de Verizet, de Saint-Laurent, de la Vernède, de Châtillon, de Saint-Maurice en Rivière, de Billy, de Saint-Cibardeaux en Angoumois, de Duence, de Saint-Trelody près de Lesparre en Médoc; de Roumagne, au canton de Lasauvetat; de Saugnac près d'Ax, de Saint-Delier; de Saint-Nicolas, Mandement de Hautefort; de Saint-André-Majenroules, de Galines, de Douzère, d'Ainay-leVieil, de Bevenais en Dauphiné et de Mignerette; des villes d'Haczebrouck en Flandre maritime, du Mont-de-Marsan et de la Bastide d'Armagnac.

Cette dernière demande, avec instance, des armes, pour prévenir les mouvements que les ennemis de la Révolution peuvent susciter.

Toutes expriment avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont elles sont pénétrées pour l'Assemblée nationale.

Adresse de la garde nationale de la ville de Saint-Yriex en Limousin.

« Nous avons juré, dit-elle, comme citoyens, nous avons juré comme soldats; et comme citoyens soldats, nous vous réitérons, Nosseigneurs le serment inviolable d'être toujours prêts à périr,

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

le fer à la main, pour maintenir les nouvelles lois et constitution de l'État, pour défendre la sûreté commune, et pour conserver le BONNET que nous avons pris de la liberté renaissante. »

Adresse des volontaires nationaux de la ville de la Rochelle; ils expriment leur vive reconnaissance sur le décret qui concerne les colonies, et supplient l'Assemblée d'avoir égard aux réclamations de la province d'Aunis en faveur de la Rochelle.

Adresse des maire et officiers municipaux de la ville de Bayonne, qui, à l'instant de leur installation, se sont occupés de la contribution patriotique. Leurs efforts ont un tel succès, que les souscriptions s'élèvent déjà à la somme de 308,624 liv. 5 s. 6 d., suivant le bordereau joint à leur adresse.

Adresse de la nouvelle municipalité de Vierzon en Berri :

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Nous regardons, disent-ils, comme un bonheur signalé, que le premier acte du ministère honorable dont nous a chargés le suffrage de nos compatriotes, ait été de prêter et de recevoir, de leur part, le serment civique et sacré, que l'ivresse et l'enthousiasme patriotique a fait retentir dans toutes les villes du royaume. »>

Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Salers, département du Cantal, district de Mauriac, en Haute-Auvergne; elle supplie l'Assemblée, par les motifs les plus pressants, de lui accorder un tribunal de district, qu'un de ses décrets lui a fait espérer.

Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Collioure, contenant félicitation, adhésion et serment civique.

M. le marquis de Bonnay, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier et y relate l'effet produit sur l'Assemblée par la lecture des projets de M. de Viefville des Essarts et de M. Duport.

Plusieurs membres font remarquer que le procès-verbal ne doit pas entrer dans ces détails et en demandent la suppression.

Cette suppression est ordonnée.

M. Durand de Maillane. La commune de Barbantane a fait saisir deux charretées de blé destinées pour Avignon, en vertu du décret de l'Assemblée nationale du 18 septembre dernier, qui défend provisoirement l'exportation des grains à l'étranger. Mais ici se pose une question. Doiton regarder les habitants du comtat Venaissin comme étrangers, puisqu'ils sont réputés regnicoles? Je demande que cette affaire soit renvoyée au comité des rapports, pour en rendre compte au premier jour.

(Ce renvoi est ordonné.)

M. Durand de Maillane. Le lieutenant criminel d'Arles a fait récemment, dans la communauté de Château-Renard, sous l'escorte de trente dragons, une information qui a mis cette communauté dans une grande agitation. Je suis porteur d'une dénonciation formelle et unanime adressée à l'Assemblée nationale par le conseil général de Château-Renard, composé de chefs de famille et de citoyens actifs, contre le lieutenant criminel d'Arles, qui est accusé d'être un ennemi de la Constitution et un perturbateur du repos public.

(Cette seconde affaire est également renvoyée au comité des rapports.)

M. le comte Louis de Vassy, député de Caen, demande la permission de s'absenter pendant un mois pour cause de santé.

Ce congé lui est accordé.

Un député de Franche-Comté prend ensuite la parole pour rendre compte d'une affaire particulière à sa province, et relative à la nouvelle division du royaume; cette affaire est renvoyée (avec ordre) au comité de constitution pour faire le rapport à l'Assemblée, à la séance du lendemain.

Un membre prend la parole pour demander qu'on s'occupe des finances, comme l'objet le plus important.

M. le Président observe que les vendredi, samedi et dimanche sont consacrés aux finances; il ajoute que le comité chargé de surveiller la vente des biens ecclésiastiques, travaille tous les jours, et sera très incessamment en état de rendre compte à l'Assemblée du résultat de ses premières opérations.

M. d'Ailly, président du comité des finances, ayant pris la parole, dit que le comité des Douze. choisi dans le comité des finances, a eu ces jours-ci plusieurs conférences avec M. le premier ministre des finances, et que ce comité sera en état de rendre compte, dans la séance de vendredi prochain, du travail relatif à la forme à donner aux assignats.

M. le Président dit ensuite qu'ayant porté la veille à la sanction du roi, le décret pris lè matin même relativement aux fonctions attribuées aux commissaires du roi chargés de l'établissement des départements et des districts, ainsi que plusieurs autres décrets pris le 27 et le 28 de ce mois, Sa Majesté lui a répondu qu'elle les prendrait en considération.

M. le Président annonce qu'il a recu un mémoire de M. le garde des sceaux.

M. Brevet de Beaujour, secrétaire, en donne lecture.

Ce mémoire annonce que le roi a donné sa sanction :

1° Au décret du 16 de ce mois, concernant les personnes détenues en vertu d'ordres particuliers;

2. Au décret du 18, relatif aux bois et forêts;

3o Au décret de ce même jour, interprétatif de celui du 6 de ce mois, concernant le sursis des jugements émanés des juridictions prévôtales;

4. Aux décrets du 20 février et des 19 et 20 du présent mois, concernant les religieux;

5° Aux décrets des 14, 15, 18, 20 el 21 du présent mois, portant suppression de la gabelle, des droits de quart-bouillon et de traite sur le sel, et établissement d'une contribution provisoire;

6° Au décret du 22, qui supprime les droits sur la fabrication des amidons, et établit une contribution provisoire sur toutes les villes;

7. Au décret qui, en supprimant l'exercice du droit de marque des fers, établit provisoirement une contribution, et, en outre, un droit à toutes les entrées du royaume;

8. Au décret qui supprime l'exercice du droit de marque des cuirs, et porte que l'abonnement de ce droit sera rendu général, au moyen d'une

contribution qui sera répartie provisoirement sur tous les propriétaires et habitants du royaume;

9. Au décret relatif à la contribution qui doit remplacer la gabelle, les droits de traite sur le sel, les droits de marque des cuirs, de marque des fers et les droits de fabrication sur les huiles et les amidons;

10. Au décret concernant les abonnements du droit de fabrication des huiles, et concernant les droits de traite;

11. Au décret relatif aux débets qui peuvent avoir lieu sur les droits d'aides et autres y réunis, et à la perception des droits de traite, et autres qui n'ont été ni supprimés, ni abonnés;

12. Au décret qui annule les procès commencés à raison de la perception des droits de marque des cuirs et des fers, et sur la fabrication et le transport des huiles et savons;

13. Au décret concernant l'emploi de l'excédent des économies et remboursements des dettes les plus onéreuses;

14° Au décret qui destine le produit des dons patriotiques au paiement des rentes de 50 livres et au-dessous, à l'Hôtel de ville de Paris;

15° Au décret du 23 pour l'établissement d'une administration provisoire dans la province du Languedoc;

16° Au décret du même jour, qui autorise les commissaires nommés pour aviser au choix et à l'extinction des biens domaniaux et ecclésiastiques, qui seront vendus aux municipalités, à choisir quatre d'entre eux pour prendre connaissance de la situation et des opérations de la caisse d'escompte;

17° Au décret du 5; et Sa Majesté a en conséquence donné des ordres, relativement aux demandes des pensions, et à la communication des pièces qui seront demandées par les comités de l'Assemblée, et notamment du registre connu sous le nom de livre rouge;

18° Sa Majesté a pareillement donné des ordres pour l'exécution du décret du 24, portant qu'il sera sursis à toutes opérations relatives aux échanges des domaines, et notamment à l'expédition et sceau de toutes lettres de ratification desdits échanges;

19°. Sa Majesté a pareillement donné des ordres pour l'exécution du décret du 25, relatif à la présentation des décrets de l'Assemblée nationale, à l'acceptation et à la sanction du roi.

M. le garde des sceaux pose ensuite les questions suivantes sur plusieurs décrets de l'Assemblée nationale:

Le roi voulant assurer l'exécution de tous les décrets qu'il sanctionne ou accepte, demande que leurs dispositions soient tellement claires et que leur sens soit tellement déterminé, que personne D'en puisse éluder les effets.

Quelques-uns de ceux qui lui ont été présentés lui ayant paru offrir des incertitudes et exiger des explications, Sa Majesté en a, par cette raison, différé l'acceptation ou la sanction; elle a chargé le garde des sceaux de faire connaître les motifs de ce retard.

Le décret du 28 décembre et l'article 2. de celui des 20 et 23 mars, ont entre eux une connexité certaine relativement au sort des comptables et à leur éligibilité dans les administrations nouvelles qui vont se foriner.

Le décret du 28 décembre ordonne que les Etats provinciaux, assemblées provinciales, commissions intermédiaires, etc., rendront compte aux administrations qui doivent les remplacer. Il était naturel de surseoir à la sanction de ce

décret jusqu'à la nouvelle division du royaume, et jusqu'à ce que le nombre et la forme des administrations nouvelles fussent déterminés.

Le roi a dû attendre que les décrets postérieurs eussent fixé le mode dont l'exécution d'une loi aussi importante était susceptible. Aujourd'hui les départements sont établis et l'article du décret des 20 et 23 mars exclut, des administrations de départements et de districts, les administrateurs trésoriers ou receveurs qui n'auront pas rendu leur compte.

La généralité de ces expressions paraîtrait frapper également sur tous les membres des Etats provinciaux, administrations provinciales, bureaux intermédiaires, etc. Ils seraient tous compris dans la dénomination d'administrateurs; mais n'est-il pas plus juste et plus conforme aux intentions de l'Assemblée de n'admettre à cette obligation que les seuls trésoriers et autres comptables qui ont eu le maniement des deniers publics? Ils sont nécessairement soumis à un compte, mais ceux qui n'ont été qu'administrateurs ou ordonnateurs doivent-ils être assujettis quand, jusqu'à ce jour, ils en ont été affranchis?

D'autre part, il est aisé de prévoir l'embarras et les difficultés qui vont se présenter pour faire rendre des comptes à des corps détruits, à des agrégations qui ne s'assemblent plus, qui n'ont plus de point de réunion, ni d'existence politique. Les administrations nouvelles ne représentent point les anciennes, elles n'ont point la même étendue, la même circonscription; les limites partout vont être changées. Soumettra-t-on les anciennes administrations à autant de comptes qu'il y aura de districts sur le terrain qu'elles embrassaient autrefois?

Ne serait-ce pas d'ailleurs un inconvénient d'écarter des administrations nouvelles tous les membres des anciennes, tous les citoyens qui ont géré les affaires publiques, soit dans les Etats provinciaux, soit dans les pays d'élection, si la confiance de leurs concitoyens, les y appelait, et de les écarter quand ils n'ont pu remplir encore a condition qu'on leur impose?

Le décret du 28 décembre permet la revision des comptes pour dix années, terme bien long peut-être pour ceux qui croyaient avoir acquis leur tranquillité par des comptes rendus dans la forme qui leur était prescrite. Mais il est à craindre qu'on ne veuille ranger dans la classe des comptables non vérifiés, tous ceux à qui cette loi peut s'appliquer et les prétendre inéligibles par cette seule raison.

Il est bien important que des bases fixes, des dispositions certaines, mettent à portée de résoudre promptement les questions qui vont s'élever sur ce point dans les assemblées primaires.

L'exécution du décret du 22 janvier en surseoyant indistinctement au paiement des créances arriérées, paraissait présenter de graves inconvénients.

Le traitement des officiers qui composent l'état-major des différentes places paraissait mériter une exception et l'Assemblée nationale l'a reconnu depuis.

La suspension des lettres de change tirées des colonies aurait porté un préjudice irréparable à la fortune d'un grand nombre de français et d'étrangers. La fidélité nationale, qu'il est si important de préserver de toute atteinte, se serait trouvée essentiellement compromise; l'Assemblée a également senti cette vérité. Les dispositions de ses deux décrets du 25 mars, font disparaître ces

inconvénients et le roi a sanctionné celui du 22 janvier.

Le décret du 26 février, portant réduction de 60,000,000, pour avoir lieu à compter du 1er avril, supposerait nécessairement qu'à telle époque le plan d'économie à établir dans toutes les parties de la dépense publique, aurait reçu son entière exécution. On touche sans doute au moment désiré où le plan sera effectué; mais plusieurs des réductions ne sont pas définitivement arrêtées. Elles ne peuvent d'ailleurs s'opérer que graduellement et la nature des choses exige un certain intervalle entre le moment où les projets de finances sont proposés et déterminés et celui où ils peuvent être définitivement exécutés.

Le roi a accepté le décret du 15 mars concernant les droits féodaux et l'exécution va en être ordonnée. En même temps, Sa Majesté, affectée des pertes dont plusieurs familles sont menacées et désirant de leur préparer des dédommagements sans altérer aucun des bienfaits que la loi assure au peuple, charge le garde des sceaux d'observer que la suppression de quelques droits féodaux et notamment de ceux de minage, halage et plage, paraîtrait solliciter une indemnité au profit des propriétaires qui en sont dépouillés et qui souvent n'avaient pas d'autre patrimoine; qu'il serait digne des sentiments d'équité dont l'Assemblée nationale est animée, de prendre les mesures les plus convenables, pour qu'aussitôt que les circonstances le permettront, cette indemnité soit fournie sur les deniers publics, en arrêtant toutefois les conditions de manière à concilier les intérêts légitimes des propriétaires avec les règles d'une sage économie.

M. Christin demande que les observations de M. le garde des sceaux soient renvoyées aux différents comités qui doivent en connaître.

M. Voidel propose l'ajournement de cette motion.

M. le marquis d'Estourmel. Vous ne pouvez ajourner ce qu'un ministre propose au nom du roi.

L'Assemblée, consultée, prononce le renvoi à l'examen du comité de constitution, du comité féodal et du comité des finances, qui feront des rapports séparés sur les divers objets que contient le mémoire.

M. le marquis de Bonnay, secrétaire, donne lecture à l'Assemblée de deux arrêtés du conseil du roi, adressés à M. le président par M. le garde des sceaux:

Le premier, portant révocation des règlements qui exigent des preuves de noblesse pour l'entrée à la maison royale de Saint-Cyr, à l'Ecole militaire, et dans d'autres maisons d'éducation;

Le second, portant cassation de l'arrêt du parlement de Nancy, du 27 février dernier, rendu sur la requête du sieur Rollin, qui ordonne au secrétaire-greffier de la municipalité de la ville d'Etain, de lui délivrer l'extrait des procès-verbaux et délibérations relatifs aux élections de la nouvelle municipalité.

M. Vernier est autorisé ensuite à rendre compte, en quelques mots, d'un plan de travail sur les finances dont il est l'auteur.

Après avoir entendu ce compte-rendu som maire, l'Assemblée ordonne l'impression du travail de M. Vernier (voy. plus loin, ce document annexé à la séance de ce jour),

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