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que vous témoignez pour la patrie et pour les décrets dont elle attend son bonheur, légitiment aux yeux de l'Assemblée nationale la réclamation respectueuse que vous venez lui offrir; elle retrouve le langage de l'honneur français dans vos expressions; elle y applaudit et vous permet d'assister à sa séance. »

M. Fortin, artiste et citoyen de Rennes, soldat de la garde nationale de la même ville, dépose sur l'autel de la patrie une machine pour rappeler les noyés à la vie, fruit de ses veilles, de ses travaux et de sa tendre sollicitude pour l'humanité.

M. le Président répond :

«Multiplier les moyens de prolonger les jours des citoyens que des accidents menacent d'une mort soudaine est un objet d'application et d'étude trop respectable pour que l'Assemblée nationale n'applaudisse pas à vos efforts, quel qu'en ait été le succès; elle fera examiner par des personnes capables l'invention dont vous lui faites l'hommage, et si leur rapport est conforme à vos espérances et promet la réussite que vous annoncez, elle concourra par son approbation à fixer l'opinion publique sur vos talents. Elle vous permet d'assister à sa séance.

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M. le Président fait part à l'Assemblée que le sieur de Varennes, huissier de l'Assemblée nationale, lui fait hommage d'un monument à ériger pour le roi, dont l'estampe se trouve exposée dans la salle.

L'Assemblée nationale applaudit au projet du sieur de Varennes.

M. le comte de Chastenay-de Lanty, absent lors de la prestation du serment civique, l'á prêté.

Il est fait lecture des adresses des villes de Lezoux, Maraingues, Vic-le-Comte, Herment, et des bourgs de Dallet, le Crest, Singles, Bourg-Lastic et Mozat, département du Puy-de-Dôme; elles contiennent l'expression des sentiments de respect et de reconnaissance de ces communes pour l'Assemblée nationale et la soumission la plus parfaite à ses décrets.

Les habitants d'Herment demandent que cette ville soit prise pour le chef-lieu du district.

La ville de Maraingues fait ses très humbles remerciements à l'Assemblée nationale de l'avoir comprise, ainsi que son canton, dans le district de Thiers, préférablement à celui de Riom.

Le bourg de Dallet désire faire partie du canton du Pont-du-Château, à cause des propriétés considérables qu'il possède dans le district dont ce canton fait partie.

Le Crest demande à être chef-lieu de canton, comme plus peuplé que le bourg de la Roched'Onnezat, qui a été pris pour chef-lieu.

Le bourg de Mozat, dans lequel il y a deux paroisses, et qui est cependant compris, depuis longtemps, dans la collecte de Riom, quoiqu'il ne tienne pas à cette ville, demande à être rétabli en collecte particulière, comme il était précédemment.

La ville de Lezoux offre en don patriotique la contribution des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789.

Il est annoncé beaucoup d'autres dons patriotiques.

M. Astier de Clermont, actuellement receveur

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M. l'abbé Gouttes, membre du comité des finances, fait le rapport d'une délibération prise par la nouvelle municipalité de Martel, dans laquelle elle demande à être autorisée à faire un rôle de contribution, pour servir au soulagement des pauvres et pour l'entretien d'un atelier de charité. Il développe les motifs qui ont porté ladite communauté à prendre cette délibération, et il propose un projet de décret qui est adopté ainsi qu'il suit :

L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de la délibération prise par la nouvelle municipalité de la ville de Martel, assistée de son conseil, en date du 2 du courant, et ouï le rapport fait par un membre de son comité des finances, a autorisé et autorise la municipalité de ladite ville de faire un rôle de contribution pour secourir les pauvres et entretenir un atelier de charité, dans lequel tous les citoyens compris au rôle de capitation seront cotisés pour une somme égale à celle qu'ils payent sur ledit rôle, à l'exception de ceux qui ne payent que 3 livres et au-dessous, qui n'y seront pas compris, et à l'exception de ceux qui payent de 4 à 5 livres qui n'y seront compris que pour moitié, dans lequel rôle seront compris tous les ci-devant privilégiés.

"

Déclare, en outre, qu'il sera précompté à ceux qui ont déjà fait des contributions volontaires, le montant desdites contributions, et que son président se retirera devers le roi pour obtenir la sanction du présent décret. »

M. le Président annonce que l'ordre du jour a pour objet l'affaire de Vernon, celle de la ville de Marseille et la discussion des articles concernant les lois criminelles.

La priorité est donnée à l'affaire de Marseille.

M. Goupilleau, membre du comité des rapports, rend compte des faits qui ont été portés à la connaissance du comité.

Le 20 mars, un soldat de la garde nationale de Marseille, en faction à la porte d'Aix, aperçut une voiture prête à entrer dans la ville; il s'avance, et prie ceux qui étaient dedans de lui dire leurs noms. Une de ces personnes lui répond: « Ce ne sont point vos affaires. Je suis soldat de la garde nationale de Marseille, reprend la sentinelle, el j'exécute ma consigne. Qu'est-ce que celte garde? - Je ne la connais point, dit celui qui avait déjà parlé, en ordonnant à son cocher d'avancer.

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Vous voyez cependant, dit le soldat, que je suis en faction; j'ai le pouf qui distingue la garde nationale. » Le préposé de la municipalité s'avançe vers la voiture et fait les mêmes questions que le factionnaire. - La même personne répond qu'elle était d'Avignon, et ajoute qu'elle ne veut donner son nom qu'à sa garde. Le capitaine de porte fait arrêter la voiture, en observant à l'étranger qu'il aurait dû donner son nom plutôt que de se mettre en colère. « Qui êtes-vous, pour me demander mon nom ? Je suis capitaine de

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la garde nationale.

Vous n'avez point d'uniforme; avec votre redingote, votre habit gris et vos plumes, je ne vous connais pas. » (Il faut observer qu'il y a deux postes à cette porte, l'un occupé par les troupes réglées, et l'autre par la garde nationale.) Le voyageur appelle le sergent du poste de la troupe soldée, et lui ordonne de faire venir ses gens. Alors le capitaine et le sergent de la garde nationale annoncent que le voyageur est M. Merle, marquis d'Ambert, colonel du régiment Royal-Marine, M. d'Ambert descend de sa voiture, et vient du côté du poste de la milice nationale, à la tête de plusieurs soldats, en criant: « Où sont ces canailles, ces b... là?» Et portant la main sur la poitrine du capitaine, il dit : « Voulez-vous faire la guerre? je vais vous attendre à la plaine; une seule de mes compagnies suffira pour dissiper votre garde nationale: vous pouvez l'aller dire à votre maire et à votre municipalité, je m'en f... » — Inutilement le capitaine tente de l'apaiser; il répète : « Je m'en f... Les officiers dressérent procès-verbal, et arrêtèrent que le procureur de la police se retirerait par-devers la commune pour l'instruire des faits. Ce même jour, la municipalité a fait une adresse à l'Assemblée nationale, par laquelle elle demande le renvoi des troupes qui sont dans cette ville.

Le 22 mars, les bas officiers du régiment RoyalMarine se sont présentés devant les officiers municipaux pour leur exposer les sentiments de leur corps. Cependant la salle se remplissait de citoyens; on leur a fait lecture de la déclaration des bas officiers, qui a reçu les plus vifs applaudissements. Les officiers, tant de la garde nationale que du régiment, se sont donné réciproquement des témoignages d'amitié et d'union. Tout à coup, les huées du peuple annoncent que M. d'Ambert arrivait. Aussitôt qu'il fut entré, il commença par annoncer qu'il resterait dans la maison commune sous la sauvegarde de la municipalité. Vers les onze heures, on reçut une lettre de M. le marquis de Miran, qui, croyant que l'on retenait de force M. d'Ambert, requérait qu'on le mit en liberté. - M. d'Ambert a déclaré qu'il persistait de nouveau à vouloir rester dans la maison commune. La municipalité a fait connaître à M. de Miran que M. d'Ambert était détenu volontairement, et qu'il voulait rester sous la sauvegarde de la municipalité jusqu'à la réponse de l'Assemblée nationale.

Il résulte des pièces, que la municipalité a pris les mesures les plus sages et les plus prudentes. Le 22 mars, il a été fait une information contre M. d'Ambert; le 23, le procureur de la police a donné ses conclusions, d'après lesquelles il a été arrêté que le procès-verbal des faits serait envoyé à l'Assemblée nationale, pour être statué par elle ce qui appartiendra, et M. d'Ambert serait mis sous la sauvegarde de la municipalité. Rien de plus sage que toute cette conduite; cette pièce seule suffirait pour justifier la municipalité de Marseille des bruits que ses ennemis ont répandus contre elle. La municipalité finit son adresse par demander instamment le renvoi des troupes et l'élargissement d'un malheureux détenu depuis longtemps au fort Saint-Per. Le comité vous fera un rapport particulier sur ces deux derniers points, et, en attendant, il vous propose le décret suivant :

"L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité, déclare que la connaissance du délit dont est prévenu M. d'Ambert appartient à la sénéchaussée de Marseille. »

M. Castellanet. La députation de Marseille a reçu de M. de Saint-Priest la lettre suivante :

Le comte de Saint-Priest a l'honneur de prévenir MM. les députés de Marseille, que M. le comte de la Tour-du-Pin a rendu compte au roi de la conduite de M. le marquis d'Ambert, colonel du régiment Royal-Marine, dans ladite ville. Sur l'exposé des faits, Sa Majesté, justement indignée, a ordonné que M. le marquis d'Ambert y fût arrêté, pour que son procès lui fût fait par le tribunal qui sera déterminé; en même temps, le roi a donné de justes éloges à la sagesse de la milice nationale de Marseille, ainsi qu'à la prudence et à la fermeté de sa municipalité. Le comte de Saint-Priest s'attend à recevoir des ordres, pour lui témoigner la satisfaction de Sa Majesté.

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M. Castellanet poursuit: Je demande qu'il soit ajoute au décret proposé par le comité, que M. le président sera chargé d'écrire, au nom de l'Assemblée nationale, une lettre aux officiers municipaux et aux chefs de la garde nationale de Marseille, pour leur exprimer la satisfaction de l'Assemblée sur la manière dont ils se sont conduits dans l'affaire du sieur d'Ambert.

M. de Richier. Je demande qu'on laisse à Sa Majesté le choix du tribunal auquel cette affaire doit être portée.

M. Duval d'Eprémesnil. Je pense que c'est ici un procès entre un accusateur et un accusé ; les diverses propositions qui vous sont faites me paraissent contraires à tous les principes. En renvoyant l'accusé à la sénéchaussée de Marseille, louer l'accusateur, c'est préjuger l'affaire. Ge n'est pas que je ne trouve la conduite de la municipalité vraiment digne d'éloges, et sans doute je ne suis pas suspect.

M. Goupilleau, rapporteur. Soit que les juges déclarent M. d'Ambert coupable, soit qu'ils le déclarent innocent, il est toujours vrai de dire que la municipalité s'est bien comportée; ainsi les observations de M. Duval d'Eprémesnil se réduisent à rien.

M. le comte de Mirabeau. Il n'y a d'accusateur que le procès-verbal, qui est un récit des faits. M. Duval d'Eprémesnil, qui convient que la municipalité est très digne d'éloges, n'a pas voulu, sans doute, que le roi, qui, le premier, a loué lá conduite de la municipalité, ait préjugé cette affaire. Le roi a seulement jugé qu'il était le premier offensé toutes les fois qu'on manquait de respect à la garde nationale et aux principes constitutionnels. Saisissons avec empressement cet heureux rapport des sentiments du roi avec ceux de l'Assemblée nationale, dans un moment où l'ennemi de la liberté veille encore. J'insiste, en finissant, sur l'extrême nécessité de faire droit à la pétition des citoyens de Marseille, qui, pour la trentième fois, demandent le renvoi des troupes, attendu que c'est véritablement placer le feu à côté d'un magasin à poudre; je demande, en outre, que la sénéchaussée de Marseille juge M. d'Ambert en dernier ressort.

L'amendement de M. Castellanet est mis aux voix et adopté.

L'amendement de M. le comte de Mirabeau est mis aux voix et adopté.

Le décret suivant est ensuite rendu :

« L'Assemblée nationale, ouï le rapport fait par

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M. Briois de Beaumetz donne lecture des articles du projet de décret. Les quatre premiers sont décrétés ainsi qu'il suit :

« L'Assemblée nationale, ouï le rapport à elle fait par son comité, du mémoire remis par M. le garde des sceaux, et de plusieurs autres adresses concernant des difficultés élevées sur l'exécution de son décret des 8 et 9 novembre dernier, touchant la réformation provisoire de l'ordonnance criminelle; considérant combien il importe qu'une loi si essentielle à la sûreté publique et à la liberté individuelle soit uniformément conçue et exécutée par ceux qui sont chargés de l'expliquer, a décrété et décrète ce qui suit:

Art. 1er. Les adjoiuts seront appelés au rapport des procédures sur lesquelles interviendront les décrets.

« Art. 2. La présence des adjoints aura lieu dans tous les cas, jusqu'à ce que les accusés ou l'un d'eux, aient satisfait au décret, ou que le jugement de défaut ait été prononcé contre eux ou l'un d'eux; et après cette époque, le surplus de la procedure sera fait publiquement, tant à l'égard des accusés absents ou contumax.

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M. Briois de Beaumetz, rapporteur, donne lecture de l'arucle 5, ainsi qu'il suit :

«Art. 5. Si les adjoints ou l'un d'eux, ne se trouvent pas, à l'heure indiquée, à l'acte de procédure auquel ils ont été requi-d'assister, le juge procédera audit acte, dans lequel sera fait mention expresse de sa réquisition et de l'absence des adjoints ou de l'un d'eux; ladite mention à peine de nullité. »

M. de Robespierre attaque cet article qui lui paraît dangereux et en demande le rejet.

M. Prieur pense que l'article peut prêter à des abus; il demande qu'il soit renvoyé au comité pour que la rédaction en soit revue.

M. Mougins de Roquefort appuie la demande de renvoi qui est mise aux voix et ordonnée.

M. Gaultier de Biauzat, pour éviter les obstacles que peut présenter la répugnance de quel

ques adjoints à se rendre à l'hôtel du juge, présente un article ainsi conçu :

« Il ne pourra être fait à l'hôtel du juge, aucun des actes d'instruction auxquels les adjoints devront être appelés.

Cet article est également renvoyé au comité.

M. le Président annonce que le résultat de scrutin pour la nomination d'un nouveau président donne, sur 633 votants, 347 voix à M. le baron de Menou, 231 à M. le marquis de Bonnay. Les nouveaux secrétaires sont MM. le prince de Broglie, Brevet de Beaujour et Lapoule, élus en remplacement de MM. Guillaume, de Croix et Merlin, secrétaires sortants.

M. le Président indique la séance de demain pour onze heures et demie, et annonce que l'ordre du jour sera la discussion de l'instruction pour les colonies.

La séance est levée à 10 heures du soir.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. LE BARON DE MENOU.

Séance du 28 mars 1790 (1).

M. Rabaud de Saint-Etienne ouvre la séance et dit :

Messieurs, je descends de la place où vous m'aviez élevé, plein de reconnaissance pour l'indulgence avec laquelle vous avez daigné m'y soutenir.

« Continuez, Messieurs, de donner des leçons à l'Europe et des consolations à votre patrie; prouvez par votre courage qu'il n'y a point de périls qui vous étonnent, ni de travaux qui vous fatiguent. Parvenus à ces moments décisifs pour les destinées de la France, vous aliez chercher dans ses immenses ressources, et dans le patriotisme éclairé de ses habitants, un remède aux maux invétérés que vous avez été appelés à guérir. Poursuivez, Messieurs, votre généreuse tâche. Tandis que vous sonderez cette plaie antique et profonde, tandis que, régénérant la finance comme vous avez régénéré la constitution, vous prouverez que ce peuple, dont les restaurateurs veillent pour lui, ne peut périr, je vous suivrai, Messieurs, dans votre noble carrière; heureux de m'instruire à la plus étonnante école de raison et de politique qui ait été ouverte depuis qu'il existe des nations ».

M. le baron de Menou, nouveau président, occupe le fauteuil et s'exprime en ces termes:

"

Messieurs, être élevé par vos suffrages à l'honneur de présider l'Assemblée des représentants de la première nation du monde, est sans doute la marque de confiance la plus flatteuse que puisse recevoir, dans le cours de sa vie, un citoyen qui a eu le bonheur de coopérer à la régénération et à la liberté de son pays, et les expressions me manquent pour vous offrir l'hommage de ma reconnaissance.

• Permettez-moi, Messieurs, d'avoir l'honneur de vous rappeler qu'en me faisant asseoir à une

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

place qui vient d'être si dignement occupée, vous n'avez pas dû compter sur mes talents; mais j'ai à vous offrir zèle, patriotisme, impartialité, et, surtout un courage, j'ose le dire, inébranlable, pour faire exécuter vos volontés, et maintenir dans cette Assemblée l'ordre qui seul peut assurer le succès et la célérité de vos délibérations. C'est à ces titres, Messieurs, que je me crois en droit de réclamer votre indulgence; elle seule peut m'aider à justifier le choix que vous avez daigné faire; sans elle, je ne puis remplir les brillantes mais pénibles fonctions que vous m'avez confiées. »

M. le Président propose de voter des remerciements à M. Rabaud de Saint-Etienne.

Cette proposition est adoptée à l'unanimité.

M. Renaut, curé de Preux-aux-Bois, député du Quesnoy en Hainaut, demande un congé de quinze jours pour affaires très pressantes.

Ce congé est accordé.

M. Malateste de Beaufort, curé de Montastruc, député d'Agen, donne sa démission à cause de l'état de sa santé qui ne lui permet pas de continuer ses fonctions.

L'Assemblée accepte cette démission.

M. Tronchet annonce que le comité féodal, dont il est l'organe, est prêt à faire un second rapport et que ce rapport est relatif aux droits et devoirs féodaux ou censuels déclarés rachetables. L'Assemblée, pour ne pas interrompre son ordre du jour, décrète que ce rapport sera imprimé et distribué.

(Voy. plus loin, ce rapport annexé à la séance de ce jour.)

M. Guillaume, secrétaire, lit le procès-verbal de la seance d'hier au matin.

M. Anson, au sujet des articles du décret sur la contribution patriotique, réclame contre la dénomination de commissaires aux assignats et propose d'y substituer les mots de: chargés de l'examen des formalités proposées pour parvenir à la vente des biens du clergé.

Ce changement est approuvé.

M. Mougins de Roquefort lit ensuite le procès-verbal de la séance d'hier soir.

M. Castellanet fait remarquer qu'il n'y est pas fait mention de la lettre de M. Saint-Priest à la députation de Marseille.

L'Assemblée ordonne que la lettre sera insérée en entier.

M. Le Chapelier, membre du comité de constitution, fait un rapport au nom de ce comité, sur une contestation qui s'est élevée en FrancheComté sur la formation de' la nouvelle municipalité de Vercelle.

L'ancienne municipalité fait afficher aux portes des églises, trois jours avant l'époque de l'assemblée électorale, la liste des citoyens actifs, en en omettant plusieurs et en y ajoutant des noms qui ne devaient pas y figurer. Elle a ouvert l'assemblée, le matin, dans l'église de Saint-Eloi, mais elle n'y est pas venue le soir. Un membre de la municipalité précédente a été obligé de la remplacer pour parvenir à la nomination des nouveaux officiers municipaux. Pendant ce temps-là, l'ancienne municipalité a fait une nouvelle assem

blée dans une autre église, et y a nommé de son côté, avec la minorité des électeurs, des officiers municipaux. La question de savoir quelle est la nomination valable n'a pas paru douteuse au comité qui s'est trouvé, sur ce point, d'accord avec les députés de la province.

M. le Président met aux voix le projet de décret du comité de constitution qui est adopté dans les termes qui suivent:

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de constitution sur les difficultés survenues lors de la formation de la municipalité de Vercelle en Franche-Comté, décrète que l'assemblée tenue dans l'église de SaintEloi, et les élections qui y ont été faites, par le résultat desquelles le sieur Bretillot a été nommé maire, le sieur Fleury, procureur de la commune, et autres citoyens, officiers municipaux et notables, sont les seules régulières ; que lesdits maire, procureur de la commune, officiers municipaux et notables, exerceront les fonctions qui leur sont attribuées; elle leur recommande d'entretenir la paix, l'union et le bon ordre parmi les habitants de Vercelle.

L'ordre du jour appelle ensuite la suite de la discussion du projet d'instruction pour les colonies.

M. de Cocherel. Par une disposition de votre décret, vous voulez que le roi fasse parvenir des instructions pour la convocation d'assemblées coloniales dans les lieux où il n'existe pas d'assemblée : il en existe à Saint-Domingue, donc il n'y a pas besoin d'envoyer une instruction à SaintDoiningue; cette conclusion est conforme à vos principes. Vous voulez que les colonies fassent leur constitution, donc vous devez leur laisser le son de la convocation de leurs assemblées. Cette conclusion est encore conforme à la prudence. Je me fonde, lorsque je vous le dis avec assurance, sur la connaissance que j'ai de ma patrie; vous avez déjà tout fait pour les colonies; achevez votre ouvrage. Nous aimons le nom français; nos pères l'ont conquis au prix de leur sang; nous verserons le nôtre pour le conserver. Je conclus à ce qu'il ne soit point envoyé d'instruction à Saint-Domingue.

M. l'abbé Maury. Avant d'examiner l'instruction qui vous est proposée par le comité colonial, permettez-moi de rappeler que, dans une des précédentes séances où il s'agissait des colonies, un honorable membre s'est permis d'avancer que les colonies étaient alliées et non sujettes de l'empire français. Cet'e assertion a éprouvé une désapprobation manifeste, parce qu'elle est contraire à vos principes, à la raison et à la justice. M. de Reynaud a fait imprimer avec des notes cette hérésie politique, la plus extraordinaire que l'on puisse jamais débiter. On entend par alliance une ligue confédérative; or, jamais les colonies, que nous avons vivitiées de nos capitaux, défendues de notre sang, peuplées de nos concitoyens, ne peuvent être considérées comme liguées avec nous; mais comme l'assertion de M. de Reynaud est imprimée et pourrait être répandue dans les colonies, je fais la motion que t'honorabie membre soit rappelé à l'ordre, et la justice de l'Assemblée mentionnée sur le procès-verbal.

M. de Cocherel. C'est la colonie entière qu'il faut mettre à l'ordre, puisque M. de Reynaud n'a dit que ce qu'avaient écrit ses commettants.

M. l'abbé Maury. Une partie de la députation de Saint-Domingue fait la même réclamation que moi des alliés d'une nation ne peuvent être membres du corps législatif de cette nation; si les colonies ont envoyé des députés, si nous avons admis ces députés, les colons sont comme nous les sujets, et non les alliés de l'empire français.

Je passe à la discussion particulière du projet d'instruction. J'observe d'abord qu'aucune nation de l'Europe n'a encore osé donner une constitution à ses colonies, et cette entreprise est d'autant plus dangereuse de notre part que les lois particulières aux colonies leur ont déjà donné une grande prospérité. Du temps de Colbert, la population de Saint-Domingue n'était que de 30,000 âmes; elle s'élève aujourd'hui à 600,000; depuis dix ans le commerce de cette colonie a doublé; enfin sa splendeur est devenue si considérable que l'ouvrage de M. l'abbé Raynal, publié depuis dix-huit ans, n'est plus maintenant qu'une ancienne chronique qui donne une idée très imparfaite des colonies. On croirait, en lisant cette instruction, que c'est un grand empire que vous allez organiser; on croirait qu'il s'agit de mesurer ensemble le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire, le pouvoir administratif. J'observe que beaucoup des articles de l'instruction sont absolument étrangers. Je conçois la nécessité de lois différentes: par exemple, la loi que vous avez décrétée sur le vœu de la justice et de la nature, au sujet de l'égalité des enfants dans les partages, serait destructive des colonies. Si les habitations pouvaient se trouver ainsi divisées, bientôt les colonies seraient déchues de leur prospérité; mais la différence dans les lois ne nécessite aucune différence dans le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif; ce sera le même pouvoir législatif et le même pouvoir exécutif qui régira les deux nations. Deux questions principales ont été oubliées par le comité colonial: la première a rapport au droit d'être représenté, qui appartient aux nègres ; il faudrait que l'Assemblée exprimât son vœu à cet égard... (Il s'élève dans l'Assemblée un murmure presque général.) Je ne parle pas de l'esclavage, je demande seulement que la population, dont les nègres font partie, soit une base de la représentation; il est indispensable de dire si l'on aura égard aux nègres dans le calcul de la population; si on ne les met pas au nombre des citoyens, il faut au moins les mettre au nombre des hommes. La seconde observation porte sur ce qu'on regarde le domicile comme une condition suffisante pour la représentation. Il faut être propriétaire; celui qui n'est pas propriétaire dans les colonies est vraiment étranger aux colonies; or, un étranger ne doit avoir aucune part à l'administration.

J'observe encore qu'il a échappé au comité colonial une expression peu convenable. Il appelle le roi le chef suprême du pouvoir exécutif: nul n'est le chef d'un pouvoir, mais il en est le dépositaire. Quatre pages sont destinées à combattre les raisons qui pourraient faire désirer aux colonies une existence politique isolée, une indépendance absolue. On ne doit pas supposer des idées qui n'existent pas; on ne doit pas supposer aux colonies le désir de se séparer de la métropole. Pourquoi ces plaidoyers? pourquoi quitter le ton dogmatique qui appartient à la loi, pour prendre le style direct? Le corps législatif ne doit pas descendre à de pareilles argumentations, et ce ne serait pas par quatre pages éloquentes que nous repousserions les insurrections. Tout le monde a senti combien les députés des colonies

étaient inutiles parmi nous: nous sommes envoyés pour faire des lois que les colonies ne partageront pas, pour établir des impôts qu'elles ne supporteront pas. Je demande donc qu'on supprime ces quatre pages, et qu'on reprenne le ton impératif qui convient au corps législatif.

Je viens au dispositif de l'instruction. Il est dit dans l'article 1er, que cette instruction sera envoyée de la part du roi; il faudrait dire par le roi. Peut-être aussi aurait-il fallu que tout restât dans le même état jusqu'à la prochaine législature. J'observe à l'article 4 qu'il n'y a pas d'impositions dans les colonies: les contributions qui se paient dans l'intérieur n'arrivent pas à la métropole; elles ne sont pas de véritables impositions: ce n'est donc point par l'imposition qu'on peut établir l'éligibilité, mais par la propriété. Les colons propriétaires sont les seuls intéressés à ne pas passer sous une domination étrangère. On se sert dans l'article 17 de ces mots: en organisant le pouvoir législatif. Nous ne pouvons reconnaître, en aucune manière, que le pouvoir législatif doive avoir dans les colonies une existence différente de celle qu'il a dans la métropole. L'article 18 commence ainsi : En organisant le pouvoir exécutif..... Ceci est bien plus étrange: ce pouvoir ne change pas de matière en changeant de rapport; le roi aurait donc une manière d'exister en France et une autre manière d'exister dans les colonies? Ne donnez pas aux colonies un droit qu'elles ne demandent pas, un droit fâcheux pour vous, inutile et dangereux pour elles. Je ne connais que deux pouvoirs qui puissent être organisés par les colonies: le pouvoir administratif et le pouvoir judiciaire; voilà les objets véritables des demandes raisonnables d'une partie d'un peuple libre à la réunion des représentants du peuple entier, assemblés pour donner des lois. Je désirerais que le comité colonial voulût bien établir, d'une manière tranchante, les bornes des opérations des colonies, relativement au pouvoir administratif et au pouvoir judiciaire, et qu'il supprimât tout ce qui est relatif au pouvoir exécutif et au pouvoir législatif; j'en fais la motion expresse. On dit aussi, dans un des articles, que l'approbation du roi sera demandée: ces instructions sont une loi; elles doivent être sanctionnées.

M. de Clermont-Tonnerre. Les objections des deux préopinants n'ayant pus changé l'opinion que j'avais conçue, je vais me borner à répondre succinctement aux diverses observations. On vous a proposé de laisser les colonies convoquer leurs assemblées. Il est, dans le fait, impossible qu'une assemblée règle le mode de sa convocation avant d'exister. C'est donc à un pouvoir antérieur à celui qui est convoqué qu'il faut laisser le mode de convocation. Le vice d'une convocation n'entraîne pas le vice d'une assemblée; nous avons été convoqués par le législateur provisoire; les colonies auront sur nous l'avantage de tenir leur convocation du pouvoir national.

Je réponds d'abord au second préopinant, que l'instruction ne présente pas de décret, puisqu'elle demande un vou. Il a remarqué que deux grandes questions ont été oubliées. La première a pour objet la population des nègres. Je porte avec regret vos regards sur cette plaie politique que vous n'avez pu guérir. J'observe que vous avez voulu trois bases de représentation: les nègres, il faut le dire, sont une propriété; si cette propriété était comprise dans la population, vous feriez pencher la balance en faveur de la base de la propriété. Le préopinant s'est élevé contre l'article qui éta

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