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elle marche toujours en grand nombre, le jour, la nuit; la nuit, lorsque vous vous reposez des fatigues de vos travaux, elle veille partout, elle doit servir de modèle à toutes les gardes nationales. Mais si la force publique peut prévenir les é notions et les troubles, que peut-elle sur les finances? Si les finances s'écroulent, que deviendra la constitution? Irons-nous reporter à nos commettants le désespoir et l'esclavage? | faut prendre à l'instant un parti; décréter la proposition de M. Le Chapelier, celle de M. Roederer, adopter quelques articles du projet de décret; mais surtout prenez un parti, le salut de la France y est attaché.

(La priorité est accordée à la proposition de M. Le Chapelier, amendée par M. Roederer.)

M. Charles de Lameth. Les moyens de M. Le Chapelier sont insuffisants; ils ne remédient à rien; ceux qui ne paient pas sont les ennemis de la Révolution, et les ennemis de la révolution sont les riches; ils n'iront point aux assemblées primaires, trop sûrs de n'y recueillir aucuns suffrages. Il faut donc prendre un parti tout différent. Quand la contribution devrait être volontaire forcée, cela m'est égal; elle sera payée librement par les bons citoyens; elle ne sera payée forcément que par les mauvais. Je conviens que tout ceci est fort difficile; mais ces difficultés naissent de la contribution elle-même, dont la forme n'est pas convenable; on nous l'a fait adopter de confiance dans un moment de terreur; je ne crois pas qu'il faille, au milieu des terreurs, prendre des déterminations sur les finances. Il est inutile de nous effrayer encore aujourd'hui, en voulant nous communiquer des craintes fausses et mal fondées. Je n'imagine pas comment on peut nous effrayer sur la constitution, sur les finances, quand nous avons un superbe gage à offrir aux créanciers de l'Eat. Lorsque nous examinerons avec eux notre actif, notre passif, nous cesserons d'être effrayés; malgré les dettes dont nous sommes accablés, et que nous n'avons pas faites, je suis sûr que, de toutes les nations de l'Europe, il n'en est pas une qui ait un aussi beau bilan que la France.

(L'Assemblée témoigne le désir de délibérer.)

M. Le Chapelier. La réunion de la proposition de M. Roederer à la mienne exige une rédaction nouvelle; on peut, dès à présent, en décréter simplement les bases; demain on présentera la rédaction.

(L'Assemblée décrète le fond de ces deux propositions.)

M. le Président annonce que M. le garde des sceaux lui a fait parvenir les expéditions en parchemin pour être déposées daus les archives de l'Assemblée nationale:

1° De lettres-patentes sur le décret du 10 de ce mois, qui autorise les anciens consuls et assesseurs d'Aix, procureurs du pays, à continuer d'administrer la Provence jusqu'à la formation des départements;

2o De lettres-patentes sur le décret du 13, qui autorise la ville de Gray à faire un emprunt de 20,000 livres ;

3o De lettres-patentes sur le décret du même jour, qui permet à la ville de Mouzon de faire un emprunt de 10,000 livres;

4° De lettres-patentes sur le décret du 17, concernant l'aliénation à la municipalité de Paris, et

à celles du royaume, de 400 millions de biens domaniaux et ecclésiastiques.

M. l'abbé Thirial, député de Château-Thierry, demande à s'absenter pendant quinze jours pour affaires urgentes.

M. l'abbé Couturier, député de Châtillon-surSeine, présente une requête semblable également pour quinze jours.

Ces deux congés sont accordés sans opposition.

M. le Président. La séance de demain s'ouvrira à 9 heures conformément à votre décret du 21 de ce mois. L'ordre du jour sera: 1° la suite de la discussion du projet de décret du comité des finances sur la contribution patriotique du quart des revenus; 2° le rapport des douze commissaires aux assignats.

(La séance est levée à quatre heures.)

ASSEMBLEE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. RABAUD DE Saint-Étienne.

Séance du 27 mars 1790, au matin (1).

A l'ouverture de la séance, il est fait lecture d'une lettre du sieur Fleury, curé de Sorinery, à M. le président, par laquelle ce pasteur citoyen offre à la nation, entre les mains de ses représentants, une année du revenu de sa cure, el se dévoue, n'ayant pas d'autre ressource pour vivre, à partager avec ses paroissiens, et même à attendre de leur générosité et de leur attachement pour lui. le pain dont ils se nourrissent, et qui est, ditil, fait avec de la farine de pois et de vesce, mêlée d'un peu d'orge.

L'Assemblée décrète l'impression de cette touchante adresse, dont suit la teneur :

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<< Tandis que toutes les campagnes, ainsi que les villes, s'empressent, à l'envi, de manifester à la nation leur zèle par des dons patriotiques, la paroisse de Sormery, diocèse de Sens, dont j'ai baptisé une partie de la jeunesse, n'a qu'un cœur et que des bras à lui offrir, mes paroissiens, même les plus aisés, ou pour mieux dire les moins pauvres, ne vivant cette année que de pain fait avec de la farine de pois et de vesce, molée d'un peu d'orge. Cependant ils sentent bien, avec moi, que, dans la détresse des finances, il faudrait, dans ce moment-ci, quelque chose de plus qu'un simple dévouement, et c'est pour leur décharge et pour la mienne quej'offre à la nation, entre vos mains tout le revenu de ma cure, estimé 1,700 livres sur le rôle des impositions des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789; et quoique je ne possède plus rien au monde que ma seule cure, étant chanoine de la congrégation régulière de Sainte-Geneviève, qui vient d'être supprimée, et qui était ma seule ressource en tout temps, j'espère que mes paroissiens ne me délaisseront pas, et qu'ils voudront bien partager avec moi leur mauvais pain. Une année de charité pour eux, et de misère pour moi, sera bientôt passée;

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

du reste, quoi qu'il arrive, bon patriote, j'aurai du moins la gloire d'avoir immolé, avec le plus grand plaisir, une année de mes jours sur l'autel de la patrie, dont vous, Monseigneur, et tous les représentants de la nation, êtes les respectables ministres. Je demande seulement qu'il me soit permis de retenir, de mon sacrifice, de quoi payer l'imposition de 1790, et deux années de décimes que j'avoue devoir encore; la misère des deux dernières années m'ayant ôté entièrement, pour y satisfaire, le courage et les moyens de me faire payer de ceux à qui j'avais affermé mes dimes. J'ai l'honneur d'être avec un profond respect, et le plus sincère dévouement à la nation,

Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur,

« FLEURY, curé de Sormery, arrondissement de Saint-Florentin. »>

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Il est ensuite fait lecture de plusieurs adresses, dont voici l'analyse :

Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Saint-Paul-de-Léon; elle annonce qu'elle entre dans le pacte fédératif des ci-devant Bretons et Angevins, et fait part à l'Assemblée qu'un de ses membres, M. l'abbé Expilly, a contribué de tous les efforts de son zèle à la félicité dont elle jouit, en conciliant la commune avec l'ancienne municipalité.

Autre adresse de la commune de Villeneuvele-Roi-sur-Yonne, réunie aux députés de vingtcinq paroisses qui l'avoisinent, par laquelle ces citoyens expriment l'enthousiasme avec lequel ils ont entendu la lecture de l'adresse de l'Assemblée nationale aux Français, et l'indignation dont les a pénétrés le récit des lâches manoeuvres employés par les ennemis de la Révolution pour empêcher la main bienfaisante du patriotisme de fixer le berceau de la liberté sur les ruines du despotisme et de l'aristocratie.

Autre de la municipalité d'Ailly-sur-Noye, district de Montdidier, département de la Somme; elle offre en don patriotique le montant des impositions des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789, formant une somme de 1,025 livres. Elle assure l'Assemblée nationale de son profond respect pour elle, et de son entière adhésion à ses sages décrets.

Adresse de la garde nationale de la ville de Montbrison, qui a prêté le serment civique entre les mains des officiers municipaux, avec le plus grand zèle et la plus grande solennité.

Adresse de la communauté de Saint-Mauricedes-Lyons; elle fait don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés, montant à la somme de 2,400 livres.

Adresse de la ville de Saint-Dizier; elle annonce qu'indépendamment d'un don patriotique d'enviviron 2,400 livres, fait par un citoyen de cette ville, de 37 marcs 2 onces 6 gros d'argenterie, et de 7 gros 37 grains d'or, envoyés par ses habitants à l'Assemblée, sa contribution patriotique monte à 25,225 livres.

Adresse des troupes patriotiques de la campague de Bordeaux, réunies sous les ordres de M. de Duras, généralissime des gardes nationales bordelaises et de plusieurs autres sénéchaussées; elles prient l'Assemblée d'organiser le plus tôt possible les milices nationales.

Adresse de la nouvelle municipalité de Melesse,

près de Rennes, par laquelle elle porte des plaintes contre le recteur, deux curés, le juge et le procureur fiscal, qui ont refusé de prêter le serment civique, et qui mettent tout en œuvre pour subvertir la nouvelle municipalité. »

Cette adresse est renvoyée au comité des rapports.

M. le Président fait lecture d'une lettre de M. l'abbé Demandre, par laquelle cet artiste invite l'Assemblée à honorer de sa présence les expériences qu'il se propose de faire à côté de la salle, dans le cloître des Feuillants, des machines que l'Assemblée lui a permis de déposer en petit dans ses bureaux et même dans sa salle, pour que chacun puisse juger par lui-même que son invention mérite le rapport favorable qui en a été fait à l'Assemblée par ses commissaires, et l'approbation qu'elle lui a donnée.

M. le Président fait également part à l'Assemblée que M. Juville, chirurgien-herniaire, lui offre un traité sur les machines relatives à son art.

M. le comte de Marsanne-Fontjulianne demande qu'il soit fait un rapport incessamment, par le comité des domaines, sur la restitution des biens des religionnaires fugitifs qui avaient été mis en régie.

L'Assemblée place cette affaire à son ordre du jour de ce soir.

M. Le Chapelier donne lecture de la rédaction des articles dont les bases ont été décrétées hier, relativement à la contribution patriotique. La discussion s'engage sur cette rédaction.

M. Martineau. M. Bouche ayant déjà proposé de soumettre à la contribution patriotique le produit de l'industrie, l'Assemblée décida qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sans doute, elle fut frappée de l'injustice que présentait une semblable idée. Le produit industriel peut cesser momentanément; l'incertitude de sa durée le met hors de la classe du revenu sur lequel doit porter la contribution. L'artisan, le portefaix, le colon partiaire ne retirent, pour la plupart, de leur travail, qu'une subsistance journalière; le négociant ne doit que l'intérêt légal de son fonds; il ne pourrait faire une évaluation exacte du surplus le bénéfice d'une année supporte les pertes du passé et même celles de l'avenir. Que tous les rentiers, que tous tous les propriétaires, que tous les créanciers de l'Etat fassent des déclarations fidèles, et la contribution patriotique s'élèvera au delà même de vos espérances.

M. Bouche. La question dont il s'agit a été enveloppée dans une question préalable, invoquée contre un grand nombre d'amendements qui embarrassaient une délibération importante. La proposition renouvelée par M. Martineau n'a donc pas été particulièrement rejetée. Si le système du préopínant était adopté, les deux tiers du royaume ne contribueraient pas et, au lieu de 720 millions, on en aurait à peine 250. Les médecins, les avocats, les procureurs, etc., ne paieraient pas, et se trouveraient libres de se soustraire à leurs devoirs de citoyens.

M. Le Chapelier. Personne ne respecte plus que moi l'industrie; mais l'Assemblée ne doit pas faire à cette classe respectable l'injure d'une

exception qui l'affligerait sensiblement. Ce sont les gens riches qu'il faut forcer à déclarer; les indigents industrieux se sont empressés de venir au secours de la patrie, et leurs déclarations ont été faites les premières.

Divers amendements sont ensuite présentés et adoptés pour comprendre les femmes et les filles au nombre des personnes sujettes à la contribution et pour en exempter les hôpitaux et les maisous de charité.

Le décret est ensuite adopté en ces termes :

« Art. 1. Toute personne jouissant de ses droits et de ses biens, qui a au delà de 400 livres de revenu net, devant payer la contribution patriotique établie par le décret du 6 octobre dernier, sanctionné par le roi, ceux dont les revenus ou partie des revenus consistent en redevances en grains ou autres fruits, doivent évaluer ce revenu sur le pied du terme moyen du prix d'une année sur les dix dernières.

« Art. 2. Tous bénéfices, traitements annuels, pensions ou appointements, excepté la solde des troupes; tous gages et revenus d'offices, qui avec les autres biens d'un particulier excéderont 400 livres de revenu net, doivent servir, comme les produits territoriaux ou industriels, de base à sa déclaration, sauf à lui à diminuer ses deux derniers paiements dans la proportion de la perte ou diminution des traitements, pensions, appointements ou revenus quelconques, qui pourraient avoir lieu par les économies que l'Assemblée nationale se propose de faire, ou par l'effet de ses décrets.

Art. 3. La perte d'une pension, d'un emploi ou d'une partie quelconque de l'aisance, n'est pas une raison pour se dispenser de faire une déclaration, et de payer là contribution patriotique, si, cette perte déduite, il reste encore plus de 400 livres de revenu net.

Art. 4. Tout fermier ou colon partiaire doit faire une déclaration, et contribuer à raison de ses profits industriels, s'ils excèdent 400 livres de revenu net.

« Art. 5. Les tuteurs, curateurs et autres administrateurs sont tenus de faire les déclarations pour les mineurs et les interdits, et pour les établissements dont ils ont l'administration, excepté les hôpitaux et maisons de charité; et la contribution qu'ils paieront, leur sera allouée dans leurs comptes.

«Art. 6. Les officiers municipaux imposeront ceux qui, domiciliés ou absents du royaume, et jouissant de plus de 400 livres de rente, n'auront pas fait la déclaration prescrite par le décret du 6 octobre. Ils feront notifier cette taxation à la personne ou au dernier domicile de ceux qu'elle

concernera.

Art. 7. Dans un mois du jour de cette notification, les personnes ainsi imposées par les municipalités pourront faire leurs déclarations, lesquelles seront reçues et vaudront comme si elles avaient été faites avant la taxation de la municipalité, ces personnes affirmant que leurs déclarations contiennent vérité. Ce délai d'un mois expiré, la taxation des officiers municipaux ne pourra plus être contestée ; elle sera insérée dans le rôle de la contribution patriotique, et le premier paiement sera exigible conformément au décret du 6 octobre.

Art. 8. Tout citoyen actif, sujet à la contribution patriotique parce qu'il posséderait plus de 400 livres de revenu net, sera tenu, s'il assiste aux assemblées primaires, de représenter avec

l'extrait de ses cotes d'impositions, tant réelles que personnelles, dans les lieux où il a son domicile ou ses propriétés territoriales, l'extrait de sa déclaration pour la contribution patriotique, et ces pièces seront, avant les élections, lues à haute voix dans les assemblées primaires.

Art. 9. Les municipalités enverront à l'assemblée primaire le tableau des déclarations pour la contribution patriotique; ce tableau contiendra les noms de ceux qui les auront faites, et les dates auxquelles elles auront été reçues; il sera imprimé et affiché pendant trois années consécutives dans la salle où les assemblées primaires tiendront leurs séances.

« Art. 10. S'il s'est tenu des assemblées primaires et fait des élections avant la publication du présent décret, elles ne seront pas recommencées, et on ne pourra en attaquer la validité sur le motif que les dispositions de ce décret n'y auraient pas été exécutées.

« Art. 11. L'Assemblée nationale charge son président de présenter dans le jour le présent décret à la sanction du roi. »

M. Démeunier demande à rendre compte d'une sentence d'adjudication des étaux des boucheries de la ville et faubourgs de Paris.

La parole lui est accordée.

M. Démeunier. Par un décret du 5 novembre, vous avez établi pour Paris un tribunal provisoire de police. Il y a trois ou quatre jours que vous avez autorisé les municipalités à exercer les fonctions de la police. Ces deux décrets jugent d'avance la question que le comité de constitution m'a chargé de vous soumettre. Le comité de police a rendu une sentence d'adjudication des étaux de boucherie; les bouchers ne veulent pas se soumettre à cette sentence, que vous ne l'ayez reconnue. Le tribunal de police a suivi les anciens règlements de police; il a fait une chose très utile et très urgente; il a usé du droit que lui accordaient vos décrets. Le comité de constitution propose le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale déclare que le tribunal de police, en rendant, le 16 de ce mois, une sentence d'adjudication des étaux de boucherie, s'est conformé aux termes des décrets, et en conséquence ordonne que ladite sentence sera exécutée selon sa forme et teneur. »>

M. Camus. Le préopinant n'est pas très instruit des faits; il y a, par un ancien privilège, des maisons qui ont exclusivement le droit d'étalage; vous avez supprimé les privilèges en général; vous avez particulièrement supprimé ce droit avec ceux de minage, etc. Je m'oppose à ce que la sentence soit confirmée, et j'observe d'ailleurs que vous ne devez pas vous occuper d'une sentence.

M. Démeunier. M. de Vauvilliers, administrateur au département des subsistances, a établi, dans un mémoire que j'ai entre les mains, que si la sentence n'est pas confirmée, il lui est impossible de répondre de l'approvisionnement de Paris. Au reste, l'Assemblée peut renvoyer ce projet important au comité de commerce.

M. Camus. Je demande la question préalable et je fonde cette proposition sur ce que la liberté de commerce vaudra toujours mieux que les privilèges pour approvisionner Paris.

M. le Président consulte l'Assemblée qui prononce le renvoi au comité de commerce.

M. le Président. Un courrier extraordinaire,

arrivé cette nuit de Marseille, a apporté des nouvelles importantes: un de MM. les députés de cette ville désirerait les faire connaître à l'Assemblée.

M. Castellanet. Marseille avait depuis six mois dans son sein six mille hommes de troupes réglées qui gênaient la liberté des citoyens et la paix domestique. Cette ville avait conçu des craintes qui pourraient se réaliser dans ce mo ment, sans la fermeté des officiers municipaux et le courage de la garde nationale. M. d'Ambert, colonel du régiment de Royal-Marine, arrivant d'Avignon, s'est présenté à la porte d'Aix : le factionnaire, conformément à sa consigne, lui a demandé son nom. M. d'Ambert a refusé de se faire connaître. Un officier du poste, et le capitaine après lui, ont fait la même question. M. d'Ambert a toujours refusé de se nommer, et a accompagné son refus de menaces et d'injures. Apercevant un piquet de son régiment, il l'a appelé pour résister à la garde nationale, qui s'est alors retirée dans son poste. M. d'Amberts'est mis alors à la tête de ses soldats, a marché contre la garde nationale, et maltraité les officiers; il les a déliés de se rendre le lendemain à la plaine Saint-Michel.« Nous livrerons la guerre si on le veut, a-t-il dit, je me fais fort, avec une seule compagnie, de mettre en déroute toute cette canaille; Vous pouvez aller dire cela à votre municipalité; jé me moque du maire et des officiers municipaux.

Le capitaine, qui avait appris d'un soldat de M. d'Ambert le nom de cet officier, a dressé son procès-verbal, sur lequel la municipalité a ordonné au procureur de la commune d'informer : l'information s'est aussi faite à la diligence du procureur du roi elle constate les faits que je viens de rapporter.

Le lendemain, samedi 20 de ce mois, à dix heures du matin, la municipalité a reçu la visite des bas-officiers du régiment de Royal-Marine: ils ont assuré qu'ils ne s'écarteront jainais de leur serment. Le peuple outragé suivait ces bas-officiers dont la municipalité, craignant quelques mouvements, a fait publier la proclamation. Alors M. d'Ambert a paru à la tête du corps des officiers de son régiment; il venait de la inunicipalité : le public ignorait les motifs de cette démarche: M. d'Ambert, craignant pour lui-même, a demandé à être gardé dans la maison commune; la déclaration en fait foi; il y est encore détenu. La municipalité demande 1o devant quel tribunal cette affaire doit être portée; 2° à être aidée dans les démarches qu'elle fait pour obtenir le départ des troupes qui logent chez les citoyens et sur les places. Les citoyens ainsi entourés sont sans crainte; leurs murs renferment vingt-quatre mille hommes de gardes nationales; six mille hommes des villes voisines sont confédérés avec l'armée de Marseille. Voilà trente mille bous patriotes qui paieront de leur sang l'affermissement de la constitution, je le jure ici en leur nom. Le peuple de Marseillé est bon, il est doux, mais il est brûlant. Depuis longtemps les troupes l'inquiètent et l'obsèdent : il est nécessaire de prendre promptement un parti sur les demandes de la municipalité.

M. le Président lit une lettre arrivée par le même courrier, et qui fait présumer que M. d'Ambert, dans sa démarche à la maison commune, avait pour objet de réparer ses torts.

Plusieurs membres demandent le renvoi de cette

affaire au comité des rapports, pour qu'il en soit rendu compte à la séance de ce soir.

D'autres pensent qu'il faut différer ce rapport, afin d'entendre toutes les parties.

M. le comte de Mirabeau. Dans les pièces qui nous sont envoyées, il y a non seulement les procès-verbaux munis de la signature de tous les intéressés, et notamment celle de M. d'Ambert, mais encore des lettres de M. de Miran, commandant de Marseille, lequel a si bien jugé que la conduite de M. d'Ambert était répréhensible, qu'il lui a ordonné les arrêts. La demande de la ville de Marseille est tellement instante, qu'il ne faut pas différer un moment.

L'Assemblée renvoie cette affaire au comité des rapports, pour qu'il en soit rendu compte ce soir.

M. le baron d'Harambure propose de charger le Président de demander au ministre de la guerre s'il a terminé le plan d'organisation de l'armée; et dans le cas de l'affirmative, d'enjoindre à ce ministre de le communiquer incessam

ment

Cette proposition est décrétée.

M. le Président annonce que l'ordre du jour est la discussion de l'instruction pour les colonies.

M. de Curt, qui avait demandé la parole, s'étant trouvé mal, et ayant été transporté hors de la salle, fait prier l'Assemblée d'ajourner à demain cette affaire sur laquelle il a des choses importantes à dire.

La discussion est renvoyée à demain.

M. Talaru de Chalmazel, évêque de Coutancies et M. Delabat, député de Marseille, demandent à s'absenter pour quelque temps, pour raison de santé.

Cette permission leur est accordée.

M. Dupont (de Nemours) propose de mettre en discussion quelques questions préliminaires relatives au remplacement de la dime.

M. Martineau observe que ce serait une discussion prématurée et peut-être inutile, attendu que la matière n'est pas étudiée.

L'Assemblée décidé que des commissaires du comité des finances, du comité ecclésiastique, du comité d'impositions, du comité d'agriculture et du commerce se réuniront pour examiner ces questions.

M. Vernier, membre du comité des finances. Le comité des finances m'a chargé de présenter à l'Assemblée nationale un projet de décret relatif aux impositions, pour l'année 1790, dans la province du Béarn. Ces impositions ne sont pas encore réglées et il y a, pour en faire l'assiette, plusieurs difficultés locales. Pour les résoudre, nous nous sommes concertés avec les députés de la province, et voici le décret que nous vous sou

mettons :

« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est pressant de former au Béarn l'assiette des impositions pour la présente année 1790, que les Etats de cette province sont supprimés, qu'il n'y a pas de commission intermédiaire dans ce pays qui puisse exécuter les décrets des 12 et 30 janvier dernier, qu'il pourrait y avoir de l'inconvénient á attendre la formation des assemblées de district et de département, et qu'il est par conséquent indispensable de former une commission

chargée spécialement de l'assiette des impositions, a décrété et décrète ce qui suit :

«1° Il sera fait en Béarn, pour l'année 1790, l'assiette des impositious qui ont été levées en 1789, et les assemblées des districts et du département détermineront l'emploi de la partie de ces impositions levées pour acquitter les charges du pays.

20 Il sera établi dans la ville de Pau une commission composée de dix-huit députés pris dans autant de paroisses ou communautés principales.

«3° Le conseil et le bureau des dix-huit communautés choisiront chacun un député parmi les citoyens éligibles de la communauté, sans aucune distinction d'état ou de classe, et ces dix-huit députés s'assembleront pendant tout le mois d'avril dans la salle des anciens Etats de la province.

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«5° L'ancien secrétaire des Etats remettra devant la commission tous les mémoires et arrêtés relatifs à l'assiette de l'imposition de l'année 1789 et des précédentes, ensemble les instructions qui sont en son pouvoir; et la commission procédera, à la vue de tous, à l'assiette des impositions sur tous les redevables, en se conformant au décret de l'Assemblée du 26 septembre 1789, et autres rendus depuis à ce sujet.

« 6° Il sera dressé des rôles en triple qui seront souscrits par les députés qui y auront assisté, et par le président et le secrétaire, et sera un des rôles déposé dans les archives du département; un autre en celles des districts, quand ils seront formés; et le troisième sera remis au trésorier, pour s'y conformer dans la levée des impositions.

70 Le trésorier sera aussi tenu de se conformer dans la billette au décret du 26 septembre, et d'avertir en conséquence les municipalités qu'elles doivent faire un rôle de supplément des impositions ordinaires et directes, autres que les vingtièmes, pour tous les biens des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de l'année 1789, et que les sommes provenant de ce rôle de supplément sont destinées à être réparties en moins imposé sur les anciens contribuables en 1790; mais que, dans les rôles de cette dernière année 1790, les ci-devant privilégiés doivent être cotisés, soit pour la taille et le vingtième, soit pour toutes les autres impositions principales et accessoires, avec les autres contribuables, dans la même proportion et la même forire, à raison de toutes leurs proprietés, exploitations et autres facultés, sans que le brevet des impositions autres que les vingtièmes puisse être augmenté de la somme répartie sur les ci-devant privilégiés; et les rôles particuliers des communautés seront rendus exécutoires par les administrations des districts s'ils sont formés, ou par la commission établie par le présent décret, si les administrations des districts ne sont pas encore formées.

«8° Les dix-huit députés seront pris dans les trois districts de Pau, d'Orthez et d'Oloron, savoir: pour le district de Pau, dans les communautés de cette dernière ville, et dans celles de Morlaas, Conchez, Castelpugnon, Denguin et Bosedarros; pour le district d'Orthez, daus les communautés de cette ville, de Sallies, Sauveterre, Arthez, Baigts et Caresse; et pour le district d'Oloron, dans les

communautés de cette ville, de Navarreins, Bielle, Acou, Monein et Ogen. »

M. le Président consulte l'Assemblée, qui adopte le projet de décret.

M. Vernier. Le comité des finances croit qu'il est indispensable de rendre un décret semblable pour les impositions du pays de Soule, qui a une administration séparée, et il me charge de vous le proposer.

Le projet de décret est mis aux voix et adopté en ces termes :

«1° Il sera fait au pays de Soule, pour l'année 1790, l'assiette des mêmes impositions qui ont été levées en 1789; et les assemblées de districts et du département détermineront l'emploi de la partie de ces impositions levées pour acquitter les charges du pays.

« 2° Il sera établi en la ville de Mauléon une commission composée de dix députés pris dans autant de paroisses principales.

"

3o Les municipalités de ces communautés, formées tant par les officiers municipaux que par les notables, choisiront chacune un député parmi les citoyens éligibles de la communauté sans aucune distinction d'état ou de classe, et ces dix députés s'assemblerout, pendant tout le mois d'avril, dans la salle des anciens Etats de la province.

4° L'Assemblée choisira, le premier jour de sa convocation, son président et son secrétaire; elle vérifiera les pouvoirs des députés, et il sera du tout dressé procès-verbal qui sera placé en tête des rôles.

< 5° L'ancien secrétaire des États remettra devant la commission tous les mémoires et arrêtés relatifs à l'assiette de l'imposition de l'année 1789 et des précédentes, ensemble les instructions qui seront en son pouvoir; et la commission procéd ra, à la vue de tous, à l'assiette des impositions sur tous les redevables, en se conforinant au décret de 1 Assemblée nationale du 27 septembre 1789, et autres rendus depuis à ce sujet.

6° Il sera dressé des rôles en triple qui seront souscrits par les députés qui y auront assisté et par le président et le secrétaire, et sera un des rôles déposé aux archives du département; un autre en celles du district, quand il sera formé; et le troisième sera remis au trésorier, pour s'y conformer dans la levée des impositions."

« 7o Le trésorier sera aussi tenu de se conformer dans la billette au décret du 26 septembre, et d'avertir en conséquence les municipalités qu'elles doivent faire un rôle de supplément des impositions ordinaires, autres que les vingtièmes, pour tous les biens des cidevant privilégiés pour les six derniers mois de l'année 1789, et que les sommes provenant de ces rôles de supp ément, sont destinées à être réparties en moins imposé sur les anciens contribuables en 1790; mais que, dans les rôles de cette dernière année 1790, les ci-devant privilégiés doivent être cotisés, soit pour la taille et le vingtième, soit pour toutes les autres impositions principales et accessoires, avec les autres contribuables, dans la même proportion et la même forme, à raison de toutes leurs propriétés, exploitations et autres facultés, sans que le brevet des impositions, autres que les vingtièmes, puisse être augmenté de la somme à répartir sur les cidevant privilégiés; et les rôles particuliers des communautés seront rendus exécutoires par l'ad

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