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ARCHIVES PARLEMENTAIRES.

De la communauté de Theys-Herculais en Dauphiné indépendamment de sa contribution patriotique, qui monte à la somme de 3,795 livres, elle fait don d'un contrat sur l'Etat de 3,270 livres et des intérêts arriérés.

Adresse des maitres boulangers de Chaumonten-Bassigni; ils font le dun patriotique de quatre marcs trois onces sept gros et demi d'argenterie.

La ville de Revel, chef-lieu de département de la Haute-Garonne, a fait parvenir une délibération à l'Assemblée nationale, dans laquelle elle demande la permission de faire supporter une seconde capitation aux personnes qui paient 4 livres et au-dessus.

Elle présente pour motif les moyens de soutenir, par cette imposition, les ateliers de charité, et de fournir à meilleur marché du pain aux familles les plus indigentes.

L'Assemblée nationale a renvoyé cette réclamation au comité des finances.

Adresse de la garde nationale de Douai; elle déclare qu'elle n'aura jamais rien de plus à cœur que d'assurer, même au péril de la vie, l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale; qu'elle s'engage, sous la religion du serment, d'acquitter toutes les impositions établies d'une manière légale, et d'en assurer la perception. Elle jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi ; et de maintenir de tout son pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée, et acceptée ou sanctionnée par le roi.

Adresse de la ville de Senlis; elle expose que dans l'espace de six mois elle avait passé sous trois administrations différentes: ancienne municipalité, comité permanent et nouvelle municipalite; que, dans les deux premiers de cesâ ges, elle s'est empressée d'exprimer son adhésion formelle à ses décrets; que, dans le troisième, elles les réitère et offre à l'Etat une contribution patriotique de plus de 100,000 livres. L'on demande l'insertion de cette adresse dans le procès-verbal. L'Assemblée l'ordonne ainsi qu'il suit:

<< Sénat auguste,

"Dans l'espace de six mois, la ville de Senlis a passé sous trois administrations différentes : ancienne municipalité, comité permanent et nouvelle municipalité. Dans les deux premiers de ces ages, elle s'est empressée d'exprimer son adhésion formelle à vos décrets, et son entier dévouement.

<< Dans le troisième, elle les réitère. Voilà les sentiments constants dont elle s'honore. Cette cité ne se glorifiera pas moins de son patriotisme, aucienne vrtu de ses habitants.

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Des temps qui ne reviendront plus, des causes que vous anéantissez, ont épuisé le Trésor public; pour le remplir, vous demandez des efforts aux bons citoyens; jugez-nous, quand nous offrons à l'Etat une contribution patriotique de plus de 100,000 livres.

« Que toutes les villes soutiennent leur adhésion d'une contribution proportionnée, et nos maux se répareront.

«Nous avons, sénat auguste, supprimé de notre adresse, l'expression Nosseigneurs ; elle tiendrait de la servilité ou de l'adulation, deux défauts que vous blåmeriez également chez un peuple à qui Vous venez de rendre la liberté.

« Signé, le maire et les officiers municipaux. » Lettre de M. Borie, maire de la commune de

[26 mars 1790.]

Saint-Michel-de-Montagne, en forme d'adresse, portant adhésion, au nom de ladite commune, aux travaux de l'Assemblée nationale, les témoignages du zèle le plus ardent dont elle est animée pour l'exécution des décrets qui en sont émanés, et offre patriotique de 445 livres imposées sur les privilégiés de la paroisse, pour les six derniers mois de l'année 1789.

M. le marquis de Bonnay, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier. M. Bouche demande la parole sur ce procèsverbal.

M. Bouche. Lorsqu'un citoyen, quel que soit son rang, est demandé à la barre, il ne doit pas avoir les honneurs de la séance, comme celui qui s'y présente pour offrir volontairement des bommages et des dons à la patrie. Je vois dans le procès-verbal que M. le president a autorisé hier M. de Biré à assister à la séance, en attendant l'arrivée des pièces dont l'Assemblée voulait prendre communication: je demande que cette invitation faite à M. de Biré soit rayée du procès-verbal; je demande que dès aujourd'hui la barre soit libre, et qu'il n'y soit admis que les personnes qui auront des pétitions à présenter ou qui auront été mandées par l'Assemblée; je demande enfin que le président ne puisse désormais accorder la séance à personne sans avoir consulté l'Assemblée.

M. Goupil de Préfeln. La raison ne veut pas que celui qui a été mandé à la barre puisse, par cela seul, être présumé coupable; sous crapport le premier article de la motion que vient de faire M. Bouche est inadmisible. Il m'a paru cependant que la forme dans laquelle le procès-verbal rendait compte de l'admission de M. de Biré était adulatoire; je demande que cette forme soit corrigée, et qu'il soit dit simplement que M. de Biré a répondu d'une manière' satisfaisante.

La question préalable, demandée sur la première partie de la motion de M. Bouche, est mise aux voix et prononcée,

M. Martineau. J'observe qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les deux dernières parties de la motion de M. Bouche, parce que M. le président, ayant la police de l'Assemblée, peut prendre cet égard les dispositions qui lui semblent opportunes selon les circonstances.

M. Goupil de Préfeln représente que, par suite des divers objets qui ont été traités dans la dernière séance et qui sont consignés dans le procès-verbal, il paraîtrait convenable que l'Assemblée rendit un décret pour empêcher que les paiements mentionnés dans l'état qui a été lu, ne fussent point effectués. Il rappelle que M. de Biré a fait la proposition, si on le jugeait à propos, de retirer les mandats sur sa caisse qui ont été donnés en paiement au prince de Condé et au duc de Bourbon.

M. le duc d'Aiguillon. Je n'ai pas été peu surpris de voir mou nom sur l'état des paiements faits par le caissier de l'extraordinaire; je dois me justifier sur cet objet. A la mort de mon père, une somme de 31,000 livres lui était due pour les arrérages de son gouvernement; ma mère la délégua aux créanciers de la succession. M. Mélin donna deux bons sur le trésor royal, l'un de 9,000 livres. payables en mars, l'autre de 21,000

livres payable en juin. Ce sont donc ces créanciers, et non pas moi, qui se sont présentés au trésor royal. Je ne mérite pas l'improbation que quelques membres de l'Assemblée ont voulu donner à la mention qui a été faite de moi dans les états qui vous ont été lus hier; j'ose croire que je mérite au contraire l'estime de l'Assemblée... Je reviens à mon objet : les paiements qui ont été faits en mon nom n'ont été faits que par des ordonnances; ils ne sont donc pas effectués, et je pense avec M. Goupil qu'ils ne doivent pas l'être. — Je demande que la déclaration que je viens de faire soit insérée dans le procès-verbal.

(L'Assemblée applaudit à la justification de M. le duc d'Aiguillon et à la demande qu'il vient de faire.)

M. le marquis de Bonnay. Vous ne pouvez sans injustice ne pas accorder & M. le duc du Châtelst ce que vous venez d'accorder à M. le duc d'Aiguillon: M. le duc du Châtelet a énoncé hier la même déclaration.

Cette proposition est adoptée.

La motion principale de M. Goupil de Préfeln est ensuite mise aux voix et adoptée ainsi qu'il suit :

« L'Assemblée nationale décrète que les paiements mentionnés en l'état qui fut lu à la séance du jour d'hier, et tous autres qui seront dans des cas semblables, ne pourront être réellement effectués, sous peine contre ceux qui feraient lesdits paiements, ou qui les ordonneraient, d'en demeurer responsables. »

« L'Assemblée nationale décrète que le présent décret sera notifié dans le jour à tous les caissiers et autres qui sont dans le cas d'effectuer les paiements. »

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M. Lucas. Vous avez décrété que vous délibéreriez sur la lettre du roi; je demande que vous soyez fidèles à ce décret; et s'il faut une motion expresse pour vous y ramener, je la fais.

M. de La Réveillère de Lépeaux. Je combats la motion de M. Lucas, et je pense qu'il n'y a pas lieu à délibérer. Vous avez rendu un décret qui exclut de l'admission aux places tous membres de cette Assemblée; vous avez encore arrêté qu'aucun de vos décrets ne pourrait être révoqué pendant cette session; ce serait contrevenir au dernier décret, que de délibérer sur la lettre du roi; ce serait contrevenir au premier, que de remplir le vœu du roi, en acceptant pour quelques-uns de vos membres des places de ministres; car ceux qui formeraient le bureau de trésorerie, ne seraient autre chose que des ministres. Vous affaibliriez la confiance dont vous avez besoin, celle de la pation; vous détruiriez d'ailleurs la responsabilité ministérielle que vous avez prononcée; responsabilité qui fait là sauvegarde de notre constitution.

J'observe que la lettre du roi est anticonstitutionnelle; elle n'est contresignée d'aucun ministre, et le garde des sceaux s'est véritablement rendu coupable en faisant faire au roi une dé

M. Camus. Hier, on vous a appris que le mi- marche qui expose l'Assemblée à contrevenir à ses

nistre avait suspendu le paiement des rentes sur les loteries; ces rentes vous ont été représentées, avec justice, par M. Briois de Beaumetz, auteur de la motion, comme de véritables aumônes; on vous a proposé d'ordonner provisoirement le paiement de celles de ces rentes qui ne s'élèvent pas au-dessus de 600 livres; j'en renouvelle aujourd'hui la motion.

L'Assemblée adopte cette proposition et rend le décret suivant :

L'Assemblée nationale décrète que les petites pensions accordées précédemment sur la loterie royale, qui se trouvent comprises dans un état remis au comité des pensions, et qui n'excèdent pas la somme de 600 livres, seront payées provisoirement."

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté.

M. le Président. Nous passons à l'ordre du jour qui a pour objet l'examen de la proposition faite par le premier ministre des finances, rappelée par la lettre du roi d'hier, sur l'établissement d'un bureau de trésorerie, destiné à diriger, sous les ordres du roi, tout ce qui tient au Trésor public, et dont la plupart des membres seraient choisis parmi ceux de l'Assemblée nationale.

M. Rewbell. Lorsque vous avez décrété par un article constitutionnel que le roi pourrait inviter l'Assemblée nationale à prendre un objet en considération, vous avez aussi décrété que la demande qui vous serait faite par le roi devrait être contresignée par un ministre. Le respect dû au roi défend de mettre en délibération un objet

décrets ou à ne pas accéder aux vœux d'un monarque qu'elle a tant de raisons d'aimer. Je suis persuadé que, par respect pour le roi autant que pour la conservation de votre ouvrage, vous ne devez pas délibérer sur cet objet; mais vous ne devez pas différer d'apprendre au roi que vous n'avez pas cru devoir délibérer. Ce n'est pas en flagornant les hommes qu'on les éclaire, c'est en leur disant la vérité.

Prouver qu'on a su dire la vérité à un souverain, c'est prouver qu'il était digne de l'entendre; et sans doute voilà le plus bel éloge que puisse ambitionner un roi. La demande du roi est attentatoire à la liberté publique, parce qu'elle est attentatoire à la liberté des opinions de l'Assemblée. Rappelez-vous la lettre de M. le garde des sceaux à l'occasion des troubles de Nimes; rappelezvous comme ils étaient exagérés, et comme on ne les exagérait que pour vous demander d'abandonner la liberté publique au ministre de la guerre; rappelez-vous la réponse inconstitutionnelle qui vous a été faite sur le décret relatif à l'armée. Voyez comme on a cherché à vous asservir, en insinuant qu'il y avait dans cette Assemblée deux partis, dont l'un voulait attaquer le pouvoir exécutif. N'en doutez pas, il existe un plan ministériel pour empêcher l'affermissement de la constitution. Pour moi, qui ne connais d'autres lois que celles de la vérité, d'autres intérêts que ceux du peuple; pour moi, qui crois que les représentants du peuple doivent tout faire pour assurer sa liberté, je vous conjure de ne pas perdre de vue que, dès que le gouvernement passe les bornes de son pouvoir, la liberté est perdue. Je vous conjure de vous rappeler que vous n'êtes

ni

point ici pour stipuler ni les intérêts des rois, ceux deses ministres, mais seulement ceux du peuple. Je vous conjure enfin de ne pas oublier qu'une assemblée constituante qui se permettrait d'enfreindre les décrets constitutionnels qu'elle aurait elle-même rendus, manquerait le but pour lequel elle aurait été convoquée, et détruirait son propre ouvrage. Je pense qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition qui vous a été faite de la part du roi.

M. Lucas. J'observe à l'Assemblée que lorsque J'ai dit qu'il y avait lieu à délibérer, je n'ai point prétendu appuyer la demande du roi, mais seulement rappeler à l'Assemblée qu'elle avait décrété hier qu'elle délibérerait aujourd'hui sur cette demande. Je me suis réservé de dire mes opinions sur le fond de la question, comme un bon citoyen doit les dire.

M. Démeunier. Sans doute, il serait inconstitutionnel d'adopter la proposition du roi; mais il me semble qu'il ne serait pas sage de répondre à une demande du roi par un il n'y a pas lieu à délibérer. Un honorable membre a dit qu'on ne pouvait s'occuper de la demande du roi que lorsque la motion expresse en aura été faite par un meinbre de cette Assemblée. Il avait vraisemblablement oublié que l'Assemblée avait voulu s'occuper de cet objet, puisqu'elle avait chargé son comite des finances d'examiner la première demande qui en a été faite par le ministre ; il avait encore oublié que l'Assemblée avait décrété hier qu'elle délibérerait aujourd'hui. Je repète, Messieurs, qu'il serait affreux de dire aujourd'hui qu'il n'y a pas lieu à délibérer. Je pense que l'Assemblée doit dire qu'après avoir examiné de nouveau les motifs qui l'avaient déterminée à décréter qu'aucun de ses membres ne pourrait accepter, pendant la session, des places dans aucune partie de l'administration, elle s'écarte à regret du vœu que Sa Majesté a manifesté ; qu'à lui seul appartient le droit de nommer ses ministres et de former un bureau de trésorerie, s'il le juge convenable.

M. le marquis de Sillery. Les ennemis de la Révolution sont encore assez mal intentionnés pour vouloir rendre l'Assemblée responsable des événements, si elle revenait sur ses décrets. Si on a lieu d'être surpris, c'est qu'on ait osé soupçonner de légèreté le Corps législatif, et que, par une de ces contradictions, au moins apparente, le premier ministre des finances ait proposé un décret dont une des dispositions tend à nommer quatre membres de l'Assemblée pour correspondre avec le bureau de trésorerie que le roi formera.... (Des murmures empêchent l'orateur de continuer et de développer sa pensée.)

M. Barnave. Avant de traiter le fond de la proposition du ministre des finances, il est indispensable de faire une digression sur la forme, les motifs et l'occasion de la délibération actuelle. Il est une première maxime, c'est que la personne du roi est sacrée et inviolable, et qu'il doit obtenir de tous le plus profond, le plus constant respect. Or, le respect peut être plus ou moins altéré par la manière dont le vœu du roi est discuté ou suivi. La forme employée dans l'affaire présente tend à mettre l'initiative dans la main du roi, ce qui est contraire à vos décrets : elle peut aussi compromettre le respect dû à Sa Majesté. Si la personne est réputée inviolable, elle est censée agir d'après un conseil et par celui d'un homme

responsable; donc, en admettant qu'on puisse se servir de son nom seul, on élude cette responsabilité.

Quant au fond de la proposition relative au concert direct à établir entre l'administration des finances et l'Assemblée nationale, elle est contraire aux décrets de l'Assemblée et aux principes généraux qu'elle a publiés. Elle est de plus inutile par les usages établis et par la correspondance nécessaire qui subsiste entre le ministre et le comité des finances. D'ailleurs, le ministre n'at-il pas été accueilli toutes les fois qu'il a désiré de se présenter à l'Assemblée, et ne le sera-t-il pas toujours? Tout autre plan serait inutile et nuisible à la responsabilité. Lorsque vous avez rejeté la motion de M. de Mirabeau, vous avez pensé que les ministres ne pouvaient être introduits dans une Assemblée constituante; vous avez laissé la question entière pour une autre législature. Quand la constitution sera faite, on pourra peutêtre les associer à l'Assemblée nationale; mais il serait dangereux de les introduire avant celle époque. Ce n'est pas dans de nouvelles mesures, inais par l'exécution de celles déjà prises que vous pouvez faire le bien.

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M. Démeunier propose le décret suivant: L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture du mémoire du premier ministre des finances, et le rapport de son comité des finances, voulant donner une preuve de sa déférence, ainsi que de son amour et de son respect pour la persoune de Sa Majesté, a examiné de nouveau les motifs qui ont déterminé ses décrets des 7 novembre et 26 janvier derniers, et elle a déclaré y persister.

Elle charge, de plus, son président, de se retirer auprès du roi pour lui exprimer les regrets qu'elle a eus de ne pouvoir se rendre aux désirs de Sa Majesté.

M. le comte de Mirabeau. Il est, à mon avis, un motif beaucoup plus pressant d'envoyer votre président pardevers le roi; c'est de représenter et demander à Sa Majesté que nulle proposition de sa part ne puisse être présentée à cette Assemblée sans le contreseing d'un ministre, la forme contraire étant destructive de la responsabilité que le roi lui-même a adoptée.

M. Garat l'aîné. Je combats l'amendement de M. le comte de Mirabeau, et je le combats, vcs décrets constitutionnels à la main. Le roi peut, avez-vous dit, inviter l'Assemblée nationale à prendre en considération tel ou tel objet; mais la proposition des lois appartient exclusivement à la nation. Les ministres, avez-vous dit encore, sont responsables chacun dans leur déparlement; mais aucun ordre du pouvoir exécutif ne pourra être exécuté s'il n'est signé du roi et contresigné par un secrétaire du département. Ici, Messieurs, observez que l'article ne porte pas que les propositions du roi seront contresignées par un ministre; il serait même ridicule de l'avoir exigé; il résulterait de là que vous auriez interdit toute correspondance personnelle entre le roi et vous; et j'interroge vos cœurs, j'interroge vos principes : avez-vous jamais voulu éloigner la confiance du roi? Et si d'ailleurs le roi était trompé, quel autre moyen auriez-vous pour en être instruits, que sa correspondance? Je conclus à ce que, sans s'arrêter à l'amendement proposé par M. le comte de Mirabeau, on passe à l'ordre du jour.

M. le comte de Mirabeau. Je demande au

préopinant si, de ce que l'article 18, qu'il atteste, porte qu'aucun ordre du roi ne sera exécuté sans le contreseing du ministre, il en tire cette conséquence, que les messages ne sont pas compris dans cet article? Je lui demande s'il a pensé que les messages ne devaient avoir aucune espèce de législation; je demande si le roi jouit de la faveur précieuse et purement idéale de l'inviolabilité individuelle, s'il ne doit pas toujours apparaître un conseil au garant de ses propositions; je demande enfin ce qu'a voulu dire le préopinant, lorsqu'il a dit que le roi pouvait être trompé, et que, sous ce rapport, il pouvait être intéressant de recevoir ses lettres sans le contreseing d'aucun ministre : si l'on suppose cette obsession ministérielle; si l'on en suppose, dis-je, l'existence et la possibilité, cette obsession n'interceptera-t-elle pas les billets? et puis, s'il arrive qu'une fois, une seule fois, le roi vous écrive d'après lui-même, combien de fois aussi les ministres ne seront-ils pas les solliciteurs, les instigateurs, les auteurs de ses lettres? Sans doute, il est commode pour ceux qui se sont engagés dans un labyrinthe de difficultés, qu'on leur montre le fil pour en sortir; mais c'est à eux à nous le montrer, s'ils le connaissent, et qu'ils ne croient pas qu'on le leur tendra pour leur intérêt particulier. Je conclus à ce que le président soit chargé de représenter directement au roi que l'initiative est anticonstitutionnelle et absolument contraire à tous les décrets de l'Assemblée nationale.

(Le discours de M. de Mirabeau est applaudi par une grande partie de la salle; une autre partie demande la discussion de son amendement.)

M. Démeunier. Lorsque j'ai proposé ma motion, je n'ai pas voulu éloigner l'Assemblée de l'ordre de travail qu'elle s'est prescrit pour aujourd'hui je pense que l'amendement de M. de Mirabeau est susceptible d'une longue discussion, et cette discussion ne peut être faite aujourd'hui, parce que les finances nous appellent. Je retire donc ma motion principale, et je demande qu'on passe à l'ordre du jour.

(L'Assemblée consultée décide qu'elle reprend la suite de son ordre du jour.)

M. le Président. L'Assemblée passe à la discussion du projet de décret concernant la contribution patriotique du quart des revenus.

M. Dupont (de Nemours). Le projet de décret est parfaitement inutile; il est contraire aux précédents décrets; il est inutile, puisque ce ne sera pas par la contribution patriotique qu'on assurera la dépense de 1731; ce sera en mettant les besoins extraordinaires au niveau des ressources ordinaires il est contraire à vos décrets, puisqu'il établit une espèce d'inquisition dans les fortunes, et que vous avez arrêté qu'on ne rechercherait les contribuables en aucune manière; il n'y a donc pas lieu à délibérer.

M. de Robespierre. Le décret proposé ne me paraît pas propre à produire l'effet qu'on en attend; il faut chercher la véritable cause du défaut de déclarations. Je ne puis être de l'avis du premier ministre, qui accuse le patriotisme des citoyens : ce patriotisme existe, il a seulement été ralenti par les erreurs dans lesquelles on a jeté le peuple, et par les moyens qu'on a pris pour lui persuader que la banqueroute était possible, et que la contrerévolution l'était aussi. (M. de Robespierre entre dans de très grands détails.) Voilà les manoeuvres

qui ont arrêté l'essor du patriotisme; faites cesser les inquiétudes, le patriotisme reprendra loule son énergie, et l'on viendra en foule offrir une contribution qu'on croira alors ne pouvoir jamais être inutile à la liberté.

M. le Chevalier d'Aubergeon de Murinais. La longue éloquence de M. de Robespierre ne m'a pas du tout converti: le projet de décret me paraît très nécessaire; je demande qu'il soit adopté avec les amendements qu'on présentera article par article.

M. Ræderer. Le projet de décret est (diamétralement opposé à deux autres décrets; vous avez demandé une contribution volontaire; vous avez voulu qu'il ne fût fait aucune poursuite, et l'on vous propose aujourd'hui d'en faire une contribution forcée, et d'autoriser les municipalités à faire des poursuites........... (M. Roederer développe ces idées, conclut qu'il n'y a lieu à délibérer, et propose subsidiairement de faire imprimer et afficher, dans le lieu des élections, pendant dix années, la liste des contribuables.)

M. Dubois de Crancé. C'est d'après des nouvelles des villes commerçantes, que le comité de finances a cru nécessaire de réformer la clause de l'impression des listes; les députés extraordinaires du commerce et des manufactures sont venus hier demander le rétablissement de cet article. Les motifs de l'opinion du comité des finances cessant, il a abandonné son opinion. En proposant les moyens qui lui paraissaient convenables pour assurer la contribution patriotique, il n'a point accusé le patriotisme des citoyens, mais les circonstances; il persiste dans le premier article. En chargeant les municipalités d'assurer les perceptions, il n'a pas entendu vous faire approuver des moyens inquisitoriaux; il est sûr que, dans le délai accordé, nul citoyen ne refusera son secours à la patrie; mais il n'a pas cru qu'on pût qualifier d'inquisition des précautions sollicitées pour le salut public, et qu'une aussi grande considération doit faire regarder comme des actes de justice. Rien, dans les mesures proposées, n'était imprudent ou trop rigoureux; les municipalités n'étaient autorisées à taxer que sous la surveillance des directoires de districts, et la taxe ne pouvait devenir obligatoire que d'après la décision du directoire de département.

M. le marquis de Fumel-Montségur. Puisque chacun fait sou observation, je vais faire la mienne. Il court dans les campagnes des papiers incendiaires à 2 sous, dont l'objet est d'égarer le peuple. Il faut détruire ces erreurs pour rétablir la confiance, et c'est la confiance qui peut remplir le Trésor public. Je demande l'ajournement, la rédaction d'une adresse pour engager le peuple à payer, et la proposition d'une loi sur la liberté de la presse.

M. Ræderer. Il serait convenable de charger les districts et les départements d'indiquer les moyens qu'ils jugeront nécessaires pour rendre plus productive la contribution patriotique.

M. le comte de Crécy. Adoptons tous les moyens qui n'auront rien de coactif; employons surtout la persuasion, dans un temps où nous doutons encore du succès de nos travaux... (Ce succès est certain ! s'écrie une partie de l'Assemblée.) Ce n'est pas nous, c'est le peuple... (Une

voix s'élève et dit: Ce sont les ennemis du peuple et de la constitution!) Ce n'est pas nous qu'un semblable doute effraie; c'est le peuple qu'on trompe..... Il n'est pas étonnant que le patriotisme n'ait pas tout son effet. Quand une contribution volontaire se trouve forcée par quelque moyen que ce soit, elle perd sa nature et devient un impôt. Je propose de mettre les dates dans l'impression des listes, d'autoriser les officiers municipaux à appeler les citoyens qui n'auront pas fait de déclaration, et d'interdire tout autre moven jusqu'à la formation des corps administratifs.

M. Pétion de Villeneuve. La contribution que vous avez décrétée est une contribution volontaire; vous n'avez done pas le droit de contraindre par quelque moyen que ce soit. Il faut ajourner jusqu'après l'appel que doivent faire les officiers municipaux. Quand vous ignorez quel sera le succès de cette mesure, est-il nécessaire d'en arrêter d'autres ?

M. Le Chapelier. Je ne crois pas qu'on doive adopter ni ajourner le projet de décret. On ne peut l'adopter, parce qu'il ôterait à la contribution son caractère de contribution patriotique. Je ne crois pas non plus que vous puissiez ajourner; il s'agit ici de la propriété des citoyens; car, en effet, celui qui ne contribue pas aux besoins de la société attaque la propriété des autres individus. Je pro ose d'autoriser les municipalités à imposer les citoyens qui n'auront pas fait de déclarations, en les admettant toutefois à venir déclarer dans le mois; alors l'imposition d'office tomberait d'elle-même. J'indiquerai de plus un moyen qui me paraît propre à déterminer à contribuer, sans que la contribution cesse d'être volontaire. Tous citoyens actifs seraient tenus de se présenter dans les assemblées primaires avec l'extrait des cotes des impositions ordinaires qu'ils supportent, et celui de la déclaration qu'ils ont faite, en affirmant vérité, pour la contribution patriotique; on lirait ces extraits à haute voix; chacun pourrait juger la déclaration, soit d'après les connaissances particulières des moyens du déclarant, soit d'après la simple comparaison de sa déclaration et de la somme de ses impositions ordinaires. Si la déclaration était inexacte, le déclarant deviendrait înéligible par le fait; car sans doute nul citoyen n'accordérait sa confiance à un homme qui, par le moyen d'un parjure, se serait soustrait à ses devoirs de citoyen. Les premiers articles du projet de décret sont purement réglementaires, et pourraient être adoptés.

M. de Bousmard. Il est digne de vous d'emplover des moyens plus conformes au caractère français. Si vous ordonniez aux départements et districts de vous adresser le détail des contributions de chaque municipalité, et si vous chargiez votre président de témoigner aux différentes communautés dont le patriotisme se serait signalé la satisfaction de l'Assemblée, vous verriez un combat de générosité s'élever entre tous les citoyens.

M. Devoisins. Donnons l'exemple du patriotisme; abandonnons le quart de notre traitement sans que ladite remise puisse être imputée sur la contribution patriotique à laquelle chacun de nous est soumis.

(Cette proposition est fortement appuyée par le côté droit de l'Assemblée.)

M. Lucas. Je propose en amendement que chaque membre fasse ici sa déclaration.

(Cette proposition est fortement appuyée par la partie gauche de l'Assemblée.)

M. le comte de Croix. Vous montrez toujours un très grand empressement quand il s'agit de faire des sacrifices à la patrie. Deux motions de ce genre sont proposées: j'adopte la seconde, et je combats la première. Le traitement des députés n'est point une faveur; c'est une indemnité juste et nécessaire; on vous propose d'engager une partie de l'Assemblée à être injuste envers l'autre. Cette proposition tient à des intentions connues et à des motifs présentés plusieurs fois dans cette Assemblée, et toujours jugés d'une manière peu favorable.

M. Ræderer. C'est la guerre de la richesse coutre la médiocrité.

M. l'abbé N.... Cette motion tend évidemment à la dissolution de l'Assemblée.

M. Alexandre de Lameth. La motion de M. Voisin a-t-elle pour objet une nouvelle contribution? L'Assemblée ne doit payer que celles auxquelles les autres citoyens sont soumis. S'agitil d'accorder des secours aux malheureux? Il existe un comité des secours, et j'engage ceux qui montrent un si grand désintéressement à y porter leurs offrandes. Un don doit être libre et proportionné aux facultés de celui qui donne. Un grand nombre de nos collègues a quitté un état honorable et nécessaire à l'existence de celui qui le professait. Ce citoyen a donc besoin de son traitement. Beaucoup d'autres jouissent de 100,000 livres de rente, plus ou moins; si ceux-ci abandonnent la totalité de leur traitement, ils ne don ent point assez: si le premier en abandonne le quart, il donne trop.

L'Assemblée ne délibère pas, et passe à l'ordre du jour.

On rappelle les divers amendements.

M. Ræderer. J'ai demandé l'impression et l'affiche de la liste des déclarants; ceite proposition est au fond la même que celle de M. Le Chapelier. Je demande qu'elle y soit réunie, en bornant à trois années le temps de l'affiche.

M. Dupont (de Nemours). Il n'y a pas lieu à délibérer quant à présent. Nous avons ordonné que les officiers municipaux feraient l'appel des citoyens qui n'auraient pas fait de déclarations; attendons l'effet de cette mesure avant de recourir à une autre disposition.

M. Démeunier. Il faut délibérer sur-le-champ; il faut adopter toutes les mesures promptes, toutes les mesures utiles: la constitution, les finances, la tranquillité publique l'exigent. Sans doute, quelque chose qu'on ait voulu nous persuader, la contribution patriotique offrira une grande ressource. A Paris, douze mille déclarations seulement s'élèvent à 33 millions. Cette ville est destinée à donner l'exemple de toutes les vertus patriotiques. Je dois le dire, mais je le dirai avec mesure et prudence, il y a des troubles à Paris; on a conçu ces jours derniers de grandes inquiétudes; les ennemis de la Révolution inspirent des craintes trop bien fondées; mais la garde nationale, par son infatigable activité, déconcerte tous les projets coupables; elle est toujours prête à marcher,

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