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Le décret présenté par M. de Menou est adopté.

M. Le Pelletier de Saint-Fargeau. Je demande la division de la motion de M. de Lameth, et je pense qu'il faut se borner à charger M. le président d'insister près du roi sur l'acceptation des décrets rendus sur la constitution de l'armée. Il est inutile de développer les motifs de prudence, de respect et de politique sur lesquels ma demande est appuyée.

La motion de M. de Lameth est divisée et décrétée conformément à l'avis de M. Le Pelletier de Saint-Fargeau.

La motion de M. de Menou purgée de tous ses amendements est décrétée ainsi qu'il suit :

« L'Assemblée nationale, considérant que, par ses précédents décrets, elle a prononcé qu'elle s'occuperait les lundi, mardi, mercredi et jeudi, de la constitution; et les vendredi, samedi et dimanche, des finances; que toutes les autres affaires, de quelque nature qu'elles fussent, seraient renvoyées aux séances du soir; considérant, en outre, qu'il est nécessaire, pour hâter ses travaux, qu'elle établisse un ordre de travail invariable, a décrété et décrète :

« 1° Que dorénavant les séances du matin commenceront à neuf heures précises, excepté celles du dimanche, qui seront fixées à onze heures.

«2o Afin que tous les députés de l'Assemblée nationale soient instruits de l'ordre du jour, il sera affiché chaque jour, à la fin de chaque séance et au-dessous de chaque tribune, un tableau qui contiendra l'ordre du travail pour le lendemain, ainsi que l'énumération de tous les objets qui devront être traités, ou qui auront été ajournés.

3o Tous les députés qui auront quelque motion importante à proposer, seront tenus d'en avertir d'avance M. le président, qui ordonnera que l'objet de la motion, et le nom de celui qui l'a proposée soient également affichés sur un tableau placé au-dessous de chaque tribune.

4° Le comité de constitution sera chargé de présenter dimanche prochain, 28 de ce mois, à l'Assemblée, la série ou le tableau raisonné de tous les objets que l'Assemblée nationale doit traiter pour achever la constitution, ou des articles nécessaires pour l'exécution des décrets dans lesquels elle n'a consacré que des principes.

5° L'Assemblée nationale s'occupera, sans discontinuer, de discuter les projets de décrets relatifs aux finances, qui lui ont été présentés par son comité, et qu'ensuite, revenant à l'ordre qu' 'elle s'est déjà prescrit elle-même, elle reprendra, pendant les quatre jours désignés, le travail de la constitution, en commençant par l'ordre judiciaire.

« 6° Les différents comités seront tenus de préparer leur travail, de manière que l'Assemblée ne puisse jamais éprouver aucun retard, ni changer dans aucun temps, ni dans aucune circonstance, l'ordre qu'elle s'est prescrit; et, pour cet effet, ils seront chargés de dresser, dans l'espace de huit jours, des tableaux, soit des objets primitifs de leur travail, soit de ceux qui leur ont été renvoyés, selon l'ordre de leur importance, non pour en faire lecture à l'Assemblée, mais pour être imprimés et distribués aux députés dans leur domicile.

« 7° Aucune députation ne sera reçue que dans les séances du soir.

«< 8o Dans aucun cas, l'Assemblée ne lèvera la séance, que M. le président ne l'ait prononcé.» La séance est levée à trois heures un quart.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. RABAUD DE SAINT-ÉTIENNE.

Séance du lundi 22 mars 1790 (1).

La séance est ouverte à 9 heures du matin.

M. le marquis de Bonnay, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

M. Merlin, autre secrétaire, lit le procès-verbal de la séance du soir du samedi 20 mars. Il ne se produit aucune réclamation.

M. le marquis de Bonnay fait la lecture d'une adresse des officiers municipaux de Caen. Ils attestent que leur ville gémissait depuis longtemps des funestes effets de l'anarchie; qu'elle attendait avec impatience le retour des lois et de la force publique; et que, vivement pénétrés de ces sentiments, ils ont vu paraître, avec une satisfaction inexprimable, le nouveau régime municipal, ce qui va devenir la source de leurs obligations les plus importantes.

Seconde adresse des officiers municipaux, notables et membres de la commune de l'ile de Bouin.

Ils supplient l'Assemblée nationale d'agréer les témoignages sincères de leur gratitude pour les hauts et importants services qu'elle vient de rendre et qu'elle rend tous les jours à la nation française.

M. le Président fait part à l'Assemblée de la députation qui s'est rendue hier chez le roi, et du discours qu'il a eu l'honneur de lui adresser.

Ce discours, que M. le président a prononcé avec beaucoup d'énergie et de sensibilité, est conçu en ces termes:

« Sire,

« L'Assemblée nationale met au nombre de ses devoirs les plus sacrés celui de partager les peines de Votre Majesté, et de lui apporter l'expression des sentiments du peuple nombreux qu'elle représente. Chargés par elle de témoigner à Votre Majesté la part qu'elle a prise à la perte que Votre Majesté vient de faire, nous remplis

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

sons ce douloureux devoir, Sire: votre cœur a besoin de grandes consolations, et l'Assemblée nationale les doit à Votre Majesté. C'est en s'occupant sans relâche à terminer la constitution dont Votre Majesté a adopté les principes; c'est en travaillant à rétablir l'ordre dans les finances, qu'elle trouvera la certitude de ramener autour de Votre Majesté la confiance publique qu'ont égarée mille terreurs exagérées ainsi l'Assemblée nationale offrira en tribut à Votre Majesté des consolations dignes de son cœur sensible; le crédit public rétabli, un Empire rajeuni, cet ordre nouveau sortant du milieu des ruines, et des peuples heureux sous le gouvernement du meilleur et du plus généreux des rois. >

Le roi a répondu:

« Assurez, Messieurs, l'Assemblée nationale de toute ma sensibilité de la part qu'elle prend à la perte que je viens de faire. Elle connaît bien mon cœur, en pensant que le moyen le plus sûr de consoler mes peines, est de travailler efficacement au bonheur de mes peuples .»

(L'Assemblée nationale applaudit avec transport aux expressions paternelles et touchantes de Sa Majesté.)

M. le Président ajoute que la députation a été introduite auprès de la reine: il fait lecture du discours qu'il a eu l'honneur de lui adresser.

« Madame,

<< L'Assemblée nationale nous a chargés de vous témoigner la part qu'elle a prise à la juste douleur que Votre Majesté vient d'éprouver par la perte de Sa Majesté impériale, son auguste frère.

« L'Assemblée ne croit cependant pas s'écarter, Madame, du respect qu'elle doit à votre affliction, en suppliant Votre Majesté de faire diversion à sa douleur pour se donner tout entière aux intérêts d'un grand peuple qui tourne avec confiance ses regards vers vous. Elle place son espoir dans cette force de caractère qui élève Votre Majesté si fort au-dessus de votre sexe; elle espère, Madame, de trouver votre consolation et les siennes dans ces mêmes sentiments de la nature qui font aujourd'hui votre peine, et qui, se portant avec plus de tendresse sur l'enfant royal que vous élevez pour le bonheur des Français, nous ont fait annoncer par Votre Majesté qu'elle voulait pour eux et pour lui des destinées communes.

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L'Assemblée nationale, en partageant les sollicitudes de Votre Majesté, ne doute pas, Madame, que vous ne partagiez aussi les siennes; et qu'après ces grands mouvements qui ont élevé et comme suspendu le destin de la France, il ne reprenne bientôt son cours pour la gloire solide du trône et pour la prospérité de la nation. »

La reine a répondu :

Je suis très sensible à la part que l'Assemblée prend à la perte que je viens de faire. Je suis persuadée de ses sentiments pour moi, et je vous prie de lui en témoigner ma reconnaissance .>>

(L'Assemblée nationale applaudit également aux sentiments exprimés dans le discours de la reine.)

M. le Président annonce qu'il est retourné le soir chez le roi, et qu'il a eu l'honneur de rappeler à Sa Majesté qu'il avait été présenté à sa sanction le décret rendu par l'Assemblée nationale le 28 février dernier, concernant l'organisation de l'armée, et que le roi lui a répondu qu'il prendrait en grande considération la demande qui lui

était faite, et que dans peu l'Assemblée nationale recevrait à ce sujet une réponse précise.

Un de MM. les secrétaires annonce que d'après le recensement du scrutin pour les quinze adjoints au comité des rapports, ceux des membres qui ont obtenu la pluralité des suffrages, sont:

MM. De Bouville.
Deschamps.
Faydel.

L'abbé Bottez.

Turpin.

Bertrand de Montfort.

Pellerin de La Buxière.

Pochet.

Cortois de Balore, évêque de Nismes.
D'Abbadie.

L'abbé de Champeaux.
Poulain de Corbion.
Populus.

De Fontanges, archevêque de Toulouse.
Bourdon.

L'Assemblée passe à l'ordre du jour. Il concerne la discussion du second projet pour le remplacement de la gabelle, proposé par le comité des finances sur le droit de marque des cuirs.

DEUXIÈME PROJET, SUR LE DROIT DE MARQUE DES CUIRS.

M. Dupont (de Nemours) rapporteur, donne lecture des deux articles de ce second projet (Voy. plus haut le texte des articles, séance du 11 mars 1790.)

Un membre propose d'introduire dans l'article second une disposition pour déterminer que la contribution de six millions sera répartie provi soirement et seulement pour la présente année. Cet amendement est adopté.

Un membre demande que la contribution représentative du droit de marque des cuirs frappe seulement sur les fabricants. Il allègue que ceux-ci ne s'y opposent pas, et que d'ailleurs l'imposition directe sera trop onéreuse aux propriétaires.

M. Mougins de Roquefort, député de la ville de Grasse, en Provence, s'élève contre cette prétention. Il soutient que les fabricants de la ville qu'il représente, l'ont chargé de demander l'anéantissement d'un droit qui dessèche une branche d'industrie intéressante et utile; mais qu'ils n'ont jamais pensé que cet acte de justice fût rendu illusoire, en leur faisant supporter personnellement la contribution représentative du droit.

Il ajoute que cette idée contrarie tous les principes: 1 elle tend à faire revivre d'une manière masquée le droit, puisque la contribution représentative ne porterait que sur les fabricants, et mettrait de nouvelles entraves à leur industrie; 2° toute imposition doit être générale, et elle ne le serait plus; 3° le droit sur la marque des cuirs frappait et sur les fabricants et sur les propriétaires, sur le peuple en général; puisque celui-ci achetait plus chèrement les objets qui dépendent de cette fabrication.

En conséquence, il demande le rejet de l'amendement.

L'amendement mis aux voix est rejeté.

Les deux articles proposés par le comité sont mis aux voix, et décrétés ainsi qu'il suit :

«Art. 1. L'exercice du droit de marque des cuirs sera supprimé dans toute l'étendue du royaume, à compter du premier avril prochain, à la charge par les tanneurs et autres fabricants de cuirs et de peaux, d'acquitter en douze paiements, et dans l'espace de douze mois, la valeur des droits dus par les marchandises qu'ils ont en charge, sur le pied d'une estimation moyenne qui sera réglée par un décret particulier.

« Art. 2. L'abonnement du droit de marque des cuirs et peaux, pour toutes les marchandises de cette espèce qui seront mises en fabrication et fabriquées à l'avenir, sera rendu général au moyen d'une contribution sur le pied de six millions par année, qui sera répartie, provisoirement et pour la présente année seulement, à compter du premier avril prochain, sur tous les propriétaires et habitants du royaume, en proportion de toutes les impositions directes, et de tous les droits d'entrées des villes; laquelle répartition aura lieu, quant aux impositions directes, au marc la livre, par simple émargement sur les rôles, et quant aux droits d'entrées des villes, en la forme qui sera réglée par un décret particulier. »

TROISIÈME PROJET, SUR LE DROIT DE FABRICATION DES AMIDONS.

M. Dupont (de Nemours) donne lecture des trois articles du projet. (Voy. le texte de ces articles, séance du 11 mars.)

M. Gérard, cultivateur breton. Je demande que celui qui sera pris à confondre de la bonne farine de froment pour faire de l'amidon, soit condamné en 300 livres d'amende, 100 livres pour celui qui le dénoncera, et 200 livres pour les pauvres de l'endroit.

M. l'abbé Gouttes. Cet objet important a Occupé le gouvernement, qui a ordonné que les farines avariées, le son et les farines de végétaux fussent les seules matières employées pour faire des amidons. M. Parmentier, économiste célèbre, a fait à cet égard des découvertes très intéressantes et très utiles.

M. d'Ailly. Cet objet ne peut faire la matière d'un décret, mais celle d'un règlement.

L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer quant à présent.

Les trois articles sont décrétés ainsi qu'il suit :

« Art. 1. Le droit sur la fabrication des amidons sera supprimé, à compter du premier avril prochain.

« Art. 2. Les abonnements relatifs au même droit cesseront à compter du même jour.

« Art. 3. Il sera établi provisoirement, et pour la présente année seulement, à compter aussi du même jour, une contribution sur le pied d'un million par année sur toutes les villes du royaume, en proportion de toutes leurs impositions directes, et de leurs droits d'entrées; savoir, quant aux impositions directes au marc la livre, et par simple émargement sur les rôles, et quant aux droits d'entrées, en la forme qui sera réglée par un décret particulier. >

QUATRIÈME PROJET, SUR LE DROIT DE MARQUE DES FERS.

M. Dupont (de Nemours) donne lecture des quatre articles du projet. Ils sont adoptés sans contestation, ainsi qu'il suit :

Art. 1er. L'exercice du droit de marque des fers à la fabrication et au transport dans l'intérieur du royaume, sera supprimé à compter du premier avril prochain.

« Art. 2. Les maîtres de forges et de fonderies, dans les départements où les droits avaient lieu à la fabrication, seront tenus d'acquitter en six mois, et en six paiements égaux, les droits qui peuvent être dus par leurs fers déjà fabriqués.

Et, à compter du premier octobre prochain, ceux qui ont des marchés à terme, bonitieront à leurs acquéreurs, pendant le cours desdits marchés, la valeur du droit dont leurs fers sont déchargés à la fabrication par le présent décret.

« Art. 3. L'abonnement dudit droit de fabrication, et desdits droits de traité sur les fers et ouvrages de fer et acier, sera rendu général à compter dudit jour premier avril prochain, provisoirement et pour la présente année seulement, au moyen d'une contribution réglée sur le pied d'un million par année sur les départements et districts qui formaient le ressort des parlements de Paris, de Dijon, de Metz, et de la cour des aides de Clermont-Ferrand, à l'exception des districts faisant partie du ressort desdites cours où le droit à la fabrication n'avait été ni établi, ni perçu, et d'une contribution de cinq cent mille livres sur tout le reste du royaume.

"

Lesdites contributions seront établies en proportion des impositions réelles et personnelles de tous les départements; savoir, quant aux impositions directes, au marc la livre, et par simple émargement sur les rôles, et quant aux droits d'entrées des villes, en la forme qui sera réglée par un décret particulier.

« Art. 4. Il sera établi à toutes les entrées du royaume un droit uniforme, égal à celui qui avait déjà lieu dans les provinces ou départements où se percevait le droit de marque des fers. »

CINQUIÈME PROJET, SUR LE DROIT A LA FABRICATION ET AU TRANSPORT DES HUILES ET DES SAVONS.

M. Dupont (de Nemours) donne lecture des quatre articles du projet qui sont adoptés sans discussion, ainsi qu'il suit:

« Art. 1er. Les abonnements du droit de fabrication des huiles, qui ont eu lieu en différentes provinces, continueront, provisoirement et pour la présente année seulement, dans les départements et districts qui formaient autrefois ces provinces.

«Art. 2. Les droits de traite que payaient les huiles et savons de ces mêmes provinces, lorsqu'ils en sortaient, pour entrer dans la consommation du reste du royaume, seront pareillement abonnés, provisoirement et pour la présente année seulement, par une contribution à raison de cinq cent mille francs par année sur les départements et districts qui n'ont abonné que le droit de fabrication.

«Art. 3. L'abonnement sera rendu général par une contribution sur le pied d'un million par année, établie, provisoirement et pour la présente année seulement, sur les départements et districts où la perception du droit à la fabrication des huiles avait lieu.

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Art. 2. Déclare l'Assemblée nationale que, sur cette dernière contribution, les assemblées de département et de district seront autorisées à faire prélever des sommes nécessaires pour être employées en moins imposé pour secourir les communautés et particuliers qui ont éprouvé des malheurs; lesquelles sommes ne pourront excéder le tiers de ladite contribution des privilégiés en 1789.

« Art. 3. Déclare, en outre, qu'elle ne reçoit en don patriotique de la part des communautés, que les portions de la contribution des privilégiés de 89 et 90, qui ne doit pas être employée au paiement de leurs impositions arriérées. »

On demande la priorité pour le projet du comité des finances.

La priorité est accordée à ce projet. Après l'adoption de divers amendements, les articles sont décrétés ainsi qu'il suit:

L'Assemblée nationale voulant adoucir pour les villes la portion de contribution qu'elles auront à fournir, en raison de leurs droits d'entrées pour remplacement de la gabelle, des droits de traite sur le sel, des droits de marque des cuirs et de marque des fers, et des droits de fabrication sur les huiles et les amidons, et rendre la perception de cette contribution à la fois plus sûre et plus facile, a décrété et décrète ce qui suit:

«Art. 1°. La somme dont chaque ville sera contribuable provisoirement, à raison de ses droits d'entrée. pour le remplacement de la portion qu'elle acquittait dans les différents droits supprimés ou abonnés par les décrets de ce jour et autres jours précédents, par l'Assemblée nationale, sera incessamment réglée; et sur la notion qui sera officiellement donnée à chaque ville, de sa part contributoire, la municipalité sera tenue de proposer au directoire de son district, sous quinze jours au plus tard, son opinion sur la forme de l'établissement qu'elle jugera le plus convenable pour procurer cette somme, soit par une addition de sols pour livre à ses anciens octrois, soit par une augmentation dans quelques parties de ceuxci, qui paraîtraient n'avoir pas été suffisamment

élevés dans les tarifs, soit par un octroi nouveau sur quelques marchandises dont les anciens tarifs auraient omis l'énonciation, soit par un plus grand accroissement dans les contributions personnelles, soit par les autres impositions qui peuvent être regardées comme mitoyennes entre les impositions personnelles et les impositions réelles, et qui sont relatives aux loyers ou à quelques circonstances particulières des maisons.

« Art. 2. Les directoires de districts feront passer, dans le délai de huit jours, avec leur avis, les délibérations desdites villes au directoire de leur département, qui les enverra dans le même espace de huit jours, avec son avis, à l'Assemblée nationale; laquelle, d'après lesdits avis, homologuera ou modifiera lesdites délibérations, et décrétera la perception; et dans le cas où les municipalités pourraient proposer leur avis avant la formation des directoires de districts et de départements, elles seront autorisées à l'adresser directement à l'Assemblée nationale.

« Art. 3. Dans le cas où le produit excéderait, dans quelques villes, la somme demandée, la lé gislature décidera de l'emploi de l'excédent sur l'avis du directoire de district, et du directoire de département.

« Dans le cas de déficit, il y sera pourvu par augmentation sur les impositions directes de la ville.

M. Dupont (de Nemours) donne lecture, au nom du comité des finances d'un article qui a pour objet d'éteindre tous les procès qui peuvent exister à raison de la perception des divers droits qui viennent d'être supprimés.

Cet article mis aux voix est adopté en la forme suivante:

« L'Assemblée nationale a décrété et décrète que les procès commencés à raison de la perception des droits de marque des cuirs, des droits des marques de fer, sur la fabrication et le transport des huiles et savons, sont annulés sans frais. »

SEPTIÈME PROJET, SUR LES POSTES.

M. Dupont (de Nemours) donne lecture des trois articles du projet. (Voy. plus haut le texte des articles, séance du 11 mars.)

M. Bouche. Si le comité des finances n'était pas composé d'aussi bons citoyens, je dirais que l'incivisme n'a rien imaginé de plus fâcheux qu'une loi qui va mettre, entre les députés de l'Assemblée nationale et leurs commettants, une barrière presque insurmontable. Je demande, ou que les articles I et II soient rejetés, ou qu'ils soient ajournés au dernier jour de la présente session.

M. Dupont (de Nemours). On peut conserver les moyens de correspondance des membres de l'Assemblée nationale avec leurs commettants; ils doivent jouir du contreseing jusqu'à ce que les directoires soient formés. Quant aux lettres des municipalités à l'Assemblée, leur affranchissement ne sera, pour chaque municipalité, qu'une dépense presque nulle, tandis qu'il formera un produit très considérable pour l'État. Lorsque l'administration des postes à offert la franchise des lettres adressées aux députés, l'Assemblée n'a pas cru devoir accepter cette offre, et, par son refus, elle a, pour ainsi dire, adopté le fond de l'article 1er.- Je propose de réserver, pour cette année seulement, le contreseing de l'Assemblée natio

nale pour les lettres particulières que les députés adresseront à leurs commettants.

M. Voidel demande que le comité soit chargé de proposer un projet d'une imposition très légère sur les journaux.

M. Dupont. Le comité des impositions prendra en considération cette idée dans un projet d'impôt du timbre, conçu d'une manière conforme aux principes et aux vues de l'Assemblée.

M. Nairac. J'ai abusé plusieurs fois, j'en fais l'aveu, du contreseing qui nous est accordé: j'interpelle la franchise de mes collègues, et je demande que nous prenions l'engagement de ne nous servir du contreseing que pour écrire aux municipalités.

M. Camus. Il est nécessaire que nous puissions envoyer aux particuliers les divers décrets de l'Assemblée. On se plaint de toutes parts qu'ils n'ont point été adressés aux municipalités: comment connaîtrait-on leur existence, si les particuliers ne les avaient pas reçus? Il faut encore que nous puissions recevoir des renseignements privés. Il y en a souvent d'inutiles, j'en conviens, mais un représentant de la nation doit tous ses moments au bien public. Quant il a feuilleté mille pages qui ne présentent aucun intérêt, il est bien récompensé s'il trouve un fait important. Souvent de bons citoyens sont méticuleux et craintifs, ils balanceraient à donner des renseignements utiles, s'ils étaient obligés de faire parvenir leurs lettres par l'intermédiaire des directoires; et ce moyen seul leur resterait, si la modicité de leur fortune ne leur permettait pas de se soumettre à des frais d'affranchissement: il faut donc conserver la correspondance libre; loin d'y mettre des entraves, on doit multiplier les facilités. Je demande l'ajournement des deux premiers articles purement et simplement.

M. Alquier. On a fait un abus bien coupable du contreseing de l'Assemblée; des ouvrages qui attaquent vos principes et vos décrets ont été envoyés sous ce contreseing aux municipalités, comme venant de vous; plusieurs régiments ont reçu de cette manière un ouvrage intitulé Avis aux troupes. Ce libelle avait pour objet d'engager les soldats à égorger les citoyens. L'ouvrage et l'enveloppe contresignés ont été remis au comité des recherches.

M. le marquis de Fumel-Montségur demande que tout député inscrive sa signature sur l'adresse de la lettre qu'il fera contre-signer.

M. Camus. On pourrait abuser de cette précaution d'une manière perfide, en mettant des signatures fausses. Il serait à propos d'ordonner aux commissaires, chargés de la police des bureaux, de concerter avec les administrateurs des postes les précautions propres à empêcher les abus de ce genre.

(Cette proposition est accueillie.)

M. Dupont propose d'ajourner le troisième article, pour que le comité puisse en revoir les dispositions.

L'ajournement des trois articles du décret sur les postes est prononcé.

HUITIÈME PROJet, sur le paieMENT DES DÉBETS ET LE RAPPROCHEMENT DE L'ARRIÉRÉ.

M. Dupont (de Nemours) donne lecture des

quatre articles de ce projet. (Voy. plus haut le texte de ces articles, séance du 11 mars.) M. Buzot demande la parole sur l'article 2.

M. Buzot. Il ne faut pas dire au peuple qu'il doit payer les impôts; il le sait bien, il le sent, il a l'intention de le faire. Mais si vous voulez que les droits d'aides soient perçus en Normandie, il est une disposition particulière à adopter. Dans plusieurs villes de cette province, on a, depuis quelque temps, désappris à payer ces droits, ou plutôt, les citoyens sont prêts à les payer, mais ils ne peuvent supporter les commis. Je désirerais que les officiers municipaux fussent autorisés à recevoir des abonnements; sans cela ils se verront obligés, à cause de la responsabilité à laquelle ils sont sujets, ou à user de violence, ou à abandonner leurs places; et, dans ces deux cas, les droits ne seront pas perçus.

M. Devilas demande qu'on prononce l'abolition des traites.

M. Dupont (de Nemours). Cette suppression fait partie des opérations du comité des finances et de celui des impositions. C'est d'une mauvaise régie que naît le peu d'avantages produit par les barrières des frontières. D'après le traité de commerce, l'Angleterre devait payer en traites 3,500,000 livres; elle n'a payé que 500,000 francs.

Quant à la demande de M. Buzot, j'observe que, pour toucher à des droits relatifs au produit d'une récolte, il faut attendre la récolte prochaine. On nous dit chaque jour que le peuple est disposé à payer; on dit plus, on assure que les remplacements établis sont bien au-dessous de ses offres; et puis on vient nous dire que le peuple ne voudra pas payer! Si un peuple se refusait à exécuter les décrets de ses représentants, il ne mériterait pas de former un corps politique, et ce peuple n'est pas le peuple français. Je ne souffrirai pas qu'on calomnie le peuple; il sait chaque jour ce que vous faites pour lui; il sait que si vous pouviez davantage, en ce moment, vous feriez davantage; il sait que son bonheur est votre unique désir comme votre premier devoir; il sentira que l'impôt des aides ne peut être changé qu'après la récolte; il attendra avec confiance.

M. Buzot. Le préopinant confond les droits d'inventaire avec ceux qui se perçoivent aux entrées des villes : quant aux droits d'inventaire, son observation est juste; quant à ceux qui se perçoivent à l'entrée des villes, elle cesse de l'être. Les droits ne pourraient-ils pas être modifiés ou remplacés à l'instant ?

M. Dupont. L'acheteur connaît le droit qu'il paiera à l'entrée des villes; il le fait entrer dans le prix de la vente aux consommateurs, ou bien il le déduit sur le prix qu'il a donné au propriétaire qui lui a vendu ses denrées. Ainsi le propriétaire a déjà payé pour cette année.

La proposition de M. Buzot est renvoyée aux comités des finances et des impositions. L'article 2 est adopté.

M. de Crécy propose une nouvelle rédaction des autres articles.

La priorité est accordée au comité, et les articles sont décrétés ainsi qu'il suit:

« L'Assemblée nationale, considérant que la suppression ou l'abonnement des droits de marque

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