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J'ai supposé que ces six millions pour les magistrats primairès seraient à la charge des districts; que les juges de département seraient à la charge. des départements; et enfin que les grands juges seraient payés par le Trésor national: il n'est indifférent de faire autrement. Pour cela, il faut présupposer que les districts et les départements auront des fonds propres. Ai-je eu tort de présumer tout ce qu'il est bon de faire? Je crois donc qu'indépendamment des fonds particuliers qui appartiendront aux districts, on laissera tant aux districts qu'aux départements, un intérêt proportionnel sur les impositions dont la levée leur sera confiée, etc. Il est inutile de rappeler que les Chambres de police de district et de département sont composées de membres qui tirent leurs bonoraires d'ailleurs. Mais remarquez que les deux membres du directoire de district, et les trois membres de celui de département qui appartiennent aux chambres de police, et qui sont chargés, au nom du peuple, des fonctions de ce qu'on appelle la partie publique, acquerront, outre leur traitement du dírectoire, l'éligibilité pour devenir grands juges de France.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. RABAUD DE SAINT-ÉTIENNE. Séance du samedi 20 mars 1790, au matin (1).

M. Fréteau, ex-président, ouvre la séance à 9 heures précises du matin.

La salle est fort peu garnie.

M. le Président, pour occuper les premiers instants, fait donner lecture de quelques adresses.

Les citoyens de Bordeaux témoignent, de la manière la plus énergique, la reconnaissance dont les a

aux le décret du 3 de ce mois, relatif

M. Pétion de Villeneuve. L'admiration des citoyens de Bordeaux est montée au point de ne pouvoir plus désormais ni augmenter ni diminuer. (On rit beaucoup.)

Il est donné lecture de deux autres adresses des nouvelles municipalités d'Amiens et de Châtillon-sur-Seine, contenant l'adhésion la plus entière et la plus respectueuse aux décrets de l'Assemblée nationale, et l'expression de leur amour pour le monarque citoyen qui en a réitéré la sanction avec tant d'authenticité dans la séance du 4 février dernier,

M. le marquis de Bonnay, secrétaire, fait lecture d'une lettre par laquelle le comte de Pawlet offre à l'Assemblée nationale un plan combiné sur les milices auxiliaires, les travaux publics et la police générale du royaume.

L'Assemblée ordonne l'impression et le renvoi au comité militaire. (Voy, ce document annexé à la séance de ce jour.)

M. l'abbé Gouttes, membre du comité des finances, demande la parole, pour faire, au nom

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

de ce comité, une motion tendant à augmenter la circulation du numeraire dans le commerce.

L'Assemblée ne se trouvant pas assez nombreuse pour s'occuper d'une affaire de cette importance, qui, d'ailleurs, n'est pas à l'ordre du jour, ajourne la motion.

Un de MM. les secrétaires donne lecture du procèsverbal de la séance du jeudi soir, 18 mars."

M. Andrieux. Je propose d'ajouter à l'article 1er du décret rendu dans la séance de jeudi soir, sur les bois et forêts dépendant ou provenant du domaine de la couronne, ces mots sans préjudice à la pleine et entière exécution des coupes autorisées et adjugées dans les formes légales, jusqu'au jour de la publication du présent décret. »

Personne ne s'opposant à cette addition, l'article 1or ainsi complété, est adopté.

M. Rabaud de Saint-Etienne, président, arrive et remplace M. Fréteau au fauteuil.

M. Lanjuinais propose d'ajouter à l'article 2 du même décret sur les bois et forêts le mot exploitation et de le rédiger ainsi : il sera pareillement sursis à toute permission, adjudication, exploitation de coupe, etc. Il dit que cette addition sera très utile pour conserver à la nation dans une seule abbaye pour 400,000 livres de bois et il cite ce fait le 18 décembre 1787, l'archevêque de Sens, abbé de Saint-Ouen, se fit autoriser par un arrêt du conseil à disposer d'une coupe de bois futaie de 700,000 livres dans la verte forêt qui dépend de son abbaye. Il a vendu cette coupe sans aucune formalité et il a touché près de la moitié du prix. Les officiers de la maîtrise de Rouen ont réclamé ; le parlement de Rouen a défendu la coupe par un arrêt du 5 février 1789, cassé depuis par un second arrêt du conseil qui autorise M. de Brienne à faire continuer l'exploitation et à en employer le prix en réparations et en œuvres pieuses.

M. Martineau. J'observe que l'arrêt du conseil qui a fait mainlevée des défenses portées par le parlement de Rouen, est du 20 décembre 1789. Comment ose-t-on donner de pareilles permissions dans un moment où nous sommes occupés de mettre la plus grande économie dans les dépenses? Je demande qu'il soit ordonné au département duquel émane cet arrêt, de rendre compte des motifs qui y ont donné lieu.

Plusieurs membres demandent qu'avant tout, le comité des domaines soit chargé de s'assurer du fait.

Cette proposition est adoptée et le comité des domaines en reudra compte & l'Assemblée.

L'addition proposée par M. Lanjuinais est ensuite mise aux voix et adoptée.

Par suite de ces additions, les articles 1 et 2 du décret du 18 de ce mois sur les bois et forêts sont maintenant conçus dans les termes suivants:

Art. 1. « Il sera provisoirement sursis par les apanagistes, engagistes, donataires, concessionnaires et tous détenteurs, à quelque titre que ce soit, des domaines de la couronne, et par tous échangistes dont les échanges ne sont pas consommés, à toutes coupes de futaies dans les bois et forêts compris dans les échanges non consommés, à peine de confiscation des bois coupés et de 1,000 livres d'amende pour toutes coupés audessous d'un arpent, et de 1,000 livres par arpent

pour toutes coupes excédentes, sans préjudice à la pleine et entière exécution des coupes autorisées et adjugées dans les formes légales jusqu'au jour de la publication du présent décret.

Art. 2. Il sera pareillement sursis à toutes permissions, adjudications et exploitations des coupes extraordinaires des bois dépendants d'établissements ecclésiastiques, sans préjudice à la pleine et entière exécution des coupes extraordinaires autorisées et adjugées dans les formes légales jusqu'au jour de la publication du présent décret; à la charge par les adjudicataires de verser dans la caisse de l'administration des domaines, le prix des adjudications, dont il ne sera disposé que d'après l'avis des assemblées de district et de département, ou de leurs directoires, ou pour le paiement des dépenses extraordinaires faites avant la publication du présent décret, conformément aux arrêts et lettres-patentes qui les ont autorisés, »

M. le Président fait part à l'Assemblée qu'il s'est, en exécution de ses ordres d'hier, rendu auprès du roi; qu'il a fait part à Sa Majesté de la résolution qu'avait prise l'Assemblée de lui faire, par la voie d'une députation, ses compliments de condoléance à l'occasion de la mort de l'empereur, et que le roi avait répondu qu'il recevrait cette députation demain à sept heures du soir.

L'Assemblée décide que la députation sera composée de vingt-quatre membres, dont elle laisse le choix à son président.

Ces membres sont MM. de Carondel; d'Elbhecq; de Moncorps; de Guilhermy; l'abbé Bourdon; Bouche; Larreyre; l'abbé Mougins de Roquefort; Brunet de Latuque; Guillaume; Talaru de Chalmazel, évêque de Coutances; de Crussol d'Amboise; Don Gerle; Gérard (de Bretagne); Gobel, évêqué de Lydda; Afforty; Pellerin de La Buxière; Kervélegan; Boutteville-Dumetz; Goupil de Préfeln; Camus; le marquis de Crillon; de Talleyrand, évêque d'Autun; l'abbé Gouttes.

M. le Président continuant à rendre compte de sa mission auprès du roi, annonce qu'il a remis à Sa Majesté, pour être sanctionnés, les décrets suivants :

1° Celui du 11 de ce mois qui renvoie par-devant les officiers de la sénéchaussée de Marseille, les procès criminels instruits depuis le 19 août dernier par le prévôt général des maréchaussées de Provence, contre les sieurs Jeannet, Rebecqui et autres;

2o Celui du 10, portant que les anciens consuls et assesseurs d'Aix continueront à administrer la Provence jusqu'à la formation des districts et des départements;

3o Celui du 15, sur les droits féodaux. 4° Celui du 16, qui autorise la ville de Toulouse à faire un emprunt de 300,000 livres;

5° Enfin celui du 17, portant que les biens domaniaux et ecclésiastiques, dont l'Assemblée a précédemment ordonné la vente jusqu'à la concurrence de 400 millions, seront incessamment vendus et aliénés à la municipalité de Paris, et autres qui désireront en acquérir.

M. le Président rappelle à l'Assemblée qu'elle a plusieurs élections à faire; savoir, de quinze membres pour le comité des rapports, de six pour celui de la mendicité, de six pour celui des finances, et de douze commissaires pour la vente des biens ecclésiastiques et domaniaux. Il annonce en conséquence que, sous le bon plaisir de

l'Assemblée, il lèverala séance de meilleure beure que de coutume.

M. le Président. L'Assemblée a mis à son ordre du jour divers objets que je lui rappelle. Ces objets sont :

1o Des articles constitutionnels sur les départements et les districts;

2° Une motion annoncée dans la séance précédente au sujet de l'ordre du travail;

3° Quelques articles projetés par le comité ecclésiastique, touchant les biens des religieux;

4° Les derniers articles du projet de décret sur le remplacement de la gabelle.

M. Target. Il y a quelques articles constitutionnels sur lesquels il est important de prononcer avant la formation des assemblées de district et de département. Le comité de constitution m'a chargé de vous le présenter.

M. Dupont (de Nemours). Vous avez à terminer votre décret sur la gabelle; il serait à propos de vous en occuper dans cette séance. Il ne vous reste que quinze jours pour établir vos finances de cette année; il faut mettre au courant les dépenses extraordinaires de 1790, et rendre manifeste la solidité des fonds extraordinaires. On a mis un grand talent à prouver que ces fonds sont nuls et de portent sur rien. Il importe à votre salut de démontrer le contraire. Je demande qu'on n'interrompe plus le travail des finances quand on aura statué sur les décrets que le comité de constitution va vous présenter.

M. Martineau. La rareté du numéraire est un objet relatif aux finances. Je prie l'Assemblée de m'indiquer le moment où je pourrai lui faire part de quelques idées sur cette matière.

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(Cette rédaction est adoptée unanimement.)

M. Target. Votre comité reçoit depuis deux mois les leçons de l'expérience; elles lui ont fait connaître les dangers de l'égibilité des receveurs et trésoriers dans les anciens pays d'Etats: il s'est élevé à ce sujet un grand nombre de réclamations. Les adininistrations nouvelles sont chargées de reviser les comptes; il serait contradictoire d'y admettre les comptables, qui, par leur influence, pourraient pendant longtemps se refuser à rendre les comptes que vous avez exigés d'eux. Je propose le projet de décret suivant:

«Dans les anciens pays d'Etats, les administrateurs, trésoriers ou receveurs qui n'ont pas rendu les comptes de la gestion qu'ils ont eue dans une province, ou du maniement des deniers publics, ne pourront, avant l'arrêté de leurs comptes, étre élus membres des administrations de départements et de districts. >>

M. le marquis de Foucault. Vous ne pouvez priver les trésoriers et les receveurs de l'éligibilité; il faut exprimer simplement qu'ils seront obligés de rendre leurs comptes dans les trois mois qui suivront leur élection.

M. Camus. Il faut étendre la disposition du décret à toutes les provinces.

Le décret est adopté avec la suppression de ces mots dans les anciens pays d'Etats. ›

M. Target. Des mémoires envoyés de toutes les provinces insistent sur le costume des officiers municipaux. Votre comité a pensé d'abord ce que vous paraissez penser en ce moment, c'est-à-dire que chacun serait habillé comme il le voudrait; mais, après avoir réfléchi, nous avons reconnu que le peuple est toujours frappé par les marques extérieures, et que nous devions nous rendre aux demandes qui nous arrivent de toutes parts. En conséquence, nous vous proposons le projet de décret suivant :

Lorsque les officiers municipaux seront en fonctions, ils porteront, pour marque distinctive, une écharpe aux trois couleurs de la nation, bleu, rouge et blanc, attachée avec un nœud, et ornée d'une frange jaune pour le maire, blanche pour les officiers municipaux, et violette pour les adjoints. »

M. Mougins de Roquefort. Je voudrais qu'il n'y eût point de distinction entre les officiers municipaux.

M. le marquis de Foucault. Je consens qu'on donne l'écharpe aux officiers municipaux, si l'on donne la toge et le chaperon aux militaires.

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scrutin, et dans le même tour du scrutin selon le nombre des suffrages, ensuite le procureur et et le greffier, puis les adjoints qui siégeront séparément des officiers municipaux, en suivant l'ordre du nombre des suffrages, et, en cas d'egalité, celui de l'âge.

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« Cet ordre sera observé, même dans les cérémonies ecclésiastiques; les officiers municipaux viendront immédiatement après le clergé; cependant la préséance accordée aux corps municipaux sur les autres corps ne leur conférera aucun des anciens droits honorifiques dans les églises. (Ce décret est adopté.)

M. Target en propose deux autres, qui sont également décrétés en ces termes :

«La condition du domicile de fait, exigée pour exercer les droits de citoyen actif dans une assemblée de communauté, ou dans une assemblée primaire, n'emporte que l'obligation d'avoir, dans le lieu, ou dans le canton, une habitation depuis un an, et de déclarer qu'on n'exerce le droit de citoyen actif dans aucun autre endroit.

« Ne sont réputés domestiques ou serviteurs à gages les intendants ou régisseurs, les ci-devant feudistes, les charretiers ou maîtres-valets de labour employés par les fermiers ou métayers, s'ils réunissent d'ailleurs les autres conditions exigées..

M. Target. Le décret relatif aux fils des pères morts insolvables a donné lieu, dans les villes de commerce, à de grands débats, et même à des des haines, parce qu'il a été mal entendu; je propose de l'interpréter par un article que voici :

« Les fils, possesseurs d'une partie des biens de leur père mort insolvable, ne pourront être exclus du droit de citoyens actifs, faute de paiement de leur portion virile des dettes, qu'autant que la preuve de la discussion judiciaire des biens de leur père, et l'acte de donation du père aux fils, seront représentés : toute autre recherche est interdite. »

M. Garat l'aîné. Je crains que les termes de l'article ne soient pas assez clairs; qu'est-ce que cette preuve de la discussion judiciaire? est-il nécessaire que le père mort insolvable ait été discuté dans ses biens? Il est nombre de familles où cette discussion n'a jamais eu lieu quand les créanciers voient un peu de bonne foi, ils s'arrangent; la famille paie individuellement et cependant la portion virile n'est pas payée. Cet article paraîtra inconcevable dans nos villes de commerce. Dans le projet de décret, il n'est question que des fils, c'est-à-dire de la ligne directe; cependant plusieurs héritiers collatéraux sont recherchés comme non éligibles d'après vos décrets: il faut s'expliquer définitivement.

(Cet article est ajourné à demain.)

M. Target. Des contestations se sont élevées relativement aux limites des communautés de campagne, qui voulaient déterminer ces bornes, tantôt d'après l'étendue de la paroisse, tantôt d'après le chaumage et le pâturage, et tantôt d'après la justice. Ainsi, plusieurs communautés se croisant, les héritages se trouvent tout à la fois compris dans plusieurs rôles; il est nécessaire de pourvoir à ces inconvénients. Voici le décret que le comité croit à propos de rendre à cet égard:

"

Les limites contestées entre les communautés seront réglées par les administrations du dé

partement et du district; et à l'égard des héritages qui, par suite de prétentions respectives, sont imposés sur plusieurs rôles, les districts ordonneront la radiation des taxes sur les rôles des communautés qui ne comprendront pas les héritages dans leur territoire, ainsi que la réimposition au profit des propriétaires et fermiers, quand même l'opposition n'aurait pas été formée dans les délais portés par les anciens règlements. » (On adopte ce décret.)

M. Target. Dans plusieurs villes, les municipalités, en interprétant l'article 50 du décret qui concerne les officiers ci-devant chargés de la police, nous ont adressé des réclamations sur lesquelles il est à propos de statuer. Le comité propose de le décret suivant:

« Les juges qui avaient, soit l'administration, soit la connaissance du contentieux de la police, les conserveront tant qu'ils n'en seront pas dépossédés par les décrets sur l'organisation du pouvoir judiciaire; s'ils déclarent néanmoins abandonner ces fontions, elles seront provisoirement exercées par les corps municipaux, à la charge de se conformer en tout aux règlements actuels, tant qu'ils ne seront ni changés ni abrogés. »

M. de Lachèze propose de supprimer le mot provisoirement.

M. Garat l'aîné. Ce serait violer tous les principes, que d'adopter cet article. Depuis quand des abdications et des acceptations peuvent-elles changer l'ordre admis, et introduire un ordre provisoire? Y consentir, ce serait agir en antilégislateurs. Ces abdications ont été d'ailleurs l'effet de la peur et de la violence, ou du mépris de votre décret; et vous autoriseriez tout cela! Je ne m'arrête pas aux désordres que cela peut exciter. Si la crainte vous faisait flechir sur vos décrets, vous apprendriez au peuple un secret bien dangereux, et il s'en servirait pour se soustraire à l'autorité de vos lois. Je demande qu'on supprime la seconde partie de l'article.

M. Rewbell. Les officiers des justices seigneuriales ne résident pas la police est de tous les jours. Il faut décréter que, dans les lieux où les officiers de police ne résident pas, la police appartient aux officiers municipaux.

M. Voidel présente une rédaction conçue en ces termes :

« L'Assemblée nationale décrète que, conformément à l'art. 50 des décrets constitutionnels sur l'organisation des municipalités, les officiers municipaux exerceront les fonctions de police qui leur sont attribuées par cet article, à la charge par eux de se conformer aux anciens règlements, jusqu'à ce qu'ils aient été abrogés. »

On présente plusieurs amendements.

La motion de M. Voidel est fortement appuyée.

M. Target lit une nouvelle rédaction, dans laquelle il insère cette expression: les officiers municipaux pourront donner toute commission nécessaire, le tout à la charge de se conformer, etc. »

M. Démeunier. Afin de ne rien présumer sur l'ordre judiciaire, il faut faire une loi provisoire et non une loi absolue. Votre comité, après avoir bien examiné la manière dont on pouvait placer la police, s'en est tenu au grand principe de la

division des pouvoirs administratifs et judiciaires. Nos idées ne sont pas arrêtées, mais il pourrait paraître nécessaire de séparer de la police l'administration purement municipale. Les officiers municipaux ont dépossédé les officiers de police propriétaires de charges; ils ne le pouvaient faire sans des actes dépossessoires, et vous seals avez le droit de déposséder les municipalités, partant de vos décrets qui ne les y autorisaient pas, ont fait une chose irrégulière.

M. le comte de Mirabeau. Je ne puis pas approuver plus de la moitié de l'avis du préopinant. Il me paraît avoir évidemment raison en établissant qu'on ne doit agir que provisoirement dans tout ce qui concerne l'ordre judiciaire; mais il a oublié qu'il existe un décret qui accorde aux municipalités l'exercice de la police, indépendamment de tout arrangement d'officiers de police existant en vertu de charge.

M. Target vient de proposer d'ajouter à l'article « que les officiers municipaux pourront donner toute commission nécessaire. Si l'on a entendu leur accorder la faculté de nommer les sergents de police, c'est faire, selon l'expression de Montaigne, de grands souliers pour de petits pieds; s'il s'agit de nommer des commissaires ou d'autres officiers de police, alors la latitude est trop considérable. Je demande la modification ou là suppression de cette phrase.

(On demande la priorité pour l'article proposé par M. Voidel.)

M. Target fait quelques changements à cet article; le decret est rendu en ces termes :

«La police administrative et contentieuse appartiendra provisoirement, dès à présent et jusqu'à l'organisation de l'ordre judiciaire, aux corps municipaux, à la charge de se conformer aux rẻglements actuels, tant que ces règlements ne seront ni abrogés, ni changés. »

M. le Président fait donner lecture de tous les articles adoptés. Ils sont définitivement décrétés ainsi qu'il suit:

« Art. 1er. Les membres absents de l'Assemblée nationale ne pourront, durant la session actuelle, même en donnant leur démission, être élus membres de l'administration du département dans l'étendue duquel ils se trouveront à l'époque des élections, ni des districts qui en dépendent.

« Art. 2. Les administrateurs, trésoriers ou receveurs, qui n'ont pas encore rendu compte de la gestion des affaires de chaque province, ou du maniement des deniers publics, ne pourront, avant l'arrêté de leurs comptes, être élus membres des administrations de départements ou de districts.

« Art. 3. Lorsque le maire et les officiers municipaux seront en fonctions, ils porteront pour marque distinctive, par-dessus leur habit et en baudrier, une écharpe aux trois couleurs de la nation, bleu, rouge et blanc, attachée d'un noeud, et ornée d'une frange couleur d'or pour le maire, blanche pour les officiers municipaux, et violette pour le procureur de la commune.

« Art. 4. Les rangs seront ainsi réglés:

Le maire, puis les officiers municipaux, selon l'ordre des tours de scrutin où ils auront été nommés, et dans le même tour selon le nombre des suffrages qu'ils auront obtenus; enfin le procureur de la commune et ses substituts, que suivront les greffiers et trésoriers. Quant aux no

tables, ils n'ont de rang que dans les séances du conseil général; ils y siégeront à la suite du corps municipal, selon le nombre des suffrages donnés à chacun d'eux; en cas d'égalité, le pas appartient aux plus âgés.

Art. 5. Cet ordre sera observé, même dans les cérémonies religieuses, immédiatement à la suite du clergé; cependant la préséance attribuée aux officiers municipaux sur les autres corps, ne leur confère aucun des anciens droits honorifiques dans les églises.

« Art. 6. La condition du domicile de fait, exigée pour l'exercice des droits de citoyen actif, dans une assemblée de commune ou dans une assemblée primaire, n'emporte que l'obligation d'avoir dans le lieu ou dans le canton une habitation depuis un an, et de déclarer qu'on n'exerce les mêmes droits dans aucun autre endroit.

« Art. 7. Ne seront réputés domestiques ou serviteurs à gages, les intendants ou régisseurs, les ci-devant feudistes, les secrétaires, les charretiers ou maîtres-valets de labour, employés par les propriétaires, fermiers ou métayers, s'ils réunissent d'ailleurs les autres conditions exigées. »

« Art. 8. Les limites contestées entre les communautés, seront réglées par les administrations de district, et à l'égard des héritages qui, par suite de ces prétentions respectives, auraient été imposés sur plusieurs rôles, les administrations de district ordonneront et feront faire la radiation des taxes, sur le rôle des communautés dans le territoire desquelles ces héritages ne sont pas situés, ainsi que la réimposition au profit des propriétaires ou fermiers qui auraient payé ces taxes, quand leur opposition n'aurait pas été formée dans le délai fixé par les anciens règle

ments. »

« Art. 9. La police administrative et contentieuse sera par provision, et jusqu'à l'organisation de l'ordre judiciaire, exercée par les corps municipaux, à la charge de se conformer en tout aux règlements actuels, tant qu'ils ne seront ni abrogés ni changés. >>

Le reste des articles, ainsi que celui qui concerne les enfants des citoyens décédés ínsolvables, ont été renvoyés au comité de constitution pour être rapportés à la séance suivante.

M. le Président. Le comité de la marine est en état de faire à l'Assemblée un rapport fort important; il demande l'autorisation de le faire imprimer par avance. (Voy. à la séance du 15 avril, le rapport de M. de Vaudreuil sur les classes dé la marine.)

L'autorisation est accordée.

M. le baron de Cernon représente, au nom du comité de constitution, que beaucoup de députés n'ont point encore remis les cartes de leurs départements et les procès-verbaux de division, quoique l'Assemblée nationale ait déjà accordé plusieurs délais pour cette remise.

M, de Cazalès propose, sur cette observation, un projet de décret qui est adopté en ces termes : « Lundi prochain, pour le plus tard, les noms des députés qui n'auront pas remis au comité de constitution les cartes des départements, procèsverbaux de division et autres pièces exigées d'eux, seront inscrits sur le procès-verbal. Le roi sera supplié de donner incessamment les ordres né

cessaires pour que les assemblées administratives soient mises en activité. »

M. Malouet. Vous avez chargé des commissaires de surveiller l'envoi et l'exécution des décrets. D'après l'importance de la très prompte exécution de celui que vous avez rendu sur les colonies, nous avons vu le ministre; il nous a dit que deux vaisseaux étaient prêts à partir, mais qu'on attendait l'instruction dont l'Assemblée avait ordonné la rédaction. Je demande que cette rédaction soit hâtée.

M. Target demande qu'on envoie à la sanction les articles décrétés dans cette séance.

M. le Président. L'Assemblée reprend la suite de la discussion du projet de décret pour le remplacement de la gabelle.

M. Dupont (de Nemours). Le premier principeest d'être juste; le second est de ne pas perdre le revenu public. Il se trouve une grande variété dans l'état de la gabelle dans plusieurs provinces. Dans celles de petite gabelle, il n'y a qu'un million de diminution sur dix-neuf. Dans les provinces de grande gabelle, la perte est bien plus considérable; mais elle varie encore beaucoup. En Bourgogne, la perception de l'impôt s'est faite avec la plus grande exactitude, et le produit n'a souffert aucune diminution. Dans la direction d'Amiens, il est tombé de 160,000 livres par mois à 1,000 livres; dans celle d'Angers, de 87,000 livres à 37 livres 10 sous. Personne assurément en France n'a voulu refuser à la nation la portion dont il était redevable; tout le monde est disposé à la payer. G'est d'après cette conviction intime que nous allons proposer l'article suivant. D'après la réunion des articles 5,6 et 7 en un seul, il devient le cinquième.

«Art. 5. La contribution établie par les articles 2 et 3 pour le remplacement du produit des deux tiers de ce que le Trésor national retirait de la vente exclusive du sel, aura lieu dans le ressort des greniers par lesquels ce remplacement est dû, à compter de l'époque où ils ont été affranchis du fait des gabelles, et où l'Etat a cessé d'en retirer un revenu. »

(Cet article est adopté.)

M. Dupont (de Nemours). Les observations de M. l'archevêque d'Aix et de M. Le Chapelier ontexigé un changement notable dans l'article suivant. M. l'archevêque d'Aix a établi avec raison que le gouvernement ne doit faire aucune espèce de commerce. M. Le Chapelier a dit que le peuple ne souffrirait jamais que le sel restât entre les mains des fermiers généraux. Pressé d'un côté par la morale de M. l'archevêque d'Aix, et par la physique de M. Le Chapelier, j'ai abandonné une grande partie de l'article. Je n'ai pu abandonner cependant une des considérations qui l'avaient dicté. Vous feriez une mauvaise chose pour la nation et pour le commerce, en mettant à l'encan tous les sels; vous auriez une disette de sel en quinze jours. Pour éviter cette disette, vous êtes obligés de faire débiter à mesure des besoins, et vous trouvez l'avantage de vous assurer qu'on prévindra les renchérissements subits ainsi que la disette. La nation possède le tiers des sels en approvisionnement. Lorsque le régent fit un bail avec la ferme, on remit aux fermiers les sels des magasins de la nation. La totalité du sel actuellement

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