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les ont encouragés à recouvrer leurs droits, et qui en a été justement récompensé par le titre de Restaurateur de la liberté française; titre qui l'élève aux plus haut faîte de la gloire. Que les despotes de la terre reconnaissent enfin leur érreur; qu'ils soient convaincus par cet exemple qu'ils ne peuvent jamais être aussi grands, aussi heureux, aussi véritablement puissants qu'en renonçant à leur pouvoir despotique, et en se plaçant, comme les rois de France et d'Angleterre, à la tête d'un peuple éclairé, et de la constitution d'un gouvernement libre.

M. le marquis de Bonnay, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier matin. Il ne se produit aucune réclamation.

M. Verchère de Reffye, député d'Autun, demande la rectification d'une erreur qui s'est glissée dans le décret général sur la division du royaume.

M. Harmand, député de Château-Thierry, fait une demande du même genre.

maxime connue : Sous un bon prince, la question du fisc est toujours mauvaise, et je crois ne pouvoir la représenter à votre mémoire plus à propos que sous le règne de Louis XVI. Le souvenir de cette maxime m'autorise à vous présenter un nouvel article qu'il est de votre justice de décréter. Le Voici :

"

L'Assemblée nationale déclare que lorsque les religieux se trouveront en concours avec le fisc, ils hériteront, dans ce cas, de préférence à lui. » (Cet article est encore décrété sans discussion.) Il prend rang avant l'article précédent qui devient l'article 2.

M. Treilhard. J'ai l'honneur de vous proposer un second article, devenu le troisième par l'adoption que vous avez faite de celui de M. Boucher, et j'ose croire qu'il n'éprouvera pas plus de difficulté que le premier :

« Les religieux qui préféreront se retirer dans les maisons qui leur seront indiquées, y jouiront des bâtiments, jardins, euclos, à la charge des réparations locatives et usufruitières, et il sera, en conséquence, assigné auxdites maisons un traitement annuel à raison du nombre de religieux qui y demeureront. Ce traitement ne sera pas le même pour les religieux mendiants et pour les non mendiants; il sera proportionné à l'âge des religieux, et en tout conforme au traitement décrété pour les religieux qui sortiront de leurs maisons. L'Assemblée nationale se réserve de ré

M. Gossin, membre adjoint au comité de constitution, observe que son indisposition ne lui ayant pas permis de proposer le décret général de la division du royaume en départements et en districts, résultant des décrets particuliers, il ignore comment des erreurs pouvaient s'y être glis-gler l'époque et la manière dont lesdits traitesées; mais il se rappelle parfaitement que Château-Thierry a été définitivement décrété chef-lieu de son district, et non provisoirement; qu'en conséquence, il n'y a aucune difficulté de décréter la radiation du mot provisoirement, qui est probablement une faute d'impression.

L'Assemblée décrète cette rectification, et ordonne que le mot provisoirement sera rayé dans le décret général de la division du royaume.

La demande du député d'Autun estajournée jusqu'au moment de la présence à l'Assemblée de M. le baron de Cernon, membre adjoint au comité de constitution, qui a proposé le décret général.

M. Rabaud de Saint-Etienne, président, remplaçe M. Fréteau au fauteuil, à dix heures un quart.

L'ordre du jour appelle la discussion sur un projet de décret du comité ecclésiastique concernant diverses dispositions relatives aux religieux des différents ordres du royaume.

M. Treilhard, rapporteur. Il vous reste encore, Messieurs, plusieurs articles à décréter relativement à la suppression des moines, et au sort qui doit être fait à ceux qui sortiront de leurs cloîtres. Vous avez à prévenir les troubles que la liberté. des moines pourrait occasionner dans un grand nombre de familles. J'ai l'honneur de vous présenter à ce sujet, au nom de votre comité ecclésiastique, plusieurs articles qu'il me paraît instant de décréter :

«Art. Ir. Les religieux qui sortiront de leurs maisons pourront disposer, par donation entrevifs ou testamentaires, des biens acquis depuis la sortie du cloître, et, à défaut de la disposition de leur part, lesdits biens passeront aux parents les plus proches.

(Cet article est décrété sans discussion.)

M. Boucher. Je vous rappelle, Messieurs, cette

ments seront acquittés, et la quête demeurera alors interdite à tous les religieux. »

M. l'abbé Gouttes. Je demande, pour les moines qui resteront dans les cloîtres qu'il ne soit fait, dans la fixation de leur sort, aucuné distinction d'âge, ni de père ou de frère. Les besoins sont les mêmes pour des religieux qui vivent réunis; ils ont tous des droits égaux à la chose commune. J'ai reçu, des religieux de l'ordre de Saint-Benoît qui habitent ma province (le Bas-Languedoc), la demande expresse d'être employés par vous d'une manière utile, soit au service des paroisses, soit à l'éducation publique : des hommes qui manifestent de semblables intentions doivent tout attendre de votre justice.

M. Camus. J'appuie d'abord la motion du préopinant : j'ajoute qu'il est essentiel de retrancher, dans l'article qui vient de vous être présenté, le mot usufruitiers. Le sort que vous ferez aux moines vivant en communauté devra sans doute les mettre à portée de se charger des réparations locatives; mais je ne pense pas que ce sort puisse les mettre à portée de se charger aussi des réparations usufruitières. D'ailleurs, ces dernières réparations intéressent trop la nation pour qu'elle doive confier le soin de les faire à des hommes qui manqueraient de moyens pour les

bien faire.

M. Voidel. Je propose un autre amendement à l'article. Il me semble qu'il serait instant de fixer d'une manière déterminative le sort des moines qui voudront rester dans leurs cloîtres. Je demande donc qu'il soit stipulé, dans ce même article, que les moines rentés qui vivront en communauté auront chacun et annuellement 800 livres de traitement; les mendiants auront 600 livres.

M. Bourdon, curé d'Evaux. Il ne serait pas juste, il serait impolitique de fixer à un taux

égal le sort de tous les moines qui voudront rester dans leurs cloîtres. Il y a dans les maisons monastiques beaucoup de jeunes gens qui ne sont liés que par le vœu monacal, et qui ne le sont point par des vœux sacerdotaux ; ces jeunes gens peuvent, s'ils sont rendus à la société, devenir utiles à la société. Ils ne se rendront à la société que lorsqu'ils espéreront pouvoir y améliorer leur situation; ils ne l'y amélioreront pas comme prêtres, puisqu'ils ne sont pas prêtres: quel parti prendront-ils donc ? Celui de rester dans les couvents, d'y jouir d'un sort honnête, et d'y mener constamment une vie oisive. L'Assemblée nationale n'a sûrement pas l'intention de protéger l'oisiveté. Je demande donc qu'il soit fait une distinction dans le sort à faire aux moines-prêtres et à ceux qui ne le sont pas.

M. de Bonnal, évêque de Clermont. Les moines qui resteront dans les cloîtres doivent être mieux traités par vous que ceux qui en sortiront. Ils auront le mérite d'avoir été fidèles à leurs engagements, et vous devez applaudir leur conduite. Vous devez donc leur laisser de quoi vivre d'une manière décente, par cela même qu'ils auront des dépenses de culte dont leurs confrères sécularisés cesseront d'être chargés. Ces différentes réflexions me déterminent à demander expressément que les moines qui resteront dans leurs cloîtres obtiennent un traitement plus fort que ceux qui les abandonneront.

(On demande à aller aux voix sur les amendements.)

M. le Président (d'après la demande de M. Camus). Supprimera-t-on ou ne supprimerat-on pas de l'acte le mot usufruitières?

L'Assemblée décide l'affirmative.

L'amendement de M. l'abbé Gouttes est divisé. L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la première partie, ainsi conçue : Sans distinction d'âge et sans aucune différence entre les pères et les frères.

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La seconde partie de l'amendement est décrétée dans la formule suivante; « Après ces mots : à la charge des réparations locatives, seront ajoutés ceux-ci, et des frais du culte, excepté dans les églises paroissiales. »

M. l'abbé de Pradt. Je propose d'ajouter à l'article que les moines qui vivront en communauté jouiront du mobilier qui existe actuellement dans leurs maisons, tel qu'il a été constaté par leur déclaration, en vertu du décret que l'Assemblée a rendu à ce sujet. »

M. Camus. Je propose un sous-amendement, et le voici que néanmoins ils ne jouiront qu'en qualité de dépositaires de tous les ornements du culte, à la charge de les exhiber aux municipalités toutes les fois qu'ils en seront requis. »

M. Target. Je demande que ce sous-amendement soit étendu au mobilier.

M. Treilhard. Il est inutile, Messieurs, que Vous vous occupiez de cet objet; je dois vous proposer deux décrets, dont l'un aura pour but de déterminer l'époque à laquelle devront être payées les pensions; l'autre est relatif à la conservation de tout le mobilier; il ne faut pas prononcer sur les amendements qui vous sont proposés sans avoir entendu la lecture de ces deux articles,

M. Treilhard fait lecture de ces deux articles (On revient à l'amendement de M. Voidel.)

M. Voidel. Je réponds à toutes les observations qui ont été faites contre l'amendement que j'ai proposé. Les moines qui resteront dans les cloîtres doivent, dit-on, obtenir un traitement supérieur à celui de ceux qui en sortiront. Ceux qui resteront dans les cloîtres auront l'esprit de leur état: or, quel est essentiellement l'esprit de l'état religieux? C'est celui de la désappropriation. Si vous donnez aux moines qui resteront en communauté au delà de leurs besoins, et quels sont leurs besoins Victum et vestitum..... (Il s'élève des murmures dans le côté droit de la salle.) Il est étonnant que j'éprouve autant de défaveur quand je retrace les obligations religieuses dans une assemblée où il y a tant de prélats catholiques. Si, dis-je, vous leur donnez au delà de leurs besoins, l'Assemblée nationale aura produit un effet contraire à celui qu'elle a voulu produire ; je veux dire qu'elle aura la première porté les moines à devenir infidèles au vou qu'ils ont formé. Je reviens, et je dis que la pension que je propose pour les religieux en communauté leur suffira ou ne leur suffira pas si elle leur suffit, vous ne leur devez rien de plus; si elle ne leur suffit pas, ils ont la liberté de s'occuper d'une manière honorable et lucrative : dans les deux cas, mon amendement doit être adopté.

M. Dufraisse-Duchey répond aux observations de M. Voidel et fait valoir les raisons déjà données par M. l'évêque de Clermont.

M. Mayet, curé de Roche taillée, présente des vues qui se rapportent surtout à l'emploi des biens ecclésiastiques.

M. le Président. L'orateur n'est pas dans la question qui est en ce moment discutée.

M. Mayet renonce à la paroie. (Voy. son discours annexé à la séance de ce jour.)

M. Buzot. Le but de l'Assemblée, quand elle a prononcé qu'elle ne reconnaîtrait plus les vœux monastiques, était de détruire l'existence de ces corporations religieuses qu'elle regardait comme impolitiques et dangereuses. Accorder aux moines qui voudront profiter du bénéfice de la loi qui les autorise à rester dans leurs maisons un traitement supérieur à ceux qui profiteront du bénéfice de la même loi qui les autorise à en sortir, ce serait manquer le but que se sont proposé les législateurs; ce serait, pour ainsi dire, ordonner aux moines de demeurer dans leurs cloîtres, car l'homme est toujours disposé à conCette server son lien quand il a trouvé le bien. seule considération me détermine à penser que l'amendement de M. Voidel doit être adopté, et je l'adopte pour mon comple.

M. le duc de Liancourt, Il me semble qu'on a quelquefois envisagé l'amendement de M. Voidel comme une question constitutionnelle. Je pense qu'il ne doit être envisagé que comme une question économique. Or, dépense-t-on davantage quand on vit en communauté que lorsqu'on vit isolément? Je réponds non, et je conclus à ce que l'amendement soit adopté.

(La discussion est fermée.)

On fait lecture de l'amendement; il est conçu en ces termes : « La pension de chaque religieux

des ordres rentés qui voudra vivre dans le cloître sera fixée à 800 livres, et celle de chaque religieux des ordres mendiants à 600 livres. »

La question préalable est demandée sur cet amendement, et mise aux voix par assis et levé.

M. Je Président. L'Assemblée a décrété qu'il y avait lieu à délibérer.

(Tout le côté droit de la salle réclame contre ce décret, et demande l'appel nominal.)

M. le Président. J'ai prononcé ce décret, non seulement d'après ce que j'ai cru voir, mais encore d'après l'avis de presque tout le bureau. Le bureau est composé de six secrétaires, et cinq ont cru avec moi que l'Assemblée avait décrété qu'il y avait lieu à délibérer. Cependant l'appel nominal est demandé, il va être fait.

M. le marquis de Bonnay. La question était de savoir s'il y avait lieu à délibérer sur l'amendement de M. Voidel. Cette question préalable a été mise aux voix. L'épreuve a paru douteuse; l'appel nominal a été réclamé. Je demande qué l'appel nominal soit fait, non sur la question préalable, mais sur l'amendement lui-même.

La proposition de M. le marquis de Bonnay est adoptée. L'amendement est relù, et l'appel nominal commencé.

On procède à l'appel nominal. L'amendement de M. Voidel est rejeté.

La discussion est reprise.

M. Moreau, député de Touraine. Je propose de supprimer de l'article le mot enclos.

M. Treilhard. Lorsque le comité a proposé de donner aux religieux qui préféreront rester dans leurs maisons la jouissance des enclos qui en dépendent, il pensait que ces religieux seraient assujettis aux réparations usufruitières; mais comme vous venez de le juger différemment, je crois répondre aux vœux du comité en me joignant à l'auteur de l'amendement.

M. Martineau. Il y aurait des inconvénients à adopter l'article purement et simplement. Dans certaines maisons, l'enclos est de fort peu d'étendue; dans d'autres, au contraire, il est très considérable... Il ne faut pas confondre les jardins avec les enclos. Il serait indécent de chercher à priver les moines de leurs jardins pour en retirer du bénéfice. Mais il y a tel enclos qui vaut jusqu'à 10, 15 et 20,000 livres de rente.

Plusieurs voix : Cela est faux!

M. Martineau. Je n'entends pas dire que tous les enclos vaillent 20,000 livres; mais je dis qu'il y en a d'une très grande valeur. Je pourrais citer, par exemple, le clos de Vougeot, en Bourgogne. Je propose donc, par sous-amendement, d'ajouter à l'article, que les religieux auront la jouissance des enclos attenant à leurs maisons, à la charge d'en déduire le produit sur leurs pensions, d'après l'estimation des assemblées de département.

Dom Gerle. Il est étonnant que, d'après les pensions modiques qu'on a accordées aux religieux, on veuille encore faire des difficultés pour leur donner une jouissance très légère. Ce n'est point une opération de finances, mais un acte de justice, que vous avez voulu faire en rendant aux inoines leur liberté. Laissez-leur donc un honnête nécessaire. Observez que les pauvres n'oublieront

pas ces maisons où ils étaient accoutumés à recevoir des secours; n'oubliez pas que ce sera tou-jours où l'on demandera l'hospitalité, qu'il y faut des chambres garnies, du linge et un certain nombre de domestiques. D'après toutes ces considérarations, que je vous prie de peser dans votre sagesse, je demande que l'amendement et le sousamendement soient rejetés.

M. Charles de Lameth. Sans prétendre soupçonner les intentions du préopinant, qui a tant de fois donné des preuves du patriotisme le plus pur, il me semble que ses raisons ne sont pas du tout concluantes. Il s'agit d'avoir toujours devant les yeux la grande question; car, si nous faisons des fautes dans les détails, nous devons craindre que le gage précieux de la nation ne nous échappe.

M. Target. Je pense que si vous accordiez aux religieux la jouissance d'un enclos, s'il y en avait un attenant à leurs maisons, ce serait établir parmi eux-mêmes de grandes disproportions, puis que là où serait un enclos de 1,200 livres, la répartition de cette somme serait une faveur particulière aux religieux de la maison, et que trois religieux seulement pourraient conserver cette jouissance.

M. l'abbé Cayla de La Garde. Il est au-dessous de la loyauté française de mesurer à la toise le terrain des individus dont vous possédez tout le bien; écartons donc par la question préalable un amendement aussi minutieux.

M. de Cazalès. L'observation de M. Target n'est pas juste, puisque, par un de vos décrets, vous avez ordonné que lorsqu'il n'y aurait pas dans les naisons un nombre suffisant de religieux, ils seraient réunis à d'autres maisons. En abolissant les vœux monastiques, vous avez voulu faire un acte d'humanité et de bienfaisance; mais votre intention n'a pas été de traiter ceux qui apostasieraient plus favorablement que ceux qui resteraient fidèles à la règle à laquelle ils se sont consacrés. Si l'amendement était adopté, il n'en résulterait pour vous qu'un lucre bien peu précieux. L'objet n'est pas assez important pour que vous vouliez vous donner les torts d'une rigueur déplacée; laissez aux religieux des enclos qui sont plutôt de pur agrément que d'aucune utilité.

M. Dubois de Crancé. Je propose de mettre, au lieu d'enclos, « jardins et vergers attenants ».

M. Prieur. On n'est embarrassé que parce qu'on donne trop d'extension au mot enclos. Vous avez voulu attacher quelques douceurs aux habitations des moines; par enclos, vous avez entendu, non pas le terrain dans lequel il y a des maisons construites, mais les enclos dans lesquels sont les fruits nécessaires à leur consommation. L'amendement de M. Dubois de Grancé est le plus sage de tous, mais il est encore trop grave. Il faut dire pour plus de précision, « les enclos qui n'excéderont pas quatre arpents ».

Plusieurs personnes demandent encore la parole; d'autres demandent qu'on ferme la discussion. L'Assemblée déclare que la discussion est

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fermée.

M. de Beauharnais propose, par amendement, que les religieux dans les villes soient restreints avec leurs pensions aux jardins el pota

gers, et que, dans les campagnes, on leur laisse en outre les enclos, quand ils n'excéderont pas six arpents.

M. l'abbé Dillon propose d'ajouter, après les mots six arpents », ceux-ci, « mesure de Paris ».

Ces deux amendements, mis aux voix, sont adoptés.

L'article, ainsi amendé, est décrété comme il suit:

«Les religieux qui préfèreront se retirer dans les maisons qui leur seront indiquées jouiront, dans les villes, des bâtiments à leur usage et des jardins potagers; dans les campagnes, ils auront en outre l'enclos y attenant, lorsqu'il n'excédera pas six arpents, mesure de Paris; le tout sous la charge des réparations locatives et des frais de culte divin, excepté pour les églises paroissiales.

"Il sera en outre assigné auxdites maisons un traitement annuel, en raison du nombre de religieux qui y résideront: le traitement ne sera pas le même pour les religieux mendiants et pour les religieux nou mendiants; il sera proportionné à l'âge des religieux, et en tout conformément au traitement décrété pour les religieux qui sortiront de leurs maisons.

L'Assemblée nationale se réserve de déterminer l'époque et la manière dont les traitements alors seront acquittés. La quête sera interdite à tous les religieux. »

M. Duval d'Eprémesnil propose d'envoyer au roi et à la reine une députation pour complimenter Leurs Majestés sur la mort de l'empereur et leur témoigner la sensibilité de l'Assemblée nationale sur cet événement.

Cette motion est adoptée à l'unanimité.

M. le Président est chargé de se retirer dans la journée, par devers le roi, pour demander quel jour et à quel moment Sa Majesté pourra recevoir cette députation.

La séance est levée à trois heures du soir.

ANNEXE

A la séance de l'Assemblée nationale du 19 mars 1790.

Opinion de M. Mayet, curé de Roche taillée, député de Lyon, sur l'emploi des biens ecclésiastiques (1).

Messieurs, l'Assemblée nationale, depuis qu'elle est en activité, s'est imposé la tâche glorieuse, mais pénible, d'atteindre pour les réformer les abus de tout genre, qui, par le laps des années, l'impéritie ou l'infidélité des agents de l'administration avaient jeté de profondes racines dans toutes les parties politiques de ce vaste empire, et semblaient encore, il n'y a guère, vouloir s'y éterniser pour en consommer la ruine.

Au milieu des travaux difficiles auxquels vous vous êtes livrés jusqu'à ce jour, avec un zèle si persévérant, vous n'aviez pu, Messieurs, porter sur le clergé de ce royaume, et sur les besoins de ses membres, qu'un coup d'oeil général, qui,

(1) Ce document n'a pas été inséré au Moniteur. 1re SÉRIE, T. XII.

embrassant dans leur ensemble toutes les parties de l'administration temporelle de l'Eglise, ne nous avait pas permis, faute de temps ou d'instruction suffisante, d'entamer sur ce point aucune opération de détail, bientôt cet objet important sera soumis à votre sagesse, et c'est un devoir pour moi d'y rappeler pour un instant votre attention.

La majesté du culte catholique d'autant plus cher à la nation française, que son établissement dans les Gaules, remonte à des temps bien antérieurs à la fondation de cette monarchie, l'entretien des temples, la décoration des autels, le soulagement des pauvres, la subsistance des ministres de l'Eglise, tels sont, Messieurs, les grands objets sur lesquels vous aurez successivement à prononcer.

Sans doute, l'examen le plus approfondi, les vues les plus judicieuses, par conséquent les mieux appropriées au bien général, présideront au décret qui va régler de si grands intérêts et j'aurais à me reprocher si je pensais qu'il fût nécessaire aujourd'hui de faire entendre en leur faveur la voix de la religion, d'invoquer dans cette cause les sentiments de votre justice et de votre humanité.

L'ancienne administration du clergé vous a paru si vicieuse dans le partage des biens ecclésiastiques, et jusqu'à un certain point dans leur emploi, que vous avez mieux aimé anéantir totalement ce régime défectueux, que de chercher à le réparer, en y appliquant les règles d'une réforme, dont il vous a paru n'être plus susceptible.

Je n'examinerai pas, Messieurs, jusqu'à quel point les circonstances, et peut-être des passions particulières, ont amené cette étonnante révolution dans le régime administratif du clergé; je ferai seulement preuve de ma soumission sincère aux décrets de l'Assemblée nationale, en ne lui proposant sur l'emploi des biens ecclésiastiques, que des vues à peu près conformes aux principes qu'elle a consacrés.

Mais il me semble que, pour procéder avec méthode dans une matière qui présente de si grands détails, il est indispensable d'embrasser, dans un plan général, toutes les parties du régime économique du clergé, de bien connaître d'abord, de fixer avant tout, la masse totale de ses revenus et l'étendue de ses charges; de descendre ensuite par degré, et d'appliquer à chacun des titulaires de bénéfices ou des établissements ecclésiastiques des moyens de subsistance, honorables, suffisants et assurés.

Je commence par examiner les ressources que nous offrent les biens du clergé; je passerai bientôt aux dépenses que ses besoins exigent.

Avant le décret fameux du 4 du mois d'août dernier, le clergé jouissait du produit des dimes, du revenu de ses propriétés territoriales et de la contribution du casuel, ce dernier article spécialement affecté aux pasteurs des paroisses; par un motif dont le principe ne saurait être assez loué, puisqu'il vous était inspiré par le désir de soulager les peuples, vous avez déclaré abolies les dimes, et cette portion du casuel dont avaient joui jusqu'alors les curés de la campagne; de manière qu'aujourd'hui ce n'est guère que dans le produit des propriétés territoriales du clergé, placées d'ailleurs dans la disposition de la nation par le décret du 2 novembre, qu'il faut essayer de trouver des ressources, pour fournir avec dignité aux dépenses du culte national, et à la subsistance de ses ministres.

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Mais je n'ai pas de peine à me persuader, Messieurs, et je pense que vous serez bientôt convaincus vous-mêmes, que cette dernière portion des revenus ecclésiastiques, quelle que soit l'évaluation que vous en fassiez, pourvu qu'elle ne passe pas les bornes de toute vraisemblance, sera de beaucoup et peut-être plus que de moitié insuffisante pour remplir l'objet auquel vous l'avez destinée; qu'il est indispensable ou de rétablir les dimes telles qu'elles ont été perçues jusqu'ici, ou d'en remplacer le produit par une taxe pécuniaire et équivalente sur les peuples; je suis tellement convaincu de la nécessité de revenir à ce moyen, qu'il formera le premier article de nos ressources, dans le calcul des revenus ecclésiastiques que je vais avoir l'honneur de soumettre à votre examen.

Le roi, dans sa réponse à l'Assemblée nationale, le 18 septembre dernier, évalue le produit total des dimes ecclésiastiques, de soixante à quatrevingts millions; quelques membres de cette Assemblée, d'après des renseignements particuliers, et qui paraissent être d'un grand poids dans leur esprit, imaginent devoir le porter à cent millions; je prends entre ces deux évaluations une moyenne proportionnelle, et je dis que le produit des dîmes ecclésiastiques peutêtre de quatre-vingts millions.

Mais si l'on ajoute à cette somme l'augmentation à laquelle se soumettront infailliblement les fermiers des dimes, si, ainsi qu'un membre de cette Assemblée vous l'a proposé, vous ne faites plus dépendre à l'avenir, du décès des titulaires la résiliation des baux à ferme, si vous en prolongez la durée jusqu'au terme de dix-huit années, au lieu de six ou de neuf, si enfin, vous supprimez ces jouissances anticipées, ces dons d'usage non compris dans le prix des baux, et connus sous le nom d'etrennes, de pots-de-vin, il n'est pas douteux que, dans ce cas, les fermiers n'étant plus astreints d'une part, à des avances, souvent à pure perte, par la mort imprévue des titulaires; de l'autre, espérant de trouver, dans la durée fixe et plus prolongée de leurs baux, des compensations avantageuses, des chances de bénéfices plus fréquentes, se prêteront aisément à une augmentation sur le prix actuel des baux à ferme des dimes ecclésiastiques; on peut l'évaluer en masse à dix millions, ce qui porterait à quatre-vingt-dix millions le produit net de toutes les dimes ecclésiastiques, ci 90,000,000.

Les biens territoriaux du clergé forment le second article de ses revenus; plusieurs ouvrages sur les finances en ont arbitré le produit à soixante millions; mais il s'élèvera certainement aussi, à un taux plus considérable, quand les baux à ferme des propriétés ecclésiastiques se trouveront débarrassés de ces clauses onéreuses et décourageantes dont j'ai parlé plus haut, qui nuisent également aux progrès de l'agriculture, et aux véritables intérêts des propriétaires; quand les fermiers assurés, surtout, d'une jouissance plus longue et non interrompue, pourront sans crainte de se voir frustrés de leurs peines et de leurs dépenses, se livrer à des défrichements, à des améliorations dont ils ne seront pas les seuls à retirer de grands avantages; alors le prix des baux ecclésiastiques augmentera d'une manière sensible, et peut-être, il n'y a pas d'exagération à fixer à un sixième ce produit d'accroissement: ce qui porterait la totalité du revenu des biens territoriaux du clergé à la somme de soixante-dix millions, ci 70,000,000.

Enfin, si l'on ajoute à ces deux articles le produit des revenus fixes de toutes les fabriques

du royaume, des agrégations, confréries, celui du casuel dans les villes et que vous estimerez peutêtre devoir conserver ou remplacer d'une manière quelconque, comme étant le seul moyen de contribuer dans les villes aux dépenses du culte public, celui enfin provenant de la réfusion, que porteront à la masse, les seigneurs propriétaires de dimes inféodées, et tenus à ce titre au paiement des portions congrues, ces différents objets réunis pourraient s'élever à la somme de vingt millions, lesquels, ajoutés au produit des dîmes et des domaines ecclésiastiques, présenteraient pour masse totale de revenu la somme d'environ cent quatre-vingts millions, ci 180,000,000.

Il faut maintenant, Messieurs, vous mettre sous les yeux l'état des charges dont les biens du clergé demeurent essentiellement grevés d'après le texte même de vos décrets; je les diviserai pour plus grande clarté, en deux sections: la première comprendra les dépenses fixes et perpétuelles qui ont pour objet le culte, et la seconde celles qui, par un décroissement graduel, finiront par s'éteindre totalement un jour.

PREMIÈRE SECTION.

Dépenses fixes et perpétuelles.

11 faut placer dans cette classe les ministres de la religion, les cathédrales, les fabriques, les séminaires, les retraites pour les anciens curés et vicaires, les reconstructions des églises et des presbytères, etc., etc.

Des ministres essentiels de la religion.

Le régime juridictionnel de l'Eglise, est composé, comme tout le monde sait, de ministres de différents grades; les uns supérieurs, les autres subordonnés; cette institution qui date de la plus haute antiquité forme la hiérarchie ecclésiastique qu'il ne peut pas être dans la volonté de l'Assemblée nationale de changer ou de détruire; les archevêques et évêques y tiennent, après le pape, le premier rang, ensuite viennent les curés qui ont sous eux des vicaires.

Des archevêques et évêques.

On compte dans le royaume cent trente archevêchés ou évêchés; ce nombre a paru trop considérable à quelques membres de cette assemblée; en effet, si l'on considère que quelques diocèses ne renferment dans leur territoire que de trente à cinquante paroisses, que près de cent n'en contiennent pas au delà de trois cents; on comprendra sans peine qu'une réduction modérée dans le nombre des archevêchés et évêchés, pourrait s'effectuer sans apporter nul dommage à l'Eglise.

L'idée de n'attacher qu'un siège épiscopal à chaque département serait heureuse, si dans la nouvelle division du royaume décrétée par l'Assemblée nationale, d'après le travail de son comité de constitution, plusieurs départements ne présentaient pas une trop grande étendue, pour ne former qu'un seul diocèse; j'estime que pour atteindre à une bonne administration ecclésiastique, la surveillance d'un évêque ne doit pas s'étendre au delà de quatre cents paroisses: il y aurait alors dans le royaume cent archevêchés ou évêchés; la France pourrait être divisée

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