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d'une haute importance. Les biens dont vous avez décrété la vente seront-ils vendus par les municipalités? Donnerez-vous aux municipalités un bénéfice dans les ventes? Vendrez-vous aux municipalités elles-mêmes? Quels seront les effets dont vous décréterez l'émission dans le public? Vous devez faire vendre par les municipalités, parce que vous avez décrété justement une vente que vous ne pouvez faire vous-mêmes. Et quels meilleurs agents que les officiers municipaux? Leur accorderez-vous un bénéfice? Il me semble qu'il serait non seulement sans inconvénient, mais bon de le leur accorder : il aura cet avantage de stimuler les agents pour accélérer les ventes. Ce bénéfice est d'ailleurs destiné à secourir les classes indigentes ces classes indigentes ont des droits sur les biens ecclésiastiques; il est donc utile et juste de leur faciliter les moyens de retrouver leurs droits. Il est utile et juste d'accorder ce bénéfice aux municipalités, parce qu'il n'existe pas une municipalité dans laquelle on n'en puisse faire une juste application: il n'en est pas où il n'y ait un grand nombre d'indigents. vous vendre aux municipalités? Celle de Paris Devezvous propose d'acquérir cette vente, et cette acquisition ne sera rien autre chose qu'une vente fictive. Or, je vous demande si vous pouvez dans ce moment vouloir faire une vente fictive? Pour vous engager à la faire, que vous dira-t-on? On vous propose des obligations écrites; on vous fait des offres de crédit. Je ne crois pas que ces offres puissent être faites à l'Assemblée nationale. Jedemande si une assemblée de Français doit être en peine d'un crédit dont elle n'a pas fait usage? (On donne, d'un côté de l'Assemblée, quelques marques d'improbation.) Je m'aperçois qu'on a devant les yeux ce que l'Assemblée à fait quelquefois à la sollicitation du ministère; on se rappelle que ce qu'elle a fait alors n'a point eu d'effet salutaire. Mais remarquez que nous avons usé notre crédit sans nous en servir; nous n'avons point fait d'opération de finances à nous, véritablement à nous; point d'opération grande, nationale. Nous avons étayé la dernière sur un crédit, je ne dirai pas chancelant, mais entièrement perdu: nous avons associé notre crédit à celui d'une caisse qui n'en avait plus.

Lorsque vous donnerez au public des gages certains en échange de l'argent qu'il vous donnera, vous aurez du crédit; vous en aurez, parce que la nation ne peut manquer de confiance dans la nation. Il s'agit aujourd'hui de créer des assignats; il s'agit de les hypothéquer sur des objets existants: pourquoi vous obstineriez-vous à croire que ces assignats n'auront pas de crédit? Je demande quels sont les effets circulant dans le public qui puissent balancer vos assignats? Si donc vous faites une émission de billets qui offrent un gage plus certain que les billets de la caisse, tout le monde préférera les vôtres à ceux-là, et vous paierez ainsi ce que le Trésor public doit à la caisse. il est impossible de ne pas croire que tous les porteurs de billets de caisse viendront les échanger contre les assignats.

Je pense donc que vous devez et que vous pouvez soutenir votre crédit sans aucun secours étranger, et que vous ne devez pas balancer un instant à répondre négativement à la question de savoir si vous étaierez votre crédit du crédit des municipalités. Je vois d'ailleurs un autre inconvénient à accepter la création des effets municipaux que vous propose la commune de Paris : vous avez décrété la vente de 400 millions de biens ecclésiastiques et domaniaux; la munici

[17 mars 1790.]

palité de Paris vous propose des obligations pour 200 millions je vous prie d'observer que si les autres municipalités du royaume ne vous font pas la même demande, vous serez obligés de créer des assignats pour 200 autres millions. Il arrivera de là que vous aurez en circulation une moitié d'effets municipaux, et une autre moitié d'effets d'une autre nature. Personne ne doute cependant qu'il faut un système général dans les finances.

Je pense donc que la vente des biens ne doit être faite ni à la municipalité de Paris, ni aux autres municipalités; je pense que les officiers municipaux doivent pourtant être les agents de ces ventes. Je propose un moyen qui me parait propre à ramener la confiance, c'est de faire vos assignats payables à ordre. On a toujours observé que, sur une place, il existe deuxsortes de papiers: le mauvais papier circule plus facilement que le bon, parce que chacun cherche à se défaire du mauvais et garde le bon. Il est donc intéressant de retirer le mauvais papier, je veux dire les billets de caisse, par des assignats, et ces assignats, dans mon opinion, devraient être à ordre, comme des billets ordinaires de commerce; ils seraient recherchés avec empressement et produiraient l'effet que vous devez en attendre.

M. l'abbé de Montesquiou. Si la commune de Paris vous avait seulement proposé de faire exécuter votre décret du 19 décembre dernier, je ne ne permettrais pas de faire une seule observation sur sa demande; mais je me crois obligé de vous rappeler vos principes, et vos principes Vous défendent d'accéder à la réclamation de la commune. Votre décret, portant la vente des biens du clergé pour 400 millions, porte aussi que ces biens ne seront vendus qu'après la désignation qui en aura été faite par les départements. Ici la désignation n'est point faite par les départements, mais seulement par la commune. Lorsque vous avez rendu votre premier décret portant l'émission des assignats, on demandait à quoi serviraient les assignats, et la réponse était qu'ils seraient pris par les créanciers de l'Etat. Cette réponse n'était-elle pas systématique? Je crois ne pouvoir la comparer qu'à un systèine des Indiens, qui, lorsqu'on leur demande sur quoi repose la terre, répondent sur un éléphant; et l'éléphant ? sur une tortue; et la tortue? n'en demandez pas davantage. Voilà, Messieurs, le tableau littéral et vrai des assignats dont on vous présente le projet. Des calculs préalables auraient dû, ce me semble, éclairer cette grande question, et, pour arriver à un résultat sûr, il aurait fallu examiner successivement de très grandes questions. Et d'abord, quels sont les biens du clergé? Quelles sont les charges du clergé? Quelles sommes seront nécessaires pour les dépenses du culte, l'entretien des ministres et le soulagement des pauvres? La commune de Paris n'a délibéré sur aucune de ces questions; elle a sculement dit : Nous vendrons, nous allons augmenter la dette; les moyens de la payer viendront quand ils pourront. Sans doute, Messieurs, il est instant que les biens du clergé soient vendus jusqu'à la concurrence de 400 millions, dont vous avez décrété la vente cette vente intéresse à la fois la nation et le clergé lui-même, qui, dans mon opinion, ne retrouvera la paix que lorsque vous aurez satisfait à votre décret; mais il faut opérer cette vente d'une manière sage et bien combinée; il ne faut pas qu'une partie des fruits de cette vente se perde dans le gaspillage, et le gaspillage est inséparable des demi-opérations.

Il me semble qu'il serait important de prendre un parti préalable sur les dimes. Vous avez décrété la suppression de la dime, vous devez en décréter le remplacement. Si on laisse les dimes aux propriétaires des terres, si on cède aux banquiers les propriétés ecclésiastiques en acquit de leurs créances, que deviendront le culte, les ministres des autels, les pauvres et les titulaires? -Ne consommez donc pas à la hâte un plan que je crois vicieux, et dont, selon moi, vous n'avez point assez calculé les conséquences. Ajournons la demande de la commune, et renvoyons aux comités des finances et ecclésiastique les questions suivantes; je les indique comme un ordre de travail : 1o Examiner la question du remplacement de la dime, qui présente un capital bien important, et sans lequel les biens du clergé ne peuvent suffire à l'entretien du culte et des ministres du culte; 2 fixer les salaires du ministre et les dépenses du culte; 3° aviser au paiement des rentiers du clergé. Je conclus, et je répète que l'examen du projet de la commune doit être renvoyé jusqu'après la solution de ces premières questions.

M. le vicomte de Toulongeon. Je demande qu'on revienne à la question qui fait l'objet de l'ordre du jour.

M. le vicomte de Noailles. J'observerai, M. le président, qu'il est question d'adopter ou de rejeter le plan de la commune de Paris. Plusieurs préopinants ont paru s'écarter de cette question. Beaucoup de gens ont parlé d'ailleurs contre le plan de la comune: je demande, d'après la marche que vous avez constamment adoptée, que quelqu'un soit entendu pour; si personne ne demande la parole pour, je la demande, et je vous supplie de me l'accorder.

M. Dupont (de Nemours). Je trouve, dans la proposition que vous a faite la commune de Paris, deux points bien importants; l'un tend à changer la situation actuelle de vos finances, l'autre à commencer un avancement effectif du papier dont Vous avez besoin pour faire sortir votre numéraire enfoui. La proposition de la commune me semble cependant prématurée. Votre comité des finances vous a présenté, dans deux différents rapports, une suite d'opérations à faire; il vous a d'abord prouvé que vous aviez la possibilité certaine de satisfaire à tous les engagements contractés pour l'année 1791. L'efficacité d'une caisse de fonds extraordinaires ne vous a pas moins été démontrée. L'embarras que vous éprouvez en ce moment naît peut-être de la négligence que vous avez apportée à fixer l'organisation de cette caisse extraordinaire. Je pense, avec M. l'abbé de Montesquiou, que vous devez vous håter de décréter le mode du remplacement des dimes. Quand les dimes ne pourraient être évaluées que comme la moitié des biens du clergé, quoique dans mon opinion elles peuvent l'être aux deux tiers, il n'en serait pas moins vrai que vous ne pourrez faire le sacrifice de 80 à 90 millions, à quoi sont évaluées les dîmes. Si vous supprimiez entièrement les dimes, il resterait un vide affreux dans les revenus, je ne dis plus ecclésiastiques, mais nationaux. Travaillez donc avec méthode; comptez sur votre crédit, et croyez que lorsqu'il sera prouvé que vous avez une recette ordinaire bien supérieure à votre dépense ordinaire, des fonds extraordinaires beaucoup au-dessus de vos dépenses extraordinaires, croyez, dis-je, que les 1 SERIE, T. XII.

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assignats dont vous déterminez l'émission obtiendront la confiance publique, celle du propriétaire comme celle des financiers. Je pense, donc, Messieurs, et ce n'est pas dans l'intention de reculer une opération utile, que vous devez adopter la série des questions qui vous a été présentée par votre comité des finances. Ce moyen est le seul d'arriver à un résultat non moins désiré que nécessaire.

M. Thouret (1). Messieurs, la délibération de l'Assemblée se prolonge et les opinions s'égarent, parce qu'on s'est trop écarté du point précis de la question. Vous avez décrété, le 19 décembre dernier, qu'il sera mis en vente une quantité de biens ecclésiastiques et domaniaux, suffisante pour former la valeur de 400 millions; il s'agit en ce moment de régler le mode de l'aliénation.

La proposition, qui vous est faite par la municipalité de Paris, d'acquérir pour 200 millions de biens ecclésiastiques, dont elle se réserve de faire la revente, donne lieu, en généralisant l'objet de cette proposition, à une seule question importante qu'il s'agit actuellement d'examiner et de résoudre. Est-il bon de vendre par grandes masses les 400 millions de biens dont vous avez décrété l'aliénation, à toutes les municipalités du royaume qui voudront en acquérir, ou vaut-il mieux que l'Assemblée nationale vende directement et en détail aux particuliers, en n'employant, soit les municipalités, soit les corps administratifs des départements, que comme ses agents et ses commissaires, pour passer les contrats en son nom?

En fixant ainsi dans ses vrais termes le sujet de la discussion, ne perdons pas de vue la difficulté des circonstances à l'instant où nous délibérons. L'embarras momentané de la finance, la lassitude de l'état pénible produit par l'absence du numéraire, voilà les obstacles qu'il faut incessamment combattre et vaincre, à peine de compromettre le salut de la chose publique. Cette considération si impérieuse écarte bien des objections qui ont été faites, et qui toutes ensemble n'étaient pas dignes d'être mises en balance avec elle.

Notre principale ressource, pour assurer le service de l'année, n'est-elle pas dans le crédit à donner aux assignats sur les biens à vendre? Il ne faut donc rien négliger de tout ce qui peut augmenter la confiance publique dans les assigoats.

Ces assignats ne seront encore que du papier ; il faut donc, pour suppléer au numéraire, ou pour le rappeler dans la circulation, saisir la combinaison qui peut favoriser davantage le placement des assignats.

Ne nous dissimulons pas que la confiance dans ces nouveaux effets dépendra beaucoup moins de l'avantage qu'ils auront d'être hypothéqués sur des biens-fonds, que de la certitude et de l'accélération du produit des ventes annoncées. Pour obtenir ce produit aussi abondamment que les besoins et l'état du crédit l'exigent, il faudrait réaliser sans délai pour 400 millions de biens ecclésiastiques et domaniaux. Il est inutile de prouver davantage ce qui a déjà été dit, et parfaitement senti, que s'il était possible de faire précipitamment des ventes aussi nombreuses, il fau drait au moins se résoudre à sacrifier la plus grande partie des valeurs mais d'ailleurs est-il

(1) La discours de M. Thouret est incomplet au Moniteur.

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aussi aisé et aussi sûr que quelques personnes feignent de le croire, que l'Assemblée nationale parvienne à consommer ces ventes, si elle les fait directement, par elle-même ou par ses commissaires? C'est là le point qui mérite le plus sérieux examen.

Plusieurs des préopinants ont dit que l'Assemblée ayant déjà décrété de vendre pour 400 millions de biens ecclésiastiques et domaniaux, il ne s'agissait plus que de désigner les objets qu'elle veut mettre en vente. Sans doute il ne s'agirait que de cela, si nous étions certains de trouver une concurrence suffisante d'acheteurs empressés d'acquérir de l'Assemblée nationale directement les biens qui sont encore dans les mains du clergé. Mais, où sont ces acheteurs, possesseurs de 400 millions, qu'aucun préjugé, aucune inquiétude naturelle ou inspirée ne retiendront, s'il s'agit de contracter avec nous, pendant le cours même de cette session, pour succéder sans intermédiaire à la possession du clergé, qu'aucune éviction antécédente n'aura dénaturée?

N'en doutons pas, l'écueil probable de l'opération est là; et la spéculation actuelle de l'antipatriotisme est de vous pousser à adopter une fausse mesure, dont les ennemis de la chose publique se flattent avec raison de rendre l'exécution illusoire. Qu'arriverait-t-il cependant, si, après avoir décrété de vendre par vous-mêmes, après avoir désigné et fait afficher les objets mis en vente, les acheteurs ne se présentaient pas? Tout le crédit des assignats serait anéanti; et si cet état de stagnation dans les ventes subsistait seulement pendant quelques mois, le mal deviendrait irrémédiable; car, quand la défiance se montre, l'effet de sa seule apparition est de compléter et d'aggraver le discrédit.

Vous éviterez cet imminent danger si vous adop tez le plan que votre comité des finances vous présente, d'après l'offre qui vous a été faite par la municipalité de Paris. Ce plan n'embrasse pas la totalité des ventes qui pourront être à faire, par la suite, des biens du domaine et du clergé; il ne s'applique qu'aux 400 millions déjà distraits par l'urgence du besoin, déjà consacrés à assurer le service de l'année, et dont il est devenu si instant de tirer parti. Ce plan n'est pas encore que par le décret que vous allez rendre aujourd'hui, Vous consommiez aucune vente particulière, mais que vous annonciez votre vœu et votre disposition de faire l'aliénation actuelle, jusqu'à concurrence des 400 millions, à la municipalité de Paris et à toutes les autres municipalités du royaume à qui il conviendra de prendre part aux acquisitions.

Ce n'est pas ici le moment d'entrer dans le détail des conditions proposées par la municipalité de Paris, et qui deviendraient communes aux autres municipalités; il suffit que personne n'ait encore osé douter que ces conditions, ou telles qu'elles sont offertes, ou telles que vous trouverez bon de les fixer définitivement, seront réciproquement favorables et à l'intérêt général de la nation et à l'intérêt particulier des communes qui acquerront. J'observerai seulement que si l'admission de toutes les municipalités, en concurrence avec celle de Paris, est utile d'une part pour assurer davantage la réalisation complète des 400 millions, elle est d'autre part conforme aux principes de la plus exacte équité. Au moment où toutes les communes du royaume se disputent à l'envi l'honneur des plus grands efforts pour le succès de la régénération, celle de la capitale, qui a déjà tant fait pour une si belle cause,

ne doit pas envier aux autres municipalités la gloire de concourir à ce nouvel acte de patriotisme; et comme il n'est pas douteux que toutes sont également appelées à partager les vicissitudes de la fortune publique, les avantages particuliers qui se trouvent attachés pour elles au traité qui leur est proposé, ne peuvent être enlevés qu'à celles qui auront refusé d'y participer,

Fixons maintenant notre attention sur les heureux effets du projet de vendre aux municipalités, qui pourront revendre ensuite aux particuliers.

Le premier effet sera d'exproprier le clergé; car les municipalités étant capables d'acquérir, et n'étant dans notre système politique que comme de simples individus, il s'opèrera une véritable mutation de propriété. Dans les circonstances où nous sommes, ce sera déjà un grand pas de fait que cet exemple à jamais célèbre de la disponibilité des biens ecclésiastiques réalisée par la nation qui a connu ses droits.

Le second effet sera d'exciter ou d'affermir la confiance des particuliers: combien de personnes ne traiteront pas avec plus de sécurité, lorsque les biens ecclésiastiques ne leur parviendront que par cet intermédiaire, après une mutation qui aura purgé leur première nature, et lorsqu'elles obtiendront, outre la garantie nationale, la garantie immédiate de la commune qui leur aura vendu!

Le troisième effet sera d'accélérer les ventes particulières, et par elles la rentrée des fonds applicables à l'extinction des assignats. Cette accélération si essentielle à la renaissance du crédit s'opérera, tant par le mouvement imprimé à l'opinion publique sur la solidité des ventes, que par le zèle què les municipalités ne pourront pas manquer de mettre au succès de l'opération, et par esprit de patriotisme, et parce qu'elles y seront particulièrement intéressées.

Le quatrième effet sera d'établir, par cette grande et prompte réalisation de la masse entière des 400 millions, le fondement le plus solide qui Vous ait encore été indiqué d'un papier, qui, après avoir fait disparaître celui de la caisse d'escompte, disparaîtra bientôt lui-même, et dédommagera dans l'intervalle ceux qui l'auront reçu par la jouissance de l'intérêt qui y sera attaché.

Combien ceux qui n'ont voulu voir dans un projet si grandement conçu qu'une spéculation financière, et qui n'y ont supposé que l'idée mesquine de vouloir substituer le crédit municipal au crédit national, doivent regretter de l'avoir si mal jugé! Il tient bien plus à la constitution qu'à la finance par son objet essentiel, qui est de faciliter et d'assurer l'exécution du décret constitutionnel sur la disposition de biens ecclésiastiques.

Ne craignons pas que les municipalités qui se forment puissent être en butte à des soupçons désavantageux, lorsqu'elles s'adjoindront dans une circonstance aussi importante que celle-ci au succès d'une opération que vous aurez approuvée, comme essentiellement utile au salut de la chose publique, et lorsque vous aurez provoqué vous-mêmes par un motif aussi pur leur secours et leur intervention,

Ne nous effrayons pas davantage du danger de confier à une administration collective la gestion des biens, en attendant qu'ils puissent être tous vendus. Si, au lieu de vendre aux municipalités, l'Assemblée nationale voulait vendre par ellemême, il faudrait de même qu'elle pourvût à la gestion; les monastères vont être abandonnés, il restera plus de biens sans administrateurs, que

les ventes les plus rapides n'en pourraient faire sortir de vos mains; il est enfin nécessaire, pour appeler la confiance, que tous les détenteurs ecclésiastiques des biens à vendre, soient avant tout dépossédés. Dans cette position comme dans l'autre, l'objection serait la même sur le fait de la gestion. Il n'en résulte qu'un motif de plus pour préférer le parti qui confiera cette gestion aux municipalités personnellement intéressées, et qui, d'ailleurs, en hâtera le terme en accélérant les ventes.

Si quelques opinants ont pensé qu'il serait bon de n'employer les municipalités, ou même les administrations de département et de district, que comme de simples agents pour faire les ventes, ils n'ont pas réfléchi que cette idée est destructivé de tout ce que le projet proposé a de plus avantageux. Ce n'est pas d'agents pour vendre au nom de la nation qu'il s'agit ici, c'est d'acquéreurs qui achètent directement de la nation. Les municipalités peuvent acheter et revendre comme individus; les Corps administratifs, membres de l'administration générale, et ministres de l'autorité gouvernante, ne le peuvent pas. Il serait possible qu'ils vendissent au nom de la nation et pour elle, mais il ne l'est pas qu'ils établissent une propriété intermédiaire entre la nation et les particuliers.

Le bénéfice que les municipalités seraient assurées de faire, d'un seizième au moins dans les produits des ventes, est juste sous deux rapports: 1° parce que ce sont les villes qui vont principalement souffrir de la gêne et de l'embarras du papier; 2o parce que leurs finances déjà épuisées par une mauvaise administration, ont été ruinées cette année par et pour la Révolution. Or, il est devenu nécessaire à la chose publique de rétablir, par quelque voie que ce soit, leurs moyens de service, pour qu'elles puissent remplir les vues d'utilité générale qui ont motivé leur constitution actuelle. De toutes les manières d'y parvenir, la meilleure est sans doute celle qui liera leur intérêt très actif sur cet objet à l'intérêt national de l'opération actuelle, et qui fera trouver, dans les accroissements de bénéfice que leur zèle et leur intelligence pourront procurer, le dédommagement de la portion qui leur sera abandonnée.

En deux mots, toutes les objections futiles qui ont été faites, et qu'il serait trop long de réfuter en détail, s'anéantissent devant cette considération décisive. Si vous n'admettez pas les municipalités à acquérir par grandes masses, il ne restera plus que les particuliers pour acheter individuellement; le désavantage et les dangers de vouloir traiter avec eux de cette manière me paraissent démontrés, et ce n'est pas au pire de tous les partis que vous donnerez la préfé

rence.

Je me résume. L'utilité du projet proposé est supérieure à ses inconvénients; j'y vois même quelques avantages qui ne se rencontreraient pas dans tout autre plan. Il est très instant de faire tout ce qui peut soutenir la confiance et calmer les fausses inquiétudes. Sur cela, vous ne pouvez plus rester sans agir, ni négliger ce qui est bon dans l'attente du mieux, qui ne sera peut-être pas trouvé ou qui le serait trop tard. C'est la contradiction qu'un aussi bon plan a éprouvée, qui m'a mis sur la voie de démêler que, sous un grand rapport, l'intérêt même qui anime ses plus chauds adversaires est précisément la raison déterminante de l'adopter. Je l'adopte donc, parce que je suis certain que les moyens par lesquels on peut espérer de détourner encore quelque temps les particuliers d'acheter les biens

ecclésiastiques échoueront contre les municipalités, et s'anéantiront ensuite dans l'esprit des particuliers, quand les municipalités, ayant acheté et possédé, proposeront les reventes.

(Le discours de M. Thouret est vivement et presque unanimement applaudi.)

M. le vicomte de Mirabeau. Le plan de la commune de Paris est, selon moi, l'institution financière la plus dangereuse et la plus dommageable au crédit public; et c'est là ce que je vais prouver, si je le peux. Les officiers municipaux qui ont présenté ce plan ne sont qu'une organisation éphémère à la veille d'être changée; ils n'ont aucune autorisation pour présenter ce plan. - Avant de le discuter, il faut savoir si les districts l'ont adopté. Le traité projeté avec la municipalité n'est point un contrat synallagmatique, et ne porte point le caractère d'une vente, puisque cette vente ne serait que fictive, et qu'elle n'équivaudrait qu'à une simple procuration pour aliéner ou régir. Cette vente ne serait pas suivie d'une tradition de fait, et l'inconvénient qui en résulterait serait d'alimenter l'agiotage, etc. Je conclus de ces différentes réflexions, qu'il ne doit pas y avoir lieu à délibérer sur le plan de la commune.

(On demande que la discussion soit fermée.)

M. Laborde de Méréville. J'ai commis une erreur: j'ai cru que la circulation des billets proposés par la municipalité serait forcée: mes observations sur le papier forcé tombent d'ellesmêmes.

(La discussion eat fermée.)

M. le Président annonce qu'il vient de recevoir une lettre des députés extraordinaires du commerce. Un de MM. les secrétaires en fait lecture.

« Nous sommes instruits que l'Assemblée nationale s'occupe d'un plan présenté par le bureau de la ville... Pleins de respect et de confiance dans la sagesse de l'Assemblée, nous ne nous permettrons aucune réflexion sur l'émission d'une espèce de papier-monnaie dans tout le royaume: nos observations porteront uniquement sur la distribution des intérêts par des primes. Nous craignons que les capitalistes de province ne refusent de s'en charger; ils aiment retirer de leurs fonds des revenus fixes. Ce mode ne convient qu'aux capitalistes de Paris, qui peuvent courir des hasards et sont accoutumés à l'agiotage. Le meilleur moyen d'assurer le succès des assignats est de leur donner des intérêts fixes et indépendants du hasard... »

La discussion est reprise article par article.

M. Delley d'Agier propose par amendement à l'article premier, qu'au lieu de ces mots; principales municipalités, il soit dit: municipalités du royaume.

Il demande ensuite que la double base, proposée par la commune de Paris, n'opère pas l'ouverture d'un double droit,

Enfin, il fait la motion de supprimer le préambule du décret.

Cet amendement est mis aux voix et adopté. Un membre propose, à la suite du mot municipalités, d'ajouter: duement autorisées par les départements.

Un autre membre sous-amende cet amendement en proposant de le compléter par ces mots : le tout sous la surveillance, et d'opérer les instruc

tions des assemblées de département, conformé ment au décret du 2 décembre.

La question préalable demandée sur l'amendement et le sous-amendement est mise aux voix et adoptée.

M. Delley d'Agier, sur le second article, propose de nommer des commissaires pour correspondre avec les municipalités et quatre autres commissaires pour veiller à l'estimation des biens situés dans l'étendue de la municipalité.

Plusieurs membres soutiennent que cette double commission n'est pas admissible.

L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à déli

bérer.

M. Démeunier propose de nommer dans l'Assemblée huit commissaires pour correspondre avec les municipalités sur l'exécution du décret.

M. Fréteau propose de porter à douze le nombre des commissaires, ce qui est adopté.

M. Dupont (de Nemours) demande qu'au lieu de ces mots aux clauses, charges et conditions arrêtées dans le plan de la municipalité de Paris, il soit dit aux clauses et conditions qui seront définitivement adoptées.

L'article 4 est fondu dans l'article 2, qui est adopté ainsi que les articles 3 et 5, ce dernier devenant l'article 4.

Lecture faite de tous les articles votés, l'Assemblée rend le décret suivant.

L'Assemblée nationale décrète :

1° Que les biens domaniaux et ecclésiastiques, dont elle a précédemment ordonné la vente, par son décret du 19 décembre, jusqu'à la concurrence de 400 millions, seront incessamment vendus et aliénés à la municipalité de Paris, et aux municipalités du royaume auxquelles il pourrait convenir d'en faire l'acquisition;

« 2° Qu'il sera nommé à cet effet par l'Assemblée douze commissaires pris dans toute l'Assemblée, pour aviser, contradictoirement avec les membres élus par la municipalité de Paris, au choix et à l'estimation desdits biens, jusqu'à la concurrence de 200 millions demandés par ladite inunicipalité; que l'aliénation définitive desdits 200 millions de biens sera faite aux clauses et conditions qui seront définitivement arrêtées ; en outre, à la charge par la municipalité de Paris, de transporter au susdit prix de l'estimation, telle portion desdits biens qui pourrait convenir aux autres municipalités, aux mêmes clauses et conditions accordées à celle de la capitale;

"

3. Qu'il sera rendu compte préalablement, par les commissaires, à l'Assemblée nationale, du résultat de leur travail, et de l'estimation 'des experts, dans le moindre délai possible;

4.Que, nonobstant le terme de 15 anuées porté dans le plan, les commissaires de l'Assemblée nationale s'occuperont des moyens de rapprocher le plus possible les échéances de remboursement de la liquidation générale des biens domaniaux et ecclésiastiques, dont la vente a été décrétée ; et pour y parvenir plus efficacement, l'Assemblée nationale ordonne que, sous l'inspection desdits commissaires, les municipalités qui acquerront lesdits biens domaniaux et ecclésiastiques seront tenues de inettre sans retard lesdits biens en vente au plus offrant et dernier enchérisseur, dans les délais prescrits, dès le moment qu'il se

présentera quelque acquéreur qui les portera au prix fixé par l'estimation des experts. >

M. le Président lève la séance à 4 heures.

ASSEMBLEE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. RABAUD DE SAINT-ÉTIENNE. Séance du jeudi 18 mars 1790, aumatin. (1).

M. Fréteau, ancien président, occupe d'abord le fauteuil et ouvre la séance à 9 heures précises du matin.

M. Gossin, l'un de MM. les secrétaires, fait la lecture de plusieurs adresses d'adhésion et de félicitation:

1° De la municipalité de Cany au pays de Caux; 2o De celle de la ville de Commercy, contenant la nomination de ses officiers, et des assurances de dévouement et de patriotisme;

3. De la municipalité de la ville de Coutances, qui exprime d'une manière touchante des sentiments d'amour et de reconnaissance pour le roi et pour l'Assemblée nationale;

4° Du corps municipal de la ville d'Aix, dont les expressions, comme toutes les adresses précédentes, annoncent un amour sincère pour l'Assemblée nationale et pour le roi, et un dévouement sans bornes au maintien de la constitution; 5. Des officiers des milices d'infanterie et de cavalerie nationale de la ville de Pont-Audemer, lesquels expriment les mêmes sentiments.

M. Gossin donne ensuite lecture du procèsverbal de la séance d'hier. Il fait remarquer sur l'article 4 du décret rendu sur le mémoire de la ville de Paris, que ces mots nonobstant le terme de 15 années porté dans le plan de la municipalité de Paris, sont inutiles et présentent un mauvais sens. Il propose une autre rédaction qui est dé

crétée en ces termes:

Art. 4. Les commissaires de l'Assemblée nationale s'occuperont des moyens de rapprocher le plus possible les échéances de remboursement de la liquidation générale des biens domaniaux et ecclésiastiques, dont la vente a été décrétée; et pour y parvenir plus efficacement, l'Assemblée nationale ordenne que, sous l'inspection des commissaires, les municipalités qui acquerront lesdits biens domaniaux et ecclésiastiques seront tenues de remettre sans retard lesdits biens en vente au plus offrant et dernier enchérisseur, dans les défais prescrits, dès le moment qu'il se présentera quelque acquéreur qui portera lesdits biens au prix fixé par l'estimation des experts. »

M. Guillaume, secrétaire, chargé de la rédaction du procès-verbal de la séance du mardi soir, 16 mars, arrive en retard. Son entrée est saluée par des applaudissements malicieux qui lui rappellent le décret d'hier sur l'heure de l'ouverture de la séance. Le procès-verbal contenant le décret sur les lettres de cachet est lu et adopté.

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M. le comte d'Estagniol. Vous avez autorisé la ville de Sedan à emprunter 10,000 livres, qui lui

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

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