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« Art. 10. Les ordres arbitraires emportant exil, et tous autres de la même nature, ainsi que toutes les lettres de cachet sont abolis, et il n'en sera plus donné à l'avenir. Ceux qui en ont été frappés sont libres de se transporter partout où ils le jugeront à propos.

« Art. 11. Les ministres seront tenus de donner aux citoyens ci-devant enfermés ou exilés, la communication des mémoires et instructions sur lesquels auront été décernés contre eux les ordres illégaux qui cessent par l'effet du présent décret. Art. 12. Les mineurs seront remis ou renvoyés

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à leurs pères et mères, tuteurs ou curateurs, au moment de leur sortie de prison; les assemblées de district pourvoieront à ce que les religieux ou autres personnes qui, à raison de leur sexe, de leur âge ou de leurs infirmités, ne pourraient se rendre sang dépense à leur domicile ou auprès de de leurs parents, reçoivent en avance sur les deniers appartenant au régime de la maison où ils étaient renfermés, ou sur les caisses publiques du district, la somme qui sera jugée nécessaire et indispensable pour leur voyage, sauf à répéter ladite somme sur le couvent dont les réligieux étaient prefès, ou sur leurs familles ou sur les fonds du domaine.

Art. 13. Les officiers municipaux veilleront à ce que les personnes mises en liberté, qui se trouveraient sans aucune ressource, puissent obtenir du travail dans les ateliers de charité déjà établis ou qui seront établis à l'avenir.

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Art. 14. Dans le délai de trois mois, il sera dressé, par les commandants de chaque fort ou prison d'Etat, supérieurs de maisons de force ou maisons religieuses, par tous détenteurs de prisonniers en vertu d'ordres arbitraires, un état de ceux qui auront été élargis, interrogés et visités, renvoyés par devant les tribunaux, ou qui garderont encore prison en vertu du présent décret. Cet état sera dressé sans frais et certifié.

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Art. 16. L'Assemblée nationale rend les commandants des prisons d'Etat, les supérieurs des maisons de force et maisons religieuses, et tous les détenteurs de prisonniers enfermés par ordre illégal, responsables, chacun en ce qui le touche, de l'exécution du présent décret, et elle charge spécialement les tribunaux de justice, les assemblées administratives de départements et de districts, et les municipalités, d'y tenir la main chacun en ce qui le concerne.

M. Goupil de Préfeln fait la motion d'introduire en France une action publique, à l'effet de revendiquer et de tirer de prison tout citoyen illégalement détenu, action qui avait lieu chez les Romains.

L'Assemblée charge son comité de constitution de lui présenter un article additionnel à ceux déjà arrêtés par elle, et tendant à assurer à chaque citoyen le droit de réclamer la représentation en justice de tout prisonnier détenu sans décret ni mandement de juge compétent, et l'exhibition des ordres qui ont attenté à sa liberté.

M. le Président lève la séance, après avoir annoncé que l'ordre du jour de demain sera la discussion du mémoire présenté par la commune de Paris sur la vente des biens domaniaux et

ecclésiastiques, décrétée dans la séance du 19 décembre dernier.

L'Assemblée se sépare à 10 heures du soir.

ANNEXE

à la séance de l'Assemblée nationale du 16 mars 1790.

Motion sur la vente des biens de la nation par M. Aubry du Bochet (1).

Messieurs, vous connaissez les conditions que le bureau de la ville propose pour la vente des biens du clergé; je ne les rappellerai point; il me suffira de dire qu'on ne voit dans ces propositions que du papier, un emprunt et une foterie, c'est-à-dire, suivant mes faibles lumières, le cercle étroit et vicieux dans lequel nous vivons depuis si longtemps en matière de finances.

Je dirai bien, avec ces Messieurs du bureau de la ville de Paris, que des effets municipaux, représentatifs d'une propriété, seraient bien capables de rétablir le crédit, mais il ne faut pas que ces effets soient du papier-monnaie comme les billets de la caisse, et s'il arrivait que l'Assemblée se vît dans la triste nécessité de les adopter, dans ce cas, je voudrais que ces effels fussent commerçables, de simples billets à ordre, payables à époques fixes, même en portant intérêt, et dont le propriétaire actuel connût le dernier endosseur, enfin de ces billets qui ont cours dans le commerce.

Je voudrais que ces billets ne pussent circuler qu'autant que celui à qui on les donnerait en paiement fût consentant de les prendre; autrement, qui serait assuré que le billet qu'on présenterait ne serait point contrefait ?

Il s'agit, Messieurs, de la vente des biens de la nation, jusqu'à la concurrence d'une somme de 400 millions'; mais pourquoi ne point l'effectuer réellement cette vente? et pourquoi fictivement, c'est-à-dire ne point vendre?

Qui empêche l'Assemblée de décréter qu'au premier mai prochain, je suppose, il sera procédé à cette vente? L'Assemblée a certainement le droit d'ordonner que, dans tous les lieux où doivent se tenir les assemblées primaires, au moins, dans toutes les villes au-dessus de deux mille habitants, les officiers municipaux feront un état sommaire des biens de la nation qui se trouveront dans l'étendu de leur ressort.

Dans ce cas, que reste-t-il à faire? d'autoriser alors les municipalités des villes à se faire remettre, par les municipalités des lieux de leurs arrondissements, même de cantons voisins, toujours les plus à portée de ces villes, des déclarations des biens du domaine et du clergé, et d'exposer en vente, jusqu'à concurrence d'une dixième partie de ces biens, ou de toute autre partie qu'il plaira à l'Assemblée de fixer, ne fût-ce qu'une vingtième partie.

(1) M. Aubry du Bochet, membre du comité des finances, s'était fait inscrire pour parler sur les propositions faites par le burean de la ville de Paris, à l'effet d'arquérir, jusqu'a concurrence d'une somme de 200 millions, des biens de la nation; mais n'ayant point été appelé et pensant qu'il est de son devoir et de sa conscience de faire connaître son opinion qui est le fruit de l'expérience, il a pris le parti de faire imprimer są motion. (Note de M. Aubry du Bochet.)

S'il m'était permis, Messieurs, d'entrer dans quelques détails, j'aurais l'honneur de proposer à l'Assemblée d'exposer en vente ceux de ces biens qui sont par petites pièces, jusqu'à quatre arpents, et au-dessus de quatre arpents jusqu'à dix, mais après les avoir préalablement fait diviser.

Les avantages d'une telle vente sont grands, sans doute. Pour le prouver, il suffit d'une seule observation. C'est la concurrence qui fait valoir les choses: il y a plus de citoyens jouissant d'une fortune médiocre que d'une grande fortune; et l'on ne craint pas de dire que, de la première espèce, il s'en trouve souvent cent contre un dès lors, peut-on mettre en question, si, en vendant en petite partie des biens qui conviennent au plus grand nombre, cette partie ne sera pas mieux vendue? On ne peut en douter: il ne faut pas de logique pour le démontrer. Il en sera de même pour le paiement : le citoyen qui acquiert un bien de mille écus, a son argent prêt, et paiera presque toujours au comptant, surtout si on prenait pour comptant jusqu'à concurrence d'un quart ou d'un tiers telles créances que ce soit sur l'Etat, tandis que l'acquéreur, en grande partie, n'a souvent pas le quart de ce qu'il faut pour remplir ses engagements; cette seconde vérité n'a pas plus besoin de preuve que la première.

A l'égard des biens consistant en corps de fermes, ou en pièces au-dessus de dix arpents, je pense qu'il n'est pas temps de les vendre, et qu'il faut attendre l'organisation des assemblées de départements et de districts; mais, quant aux petites parties, je ne vois aucun inconvénient que l'Assemblée,sans autre examen ultérieur, n'en ordonne la vente, jusqu'à concurrence de la portion qu'il convient d'aliéner en exécution du décret du 19 décembre dernier, c'est-à-dire jusqu'à concurrence de 400 millions.

A Paris, par exemple, on pourrait vendre toutes les petites parties, comme maisons particulières, jardins et autres héritages servant de magasins, chantiers, etc.; et, comme il ne faut pas quinze jours pour avoir une connaissance exacte de ces biens, on ne doit pas craindre de rien précipiter en faisant procéder à cette vente, sans avoir recours à aucun intermédiaire.

En effet, Messieurs, avons-nous besoin de nous procurer un crédit emprunté, quand nous en avons un réel et au-dessus de tout événement ? Les quarante mille municipalités du royaume, réunies à plus de deux mille villes, chefs lieux de leurs arrondissements, ne valent-elles pas bien toute compagnie quelconque? D'ailleurs, confier à une compagnie, à un seul homme (car une compagnie n'a qu'un même esprit d'intérêt), c'est confier les intérêts de toutes les destinées de la France à un seul. Ce n'est point en proposant éternell ment du papier, des emprunts et des loteries, que nous parviendrons à établir une régénération et l'ordre dans toutes les parties? Aiusi, Messieurs, rejetons ces propositions que nos financiers ne cessent de nous faire depuis qu'il est question de finances, et toutes celles qui peuvent y avoir la moindre analogie, car l'effet de ces propositions ne tend qu'à nous plonger plus profondément dans l'abime.

Oui, Messieurs, tant que notre crédit n'aura d'existence qu'avec l'or des capitalistes, nous ne verrons point d'argent; et quand le citoyen voudra s'en procurer, il n'y parviendra qu'en le payant chèrement. Eh! Messieurs, laissons à ces Capitalistes leur or et leur argent dont ils sont si avides, et dont ils tirent tant de gloire, qu'ils s'en gorgent et regorgent jusqu'à satiété. Nous

serions perdus pour jamais, s'il fallait que ce fût à eux que nous dussions notre apparente restauration.

Elle est dans nos mains, Messieurs, cette restauration. Vendons nos biens, vendons, sinon au comptant, au moins pour les deux tiers, et l'autre tiers pour des effets royaux, ou autres créances sur l'Etat; ce sera autant de dettes acquittées. Mais vendons-les surtout, ces biens, par parcelles, pour empêcher les accapareurs. Nous nous procurerons, par cette opération, l'argent dont nous avons besoin, et qui manque partout. Etablissons ensuite l'impôt à sa véritable source; faisons-le surtout payer à nos riches propriétaires, je veux dire dans la proportion des richesses de chacun. et vous verrez si nous ne rétablissons pas bientôt, non pas une fausse abondance, comme celle qui résulte d'un crédit emprunté, mais cette abondance réelle et vivifiante, qui naît toujours des véritables richesses, et qui nous inonde de ses bienfaits, quand les sources n'en sont pas détournées par les ennemis du bien public.

Ce sont ces derniers, Messieurs, qui nous arrêtent sans cesse dans notre course, et qui ont déjà obtenu trois mois de retard sur l'année courante, et qui se flattent sans doute d'en obtenir encore par de nouvelles difficultés. Trois mois de perdus quand il y va du salut de l'Etat de n'en perdre aucun quand tout périt! O prodige inconcevable de la modération française! O conduite incroyable d'une nation éclairée et impétueuse! Elle est sur le bord du précipice, et elle s'y endort! Elle trouve même des panégyristes de sa propre destruction! Et quand elle peut sauver la patrie, elle délibère; elle paraît hésiter... Mais non je m'égare. Le Français a brisé ses fers; il n'a plus que quelques ennemis à combattre. Mais l'instant est arrivé. Il va en triompher pour jamais, en ne souffrant pas que les compagnies de finances, caisse d'escompte ou autres, même en passant par le canal le plus pur sous un masque emprunté, prennent une nouvelle existence.

Voici ma motion :

J'ai l'honneur de demander à l'Assemblée de renvoyer au comité des finances la rédaction d'un projet de décret, pour la vente en détail d'une partie des biens de la nation par tout le royaume, jusqu'à concurrence d'une somme de 400 millions, dont les deux tiers payables comptant et un tiers en papier ou créances sur l'Etat, de quelque nature que ce soit, et de comprendre dans cette vente la partie de biens que l'Assemblée est disposée à vendre à la municipalité de la ville de Paris, mais aux conditions que la ville de Paris, si elle est autorisée à payer en papier portant intérêt à 4 0/0, sera tenue de ne mettre en circulation que des billets à ordre ou de commerce et non un papier-monnaie, et par conséquent forcé, et que le comité lui en fasse le rapport dans le plus court délai possible.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. RABAUD DE SAINT-ÉTIENNE.

Séance du mercredi 17 mars 1790 (!).

La séance est ouverte à dix heures et demie.

M. le marquis de Bonnay, l'un de MM. les secrétaires, fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier matin.

Il ne s'élève pas de réclamation.

Un membre demande qu'à l'avenir l'ouverture de la séance soit indiquée pour huit heures du matio, afin que le travail commence en réalité à neuf heures.

M. le Président. J'observe, non pour moi, mais pour les présidents passés et futurs, qu'il est impossible au président de se rendre à neuf heures à l'Assemblée parce qu'il n'a que le matin pour lire une infinité de pièces qu'il doit renvoyer aux divers comités et pour répondre journelle

ment à 50 ou 60 lettres.

M. Perez. On peut obvier à cet inconvénient en faisant présider la séance jusqu'à dix heures par un des anciens présidents.

M. Martineau. A Versailles, l'Assemblée se réunissait constamment à huit heures. Les jours vont grandissant, la rigueur de la saison se relâche, reprenons notre ancien régime en nous assemblant à huit heures pour être en activité à neuf.

M. Glezen. J'appuie la motion du préopinant et comme conséquence de notre réunion matinale, je propose de fixer à trois heures précises le terme des séances du matin.

M. Loys. Il y aurait de graves inconvénients à ne pas prolonger la séance de quelques heures lorsqu'il s'agirait de rendre des décrets urgents. Je demande la question préalable sur cet amendement.

La question préalable est mise aux voix et adoptée.

L'Assemblée décide ensuite, qu'à l'avenir les séances commenceront à neuf heures précises du matin.

M. Gallot, député du Poitou, demande un congé de trois semaines pour affaires pressantes.

M. Auvry, député de Montfort-l'Amaury, sollicite pour le même motif un congé d'un mois. Ces congés sont accordés.

M. Auson, membre du comité des finances, propose de nommer six membres nouveaux pour remplacer six membres qui manquent au comité.

M. l'abbé Massieu, membre du comité de mendicité, demande qu'il soit adjoint six nouveaux membres au comité de mendicité.

M. Chasset propose que, pour la facilité des

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

élections, la liste des membres qui composent les différents comités soit imprimée et affichée en placards à la porte de chaque bureau.

Ces trois motions sont décrétées.

M. Perdry, au nom de la commune de Valenciennes, se plaint des dégats et dévastations qui se commettent dans les bois ecclésiastiques.

M. Lanjuinais. Je suis chargé par le comité ecclésiastique de vous proposer un projet de décret sur cette matière et je suis prêt à vous le soumettre si l'Assemblée veut m'entendre.

(L'Assemblée prononce l'ajournement.)

M. le duc de Lévis, député de Senlis, fait la motion suivante concernant les individus condamnés aux galères pour fait de chasse.

On vous a souvent entretenus, Messieurs, des négligences, des retardements que les ministres et les autres agents du pouvoir exécutif opposent trop souvent à vos décrets. Je dois vous instruire d'une nouvelle inexécution, qui porte une atteinte formelle à la liberté individuelle et aux droits des citoyens et qui intéressant une municipalité du bailliage dont je suis ici le représentant, devient pour moi un devoir rigoureux.

Vous avez porté un décret, au mois d'août, qui ordonne de remettre en liberté les galériens condamnés pour fait de chasse seulement. Le roi s'est empressé de sanctionner une disposition aussi sage qu'humaine et cependant, Messieurs, ce décret,en plusieurs endroits, est démeuré sans effet.

La municipalité de Grisy-en-Vexin réclame auprès de vous, Messieurs, un de ses habitants détenu depuis plusieurs années aux galères, pour fait de chasse seulement. Elle observe avec raison qu'il est détenu depuis plusieurs mois, malgré vos décrets, malgré la volonté du roi, dans une prison qui est devenue aussi illégale qu'elle était injuste.

Je ne ferai aucune réflexion sur la négligence coupable des agents du pouvoir exécutif, qui prolongent depuis plus de six mois l'esclavage de citoyens que vous avez déclarés libres. Je craindrais de retarder d'un moment vos importants travaux, et ce sont eux seuls qui peuvent forcer enfin les ministres à se déclarer ouvertement et de bonne foi pour la Révolution.

Je me borne donc à vous proposer de charger votre président d'instruire le roi que votre décret qui ordonne la liberté des galériens détenus pour fait de chasse seulement, est demeuré sans exécution, et pour supplier Sa Majesté de donner des ordres les plus précis pour l'élargissement de ces prisonniers.

Je demande notamment la liberté du nommé André, charretier, de la paroisse de Grisy, détenu à Brest, salle Saint-Antoine.

(L'Assemblée ne statue pas sur cette réclamation.)

Plusieurs membres réclament l'ordre du jour.

M. le Président. J'ai reçu de M. le comte de Montmorin, ministre des affaires étrangères, la lettre dont la teneur suit :

Paris, le 15 mars 1790.

Monsieur le Président, le sieur Vandernoot, se disant agent plénipotentiaire du peuple brabançon, adressa au roi dans le courant du mois de jan

vier, un paquet qui contenait, dit-on, le manifeste par lequel le peuple brabançon se déclarait indépendant. Sa Majesté jugea alors qu'il n'était ni de sa justice, ni de sa prudence, ni de sa dignité, d'accueillir une semblable démarche. Elle m'ordonna de renvoyer le paquet sans l'ouvrir et d'informer l'Assemblée nationale, par l'organe de son président, de la détermination qu'elle avait prise à cet égard.

Deux particuliers brabançons, s'annonçant comme députés des Etats belgiques, m'ont témoigné, jeudi dernier, le désir de me remettre, au nom de leurs commettants, une lettre que je n'ai pu recevoir sans prendre les ordres du roi. Sa Majesté a jugé que les circonstances qui avaient déterminé son premier refus au mois de janvier, subsistant dans toute leur force, elle ne devait pas autoriser son ministre à recevoir la lettre qui lui était adressée. Sa Majesté a même observé que les événements survenus depuis cette époque, ainsi que l'état actuel des choses dans l'intérieur même des Pays-Bas, lui présentaient de nouveanx motifs de ne pas s'écarter du plan de conduite qu'elle avait précédemment adopté.

Le roi m'a ordonné, Monsieur le Président, de vous faire part de sa détermination, afin que vous puissiez la porter à la connaissance de l'Assemblée nationale.

J'ai l'honneur d'être avec respect, etc.

Signé: LE COMTE DE MONTMORIN.

Après la lecture de cette lettre M. le marquis de Lafayette demande la parole.

M. le Président. Il m'a été également remis deux lettres adressées : l'une à l'Assemblée nationale, l'autre à moi-même. Ni l'une ni l'autre n'ont été ouvertes.

M. de Lafayette. Il n'est aucun Français, aucun ami de la liberté qui ne doive au peuple de Belgique des voeux et des éloges. Mais on doit, au sujet des lettres dont il s'agit, examiner deux choses. A qui sont-elles adressées, et par qui? Elles sont écrites au corps constituant de France par un congrès que je respecte, mais qui ne parait pas avoir tous les caractères qui émanent de la puissance souveraine du peuple. Toute corporation, tout despote, en s'agitant, ne fera que hâter la révolution qui l'attend, et qui doit opérer sa ruine. N'en doutons pas, la liberté reprendra ses droits sur les hommes. Renvoyons au roi la détermination que demande la circonstance actuelle: le roi des Français, restaurateur de la liberté, ne nous égarera pas. Je propose le décret suivant:

«L'Assemblée nationale, ayant pris connaissance d'une lettre adressée à son président, par M. de Montmorin, et instruite des circonstances et de l'état actuel du Brabant, où le congrès ne paraît pas avoir le caractère de la puissance qui émane du peuple, déclare ne pouvoir mieux faire que de s'en rapporter à la sagesse du roi.

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(M.Pétion de Villeneuve demande la parole; on veut aller sur-le-champ aux voix.)

M. de Noailles. Le point de la question est de savoir si nous abandonnerons la constitution et les finances. Je propose de répondre qu'occupés sans relâche d'assurer la liberté par la constitution, nous ne pouvons nous occuper d'aucun objet étranger quant à présent.

(Après de longues et tumulteuses agitations, l'Assemblée ordonne que l'on passe à l'ordre du jour.)

La suite de la discussion du projet de décret sur le plan de la commune de Paris, concernant la vente des biens domaniaux et ecclésiastiques est reprise.

M. le marquis de Montesquiou. J'avais hier demandé la parole pour répondre à ce que M. Duport a opposé au projet du bureau de la ville et au rapport du comité. Je ne contredirai pas ce qu'il a dit des inconvénients d'une administration collective; cependant je n'adopterai point les consequences qu'il tire de ses raisonnnements. Par qui peuvent être administrés les biens du clergé avant qu'ils soient vendus, si ce n'est par une administration commune? Et assurément on ne pourrait mieux choisir pour confier un soin de cette importance. Les officiers municipaux auront pour garants les vertus auxquelles ils doivent leur installation, et la surveillance de leurs concitoyens; il n'y aura nul risque pour la sûreté des assignats et pour les intérêts qui y seront affectés; ainsi une administration commune pour les biens à vendre est inévitable; ainsi les craintes qu'on a manifestées sont injurieuses et peu fondées.

M. Duport veut que l'on vende tout ce qui est à vendre, et qu'on fasse publier et afficher incessamment ces ventes: assurément ce moyen serait dangereux. Les affiches n'amèneraient personne aux enchères; la concurrence la plus défavorable aurait lieu, non celle des acheteurs, mais celle des vendeurs le numéraire disparaîtrait plutôt que de reparaître. M. Duport demande que nous connaissions l'étendue de nos besoins et de notre recette. Le déficit est connu ; la masse des dépenses l'est également en 1791 nous serons au pair... Il ne s'agit pas de raisonner sur des idées de perfection, il faut aller promptement au but; il faut assurer la liberté en prenant tous les moyens de subvenir aux besoins présents, et d'éviter les événements qui pourraient la compromettre. L'opération proposée offre de grands avantages: quand les biens dont vous ordonnez la vente seront délivrés aux municipalités, ils leur appartiendront entièrement; tout doute disparaitra; l'hypothèque sera libre; elle se trouvera aux mains de tout le monde, la voie s'aplanira pour arriver sans inquiétude à l'année 1791, terme assuré de l'ordre dans les finances et de la régénération publique: mais les jours s'écoulent pendant que les heures même sont d'un prix inestimable, atteignons la fin de cette année, et l'Etat sera sauvé, et la constitution est consolidée; n'abandonnons pas cette grande entreprise, puisqu'il est démontré que les obstacles qui vous arrêtent encore sont désormais les seuls que vous ayiez à combattre.

(On demande à aller aux voix.)

M. Laborde de Méréville. J'ai demandé la parole sur la contexture du plan, dont les inconvénients n'ont pas encore été mis sous les yeux de l'Assemblée. On cherchera longtemps le but de celte opération sans le trouver, si ce n'est que la caisse d'escompte, ne pouvant faire ses paiements au mois de juillet, a besoin d'une grande ressource. Vous proposez-vous de rétablir l'ordre dans les finances? Eh bien ! vous manquez votre objet. Voulez-vous secourir l'Etat ? Vous secourrez seulement la caisse d'escompte. Voulez-vous diminuer et faire cesser la circulation des billets? Vous augmentez le nombre de ces effets, vous perpétuez cette circulation. Toute circulation de papier forcé est un grand mal; nous n'avons pas

besoin d'une semblable ressource: voici quel est notre état actuel. Les revenus fixes dépassent de 60 millions les dépenses ordinaires et extraordinaires de 1791; on a compris, dans les besoins extraordinaires dont on vous a présenté le tableau, des dépenses que, par un de vos décrets, vous avez renvoyées au comité de liquidation; beaucoup d'autres dépenses ne sont point exigibles. Quand vous connaîtrez tous les détails,on ne viendra pas vous demander 80 millions, mais 294 millions; vous verrez que des remboursements énormes ont produit les embarras de nos finances, et que jamais nous n'avons couru le danger d'une ban. queroute. Les anticipations peuvent-elles se payer en billets forcés? C'est une grande question qui demanderait des développements et des détails... Vous ne remédierez donc pas au mal en adoptant le plan de la municipalité de Paris; il ne vous offre aucun secours, il ne diminue pas la circulation du papier, il l'augmente. Nous avons remboursé 180 millions d'anticipations; elles produisaient des intérêts; en les remboursant en billets de caisse, ces capitaux sont devenus stériles; ils ont été jétés dans le commerce, tandis qu'ils seraient restés dans les mains de ceux qui les possédaient. S'il faut 300 millions de numéraire à Paris, et que vous en ayiez mis 500, les 200 millious inutiles ont nécessairement éloigné l'argent. L'argent valait mieux que les billets, il est tout simple que I on ait laissé les billets pour emporter l'argent. Les primes proposées par la municipalité sont absolument inutiles. On place un capital pour vivre des intérêts qu'il produit; peut-on confier ses intérêts au hasard, et mettre en loterie son existence? Si l'on est réduit à employer du papier-monnaie, il faut restreindre ce vicieux agent le plus possible, et faire en sorte qu'il puisse être conservé par ceux dans les mains desquels il tombera. Si les billets de caisse avaient porté un intérêt de 5 0/0, ils seraient restés où étaient les anticipations. Le papier qu'on vous propose est dangereux sous beaucoup de rapports; il doit remplacer celui de la caisse d'escompte; cette caisse paie 300,000 livres par jour, la municipalité ne patera rien. Je demande qu'on charge sur-lechamp les municipalités de mettre en vente les biens qui doivent être vendus; qu'on ajourne tout autre objet jusqu'après le moment où l'on se sera occupé du sort de la caisse d'escompte ; qu'à l'instant même on termine la discussion sur le remplacement de la gabelle, et que par suite on considère, comme objet spécial de travail, l'examen des dépenses extraordinaires des anticipations et des moyens de retirer le papier circulant.

M. Defermon. Au moment où le maire de la ville de Paris vient nous présenter un plan qu'il croit avantageux à la chose publique; au moment où votre comité des finances a sanctionné ce plan, par l'approbation manifeste qu'il y a donnée, il siérait mal sans doute à un homme qui ne s'est jamais occupé de finances, de vous présenter ses idées particulières s'il ne pouvaat espérer qu'elles rentreront dans les vôtres. Ce ne sera donc point par des spéculations de finances que j'étaierai les propositions que j'aurai l'honneur de vous faire; je n'offrirai que des observations que je crois utiles. Le comité des finances nous assure que nos finances sont extrêmement embarrassées. Le préopinant vient d'entrer dans de grands détails pour établir le contraire. Vous avez décreté, le 19 décembre dernier, qu'il serait vendu pour 400 millions de biens ecclésiastiques et domaniaux. La municipalité de

Paris vient vous désigner des biens propres à être vendus. Elle fait plus, elle propose de vous prêter son nom et son crédit pour accélérer la vente de ces biens. Je ne pense pas que ces propositions puissent convenir à l'Assemblée: elle doit s'en tenir à ses premiers décrets; elle ne doit pas emprunter des municipalités un crédit que les municipalités ne peuvent avoir sans elle. Mais il ne faut pas juger à la hâte le plan qui vous est proposé; il ne faut pas se livrer aux prestiges de l'imagination.

Vous allez travailler pour la nation entière; vous allez travailler pour les gens à argent; n'ou bliez pas que les prestiges de l'imagination ne sont pas faits pour les gens à argent. Le plan qui vous est présenté est bon sous quelques rapports; il est intéressant d'adopter ce plan, il est dangereux d'en adopter les intermèdes. Sans doute, il est instant de vendre les biens dont la vente a été décrétée; mais l'Assemblée nationale ne doit se charger ni de publier, ni d'afficher, ni d'adjuger ces biens. Elle ne peut s'occuper de tous ces objets de détail, elle doit les renvoyer aux municipalités. La détresse du Trésor public est grande, et le remède doit être prompt. Vous avez décrété qu'il serait fait des assignats: j'observe que ce ne serapoint le nom de la municipalité de la ville de Paris qui donnera du crédit à ces assignats, mais bien les objets dont ils seront représentatifs. Ces différentes réflexions me portent à vous proposer de décréter que les maisons religieuses désignées pour être vendues pourront l'être à compter du jour de la publication du présent décret ; que les municipalités seront chargées de cette opération, et qu'elles en rendront compte incessamment à l'Assemblée.

M. de Custine. Je n'entreprendrai pas, Messieurs, de fixer les avantages et les désavantages de l'établissement d'un nouveau papier-monnaie : je ne vous demanderai pas si ce nouveau papier opérera la destruction ou le rétablissement de celui de la caisse d'escompte: je me bornerai à vous entretenir de la proposition qui vous a été faite par la municipalité de Paris: il s'agit d'examiner si le plan de cette municipalité est avantageux aux municipalités en général. Il a été observé, avec infiniment de justesse, que la vente qu'on vous propose de faire aux municipalités, et principalement à celle de Paris, peut avoir l'inconvénient d'enlever aux officiers municipaux une partie de la confiance dont ils ont besoin : c'est ce que je vais essayer de démontrer. (On demande que M. de Custine se borne à présenter son projet de décret.) Ce décret a pour but de déterminer que les biens ecclésiastiques et doinaniaux seront vendus jusqu'à la concurrence de 400 millions, conformément au décret du 19 décembre dernier, que l'évaluation en sera faite par experts, pardevant l'assemblée de chaque district; que les administrateurs de ces biens seront comptables à la nation du dépérissement qui pourrait avoir lieu par leur faute, négligence, mauvaise volonté ou autre motif: que les fonds des ventes seront versés dans la caisse de l'extraordinaire pour être employés à la liquidation des dettes de l'Etat: enfin, que l'Assemblée se réserve de statuer sur l'emploi particulier à faire d'une partie de ces fonds.

M. Pétion de Villeneuve. Je crois devoir vous présenter quelques observations très simples. Plusieurs questions se présentent dans la seule question qui nous occupe: elles sont toutes

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