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INTRODUCTION.

Il n'est peut-être pas inutile de faire connaître ici le motif qui m'a conduit à entreprendre cet ouvrage. Appelé, il y a environ douze années', à la chaire d'histoire et d'économie politique de l'École spéciale du Commerce, que je dirige aujourd'hui, je ne tardai point à m'apercevoir qu'il existait entre ces deux sciences des rapports tellement intimes, qu'on ne pouvait les étudier l'une sans l'autre, ni les approfondir séparément. Elles se prêtent un appui de tous les instants: la première fournit les faits; la seconde en explique les causes et en

1 La première édition de ce volume a été publiée en 1837.

3 ÉDIT. T. I.

A

déduit les conséquences. A mesure que j'avançais dans l'exposition des doctrines, les exemples me faisaient faute; et l'étude des événements demeurait à son tour incomplète, tant que l'économie politique n'était pas venue l'éclairer. Peu à peu, en rapprochant et en fortifiant l'un par l'autre les travaux de mes deux cours, je fus amené à la rencontre d'une foule de préjugés qui passaient pour des vérités reconnues, même aux yeux des hommes les plus instruits et les plus avancés. C'est ainsi que les auteurs de tous les traités d'Économie politique, sans exception, ne faisaient pas remonter la science au delà des premiers essais de Quesnay et de Turgot, comme si jamais, avant les ouvrages de ces hommes célèbres, aucun écrit systématique n'avait appelé l'attention des savants et des hommes d'État sur les phénomènes de la production des richesses.

Je m'attachai, dès lors, à rechercher avec sollicitude dans les historiens de tous les âges les faits les plus intéressants pour l'étude des questions économiques et sociales. J'eus bientôt trouvé des pauvres à Rome et à Athènes comme il y en a à Paris et à Londres; et il me faut avouer que les priviléges, les impôts, les

vexations fiscales n'étaient pas plus rares chez les anciens que de nos jours. Alors, comme aujourd'hui, le moindre éclair de paix et de liberté était suivi d'une pluie de richesses et de prospérités; les mêmes causes, enfin, produisaient les mêmes effets, malgré la différence des mœurs et des institutions. La détresse des peuples se reconnaît toujours à l'inégalité des charges, à la distribution vicieuse des profits du travail, et à la prédominance de quelques castes ingénieuses à placer les abus sous la protection de la loi.

Mais le monde n'est pas toujours demeuré indifférent, en présence de ces calamités sociales, et plus d'une fois de magnanimes protestations ont éclaté, dans le cours des siècles, en faveur des droits de l'humanité méconnus. Quelques nobles souverains se sont associés à ces efforts, tantôt suivis avec persévérance, tantôt interrompus par le malheur des temps. Il y a donc eu une économie politique chez les anciens comme chez les modernes; non pas une économie politique systématique et formulée, mais ressortant des actes et pratiquée avant d'être écrite. Telle a été, d'ailleurs, la marche de toutes les sciences depuis l'origine des so

ciétés. Les premiers venus conçoivent, agissent, exécutent; les derniers arrivés raisonnent, complètent et améliorent l'œuvre de leurs devanciers. Pour bien apprécier les travaux des économistes modernes, il convenait donc de connaître les principales phases du mouvement social qui se continue depuis les anciens au travers des révolutions, et qui présente dans sa marche tant de glorieux élans et de péripéties dramatiques.

C'est ce mouvement que j'ai essayé de retracer dans l'ouvrage que j'offre au public. Les grands États de l'antiquité et ceux du moyen âge ne sont pas tombés sans motifs; tant de richesses n'ont été ni créées, ni détruites sans que leur création et leur anéantissement se rattachent à des causes susceptibles d'analyse et dignes de méditation. Il est même impossible de ne pas reconnaître le doigt de la Providence dans ces transformations successives du principe social, qui se réfugie tantôt dans une institution, tantôt dans une autre, sans distinction de temps ni de lieu, comme pour se tenir sans cesse à la disposition et au service de l'humanité. Ici, c'est un grand homme qui conserve le feu sacré ; ailleurs, c'est un esclave qui essaie

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