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entraîne, obéiť à la néceffité de reprendre & de fuivre fon cours naturel.

La conftitution de l'état! elle eft fondée dans tous les cœurs; elle retrouve un afyle & un temple dans quiconque eft inftruit & vertueux; elle repose en fûreté dans l'ame d'un miniftre (M. le comte de Maurepas) que la fortune a comblé de tous les biens de la faveur & de la difgrace, & la plus forte & la plus inébranlable; elle fe munit de réflexions libres & vraies fur les variations des cours, fur les intrigues des partis, fur les malheurs des rois; elle attend qu'un jeune fouverain, agité du noble defir de plaire à fon peuple, vienne la chercher, dès fon premier regard, au milieu de fa retraite & de fon filence.

Revenez avec le miniftre qui la conferva dans fun fein, interprêtes des loix, digues appuis de l'autorité fouveraine, anciens magistrats, dans quelque coin' de la Fran ce que vous ayez été difperfés, & vous furtout dont cet te province a confacré les fervices par les regrets & par fes vœux, rapportez-nous vos talens exercés par une expérience plus grave & plus impofante, & vos vertus plus vénérables par vos malheurs.

Si pourtant nos conjectures les plus juftes ont été quelquefois déconcertées par nos craintes, tendons-nous compte à nous-mêmes de la véritable caufe des troubles & des changemens.

Lorfqu'après une longue tranquillité le premier ordre du royaume, & l'ordre de la magiftrature laifferent éclater une foudaine & vive oppofition, on vit s'ébranler toutà-coup les principes fimples & folides qui faifoient la force & la confiftance de l'état. Les queftions & les doutes en tout genre, répandirent de fombres nuages fur la na tion & le gouvernement. L'opinion publique fembla fe partager entre des loix contraires; & l'autorité flottante incertaine, perdit le point d'appui refpectable qu'elle ac quiert par la conftance & par le repos.

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A quoi nous ont fervi nos fatales divifions? Le clergé, comme le peuple, a vu fes droits cu péril, & fes in poitions s'accroitre; il n'a point acquis il n'a point denandé de nouveaux privileges, &, fans doute, il a craine ue la perte de la magiftrature n'entrainat, tôt ou tard, cele de tous les ordres de l'état

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Evêques, magiftrats, citoyens que F feroit l'objet de nore ambition jalouse? Ce n'eft ni'de pouvoir, ui de crélit que nous avons befoin: il nous faut des talens & deb ertus. Uniffons-nous pour faire r regner la religion, le œurs & les loix, pour répandre à l'envi les connoiffan

des utiles, & pour éclairer le gouvernement. Car tel då la vrate puissance & le noble privilege de cette nation heu. seuse qui commande à fes rois en leur obéissant; & nes rois inftruits & perfuadés, trouveront dans la confiance des peuples le feul pouvoir qui font fans bornes, celui qui n'eft point fondé fur la force, & qui s'étend au-delà des loix.

Vous ferez, Monfieur (M. de la Tour, premier préfi dent ), un exemple mémorable de cette force de l'autorité publique qu'exercent, fans le fçavoir, ceux qui penfent bien de l'état. C'eft elle qui nous foutint au mieu des ruines qui frapperent votre famille & vous ; c'eft elle qui vous rappelle à cette même place qu'un pere vous tranf mit comme un héritage, & qui femble aujourd'hui vous être rendue par la voix de tous vos concitoyens. Voʻre difgrace devient Pornement de votre vie; & votre retour eft le triomphe de la justice.

Extrait du procès-verbal de la féance du comte de Noailles, duc de Mouchy (aduellement maréchal de France), au parlement de Bordeaux.

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Le 2 Mars, à 7 heures & demie du matin, le comte de Noailles, commandant en chef dans la province de Guienne, & le Sr. de Fourqueux, confeiller d'état, fe rendirent au palais, où les prendens, confeillers & autres officiers du parlement, étoient affemblés en vertu d'ordres particuliers. Chacun ayant pris place, le comte de Noailles dit:

MESSIEURS

La reconnoiffance des 'bontés dont le feu roi m'a com blé, & que je conferverai jufqu'à mon dernier foupit, D'a jamais été plus vive que quand il m'a honoré de la charge de lieutenant-général de la Baffe-Guienne, m'artachant par de nouveaux liens à une province à laquelle mes ancêtres ont toujours été particulierement dévoués, Le roi vient de mettre le comble à mes vœux en m'en confiant le commandement, & en m'ordonnant de sappeller ous les anciens membres de fon parlement. Quelle doit être ma fatisfaction de voir toute certe illuftre compagnis réunie fous fan digne & vertueux chef, qui a fçu fe consilier l'eftime publique & l'amitié générale, & dont je

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me fuis déclaré dans tous les tems l'ami le plus fidele ! Que me refte-t-il, Meffieurs, pour juftifier le choix de S. M., qu'à concourir avec vous à faire refpecter, & encore plus aimer fon autorité ? C'est à quoi tendent mes defirs, en même tems que je chercherai à mériter votre confiance & votre amitié. Je dois auffi vous témoigner combien le roi' defire de voir régner à jamais l'union & la paix entre tous les membres réunis de fon parlement; il a droit de l'efpérer de votre attachement, de votre zele & de votre re. connoiffance pour un prince qui, à l'âge des paffions ne connoit que l'amour du bien, & s'en occupe fans ceffe; qui fuit tout à la fois les mouvemens de fa propre tendreffe pour fes peuples, & les inclinations bienfaifantesd'une reine, dont les graces extérieures font une foible. image de la beauté de fon ame:, un roi qui ne fe fait connoitre à vous que par les bienfaits, ne trouvera, fans doute, de votre part, aucune réfiftance à fes volontés. Le choix que S. M. a fait fucceflivement des deux plus dignes magiftrats de fon confeil, & qui l'ont le mieux fervi, pour être adjoints à mon honorable fonction, & vous faire part de fes, ordres, eft encore une nouvelle preuve de ses bontés. Quel bonheur pour moi de n'avoir à lui rendre compte, que de votre foumiffion à fes ordres, & de l'efprit de Concorde qui vous réuait Les fléaux qui, depuis tant d'années, défolent cette province, follicitent en même tems cette précieufe union, dont l'effet fera de vous occuper tous d'un commun accord à foulager nos concito yens, & à en écarter les malheurs.

Après que le comte de Noailles eut ceffé de parler, on fit lecture de la commiffion qui portoit fes pouvoirs, ainfi que ceux du Sr. de Fourqueux. Ce magiftrat prit enfuite la parole, & dit:

MESSIEURS,

Les volontés du roi viennent de vous être annoncées ; elle vous font connoitre quels fentimens font dans le cœur de S. M. Les premiers momens de fon regne ont été deftinés à examiner, dans le fecret de fes confeils, l'heureufe conftitution de fon royaume, de laquelle doit naître le bon heur de fes peuples.

S. M. a pefé, dans fa fageffe, l'importance de vos fonc tions, l'ancienneté & la ftabilité de votre inftitution; elle veut rétablir dans leur premiere fplendeur & raffembler dans le temple de la juftice, des magiftrats qui en font l'ornement & la folidité.

Elle fe fouvient avec fatisfaction, des preuves fignalées de fidélité que fon parlement de Bordeaux a données aux rois fes ancêtres, & en particulier de la vôtre.

Le roi efpere, Meffieurs, ne trouver en vous qu'une noble émulation d'amour, de reconnoiffance, & d'atta chement à fon fervice. L'heureux événement qui vous réunit, intér ffe tous les ordres de l'état; l'exacte diftribution de la juftice eft la fource la plus féconde du bonheur public. Heureux le fouverain qui se plaît à répandre les bienfaits! Une carriere immenfe eft ouverte devant lui; il n'en trouve jamais les limites ; il jouit du bonheur qu'il répand fur fes sujets : ses ministres ne font confultés que fur les moyens d'étendre & d'effurer la félicité publique. - C'eft dans fon confeil, dont la compofition même eft le premier de fes bienfaits, que le roi a réfolú de reftituer à la magiftrature fon premier luftre, de rendre, com me S. M. l'a dit elle-même, les magiftrats au vœu de la nation.

C'eft dans ce même confeil qu'elle a pourvu à la fubfiftance facile des peuples, en rendant libre la circulation des grains, qui promet des fecours affurés aux provinces auxquelles la nature refuferoit des moiffons.

C'eft delà que font émanées des précautions fages & né-* ceffaires pour arrêter les progrès d'un fléau qui défoloit Vos campagnes. Eh! quel lieu pouvoit être plus digne de l'attention bienfaifante de S. M., que cette vafte & belle' province, que cette grande ville, fi intéreffante par un' commerce immenfe, par fon ́ induftrie, par les productions précieufes de fon territoire, & furtout par fa fidélité ?

Vous êtes, Meffieurs, deftinés par état à faire refpecter, & plus encore à faire aimer l'autorité de notre augufte monarque; à protéger; en fon nom, la foibleff & Pinnocence; à former & referrer les liens mutuels de fa tea. dreffe pour fes peuples, de leur reconnoiffance & de leur foumiffion.

Il eft des vertus dont les magiftrats doivent particulierement l'exemple aux citoyens de tous les ordres ; c'eft furtout cet amour fincere & éclairé du bien public, qui, dirigé tout entier vers fon objet, n'admet rien qui y fois étranger, qui réunit tous les partis, tous les intérêts, toutes les opinions, pour les faire concourir au bien général, & qui ne connoît nul bien plus précieux que la paix & la concorde. Tels font, Meffieurs, les fentimens qui vous animent, & que vous fçaurez infpirer à tout ce qui vous environne.

Heureux d'avoir été admis à l'honneur d'en être les cé

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oins, nous partagerons celui d'en eure les interprêtes fideles; nous verrons porter au pied du trône l'hommage de votre amour de vorre zele, de votre reconnoiffance, & ce tribut d'acclamations, de marques publiques de tendrefle & de joie, que notre augufte maitre a reçu lui-même dans fa capitale, où il a été la premiere, comme la plus douce récompenfe de fes vertus.

Le comte de Noailles ayant remis au greffier en chef l'édit portant le retabliffement du parlement, le Sr. le Berthon, premier préfident, parla

en ces termes.

MESSIEURS

- Une certitude résultante de la nature même des chofes, dut entretenir conftamment en nous la ferme confiance de voir bientôt anéantir le fyftême deftructeur des loix de propriété, d'inamovibilité, de liberté; loix précieufes, fur lefquelles repofent la tranquillité publique. Nous en attendions les effets de la juftice du fouverain avec la plus refpe&ueufe fécurité, lorsqu'ils furent fufpendus par le dernier malheur qui nous reftoit à éprouver, d'avoir à pleurer le plus aimé des rois, avant que fa bienfaifans éclairée par la vérité, eût pu nous rendre fes ancien nes bontés.

ce,

Mais ce funefte revers, qui éloignoit nos espérances; ne put les détruire. La néceffité reconnue dans tous les gouvernemens, de mettre la magiftrature à l'abri des viciffitudes qui la rendroient le jouet des paflions d'autrúi, devoit amener le monent de fixer irrévocablément fa fta bilité, & de rendre à la fonction redoutable de juger les hommes, l'attribut confolant de pouvoir protéger les citoyens.

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Cette heureufe néceffité ne pouvoit échapper au mo narque qui nous gouverne: en fentir en apprécier les avantages, fe décider & se plaire les procurer, telles furent les fortes impreffions qu'elle fit fur l'efprit & fur le cœur du roi. Dès-lors, de ce trône, où les qualités vrai ment royales font montées avec lui, qu'il partage avec une reine dont les graces & les vertus fe prêtent un mutuel éclat, auprès duquel il a appellé des miniftres dont le choix a fait préfager le rétablissement de l'ordre dans toutes les parties de l'adminiftration, Louis-Augufte a fixé fes regards & fa bienfaifance fur des magiftrats dont la difperfion fur préfentée par un intérêt particu lier

comme aifon prépondérante du bien général; &

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