Page images
PDF
EPUB

loit faire remettre des notes aux miniftres des cours 2 liées; mais en approuvant ce moyen, je l'ai trouvé pal capable d'opérer ce que l'on fe propofe, & je l'ai compar à ces palliatifs, ou remedes kafardés que l'on donne or dinairement à ceux que l'on désefpere de rappeller à b vie; mais ce n'étoit pas là mon objet, ni le but de mo difcours.

J'ai demandé aux états affemblés ce qu'il falloit fa & comment il falloit s'y prendre pour parvenir a tirer la république d'un pas auffi gliffant & auth dange reux. Nous avons conclu des traités qui ne s'obfervent point à nutre égard : dans certe perplexité, j'ai propofé aux états assemblés deux moyens; le premier, comze plus naturel, de nous mettre en défenfe; mais je ne le juflifie poist, dans la crainte qu'il paroissel trop violent, quoiqu'il fuit poffible de l'appuyer de raifons très-fulldes.

Nous trouverons encore dans nos ames le même courage & la même résolution; la république eft encore la même qu'au tems de Jean Cafimir. Combien d'enne. mis & d'états n'avions-nous pas à combattre ! Il fallut réfifter tout-à-la fois aux Suédois, aux Turcs, aux Ruf fes, aux Cofaques; & une partie de la Hongrie s'étoit déclarée contre nous fous Raktzi. Ah! fi dans ces tems la république cût comparé la foibleffe aux forces de tant d'ennemis conjurés contr'elle, on auront oublié actuellement jufqu'au nom de la Pologne. Le généreux fang qui couloit dans les veines de nos ayeux, feroit-il gla cé dans les nôtres ? Un citoyen combat avec intrépidité, dès-qu'il ne marche que pour la défense de fa foi, de fa liberté & de fes foyers: qui fçait méprifer fa vie, a Tout pouvoir fur celle des autres.

Mais je n'infifterai pas davantage fur ce moyen, que l'on pourroit regarder dans ce moment comme trop té méraire, & qui pourroit nous faire paffer d'une crife dans une autré plus violente. J'en ai propofé un autre plus conforme la prudence', lequel feroit de protefter, tous tant que nous fommes, au lieu de fouferire, & de publier des manifeftes contre la violation des traités. Quel inconvénient en pourroit-il réfulter pour la répu blique? Ces mêmes puiffances qui fçavent que nous fom mes fans armes, lents à nous défendre, & rarement d'accord fur nos intérêts communs, ces puiffances n'ontelles pas prévu que nous aurions recours aux plaintes & aux manifeftes ? Et fi elles ont prévu ce que nous pour rions faire, elles s'étonneront moins de ce que nous fai

ons. Qui d'entre, vous contredira cet avis, finon une me rampante, avilie par la crainte, & accoûtumée à fléhir le genou devant les cours étrangeres, à les flatter u à les feconder

Quand je vois ici les trois états de la nation raffemlés, je les compare à un pilote tenant le gouvernail Pun vaiffeau, qu'il promet, fous ferment, de ne jamais bandonner, d'effuyer les tempêtes & les orages, de péir avec lui quand tout eft défefpéré, & de mettre le teu aux poudres pour empêcher qu'il ne tombe entre les mains de l'ennemi. Vous êtes tous illuftres états confédérés Vous êtes au gouvernail de la république : la patrie eft votre épouse: vous lui avez jurez la foi que chacun confulte fon cœur ; il y lira certainement fes devoirs, & l'o bligation de la défendre.

Défendons-là donc autant que nous pourrons; & puifqu'on a défarmé ce bras vengeur de la liberté polonoife ce bras qui alloit autrefois porter la terreur dans le camp ennemi ou fecourir des alliés, ufons de ces armes qu'on ne sçauroit nous ôter: que notre ame s'éleve', fi le corps doit fuccomber; proteftons, refufons de figner.

"

fur

Mon deffein n'eft pas de fonner le tocfin, & d'irriter les efprits: que chacun fe confulte, comme il lui plait, ce qu'il doit faire. Je parle d'après és ma p propre conviction & d'après ce que dicte le ferment que j'ai prêté : non ma chere patrie, je n'oublierai jamais ce que je vous dois, ce tribut d'amour & de reconnoiffance! Et vous, Sire, mon roi & mon maitre, devant qui je parle, ouverte ment & avec franchife, en préfence des états affemblés vous ferez témoin de mes fentimens : je dois tout à vous seul; & je n'ai rien que je ne facrifiafle en ce moment pour votre perfonne facrée, & pour ma patrie. Il me reste encore quelques biens échappés au démembrement de nos provinces: je vous les offre. Enfin, mes jours font entre vos mains & au fervice de la patrie. Cette vie naturellement fi chere à chacun, je réitere que je fuis prêt à en faire le facrifice pour vos propres intérêts ; & puifqu'enfin nous fommes réduits cette extrémité fatale de choifir entre l'esclavage & la mort, mourons! La mort eft un devoir, quand la vie feroit un opprobre.

L'avaricé eft une paffion exclufive, qui étouffé fouvent toutes les autres dans celui qu'elle pofle. de; l'amour de la vie même fait place quelque fois à l'amour de l'or. On accufe les Juifs d'être

plus fufceptibles que les autres de ce fentimer honteux, voici un trait qui eft du moins propri à prouver qu'ils ne fe deflaififfent pas volontiers, quelque peine qu'il leur faille effuyer. On f qu'il y a eu des débordemens affreux cette née, & que plufieurs pays en ont prodigieusement fouffert; on a vu dans une de ces dernieres inondations, un riche Hébreu de Sereth en Hongrie, qui ne pouvant emporter fon coffre fort avec lui, s'eft expofé au plus grand danger pour avoir la douce fatisfaction de ne le pas perdre de vue. Il resta conftamment auprès de ce coffre, malgré les fo)licitations de tous fes voifins, qui lui prédifoient une mort inévitable; l'eau qui croiffoit avec ra pidité, fembloit juftifier leurs craintes & leur prédiction; l'Ifraëlite ne s'émut point; quand il la vit entrer dans fa chambre, au lieu de fortir & de profiter des fecours qu'on lui offroit pour le fauver, il n'abandonna point fon coffre, il monta deffus pour fe mettre à fec; l'eau ne tarda pas à le gagner, & il s'élança vers une poutre, à laquel le il fe cramponna & refta fufpendu, ayant la moitié du corps dans l'eau; dans cette fituation affreufe, il refufa encore de quitter fon poste & de fe retirer dans un bateau que l'on avoit amené; les gens charitables qui le conduifoient, s'arrête rent quelques momens à confidérer le spectacle fingulier qu'il leur donnoit; enfin, ils le faifirent & l'enleverent malgré lui; il fit peu de résistan ce, parce qu'alors les forces commençoient à lui manquer; & il tomba évanoui, lorsqu'il fut dans le bateau; on le mit en fûreté, & il revint à lui; dès qu'il eut repris connoiffance, fon premier mou yement fut de jetter les yeux autour de lui & il pouffa un cri, parce qu'il n'apperçut plus ni fa chambre, ni fon coffre; il regarda fes libérateurs comme des voleurs; il crut qu'ils avoient enlevé fon tréfor avec lui, & qu'ils s'en étoient

emparés pour ne plus le lui rendre; ce fut avec beaucoup de peine qu'on parvint à lui perfuader qu'on l'avoit laiffé dans fa maifon. Cette certitude ne le calma pas; il marcha du côté de fa mai◄ fon, pleurant à la vue de l'espace d'eau qui l'en féparoit, & refta fur le bord, les yeux fixés fur fa demeure, jufqu'à ceque les eaux fe fuffent écoulées; chaque inftant, il s'y hazardoit, dans l'efpérance qu'elles feroient guéables, & qu'il pourroit rejoindre l'objet de tous fes vœux; & c'étoit toujours avec une nouvelle douleur qu'il étoit forcé de retourner fur fes pas; encore falloit-il que de bonnes gens l'allaffent chercher, & le ramenaffent malgré lui. On le veilla pendant tout le tems que dura le danger; dès qu'il fut paffé, on le laiffa libre, & il en profita pour aller rejoindre fon tréfor, qu'il trouva fain & entier ; l'eau ne fait point de mal aux efpeces. On sçavoit déjà à quelle extrémité peut fe porter un avare; mais ce trait eft celui d'un avare Juif.

à

$

Le projet de mettre fin à fes maux en fe délivrant de la vie, eft quelquefois accompagné de circonftances propres prouver que la raison ne jette encore que des lueurs bien foibles dans un grand nombre de cervelles; nous avons vu fouvent que l'idée de faire fon falut a multiplié les meurtres dans le Nord, & diminué celui des fuicides. Voici un nouveau fait dont l'auteur a voulu réunir le double projet d'aflurer la félicité éternelle à fa femme, ainfi qu'à lui, en fe débarraffant l'un & l'autre des maux dont ils fentoient le poids, Un homme de Cunnersdorff ayant eu le malheur de voir tomber ses affaires en décadence, fans qu'on pût l'accufer de mauvaise conduite, reçut, il y a quelque tems, le dernier coup de la fortune, en voyant faifir & vendre l'unique bien qui lui refsoit. Cet infortuné ayoit une femme qu'il ayoit

toujours tendrement aimée, & plufieurs enfan dont la mifere lui perçoit le cœur. Lors de la ver te du bien, sa femme lui repréfenta doucement & les larmes aux yeux, l'état défefpérant où ils étoient réduits, & lui avoua que, fans la crainte de dieu, elle se seroit déjà portée à quelque extré mité. Le mari la confola en sanglotant, l'exhor tant à fe résigner aux décrets du tout-puiffant, & à implorer fa miféricorde pendant les fêtes de pâques ; c'étoit en effet, dans ce tems que fon der nier malheur étoit arrivé. La femme fit fes pâques; elle paffa en jeûne & en prieres le jour qu'elle eut communié. Elle fe coucha le foir la premiere, & s'endormit bientôt. Le mari, pourvu d'un piftolet, muni d'une double charge, la tua d'un feul coup, que probablement elle ne fentit point, & fe jetta auffitôt à genoux devant le lit, pour demander à dieu de recevoir l'ame de cette infortunée, Les voifins attirés par le bruit, le trouverent dans cette posture. La justice avertie, accou rut dans l'inftant & voulut l'enlever; il demanda tranquillement qu'on lui laiffât achever fa priere; ce qui lui fut permis. Cela fait, il fe leve, effuye fes larmes, raconte avec beaucoup de fangs froid comment tout s'étoit paffé, fe livre lui-même, & fupplie tous les affiftans de s'inté reffer à lui pour lui procurer un bon directeur & une prompte juftice. Le public s'eft chargé des enfans de ce malheureux, qu'on plaint beaucoup, & dont l'hiftoire, propre à groffir les annales vo lumineufes de la démence, fait en même tems horreur & pitié.

[ocr errors]
[merged small][ocr errors]

L'édit du grand duc de Florence, annoncé dans Ja 2me. Quinz. de Juin, contient les difpofitions fuivantes.

-Son A. R. fe croyant obligée de procurer du fecours

« PreviousContinue »