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MY LORD.

Le roi m'a ordonné de vous informer qu'à l'avenir S. M. ne recevra aucune adreffe, remontrance ou pétition que de la corporation de la cité. C'eft pourquoi je vous fe fais fçavoir, comme au magiftrat en chef de la cité, J'ai l'honneur d'être, mylord, &c. Hertford.

Le lord Wilkes a fait à cette lettre une réponse très-longue & très-vive, dont voici les traits principaux.

Je vous prie, myford, de me mettre en toute humilité aux pieds de S. M... & de lui repréfenter que les droits & les privileges des bourgeois de Londres en pareille occafion ont toujours été respectés & confervés par les rois fes prédéceffeurs; que ces bourgeois, amis zélés de la liberté & de la fucceffion proteftante 2 n'ont recherché dans toutes les mefures qu'ils ont prifes, lors de la révolution, que celles qui pouvoient affurer la conftitution libre du pays... Ce font eux, die le lord-maire, qui ont formé le grand & puiffant corps de la corporation, revêtu du pouvoir important d'élire le magiftrat en chef, les fcherifs, le chambellan, les receveurs de leurs revenus, & enfin les quatre membres qui représentent dans le parlement la capitale de cet empire. Il obferve que, fuivant la conftitution de la cité & fes privileges diftincts & particuliers, le corps entier de la corporation ne s'affemble jamais; que l'avocatgénéral de S. M. a été confulté en 1971, fur la légalité des affemblées & des remontrances des bourgeois, & que fon fentiment d'approbation eft configné dans les regiftres du greffe; que le droit de pétition & d'adreffe de leur part eft d'ufage immémorial, & qu'il eft devenu, felon l'opinion des jurifconfultes, un droit abfolu, auf peu fujet à contradiction que les belles & juftes prérogatives de la couronne... Que ce droit,' dans aucun période de l'hiftoire, n'a été révoqué en doute, & que l'ordre injurieux de S. M. à cet égard étoit réfervé à l'époque préfente.. Que dans tous les tems, les atteintes portées aux privileges de la capitale ont été fuivies des conféquences les plus funeftes.. Il s'étend avec force fur l'importance du privilege qu'il réclame. Lorfque S. M. fur fon troue reçoit uns adreffe, elle eft lue au roi, dit-il, en préfence des fupplians, qui reçoivent une réponse, au lieu que toute autre maniere de porter fes plaintes n'a point cet effet, parce que les miniftres auxquels le cahier en eft remis, peuvent en étouffer la voix.

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El paffe enfaite à

la derniere adreffexamen des.

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au roi,és aux con

citoyens de l'Amérique, & il craint que la lettre de mylord Hertford, qui a immédiatement fuivi la réponse défavorable de S. M. à la remontrance, ne foit une nouvelle marque de colere de S. M. contre les malheureux freres de l'Amérique, & de mécontentement en vers les fideles fujets de la capitale. Il fe raffure pour les bourgeois de Londres, en confidérant la pureté de leurs intentions', & lá justice du roi, qui ne peur mana. quer de leurs readre bientôt fa faveur; mais les Amé ricains, dit-il, peuvent être portés, au défespoir, à moins que la providence ne leur rende le confeil du roi moins contraire c'eft vers cet objet qu'il excite le chambellan de S. M. à employer fon amour pour la patrie & fon zele pour la gloire du fouverain, en fais fant révoquer par fon crédit l'ordre qu'il vient de lui faire pafler de la part de S. M.

Le navire Chalkley, arrivé de Philadelphie à Briftal, rencontra, les de ce mois, à 50 lieues de la côte d'Irlande, 27 bâtimens de transport chargés de troupes & de munitions deftinées pour Bofton; ils étoient tous en bon état, fous l'ef corte de deux vaiffeaux de guerre.

Depuis que la fonte de glaces à Boston raffu re les troupes contre une attaque inopinée des infurgens, on remarque qu'elles deviennent plus entreprenantes, & qu'elles ont repris les travaux des paliffades de l'ifthme, pour couper toute com munication entre la ville & le pays. Le 16 Mars jour de prière & de jeûne ordonné par le congrès provincial, pendant que l'on prioit dans le filence & le recueillement, un, parti du régiment du roi s'avança jufques fous le temple, y dref fa deux tentes, & fit battre la caiffe pendant la durée du fervice. Le lendemain, la maifon de campagne du Sr. Hancock, colonel des milices du pays, fut affaillie, par un corps d'officiers qui dégraderent la haie qui borde la cour, cafferent les vîtres, & accablerent d'outrages ceux qu'ils rencontrerent. Le 18, la garde de l'ifthme arrêta

13 mille 4 cens 25 cartouches de fufil avec les balles, & environ 3 cens livres de balles, le tout appartenant à un marchand qui a vainement tenté auprès du général d'en obtenir la reftitution. Le voiturier a reçu un coup de bayonnette dans le col, & l'on a vu le même foir, les officiers, l'épée à la main, courir les rues de la ville, & frapper, fans diftinction, tout ce qui fe trouvoit fur leur paffage. Ils n'ont pas même respecté la voiture publique qui revenoit de la Providence, & dont le cocher, homme hardi & robufte, defcenda de fon fiege, prêta le collet avec avantage à un des officiers. Cestévénemens n'ont point encore eu de fuite parce que la ville, qui d'ailleurs eft, l'afyle de tous les partifans de la cour eft remplie de troupes.

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La maifon du Sr Hancock ayant été infultée une feconde fois par les bas-officiers & quelques foldats qui fe vantoient affez haut que bientôt tout feroit à leur difcrétion, le colonel a porté fes plaintes, au général Gage, qui a donné ordre à un aide-de-camp d'arrêter tous ceux qui fe permettroient de pareilles incurfions.

Ce général a reçu des remontrances très-vives de la part des habitans du bourg de Billica, près de Bofton. Un détachement du 47. régiment, cominandé par le br. Nesbitt, lieutenant-colo nel, a goudroné & emplumé, le 8 Mars, un bourgeois de ce lieu, nommé Diffon, dont tout fe crime étoit de s'être déclaré pour la hberté de fon pays; le ftyle des remontrances de ces habitans fera connoitre la difpofition des efprits de fa colonie. «Nous ne pouvons, difent ils, pafferous filence une infraction auffi fi atroce au droit de la sûreté perfonnelle, inhérent à tout Anglais; & fans lequel notre conftitution fi vantée n'eft qu'un vain nom >>.

«Votre excellence nous a affurés que nots

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pourrions aller & venir librement d'ici à Boffon; nous l'avons fait avec confiance; votre parole ne feroit-elle point facrée? Le lieutenant-colonel Nef bitt eft fous vos ordres; nous vous demandons juftice de la violence de fa troupe. Si les tranquilles habitans des bourgs font encore infultés par vos foldats, nous n'employerons plus les plaintes & les remontrances; & fi les puiffances de la terre fe déclarent les ennemies de la liberté & dc la vertu, nous en appellerons à celui qui juge fuivant la juftice, & nous nous foumettrons avec joie à tout ce qu'il lui plaira d'en ordonner ».

On apprend que la province de la NouvelleYorck envoie des délégués au congrès de Phila-' delphie. On ajoute que dans le comté de Cumber land, colonie de cette province, les infurgens, au nombre de 500, peu fatisfaits de leurs magiftrats, les ont enlevés, & l'indécision du genre de mort qu'ils leurs feroient fubir, a fauvé leurs jours, en donnant le tems aux habitans de la Nouvelle-Hampshire de s'emparer de ces juges, qu'ils ont conduits dans leurs prifons. On ne laifle traverser le comté de Cumberland par aucun voyageur fans un paffe-port figné du comité. De tous les officiers de juftice, ils n'en' ont confervé que deux, dont ils ont reftreint les fonctions à la feute connoiffance des affaires criminelles.

Un autre fait prouve encore davantage les dif pofitions de la Nouvelle-Yorck. Le Needham capitaine Chervets, arrivé dernierement à Corck, à apporté la nouvelle que deux vaiffeaux qui avoient fait voile d'Ecoffe, & un hull (dans P'Yorck-Shire) chargés de marchandifes angloifes, étoient entrés dans le port de New-Yorck, mais qu'ils avoient été forcés de remettre en mer fans qu'on eût voulu leur permettre de rien débarquer.

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Tous les avis des colonies s'accordent furlaferme réfolution des Américains à maintenir leur berté aux dépens de leurs biens, & même de leurvie. Les habitans de la Caroline-Méridionale en ont don né un exemple. On mande de Charles-Town, en da te du 3 Mars, que le vaiffeau du capitaine Fortun y étant arrivé après l'expiration du terme accordé pour l'importation, il fut réfolu d'en jetter toute la cargaifon à la mer; ce qui, au départ de la lettre, s'exécutoit à l'embouchure de la Crique, à peu de diftance de la ville, fous les yeux du comité d'obfervation.

On vient d'avoir connoiffance d'une lettre circulaire que le lord Darmouth avoit fadreffée à chaque gouverneur du continent de l'Amérique, affez à tems pour s'oppofer, s'il étoit poffible, au congrès de Philadelphie, fixé au 10 de ce mois. La voici.

Certaines perfonnes qui fe qualifient de délégués des colonies de S. M. en Amérique, ayant ofé, fans fon autorité, tenir un congrès à Philadelphie dans les mois de Septembre & d'Odobre derniers, & ayant jugé à propos, parmi d'autres démarches infoutenables, d'en affigner un fecond dans la méme ville au o Mai Juivant, & de recommander que toutes les colonies de l'Amérique feptentriona le euffent à élire des députés pour affifier à ce cangrès, à moins qu'avant cette époque on eût obten le redreffement de certains prétendus griefs; j'ai ordre, de la part du roi, de vous faire connaitre les, intentions de S. M., qui font que vous faffiez vos efforts pour empêcher cette nomination de deputés dans la colonie foumife à votre gouvernement, & que vous exhortiez tous & un chacun des habitans de cette colonie à le défifter d'une pareille entreprife, qui ne peut qu'être très-défagréable au roi.

Signé, DARMOUTH.
Les Caraïbes noirs, ou negres Marons de St

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