ques de fon royaume une lettre circulaire, dont voici la copie. Vous êtes inftruit du brigandage inoui qui s'eft exercé fur les blés autour de la capitale, & prefque fous mes yeux à Versailles, & qui femble menacer plufieurs provinces du royaume. S'il vient à s'approcher de votre diocefe, ou à s'y introduire, je ne doute pas que vous n'y oppofiez tous les obftacles que votre gele, votre attachement à ma perfonne, & plus encore la religion fainte dont vous êtes le miniftre, fauront vous fuggérer: Le maintien de l'ordre public eft une loi de l'évangile, comme une loi de l'état, & tout ce qui le trouble, eft également criminel devant dieu & devant les hommes. J'ai pensé que dans cette circonfiance il pourroit être utile que les curés de mon royaume fuffent inftruits des principes & des effets de ces émeutes & c'eft dans cette vue que j'ai fait dreffer pour eux linftruction que je vous envoie, & que vous aurez foin d'adresser à ceux de votre diocefe. Les connoiffances qu'elle renferme mifes par eux fous les yeux des peuples, pourront les préferver de la félition, & les empêcher d'en être les victimes ou les complices. Je compte que vous y joindrez de votre part, toutes les inftructions que les circonftances vous feront juger nécessaires. Je fuis bien perfuadé que je n'ai rien à preferire à votre ele; mais fi le defir de m're agréable peut l'accroître foyez für qu'on ne peut mieux me fervir & me plaire qu'en préfervant les peuples de tout malheur: & pardeffus tout, de celui d'être coupables dans un moment où, pour leur intérêt même, il ne me feroit pas permis d'ufer d'indulgence. La présenté n'étant à autre fin, je prie dieu M... qu'il vous ait en fa fainte garde. Ecrit à Verfailles, le... Le roi a envoyé en même tems à tous les curés de fon royaume l'inftruction fuivante. S. M. a ordonné que les brigandages qui dévaftent ou menacent plufieurs provinces de fon royaume, fuffent réprimés par des punitions promptes & féveres. Mais fi elle a été forcée d'y avoir recours pour diminuer le nombre des coupables, & en arrêter les excès, eile eft encore plus occupée d'empêcher qu'aucun de fes fujets ne le devienne; & fi elle peut y parvenir, le fuccès de fes foias fera d'autant plus confolant pour elle, qu'elle eft plus vivement affligée des mefures rigoureufes que les circonftances ne lui permettent pas de négliger. C'eft dans cette vue que S, M, a jugé à propos de faire adreffer la préfente inftrudion aux curés de fon royaume. › Elle a déjà éprouvé l'utile influence de plufieurs d'entr'eux dans des paroiffes dont quelques habitans entraînés à la révolte par des impreffions étrangeres, mais ra-menés par les exhortations de leurs pafteurs, à leur devoir & à leur véritable intérêt, fe font empreffés de remettre eux-mêmes les denrées qu'ils avoient enlevéts & de porter aux pieds des autels, le repentir de leurs fautes, & des prieres ferventes pour leur roi, dont cn. avoit ofé , pour les féduire, infulter & rendre fufpecte la bonté, S. M. fe promet le même zele des autres curés de fon royaume. La confiance des peuples eft le prix naturel de leur tendreffe, de leur affection & de leurs foins; & lorfqu'aux vérités faintes de la religion, qui proferit touttrouble dans l'ordre public, & toute ufurpation du bien d'autrui, ils joindront la terreur des peines impofées par les loix civiles, contre le vol & la fédition; des avis fa« Juraires fur les dangers & les malheurs du brigandage & furtout les affurances de la bonté du roi, qui n'eft:cccupé que du bonheur de fes fujets; S. M. a lieu d'ef pérer que les peuples feront garantis des voies odieufesqu'on emplaie pour les tromper, & qu'ils fçauront fe Préferver également du crime de la fédition & du mal heur d'en être les victimes.. Pour que les curés faient plus à portée de faire valoir ces usiles réflexions, il eft néceffaire qu'ils foient inf ruits des principes & des fuites de la fédition, dont les habitans de leurs paroiffes ont à fe préferver & à fe défendre. Elle n'eft point occafionnée par la rareté réelle des blés : ils ont toujours été en quantité fuffifance dans les marchés, & particulierement dans les provinces qui opt été les premieres exposées au pillage.. : Elle n'eft pas non plus produire par l'excès de la mifere on a vu la denrée portée à des prix plus élevés, fans que le moindre murmure fe foit fait entendre, &: les fecours que S. M. a fait répandre, les atteliers qu'el→ le a fait ouvrir dans les provinces, ceux qui font entretenus dans la capitale, ont diminué la cherté pour les pauvres, en leur fourniffant les moyens de gagner des falaires, & d'atteindre le prix du pain.. Le brigandage a été excité par des hommes étrangers aux paroiffes qu'ils venoient devafter; tantôt ces hom mss pervers, uniquement occupés d'émouvoir les ef-... Prits, ne vouloient pas même pour leur compte, des. béég, dont ils occafionnoient le pillage; tantôt ils lequ enlévoient à leur profit, fans doute pour les revendre uns jour, & fatisfaire ainfi leur avidité, On les a vus quelquefois affe&ter. de payer la denrée à vil prix; mais en acheter une quantité fi confidérable, que l'argent qu'ils y employoient, prouvoit qu'ils n'étoient pouffés ni par la mifere préfente, ni par la crainte de l'éprouver. Ce qu'il y a de plus déplorable, eft que ces furieux ent porté la rage jufqu'à détruire ce qu'ils avoient pillé. Il y a eu des grains & des farines jettés dans 12riviere. La fcélérateffe a été pouffée jufqu'à brûler des gran ges pleines de blés, & des fermes entieres. Il fembles que le but de ce complot ait été de produire une vé ritable famine dans les provinces qui environnent Paris, & dans Paris même, pour porter les peuples, par le befain & le défefpoir, aux derniers excès.. Le moyen employé par ces ennemis du peuple, a été de l'exciter partout au pillage, en afectant de paroître fes défenfeurs. Pour le féduire, les uns ont ofé fuppofer que les vues du roi étoient peu favorables au biende fes peuples; comme s'il avoit jamais féparé fon bonheur de celui de fes fujets, & comme s'il pouvoit avoire d'autre penfée, que celle de les rendre heureux. Les autres, affectant plus de refpect, mais non moins dangereux, n'ont pas craint de répandre que le roi approuvoit leur conduite, & vouloit que le prix des blés fat baiffé: comme fi S. M. avoit le pouvoir & le mo yen de baiffer à fon gré le prix des denrées, & que ce prix ne fût pas entierement dépendant de leur rareté ou de leur abondance. Un de leurs artifices les plus adroits a été de femer la divifion entre les différentes claffes des citoyens, & d'accufer le gouvernement de favorifer les riches aux dépens des pauvres tandis qu'au contraire il a eu pour but principal d'affurer une production plus grande, des transports plus faciles, des provifions plus abundantes; & par ces divers moyens, d'empêcher tout-à-la-fois la difette de la denrée, & les variations exceffivès dana les prix, qui font les feules caufes de la mifere. Projets deftructeurs fuppofés au gouvernement, fauffes A inquiétudes malignement exagérées profanation des noms le plus refpe&tables, tour a été employé par cesTM hommes méchans, pour fervir leurs paffions & leurs projets : & une multitude aveugle s'eft iaflé féduire & tromper: elle-a-douré de la bonté du roi, de fa vigilam» ce & de fes foins, & par les doutes elle a penfé rendre ces foins inutiles, & tous les remedes vains & fans effet. Les fermes que le brigandage a pillées, les mag fins qu'il a déraités, étoient une refource toute prête pour les temps difficiles, & affuroient les moyens de fubüfter jufqu'à la récolte. Si l'on continue de priver l'état de cette reffource, de piller les voitures fur les chemins. de dévafter les marchés, comment fe flatter qu'ils feront garnis, que les grains n'enchériront pas encore davantage, que la denrée diffipée, interceptée & arrêtée de toutes parts, ne fioira pas par manquer aux befoins? Si les blés font montés à des prix trop élevés, ce n'eft pas en les dif fipant, en les pillant, en les enlevant à la fubfistance des peuples, qu'on les rendra moins chers & plus com mucs. L'abondance paffagere d'un moment, obtenue par de tels moyens, fersit le préfage certain d'une difette prochaine, & qu'on tenteroit alors envain d'éviter. Ce font ces vérités qu'il eft néceffaire que les curés faffent comprendre aux peuples pour leur propre intérêt; le pillage amene les maux que feignent de craindre ceux qui l'infpirent & le confeillent; & un petit nombre de gens mal intentionnés, profite du défordre, randis que ceux qu'ils ont féduits, en demeurent les vic times. Des pafteurs n'on pas befoin d'être avertis de faire remarquer aux peuples, que toute ufurpation de la denrée, même en la payant, lorfque c'est à un prix inférieur à fa valeur, eft un vol véritable, réprouvé par les loix divines & humaines, que nulle excufe ne peut colorer, qu'aucun prétexte ne peut difpenfer de reftituer en entier au véritable maître de la chofe ufurpée. Ils feront fentir à ceux qui pourroient être dans l'illufion, que le prix des blés ne peut malheureufement être propertionné qu'à la plus ou moins grande abondance des récoltes; que la fagefle du gouvernement peut rendre les chertés moins rigoureufes, en facilitant I'importation des blés étrangers, en procurant la libre circulation des blés nationaux, en mettant, par la facilité du transport & des ventes, la fubfiftance plus près du befoin, en donnant aux malheureux, & multipliant pour eux toutes les reffources d'une charité induftrieuSe: mais que toutes ces précautions, qui n'ont jamais été prifes plus abondamment que depuis le regne de S. M. ac peuvent empêcher qu'il n'y ait des chertés; qu'elles font auffi inévitables que les grêles, les tems pluvieux ou trop fecs qui les produifent; que la crainte & la mé fiance des peuples contribuent à les augmenter, & qu'elles deviendroient exceffives, fi le commerce fe trouvant arrêté par les émeutes, les communications devenant difficiles, les laboureurs étant découragés, la denrée ne pouvoit plus être apportée à ceux qui la confomment. Il n'eft point de bien que S. M. ne foit dans l'intention de procurer à fes fujets; fi tous les foulagemens ne peuvent leur être accordés en même tems; s'il eft des maux qui, comme la cherté, fuite néceffaire des mauvaifes récoltes, ne font pas foumis au pouvoir des rois, S. Men eft auli affectée que fes peuples: mais quelle défiance ne doivent-ils pas avoir de ces hommes mal intentionnés qui, pour les émouvoir, fe plaifent à exagérer leur malheur, & l'aggravent par les moyens mêmes qu'ils leur indiquent pour les diminuer! S. M. compte que tous les curés des paroiffes où cette efpece d'hommes chercheroit à s'introduire, préviendront avec foin les habitans contre leurs fatales fuggeftions. Des troupes font déjà difpofées pour affurer la tranquillité des marchés & le tranfport des grains. Les habitans doivent feconder leur activité & fe joindre à elles pour repouffer la fédition qui viendroit troubler leurs foyers, & accroître leur mifere, fous prétexte de la foulager. Lorfque le peuple connoîtra quels en font les auteurs, il les verra avec horreur, loin d'avoir en eux aucune confiance; lorfqu'il en connoîtra les fuites, il les craindra plus que la difette même. Les fublimes préceptes de la religion, expofés en même tems par les curés, affureront le maintien de l'ordre & de la juftice. En exerçant ainfi leur miniftere ils concourront aux vues bienfaifantes de S. M. elle leur faura gré de leurs fuccès & de leurs foins : le plus fûr moyen de mériter fes bontés, eft de partager fon affection pour les peuples, & de travailler à leur bonheur. Les brigands qui courent encore les villes & les campagnes pour enlever & détruire la subfiftance du peuple, s'étant rendus à Méry-furOife , y ont pillé un bateau de bled, & ont excité les habitans du lieu à fe joindre à eux & à voler le grain. Le curé, par un prône tou chant, & par les exhortations qu'il a faites dans tous les hameaux où il s'eft transporté, a déter |