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veneur Don Jofeph Carrion, que S. M. a fait brigadier de fes armées.

Ce généreux commandant n'avoit oublié que fes propres fervices dans le compte qu'il avoit rendu au roi de la valeur & de l'intrépidité de fes troupes; mais la voix générale de la nation avoit fuppléé à fa modeftie, & le roi l'a nommé lieutenant-général de ses armées. C'est à ces promotions que s'eft bornée jusqu'à préfent la reconnoiffance du monarque. On voit par le journal du' fiege envoyé à la cour, que la glorieufe défense de Mélille a coûté la vie à 94 hommes, & qu'il y en a eu 574 de bleffés.

Voici la traduction de la lettre d'Elgazel an marquis de Grimaldi, premier fecrétaire d'état, & la réponse noble & ferme de ce dernier. Les deux nations y font bien caractérisées.

Lettre de Hamer Elgazel à fon excellence &c.

Je me réjouis de ce que fon excellence & le roi fon maitre ont fanté & profpérité. Lorsque j'ai reçu la lettre de votre excellence, je l'ai lue avec d'autres au roi mon mai-tre, qui en entendit le contenu avec beaucoup de plaifir par rapport aux fentimens d'amitié & à la fagèffe dont elle eft remplie, & auflitôt il a fait lever le fiege de Mélille, & fufpendre le feu en faifant mille éloges de ce monarque, & en difant que tant que le roi Charles vivroit, il ne fouffrirvit jamais qu'il y eût aucun Efpagnol efclave dans fes états, parce qu'il fe déclare le véritable ami de ce. prince, en paix & en guerre. Il eft feulement très fácké qu'on dife de lui qu'il a violé le traité de paix fans motif, & cette circonftance a fuffi pour qu'il levât le fiege de Mělille. Il demande que la divifion qui fubfifte entre notre cour & la vôtre, foit décidée juridiquement en donnant raifon à qui elle appartient. A cet effet, je me rendrai à Tanger de la part de mon fouverain, pour affifter à la conférence dans laquelle les miniftres des deux cours jugeront la difpute, afin qu'il y ait paix & bonne harmonie entre les deux rois, fans préjudice de leurs droits.

Auffitôt que le roi mon maitre a eu levé le fiege de Mélille, je me fuis rendu à la place, & j'ai vu le gouverneur & les autres officiers, qui se soat réjouis de me

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voir particulierement lorsque je leur ai montré la lettre de votre excellence, & les ai aflurés que mon prince étoit en paix avec le leur, & qu'ils étoient tous les deux amis. Je me mets en marche pour Tanger, qui eft le lieu le plus voifin d'Efpagne & nous y travaillerons avec vous fur cette affaire. Quant au bâtiment venant de Cadix & qui, par le mauvais tems, a relâché à Larrache, j'ai déjà dit à votre excellence que le roi mon maitre avoit don né des ordres pour qu'il y fût ragréé, & qu'on le ffår aller à fa deftination avec fa cargaison.

Lorfque j'ai occafion de parler au roi mon maitre de votre excellence c'eft pour moi une finguliere fatisfaction d'entendre les louanges que lui donne mon maitre; ce qui eft, fans doute, un effet de la bonne conduite & de la prudence des fages miniftres des rois qui doivent faire le bonheur de leurs états, & je refte, comme toujours l'intime & fidele ami de votre excellence. Le ise. jour du mois de Moharam de l'année de l'hégire 1189 (19 Mars 1775). Hamet Elgazel.

Le roi a ordonné au marquis de Grimaldi de répondre à Hamet Elgazel; ce qu'il a fait dans les termes fuivans:

Le commandant-général de la place de Mélille m'a adreffé une lettre de vous, du 19 Mars, dont le contenu ma caufé la plus grande furprise. Après m'avoir accufé la réception d'une autre lettre de moi en termes fi équivoques, qu'ils en rendroient la teneur douteuse, vous me faites part de la réfolution que vient de prendre le roi votre maitre, de fufpendre toute hoftilité contre la nation efpagnole, en propofant en même tems de faire trouver dans un lieu convenable, des commiffaires nommés par les deux fouverains pour arranger les différends qui fubfiftent, & établir de nouveau la paix. Vous n'ignorez pas que dans ma dite lettre, bien loin qu'il fe trouve aucune expreffion dont on puiffe tirer l'induction mime la plus éloignée pour la paix, il n'y eft question que de guerre abfolument; fon contenu fe réduifant à ratifier tout ce qui du côté de l'Espagne avoit été dit dans la décla ration de guerre, au sujet de quoi je vous aurois qu'elle devoit être entendue comme guerre générale par mer & par terre. Et quoiqu'enfuite, relativement à la générofité dont le Roi de Maroc avoit ufé à l'égard de onze captifs Efpagnols, je vous aie dit auffi que le roi mon fouverain traiteroit toujours avec bonté les malheureux qui éprouveroient un fort pareil fur les côtes de fes états, il paroit qu'on ne pouvoit rien inférer de 'çès ex

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preffions pour la fufpenfion du fiege de Mélille, comme vous le donnez à entendre.

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Dans cet état des chofes, & comme le roi mon maitre n'ignore pas les motifs que le roi de Maroc peut avoir aujourd'hui pour folliciter la reconciliation je dois vous déclarer qu'un monarque auffi grand, & qui a autant de principes que le roi d'Efpagne, n'entreprend jamais de guerre avec aucunes puiflances fans les caufes les plus graves, telles que font fa propre gloire & la défenfe de fes fujets. Que dans le différend actuel, le roi de Maroc a été l'aggreffeur en rompant un traité folemnel de paix, en alliégeant tout-à-coup des places efpagnoles dans le territoire d'Afrique, & en annonçant qu'il procéderoit de même à l'égard des autres; que les motifs fur lefquels il fonde aujourd'hui de pareils procédés, ferviroient en tout tems de prétextes faciles pour recommencer les hoftilités, dès qu'il a fuppofé une fois qu'il y eft autorifé par la loi des Mufulmans, quoiqu'on connoiffe d'un autre côté, le fcrupule avec lequel la cour ottomane obferve fes traités avec les princes chrétiens. Qu'après qu'il s'eft paffé, des chofes femblables, S. M. ne remettra point l'épée dans le fourreau qu'auparavant on ne lui ait fait la farisfaction complette qu'exige l'honneur de fa fouveraineté & des armes efpagnoles; qu'en fin, le roi ne pourra jamais écouter aucune propofition, fans qu'avant tout, & formellement, on ne donne des sûretés qui garantiffent pour toujours à la domination efpagnole les ftipulations, à faire, en prévenant dans les termes les plus folemnels toute infraction ou interprétation arbitraire.

A l'égard de l'affection particuliere que le roi de Maroc porte au roi mon maitre, je puis vous affurer que comme il n'exifle point de rancune entre les fouverains, S. M. eftimera toujours les hautes qualités du roi de Maroc.

Je fuis fenfible, comme je le dois, aux marques d'amitié que vous voulez bien me donner. A Aranjuez, le 31 Mars 1775. Le marquis de Grimaldi.

Le gouverneur du préfide du Pennon a auffi donné avis que les Maures qui l'affiégeoient, avoient arboré l'étendard de la paix le 18 Mars au foir & que la place y ayant répondu, ils firent en fubftance les mêmes proteftations qu'à Mélille demandant la paix, & fe retirant avec leur artillerie.

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Le 21, ils s'étoient déjà éloignés, à l'exception d'une trentaine de Maures qui gardoient quelques munitions de guerre.

On n'apprend pas que la nouvelle de la levée du fiege de Mélille ait fufpendu les préparatifs du grand armement qui fe fait dans nos ports.

FRANCE.

VERSAILLES (les Mai.) Sur la nouvelle d'une maladie dangereufe furvenue au chevalier de Valliere, commandant-général des ifles fous le vent de l'Amérique, qui avoit précédemment demandé fon rappel en France, le roi a nommé pour le remplacer, le comte d'Ennery, maréchalde-camp. S. M. lui a auffi donné le titre de directeur-général des fortifications artillerie & troupes des colonies.

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PARIS (le 6 Mai.) Il vien de paroitre une déclaration du roi, donnée à Verfailles le 26 Avril, & enregistrée au parlement le 28, portant établiffement d'une chambre de tournelle civile au par lement. Cette chambre fera compofée du premier-préfident, des fecond & troifieme préfidens de 6 confeillers de la grand'chambre, & de 4 confeillers de chacune des chambres des enquê tes, 2 d'entre les anciens, &2 d'entre les derniers reçus ces confeillers changeront de 3 mois en 3 mois. Cette chambre tiendra fes féances tous les jours de la femaine, excepté les dimanches & fêtes, depuis 10 heures du matin jufqu'à midi; elle connoitra & jugera toutes les caufes où il s'agira feulement de 3 mille liv., & de 150 liv. de rentes &c.

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De cinq arrêts du confeil d'état du roi, qui viennent de paroitre, le 1er. du 4 Mars dernier, ordonne que les marchands détailleurs d'eaude vie, établis dans les paroifles des généralités

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de Paris & de Soiffons, qui font fituées dans les trois lieues limitrophes de la généralité d'Amiens, pourront s'en approvifionner en pieces de 60 à 70 veltes, & au deffous, dont ils ne pourront avoir qu'une feule à la fois.

Le 2e.

du 16 du même mois, concerne le droit de marc d'or à payer pour les charges & offices de la maison du roi.

:

Le 3e., du 7 Avril, caffe les ordonnances des officiers de la fénéchauffée & lieutenans-généraux de police de la Rochelle des 9 & 10 Mars dernier la premiere, en ce qu'elle ordonne la vifite des grains venant de l'étranger, & la feconde, en ce qu'elle en fufpend la vente, fous le prétexte qu'ils font avariés; fe réfervant S, M. de ftatuer fur les dommages & intérêts qui peuvent ou pourront être dûs par lefdits juges de police aux négocians auxquels lefdits grains ap partiennent.

Le 4e., du 22 du même mois, fufpend à Dijon, Beaune, St. Jean de Lône & Montbard la perception des droits fur les grains & farines, tant à l'entrée defdites villes que dans les marchés.

Le se., du 24 du même mois, recommande l'exécution de l'arrêt du 13 Septembre 1774, & des lettres-patentes du 2 Novembre de l'année derniere; renouvelle en conféquence les défenfes faites à toutes perfonnes, notamment aux juges de police, à tous les officiers de S. M. & à ceux des feigneurs, de mettre aucun obftacle à la libre circulation des grains & farines de province à province, fous quelque prétexte que ce foit; accorde à tous les négocians françois ou étrangers, qui, à compter du 15 Mai jufqu'au 1er. Août de cette année, feront venir des grains de l'étranger dans le royaume, une gratification de 18 fols par quintal de froment, & de 12 par quintal de feigle. Outre ces encouragemens, le même arrêt accou Mai, 1775. ae. quinz C

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