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étoit celle qui s'étoit élevée fur l'article concernant le kan des Tartares; parce qu'il falloit la régler d'une maniere qui pût être également agréable aux deux puiffances contractantes; & c'est à quoi on a réuffi, en convenant réciproquement des articles fuivans. 1°. Dès que la nation tartare aura procédé, dans la forme ordinaire, à l'élection d'un chef, le nouveau kan fera notifier cet événement, en même tems, à la cour de Ruffie & à la Porte. 2°. Le grand-feigneur s'engage de reconnoitre le prince tartare immédiatement après la notification, & à lui envoyer la peliffe d'honneur, le fabre & le turban. 3o. On continuera exactement de prier pour S. H. dans toutes les mosquées de la Crimée, & de frapper la monnoie à fon coin. 4o. Les cadis, ou juges, feront inftallés par les kadileskirs de Conftantinople; mais la Porte n'acquerra par-là aucune prétention ni influence fur le gouvernement de Crimée, non plus que fur fon indépendance; cet acte fervira uniquement à conftater que le grand-feigneur, en fa qualité de fucceffeur des califes, a le droit de reconnoitre le nouveau kan, qui fait profeffion de la religion mahométane. Ces prérogatives, quoiqu'éminentes, font purement relatives à la religion, & n'ont aucun rapport direct à l'administration de la prefqu'ifle de Crimée.

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Quoi qu'il en foit, cet arrangement cause une vive fatisfaction à la Porte, ainfi qu'aux Ulemes ou gens de loi: le peuple même eft, par cette raison dans la ferme perfuafion que la Crimée n'éprou ve aucun changement effentiel. Le premier écuyer du grand-feigneur eft déjà parti pour se rendre dans cette prefqu'ifle; il eft chargé de remettre, de la part de S. H., la peliffe, le fabre & le turban à Sahib Gueray, kan actuel des Tartares.

Cette affaire importante étant conclue, le co. lonel Peterson, chargé des affaires de Ruffie, fe

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rendit, le 24 du mois dernier, à l'audience du grand-vifir. Il préfenta la ratification du traité de paix de la part de l'impératrice, fa fouveraine, à ce premier miniftre, qui lui remit en même tems celle du grand-feigneur. Le colonel Peterfon & le Sr. Tumara, fon fecrétaire, ont reçu une.magnifique peliffe de martre-zibeline; le major Bock, qui a apporté ici la ratification de l'impératrice de Ruffie, en a eu une d'hermine; Pinterprête de Ruffie une de petit-gris ; & l'on a diftribué des caftans au refte de la fuite du chargé d'affaires de Ruffie. Après cette cérémonie on a auffi donné au reis- effendi ou chancelier de l'empire & au dragoman de la Porte des peliffes de martre zibeline; le dernier a obtenu en même tems, lơ titre de confeiller d'état.

Abdoul Kerim, nommé ambaffadeur extraor dinaire auprès de l'impératrice de Ruffie, a été préfenté le 28 au grand-feigneur, qui a fait donner à ce miniftre, ainfi qu'au grand-vifir, des peliffes d'honneur. Le 30, cer ambaffadeur a eu fon audience de congé pour fe rendre à sa destination. On évalue les préfens dont il eft chargé pour l'impératrice de Ruffie, à 250 mille piaftres.

Le 31, le major Bock eft parti d'ici avec la ratification pour l'armée, dont le quartier-général eft actuellement à Mohilow en Pologne ; & delà il fe rendra à Mofcou.

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Le prince de Repnin, nommé ambaffadeur-extraordinaire de Ruffie auprès du grand-feigneur, eft attendu ici vers la fin du mois de Mai.

On affure que la Crimée & Kilbourn ont été évacuées; & l'on attend ici la nouvelle que les villes de Bender & de Choczim auront été rendues à la Porte.

Depuis quelque tems il regne dans cette ville une espece de maladie qui emporte en peu de jours tous ceux qui en font attaqués. Selon

l'opinion des médecins, c'eft une forte d'éréfipele, accompagnée de fievres fi violentes, que tous les remèdes de l'art font inutiles. Quelques malades font attaqués en même tems, d'un rhumatifme, ordinairement accompagné de tumeurs, d'engourdiffement, &c. Ce mal, qu'on attribue au froid rigoureux qu'il fait ici depuis deux mois, parcit être parvenu aujourd'hui à fon plus haut degré.

DU CAIRE (le 15 Décembre 2774.) On tra➡ vaille ici, par ordre de la Porte, à des préparatifs pour une expédition contre le chéik Daher. Méhémet-Bey a impofé, en conféquence, une taxe de 1800 liv. fur chacun des principaux villages de ce royaume. On ne croit pas que l'intention de ce prince foit de fe mettre à la tête des troupes qu'il enverra en Syrie. Il y a apparence qu'il en deftine le commandement à quelques beys, qui fe joindront vraisemblablement à celles que la Porte enverra de fon côté.

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Ibrahim - bey, émir hack, ou commandant de la caravane, & les principaux beys de cette ville, allerent le 10 de ce mois, en cérémonie prendre au château le tapis qu'on y travaille tous les ans, pour couvrir le temple d'Abraham à la Mecque, Ce tapis fut porté en grande pompe, dans une des mofquées de la ville où il reftera en dépôt jufqu'au départ de la caravane fixé au 28 de la lune de fchewal, qui répond au 31 de ce mois. La marche des pélerins eft réglée de maniere qu'ils arrivent trois jours avant la fête des facrifices, appellée le courban-bayram. Les caravanes de Turquie, de Perfe & du Mogol y arrivent en même tems. Celle de Barbarie n'y fera point cette année, l'empereur de Maroc ayant décidé qu'à l'avenir elle ne feroit ce voyage que tous les deux ans.

ALEXANDRIE ( le 22 Décembre.) IfmaefAga, kihaya de Méhémet-Bey Abou}-¡Daad, est parti ces jours derniers, de ce port, pour Conftantinople, où il eft envoyé par fon maitre. Il a embarqué avec lui de groffes fommes d'argent, qu'on fuppofe être le tribut de l'Egypte. Če kihaya a nolifé à cet effet un navire françois, dont il a renforcé l'équipage & l'artillerie, & a pris en outre, à fa folde 150 foldats turcs; ce qui le met en état de ne pas craindre les pirates qui infeftent l'Archipel. Il le propose de débarquer à Smyrne, & de continuer fa route par terre jus qu'à Conftantinople.

Quoique les dernieres nouvelles venues de l'Archipel, nous donnent, lieu de penfer que les pirates ne paroillent plus en mer avec la même liberté, depuis que la faifon eft plus avancée nous ne laiffons pas d'avoir encore de l'inquié-tude fur le fort de quelques bâtimens.

RUSSIE.

PÉTERSBOURG (le 20 Février.) Un courier arrivé ici le 13 de ce mois, nous a informés que l'impératrice avoit fait, le 5, fon entrée publique à Mofcou avec la plus grande pompe,- & aux acclamations d'un peuple immenfe. On ne tardera pas à recevoir des détails fur les cérémonies qui ont été observées dans cette circonf

tance.

L'ambaffade que notre cour envoie à Constantinople, furpaffera, non-feulement en magnificence toutes celles qui ont paru jusqu'ici dans cette capitale de l'empire ottoman; mais elle y jouira, dit-on, de plufieurs p érogatives, qui n'ont jamais été accordées à aucun ambaffadeur étranger. Telle eft celle qui autorifera le prince de Repnin à paroitre en public, entouré de fa gar

de à pied & à cheval, qui fera compofée d'hommes d'élite. Ceux qui connoiffent le droit & le rang des ambaffadeurs étrangers à la Porte, font perfuadés que cette diftinction, fi elle a lieu, ne fera que momentanée. En effet, combien de puiffances ne formeroient-elles pas la prétention de faire également accompagner leurs ambaffadeurs par 12 ou 15 cens hommes? Et que deviendroit la fûreté du fouverain dont la capitale contiendroit une armée étrangere ?

Le feldt maréchal de Romanzow, qui étoit à Mohilow en Pologne, a été appellé à Mofcou par l'impératrice. C'eft là que ce général recevra la récompense de ses vertus militaires, des mains de fon augufte fouveraine.

Le prince Grégoire Orlow, qui, comme on l'a dit, a obtenu de l'impératrice la permiffion de voyager, a donné la veille de son départ, un grand bal, où toute la nobleffe a pris congé de lui. Pendant fon abfence, qui fera de deux ans fes charges de grand-maitre d'artillerie & de directeur du génie feront exercées par deux géné

faux,

Le comte Théodore Orlow, fon frere, avoit donné la démiffion de fa place de procureur-général du fénat; mais l'impératrice lui a témoigné qu'elle étoit fatisfaite de fes fervices, & l'a engagé à les continuer.

On voit dans la fentence de Pugatfchew une lifte des perfonnes qu'il a maffacrées, & des temples qu'il a profanés. On lit dans l'ukafe remis à ce fujet au fénat, & figné par l'impératrice, que cette fouveraine daigne oublier que la ville de Jaïck a 'ervi de foyer à la rebellion, & qu'elle pardonnera à ceux qui, ayant violé le ferment qu'ils lui devoient, en auront témoigné une douleur fincere, & feront rentrés dans leur devoir; mais qu'elle veut que le fleuve Jaïck, qui prend

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