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léria. Les troupes n'ont pu fe hafarder à le fuivre, à cause du débordement des eaux. Ce chef de bandits, qui avoit eu l'audace de tenter la voie de la capitulation, demandoit, dit-on, qu'on lui donnât 850 fcudis; qu'on lui laiffât fes armes, fes bagages, ainfi que fes adhérens, & la liberté de fe retirer où bon lui fembleroit.

Les lettres de Lisbonne portent que la cour de Portugal a déclaré de jufpatronat royal prefque tous les bénéfices du royaume; qu'elle a aboli toutes les penfions, & a ordonné que tous ceux qui font pourvus de bénéfices par le moyen de la daterie de Rome, en obtiendroient une nouvelle confirmation de S. M.

On voit ici une lettre de Maroc, qui contient les particularités fuivantes, concernant la rupture avec les états généraux des Provinces-Unies. « Depuis quelque tems, ce prince maure témoignoit du mécontentement à la Hollande au fujet d'un préfent extraordinaire qu'il exigeoit de la république, & qu'on lui faifoit attendre. Lorsqu'il lui fut remis au mois d'Octobre, il parut n'en être pas content. Ce fut précisément dans le tems que Reis Salé, qui commande une divifion de 4 corfaires, lui mandoit qu'en revenant d'Alger, il avoit rencontré & vifité un gros navire hollandois, escorté d'une frégate, chargé de toutes fortes de munitions de guerre, deftinées pour le préfent que les états - généraux font tous les ans au dey d'Alger. Sur ce rapport, le roi de Maroc a écrit au conful d'Hollande, que puifque fes maitres faifoient d'auffi grands préfens au dey d'Alger tandis qu'ils ne lui envoyoient que des bijoux, indignes de lui être offerts, il se trouvoit même offenfé du peu de confidération que l'on avoit pour fa perfonne; qu'en conféquence, il déclarois la guerre à la république, & qu'à compter du er. Janvier, les navires hollandois, enlevés par fes

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corfaires, feroient de bonne prife. Le conful ne manqua pas de faire, des représentations au fujet du délai de 6 mois, accordé par le traité; mais elles furent inutiles. Cependant, il obtint la fureté de l'azyle pour tous les fujets de la république qui commercent dans les états de Maroc & des paffeports pour les navires qui étoient employés au commerce de la côte. Malgré ces difpofitions, le conful fit fçavoir à tous les navires de fa nation, qui fe trouvoient dans les ports de l'empereur de Maroc, de mettre inceffamment à la voile, foit qu'ils fuffent à left ou chargés ».

Voici l'extrait d'une relation concernant les forces du roi de Maroc, & la maniere dont elles font la guerre.

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La cavalerie en fait le fond principal; elle n'eft jamais au- deffous de mille chevaux ; deux mille font toujours fellés, & prêts à marcher; la défiance · les tient en cet état pour pouvoir s'oppofer fur le champ à toute attaque imprévue; c'est entre les fils du fouverain que cette cavalerie eft répartie en tems de paix; ils la commandent, & ils doivent la tenir préte à fe raffembler au premier ordre Ni les princes, ni les chefs de la milice, ni les foldats ne retirent aucune folde du fouverain; il n'y a que les Negres attachés à fon fervice, qui en reçoivent feulement une provifion de pain par jour; tous les autres ont la permiffion tacite de vivie comme ils veulent, & de prendre comme ils peuvent. Chaque cavalier eft encore obligé de pourvoir à la nourriture de fon cheval; c'eft par le pillage qu'il fournit à tout, & chaque troupe ne revient jamais d'une expédition fans être fort afforblie; rien ne lui manque quand elle eft la plus forte; mais elle ne l'eft pas toujours. Quand le prince veut affiéger une place, outre les Negres fli pendiés qu'il envoye, il charge un capitaine d'af,

fembler les troupes néceffaires; elles doivent être entretenues par les gouverneurs qui font chargés de Les tenir campées pendant 6 mois ; ceux ci laiffent aux troupes le foin de fe pourvoir par le pillage; ils font enfuite de grands comptes de dépenses, pour tefquels on leur abandonne les recetes de leurs dif trics, à la charge pourtant par eux de payer la contribution annuelle: de forte qu'alors le peuple paye double. Lorfque l'empereur veur marcher lui-même à la tête de fon armée, elle campe d'abord auprès de la ville; le camp eft compofé de 8 mille tentes, au deffus defquelles s'éleve celle du fouve rain, qui eft vafte & magnifique; elle a quatre portes qui conduisent à differens appartemens, falle du confeil, tribunal, mofquée, demeure du prince, &c. Lorfqu'il prévoit que fon abfence fera longue, il conduit avec lui 200 femmes pour fe délaffer pendant la route. Des mulets & des chevaux portent & traînent des provifions immenfes. Ce n'eft qu'après avoir couché une nuit dans le camp fous les murs de fa réfidence, qu'il fe met tout de fuite en route pour ne revenir qu'après l'expédition projetée.

ESPAGNE.

MADRID (le 26 Février.) Le roi a élevé au grade de brigadier de fes armées, navales 14 capitaines de vaiffeaux.

Le commandant général de Melille, dans une lettre qu'il a écrite le 7 ce mois, au comte de Ricla, lui fait part, de la maniere fuivante, des dernieres opérations des affliégés.

Lorique nous eûmes détruit les ouvrages de l'ennemi, nous apprimes par trois efpions, qu'outre 15 foldats morts qu'il avoit retirés de fes mines, il en avoit encore trouvé d'autres depuis, qui y étoient enfévelis; & que le roi de Maroc, conlterné de cet événement, avoit o jonné de fufpentre tous les travaux fouterrains qui étoient dirigés contre nous. Ce rapport s'eft trouvé vrai; & 5 jours fe font écoulés fans qu'aucun mineur ait rien.

entrepris; mais hier, profitant de la mobilité du terrein, remué par le jeu de notre fourneau, plufieurs d'entr'eux parvinrent, malgré les précautions que nous avions prifes, à introduire dans notre mine quelques bombes chargées, auxquelles ils mirent le feu. Ces bombes n'opérerent pas, à la vérité, la destruction de la mine; mais la funtée qui gagna les travaux avancés, fuffoqua 5 foldats de la garnifon, & 11 forçats. Ces 16 hommes s'étoient abandonnés au fommeil ; fans quoi ils n'auroient peut-être pas péri, puifque tous ceux qui étoient reftés éveillés ont eu le tems d'échapper au danger. Ce malheur m'a fort attrifié. Mais, fi les Maures ont commencé à reprendre les travaux de leurs mines, (car, quoiqu'ils ne les pouffent pas avec autant de vivacité qu'auparavant, ils donnent du moins à penfer qu'ils ont deffein de ré tablir celles que nous leur avons ruinées), no 19 faifons de notre côté, des difpofitions fecrettes pour croifer leurs opérations, & pour déconcerter encore leurs projets par des coupures & de nouveaux fourneaux.

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La terreur que nous leur avons imprimée, ralentit leur ardeur. Ils continuent de battre la place: mais les pombes qu'ils y jettent journellement, ne paffent pas le nombre de 60, & ils ne nous tirent plus gueres qu'environ 30 coups de canon. Au refte, le dommage qui en a réfulté jufqu'ici pour la garnifon, a'eft pas confidérable; & nous fommes parvenus heureufement à éteindre deux incendies que leur feu avoit occafionnés. Il n'en eft pas de même de leur armée: elle fouffre de notre part, des pertes continuelles, & dont il eft aifé de s'appercevoir. Notre artillerie leur a brifé une piece de canon ; & un de leurs mortiers a été démonté par une bombe de la place. Les trois efpions dont il a été parlé précédemment. ont confirmé tous ces détails. Ils ont ajouté en même tems, que l'ennemi avoit conduit une partie de fes mor tiers au fiege du Pennon. Ils ne conviennent point Centr'eux du nombre de ces mortiers; mais ils s'accordent tous à dire qu'ils font d'un petit calibre.

Le dernier de ces efpions a commencé à confirmer une nouvelle que ceux de Pennon nous avoient mandée dernierement, & que nous avions de la peine à croire. Il s'agiffoit d'un projet qu'avoient formé les Maures, d'amener au camp un grand nombre de Juifs, & de troupeaux de bœufs & de vaches, couverts de vêtemens rouges & d'autres couleurs, & de faire paffer devant eux ces Juifs & ces beftiaux, non-feulement pour nous effrayer par cette multitude, mais auffi afin qu'après leur avoi

fait effuyer notre premier feu & celui de nos fourneaux, l'armée pût s'avancer plus sûrement. Suivant le rapport de l'efpion, cette rufe, au cas que le roi de Maroc fe déterminât à y avoir recours, ce qui paroiffoit douteux, devoit être mife à exécution le 12 ou le ì3 de ce mois, qui font les jours où les mahométans célebrent leurs påques. L'arrivée des beftiaux s'eft vérifiée : les foldats qui faifoient la garde, m'ont appris qu'il en étoit entré une partie au camp pendant la nuit.

Il vient de nous arriver un autre efpion, qui rap. porte que le camp ennemi eft plein de la nouvelle que l'empereur a réfolu de donner un affaut général à la pla ce, dans la matinée du 13 de ce mois, & qu'il eft entré dans le camp mille Juifs & cinq mille boeufs ou vaches couverts de vêtemens de couleur. Ce prince a convoqué, dans la même vue, toutes les communautés voifines, & a menacé des plus rigoureufes peines tout homme qui manqueroit de fe rendre à cette expédition, même les jeunes garçons à peine fortis de l'enfance. Quoiqu'il connoiffe nos forces, il penfe que la frayeur feule que cet appareil & cette multitude nous cauferont, fera capable de nous faire abandonner la place; & s'il échoue dans fon projet, il eft, dit on, très-déterminé à lever auffitôt le fieg, & à fe retirer avec tout ce qui lui reftera de fon armée. Le même efpion a ajouté que les ennemis avoient recommencé les travaux des mi. nés, afin de nous jetter dans une plus grande confusion, en faifant jouer quelques fourneaux du côté de nos forts les plus voifins; & que, pour nous faire perdre entiement courage, ils bombarderoient la place avec vivacité, jufqu'au moment où ils exécuteroient leur entreprife. Le tapport de cette dernière circonftance s'eft déjà vérifié, puifque les Maures font fur nous un feu continuel avec leurs mortiers.

Le Sr. de Sherlock termine fa lettre en difant qu'au moyen des avis qu'il a reçus, il a tout difpofé d'avance pour bien recevoir les ennemis & pour réprimer leur témérité. Il affure en même tems, le comte de Ricla, que, ni lui ni la garnifon, ne négligeront rien pour la dé fenfe de la place, & qu'il a lieu d'efpérer que tout lui réuffira, les affiégés brûlant d'impatience de verfer jufqu'à la derniere goutte de leur fang pour l'honneur du roi & de la nation.

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