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Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle.

La dixieme méthode, eft celle de M. Boffuet, évêque de Meaux, dans fon livre intitulé, Expofition de la Doctrine catholique: par laquelle en démêlant fur chaque article, ce qui eft précisément de la foi de ce qui n'en eft pas; il fait voir, qu'il n'y a rien dans notre croyance qui puiffe choquer un efprit raisonnable; à moins que de prendre pour notre créance des abus de quelques particuliers que nous condamnons, ou des erreurs qu'on nous impute trèsfauffement, ou des explications de quelques docteurs, qui ne font pas reçues ni autorifées de l'églife. Cette méthode est tirée de S. Hilaire, au livre des fynodes: condamnons, ditil, tous ensemble les mauvaises interprétations, mais ne détruifons pas la sûreté de la foi..... Le mot de confubftantiel peut être mal entendu : établiffons de quelle maniere on pourra le bien entendre.... Nous pouvons pofer entre nous l'état véritable de la foi, pourvu que l'on ne renverse pas ce qui a été bien établi, que l'on veuille en retrancher la fauffe intelligence. Hil. lib. de fynod. P. 394 & 396. Edit. de Paris.

&

La onzieme méthode, eft tirée des argumens généraux, que les théologiens appellent motifs de crédibilité: elle eft de Tertullien, au livre des prefcriptions, & de S. Auguftin, qui fait le dénombrement des motifs qui le retiennent dans l'églife catholique. La douzieme méthode, très-courte & très-aifée, eft de les prendre par ce dilemme: Avant Wiclef, Luther & Calvin (& on en peut dire autant des Vaudois qui étoient au douzieme fiecle) l'églife de ceux de la religion prétendue réformée, étoit dans un

petit nombre de fideles, ou elle n'étoit point du tout. Si elle n'étoit point du tout, elle est donc fauffe parce qu'elle n'eft pas perpétuelle, comme la vraie églife le doit être, felon la promeffe de Jésus-Chrift: Les puiffances de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Je fuis avec vous jufqu'à la confommation des fiecles. Si leur église étoit, il faut, felon eux-mêmes, qu'elle ait été corrompue & impie, puifqu'ils ne nous fauroient marquer ce petit nombre de leurs prétendus fidèles, qui avant leurs réformateurs aient condamné, comme ils font aujourd'hui, les affemblées de la papauté efquelles toutes fuperftitions & idolâtries ont la vogue. Art. 3, de leur confeff. de foi. Ils faifoient du moins à l'extérieur comme les autres. Ainfi leur églife, que ce petit troupeau inconnu compofoit, n'étoit pas fainte, ni conféquemment la vraie église.

La treizieme méthode fe tire de la qualité du schisme, qu'on ne doit jamais faire pour quelques raifons que ce foit: car, felon leurs miniftres mêmes, on n'en peut point produire d'autres que les erreurs qu'ils prétendent s'être gliffées dans l'églife, de laquelle ils fe font féparés par le fchifme: or ceux qui y étoient, auffi-bien qu'eux, avant leur féparation, foutenoient fortement, comme nous le foutenons encore aujourd'hui , que ce ne font point des erreurs, mais des vérités; & il eft certain, que de ces fentimens fi différens, les uns font la vraie doctrine, les autres l'erreur & la fauffeté conféquemment, les uns le bon grain, les autres la zizanie. Or il n'appartient pas aux particuliers · d'arracher de leur autorité privée, ce qu'ils prétendent être zizanie: il

n'y a que Dieu, qui est le véritable pere de famille, qui ait cette autorité, & qui la puiffe communiquer aux autres. C'est lui qui ordonne aux moissonneurs, c'eft-à-dire, au pape & aux évêques, qui font repréfentés par les anges, de démêler l'ivraie du bon grain, & d'arracher l'une fans toucher à l'autre au tems de la moiffon, c'est-à-dire dans un concile, ou du confentement de toute l'églife. Il ne faut donc jamais fe féparer, fous quelque prétexte que ce puiffe être, mais on doit tolérer ce qu'on croit être abus & erreur, & attendre que l'églife en ait fait une folemnelle condamnation.

La quatorzieme méthode, eft de demander aux Calviniftes, fur tous nos articles, ce que S. Auguftin demandoit aux Donatiftes, quand l'églife réconcilioit les hérétiques pénitens, fans les rebaptifer. Par exemple on peut leur demander: Quand on adoroit Jéfus Chrift

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dans la fainte Euchariftie avant le fchifme, l'églife étoit - elle encore la vraie églife, ou ne l'étoit-elle plus? Si elle l'étoit, on n'a donc pu s'en féparer pour une pratique qu'elle autorifoit. Si elle ne l'étoit plus; D'où eft forti Calvin? Quelle zerre a pouffé ce rejeton? Quelle mer l'a jette fur nos rivages? D'où font venus ces réformateurs? De qui ont-ils reçu leur doctrine & leur autorité de prêcher? Que ceux qui les ont fuivis regardent bien où ils font, puifqu'ils ne fauroient monter plus haut, que jufqu'à ces gens-là, pour trouver leur origine. Pour nous, nous fommes en afsurance dans la communion de cette églife, dans laquelle on fait aujourd'hui univerfellement par-tout, ce qu'on faifoit auffi par-tout avant Agrippin & Cyprien. Puis il ajoute

ces belles paroles qui font décifives: Cependant ni Agrippin, ni Cyprien, ni ceux qui les fuivoient, quoiqu'ils euffent un fentiment contraire à celui des autres, ne fe font point féparés d'eux, & font demeurés avec leurs adverfaires dans la communion & l'unité de la même églife; c'est-à-dire en attendant qu'elle eût décidé leurs différens.

Enfuite reprenant, en peu de mots, ce mots, ce qu'il avoit dit, il conclut : Si donc l'églife étoit perdue pour avoir enfeigné que le baptême des hérétiques étoit bon, ils ne fauroient montrer l'origine de leur communion: mais fi la vraie églife fubfiftoit, ils ne fauroient juftifier leur féparation & le fchifme qu'ils ont fait. On en peut dire autant contre les Vaudois, les Luthériens, les Calviniftes & les autres hérétiques, qui ne fauroient monter plus haut que Valdo, Luther, Calvin, & leurs autres chefs. Cette méthode de S. Auguftin eft excellente.

Que fi les prétendus réformés veulent fe défendre, en difant, comme ils le difent en effet dans quelques-uns de leurs livres', que ce n'eft pas eux qui ont fait la feparation, mais plutôt qu'elle vient de nous, & que c'eft nous qui les avons retranchés de notre communion; il faut leur répondre qu'il y a deux fortes de féparation : l'une qui eft criminelle, l'autre qui eft juridique. Dans la premiere, on fe fépare de fon pafteur par une défobéiffance manifefte: dans la feconde, le pafteur fépare du troupeau, celui qui faifant bande à part, refuse de se foumettre aux ordres de l'églife: l'une eft une faute, l'autre est une punition: l'une eft une fortie volontaire; l'autre eft un retranchement

par sentence. Ainsi le juge prononce une condamnation contre celui qui s'eft ôté à lui-même la vie.

La quinzieme méthode confifte à faire connoître aux prétendus réformés, que dans leur confeffion de foi, dans leurs catéchifmes, dans les articles de leur difcipline, dans les réfolutions de leurs fynodes, & dans les livres de leurs principaux miniftres, on trouve plufieurs articles, dont on peut tirer des argumens pour prouver contr'eux, de leur propre aveu, la vérité de notre créance. Par exemple, leur discipline accorde la communion feulement, fous une efpece, à ceux qui ne peuvent boire du vin, d'où l'on peut conclure, que la communion, fous les deux efpeces, n'eft pas un article de néceffité, & qu'ils ont tort de l'alléguer comme un fondement légitime de leur féparation.

Le miniftre Daillé, & plufieurs autres confeffent, que du tems de S. Grégoire de Nazianze, de S. Chryfoftôme & de S. Jérôme, l'invocation des faints étoit en ufage dans l'églife, auffi-bien que la vénération que nous rendons aux reliques. Jean Forbese, ajoute que la tradition eft uniforme dans l'églife fur la priere pour les morts. C'est ainsi qu'on peut conclure de leurs propres principes, qu'il n'étoit nullement permis de fe feparer fur des points, qui font établis, felon eux-mêmes, par une autorité fi confidérable, & par une union fi conftante de tous les fiecles.

On peut enfin combattre folidement les novateurs, par la contradiction de leurs dogmes de foi, en inontrant les changemens qu'ils ont faits à la confeffion d'Ausbourg, comme auffi par toutes les différentes profeflions de foi qu'ils ont reçues &

autorifées depuis ce tems-là: ce qui fait voir que leur foi étant incertaine & chancellante, elle ne peut avoir le caractere de la révélation divine, qui doit être certaine & conftante.

On pourra encore fe fervir d'une autre méthode, qui confifte à faire voir la conformité de l'églife romaine avec l'églife grecque, fur les principaux articles de foi contestés, entre nous & les prétendus réformés, & même avec les fociétés qui fe sont féparées de l'églife, par des erreurs que les prétendus réformés condamnent avec elle, comme font les Neftoriens & les Eutychiens.

A ces moyens, il faut ajouter les conférences particulieres, les écrits folides, les fermons, les miffions, & employer tous ces moyens dans un efprit de charité & fans aigreur. T. 1,

De l'Héréfie & des Hérétiques.

L'héréfie, eft l'opiniâtreté à foutenir un fentiment contraire à un dogme de foi. Comme l'hérésie eft contraire à la religion & à l'état, c'eft un crime ecclefiaftique & royal tout ensemble: c'est un crime eccléfiaftique, puifqu'il combat la doctrine de l'églife: c'eft un crime royal, en ce qu'il trouble la paix des royaumes, caufe du scandale, excite des féditions. La connoiffance de l'héréfie, comme crime eccléfiaftique, appartient au juge d'églife pour déclarer quelles font les opinions contraires à la difcipline de l'églife, & punir des peines canoniques ceux qui les foutiennent avec obftination: mais felon la jurifprudence de France, dence de France, adoptée par les ordonnances du royaume, & en particulier par celle du août 1542, la connoiffance du crime d'héréfie

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en tant qu'il eft cas royal, appartient aux juges féculiers.

Les hérétiques font punis de peines temporelles ou fpirituelles. Les premieres confiftent dans la confifcation des biens, l'infamie, l'exil, la prifon, la mort : les autres dans l'excommunication, la privation de la jurifdiction eccléfiaftique, l'irrégularité, la perte des bénéfices dont on eft en poffeffion, & l'inhabilité à en pofféder de nouveaux.

On ne doit regarder comme hérétiques, que ceux qui ont été condamnés comme tels par le jugement de l'églife: Nifi à judicio catholica religionis & tramite fuerit convictus

deviare.

Sur quoi, il eft important d'obferver, que d'errer fur quelque article de foi fans opiniâtreté, ce n'eft pas être hérétique ; & on ne doit regarder comme hérétiques aucunes perfonnes, qu'elles n'aient été condamnées comme telles par le jugement de l'églife. C'eft la difpofition de la loi vingt-huit, cod. Theod. de haretic. nifi à judicio catholice religionis & tramite fuerit convictus.

C'eft par cette raifon, que le concile de Latran, fous Innocent III, in cap. 2. extr. de fumm. Trin. en condamnant le livre de l'abbé Joachim contre Pierre Lombard, ne condamne point l'auteur comme hérétique, cùm omnia fcripta fua nobis, dit ce pape, affignari mandaverit apoftolica fedis, judicio approbanda feu corrigenda.

Les hérétiques font privés de plufleurs privileges: ils perdent par l'héréfie le droit de patronage eccléfiaftique, parce que c'eft une chofe fpirituelle, qui ne peut être poffédée par ceux qui font feparés de l'églife. Mais cette rigueur ne s'obferve pas en France à l'égard des patrons laï

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ques, parce que le droit de patronage étant attaché à la terre, il ne s'éteint point par l'héréfie de celui qui la pofféde; mais l'on reconnoît en même tems qu'il ne peut exercer le droit de préfentation: ainfi jugé au parlement de Paris, en 1648. T. x.

Les feigneurs & patrons héréti-. ques, font exclus des droits honorifiques dans les églifes, de fépultures, bancs, titres & patronages, tant qu'ils en font profeflion.

A l'égard de la connoiffance du crime d'héréfie & de la procédure contre les hérétiques, on a beaucoup de loix & d'exemples, & même de raifons pour la jurifdiction des juges d'églife, tant fur les laïques que fur les eccléfiaftiques accufés du crime. d'héréfie. L'ordonnance de 1539, art. 4, du roi François I, quoique d'ailleurs favorable aux cours féculieres, foumet les laïques à la jurif diction des cours d'églife pour les matieres des facremens & autres. peines fpirituelles. Or il n'y a pas de matiere plus fpirituelle que celle qui regarde la foi.

L'édit de François II, donné à Romorantin en 1560, attribue l'en-. tiere connoiffance de tout crime d'héréfie aux évêques, comme juges naturels dudit crime, & ainfi qu'ils l'avoient anciennement, & en interdit la connoiffance aux parlemens & à tous autres. T. VII..

Les religieux, même exempts, accufés du crime d'héréfie ou de fchifme, doivent être jugés par l'évêque & font foumis à fa jurifdiction. C'est la difpofition des bulles de Clément V, de Pie IV, de Paul V, & du concile de Trente Self, s. cap. 2. de ref. su

De l'Ufure.

L'ufure, en général, est un intérêt, un gain, un profit qu'on tire de fon argent. Dans un fens propre & étroit, l'ufure s'entend de ce qu'on perçoit dans le prêt au-delà du fort, foit qu'on le perçoive uniquement à caufe de l'office du prêt, fans autre juste caufe, ou qu'on l'exige, non pas propter officium mutuandi, mais pour une autre jufte caufe, fans fraude, ni excès.

du

Suivant le droit civil, les intérêts font dûs en vertu de la ftipulation, ou par le feul office du juge, à caufe de l'ufage & de la demeure de payer, comme dans les contrats, dits de bonne foi. Dans les contrats, dits de droit étroit, les intérêts ne font point dûs, s'ils n'ont été ftipulés, mais s'ils l'ont été, ils peuvent être exigés; & felon le droit civil, ces intérêts font dûs comme un pur lucre au profit du créancier, du jour de la ftipulation, quoiqu'il n'y ait eu aucune demeure de payer de la part débiteur; ce qui eft proprement ce qu'on appelle fanus prêt à intérêt, lequel eft diftingué du fimple prêt appellé mutuum, & qui eft purement gratuit. L'ufure proprement dite, vient au contraire fans ftipulation; favoir par la demeure & l'office du juge. Elle n'eft pas dûe comme un pur lucre mais elle eft appliquée comme une peine du débiteur, qui eft en demeure de payer; elle ne court qu'après cette demeure & l'interpellation légitimement faite.

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Depuis long-tems le droit civil a

mis des bornes aux ufures ou intérêts, concernant le taux ou la quantité à laquelle ils pouvoient être ftipulés; mais il y a eu fur cela de fréquentes variations par les conftitu

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tions des empereurs. Suivant le droit canon, l'ufure ou intérêt, n'eft pas feulement un acceffoire au fort principal de la même espece, mais c'eft généralement tout ce qu'on prend comme par gain au-delà du principal. Cette décifion eft fondée fur plufieurs textes de l'écriture fainte, & entr'autres au livre de l'Exode, ch. 21, où il eft dit : Si pecuniam mutuam dederis populo meo pauperi, qui habitat tecum, non urgebis eum quafi exactor, nec ufuris opprimes. Au Deuteronome, ch. 23. Non fœneralis fratri tuo ad ufuram, pecuniam, nec fruges, nec quamlibet aliam rem, fed alieno, &c. David au pf. 14, dit au feigneur, Quis habitabit in tabernaculo tuo. Qui pecuniam fuam non dedit ad ufuram: notre Seigneur dit dans S. Luc, dit dans S. Luc, ch. 6, mutuum date nihil inde Sperantes. Et on ne peut pas dire que ces textes de l'écriture ne doivent s'entendre que de la pure libéralité qu'on doit exercer envers fes freres dans leur befoin, ou tout au plus du prêt officieux: car les conciles, les décrétales des papes & prefque tous les théologiens & canoniftes décident, que ces textes condamnent abfolument tout intérêt du prêt qu'on appelle mutuum, indéfiniment & fans diftinction de perfonne.

Quant aux décrétales des papes, il fuffira de citer le ch. Confuluit extr. de ufur. où Urbain III déclare, que par ce texte de S. Luc, tout intérêt & toute furabondance eft défendue de droit divin, même étant reçue fans ftipulation préalable, fi l'on n'en a eu l'intention lors du prêt,

A l'égard des conciles, ceux de France, qui y font les plus précis, font celui de Reims, en 1583, tit. de fœnore, dont voici les termes :

Qui

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