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frimas qui recouvraient les rochers, et en fit ainsi sortir le premier jour les cheveux, le second la tête et le troisième le reste du corps d'un homme nommé Buri, qui fut beau, grand et fort; son fils Börr épousa la fille d'un géant, et en eut pour fils les trois dieux Othin, Wili et Wé. Ceux-ci tuèrent le géant Ymir, et des blessures de ce dernier il sortit tant de sang que tous les géants s'y noyèrent, à l'exception de Bergelmir, quí se sauva avec sa femme dans une nacelle, et devint le fondateur de la seconde race de géants. Les trois frères traînerent le corps d'Ymir au milieu du Ginunga - gap, et en formèrent le monde que nous habitons; son sang devint la mer et les eaux, sa chair les Continents, sa chevelure les arbres et les plantes, ses os les montagnes, son crâne le ciel. Ils le posèrent audessus de la terre sur quatre piliers, ou cornes, et sous chacune de ces colonnes ils placèrent un nain pour veiller à sa garde ces nains s'appellent l'Est, l'Ouest, le Nord et le Sud. De sa cervelle ils firent les nuées, et des étincelles que Muspellzheimr lançait continuellement, ils formèrent les étoiles, à chacune desquelles les trois frères assignèrent sa place et sa route.

La terre est ronde comme un anneau, la mer l'entoure, et les géants habitent ses bords. Des sourcils d'Ymir, Othin, Wili et Wé ont construit sur la terre un château immense pour s'y défendre contre les géants: ils l'appelerent Midgard ( le monde). Au centre de ce château se trouva Asgarthr, la résidence des dieux, et au centre Asgarthr la salle nommée Ithavöllr, la plus grande et la plus magnifique demeure qui existe, car elle est construite d'or pur. C'est là que les douze grands dieux s'assemblent. Une habitation séparée fut destinée aux déesses. Puis les dieux construisirent un pont, pour aller de la terre au ciel; ils le nommèrent Bifraust, les hommes l'appellent arc-en-ciel. C'est le monument le plus solide et le plus élégant qui existe. Il est de trois couleurs, et La ligne du milieu est de feu brûlant,

afin que les géants ne puissent pas traverser ce pont pour se rendre dans le ciel. Ce pont, comme l'univers, et les dieux eux-mêmes, sera détruit au dernier jour.

Cela fait, des êtres furent placés au ciel pour conduire le soleil et la lune. Nött (la nuit), fille d'un géant, naine comme toute sa race, avait trois enfants. Son fils aîné s'appelait Audr (richesse), sa fille, Jord (terre); son autre fils Dagr (jour), qu'elle avait eu du dieu Dellingr, était blond et aussi beau que son père. Othin plaça Nött et son fils Dagr dans le ciel, et donna à chacun d'eux un cheval et un char avec lequel ils font journellement le tour de la terre. Nött marche la première, et l'écume qui tombe de la bouche de son cheval forme la rosée matinale. La crinière du cheval de Dagr est si brillante qu'elle suffit pour éclairer l'air et la terre. Le soleil et la lune sont conduits par les enfants de Mundilföri (conducteur du monde): son fils Sol conduit le soleil, sa fille Mani la lune; tous deux vont sans cesse au galop, parce qu'ils sont poursuivis par deux loups, qui occasionnent les éclipses et les tempêtes.

Les hommes, dans la mythologie scandinave, comme dans celle de tous les peuples germaniques, ne sont pas créés par les dieux, mais seulement animés par eux. Trois dieux sortis d'Asgarthr trouvèrent sur le bord de la mer deux arbres, le frêne et l'aune, qui étaient là sans force et sans avenir. Les dieux en eurent pitié et en formèrent l'homme et la femme. Othin leur donna l'ame et la vie, Lodur le sang, la parole, la beauté, l'ouïe et la vue, Hoenir l'esprit et le mouvement. Midgard leur fut assigné pour habitətion.

Ce mythe forme la transition an second système, qui paraît antérieur à l'autre, plus germanique et moins altéré par la réforme odinique; mais malheureusement il est encore plus fragmentaire. Nous n'en possédons plus que ce qu'on en a pu intercaler dans le premier, sans tomber dans trop de contradictions. Le séjour fa

vori des dieux, le lieu saint, est près du frêne Yggdrasill (yggr, terrible, drasill, fertile). C'est là qu'ils s'assemblent en cour de justice. Les rameaux d'Yggdrasil s'étendent sur toute la terre et montent jusqu'au-dessus du ciel. Trois racines soutiennent l'arbre et s'étendent dans trois directions: l'une se dirige vers Asgarthr, l'autre vers la demeure des géants, qui séjournent où autrefois se trouvait Ginunga-gap, la troisième vers Nifflheimr. Au-dessous de cette dernière est le puits Hvergelmir et le serpent Nidhavggr, qui du fond de l'abîme ronge cette racine. Sous la racine des géants se trouve le puits de la sagesse, dans lequel Mimin boit chaque jour. La racine qui se dirige vers Asgarthr est au ciel; au-dessous d'elle est la source sacrée d'Urthar: c'est là que les dieux s'assemblent. Dans une salle magnifique, voisine de ce puits, demeurent les trois Nornes; elles descendent des dieux et des nains, et assistent à la naissance de chaque homme, dont elles préparent la destinée. Chaque jour elles arrosent le frêne avec l'eau d'Urthan, afin que le feuillage ne puisse pas se dessécher et tomber. L'eau de cette source est si sainte que tout ce qui en est arrosé devient blanc comme la pellicule qui se trouve entre la coque et le glaire de l'œuf. De cet arbre tombe sur la terre la rosée dont se nourrissent les abeilles.

Durant le siècle d'or, Othin était assis sur son trône d'où il voyait l'intérieur de tous les hommes et comprenait tout ce qu'il voyait. Les dieux construisirent des fourneaux, ils for gèrent des marteaux, des tenailles, des enclumes et d'autres outils, puis fabriquèrent une infinité d'ustensiles d'or massif, car ils possédaient une telle quantité de ce métal que tous leurs meubles étaient d'or; ce qui fit donner à cette époque le nom d'âge d'or. Ils vécurent ainsi au sein des plaisirs et de l'abondance, jusqu'au jour où trois filles de géants arriverent au milieu d'eux, et dès lors la paix avec les géants fut rompue. Othin jeta sa lance au milieu du peuple, et la

première guerre s'alluma. Cette guerre, fongue et funeste, bien que terminée par une victoire, fut continuée par les héros lorsque les dieux se furent retirés dans le ciel.

C'est depuis cette guerre, qui figure dans toutes les traditions, qu'Othin accueille dans le Walhalla tous ceux qui sont tombés sur le champ de bafaille, pour aller un jour avec eux combattre l'ennemi dans la bataille de Ragnar auk (crépuscule des dieux). Le Ragnarauk sera précédé par trois années sans été, et par trois autres durant lesquelles les hommes s'entretueront. La septième année, le lien qui depuis le commencement des temps retient les forces de la nature, sera enfin rompu, le monde sera incendié, le soleil et la lune seront dévorés par les loups qui les poursuivent, les étoiles tomberont du ciel; la mer, soulevée par le serpent couché dans ses abîmes, inondera la terre; le loup Feuris, allié à Loki et suivi de tous les esprits de l'abîme, s'avancera dans une plaine immense; les dieux et les héros iront à sa rencontre pour lui livrer une bataille dont ils savent depuis le commencement des temps quelle sera l'issue désastreuse. Tous les combattants y périront et la terre sera consumée par le feu; mais une nouvelle terre plus belle que celle qui doit disparaître, sortira du sein des eaux, les meilleurs d'entre les hommes et d'entre les dieux seront ranimés, et les champs produiront le blé sans culture.

Cette idée d'une mort qui, quoique bien éloignée, doit frapper un jour les dieux, est assurément ce qui distingue le plus la mythologie des Scandinaves de celle des autres peuples connus. Du moment qu'on croyait à l'immortalité de l'ame et à la régénération de l'espèce humaine, n'aurait-il pas été injuste d'exclure de ses bienfaits les dieux, formés, du reste, entièrement à l'image de l'homme? Cette idée donnait à l'homme plus de liberté et d'indépendance que n'en peut admettre celle d'un dieu éternel (*): aussi (*) Sous ce tapport elle avait quelque ressemblance avec le fatum des anciens.

n'est-il parlé que rarement de cette croyance dans les traditions d'Othin: les prêtres auraient bien voulu la faire entièrement disparaître, mais le peuple y tenait trop pour que cette tentative réussit.

C'est aux chants de l'ancienne Edda que nous avons emprunté ce que nous venons de dire sur la cosmogonie des Scandinaves. Nous avons déja fait remarquer plus haut que, dans d'autres traditions, Odin nous est représenté comme personnage historique, comme le fondateur de la monarchie et du culte en Suède. Suivant ces différentes traditions, l'établissement de la puissance des dieux fut suivi d'un siècle de bonheur. Fjolner est entre les rois Ynglinges le premier qui ne fut pas un dieu; il mourut heureux au sein de l'abondance. Un jour qu'il était ivre, il se précipita dans un vase plein d'hydromel, et, comme le dit l'ancien poète, périt dans cette mer pacifique. Mais déja sous son règne la paix avait cessé dans le Nord, et cette fois encore la guerre fut allumée par deux filles de géants. Toutes deux étaient esclaves dans la maison de Frode, roi du Danemark: elles tournaient la meule en chantant l'or, la paix et le bonheur; mais le roi les contraignant toujours à travailler, elles tournèrent avec tant de force que les meules se brisèrent, et alors elles chanterent la guerre, qui ne tarda pas à éclater, et dont le roi fut la première

victime.

En Suède, les fils du roi Wisbur, pour se venger de leur père, demanderent assistance à la reine des sorcières, à dame Hulle, qui encore aujourd'hui est redoutée dans les campagnes de la Suède et dans tout le Nord. Elle leur accorda son secours à La condition que la race des Ynglinges périrait sous les coups de ses propres enfants, ce qui arriva après le règne de vingt rois.

Les premiers rois avaient eu la Suède entière sous leur dépendance; mais bientôt les frères se partagèrent le royaume, et il ne resta aux rois d'Up

sala qu'une vaine suzeraineté. Le vingtième des Ynglinges, Anund, mérita bien du pays par ses soins à propager la civilisation, et reçut le surnom de Braut, à cause des routes qu'il avait fait frayer. A samort, son fils Ingjald, pour prendre possession de l'héritage de son père, fit préparer un grand festin, et construísit à cet effet une salle magnifique, semblable à celle des anciens rois, qu'il appela la salle des sept rois; puis il envoya des messagers par toute la Suède, avec l'ordre d'inviter des rois, des comtes et d'autres personnages distingués. Six rois vinrent prendre leur place dans la nouvelle salle; une suite nombreuse les accompagnait. Il était d'usage dans ces temps, que dans un repas célébré en l'honneur d'un mort, l'héritier s'assit sur un escabeau, jusqu'à ce qu'on apportât la grande coupe, qui était vidée par chaque convive en l'honneur du défunt. L'héritier, avant de la vider à son tour, devait faire un vou, et alors on le conduisait sur le trône de son

père. Lorsqu'on présenta la grande coupe à Ingjald, il fit vœu d'étendre son royaume de la moitié dans l'une et dans l'autre direction, ou de mourir à la tâche; puis il but. Le soir venu, il fit enfermer les six rois, ses parents, dans la salle neuve, à laquelle il mit le feu. Six autres rois furent tués par lui de la même manière, et il fit administrer leur pays par des gouverneurs nommés à vie. Son fils Halfdan fut tué par son beau-frère Gudroed, roi de Scanie, qui lui-même mourut assassiné par sa femme Asa. Celle-ci se réfugia chez son père, mais à l'approche d'Iwar Widfamne, Ingjald et Asa, après avoir enivré tous leurs soldats, s'enfermèrent avec eux dans la vieille salle des rois, qu'ils firent incendier. Tous y périrent, et après la mort d'Ingjald les Suédois ne voulurent plus de roi de cette famille criminelle: ceux qui survécurent se réfugièrent en Norvège.

Sous les rois qui suivirent, tout le Nord scandinave fut plusieurs fois soumis à un seul maître, et c'est alors que les excursions vers l'Occident com

mencèrent. Les traditions, soit verbales, soit écrites, recueillies en Islande, nous apprennent fort peu de choses sur l'état intérieur du pays et sur ses relations avec l'Orient: nous devons même ce qu'elles nous ont conservé sur les Ynglinges, à cette seule circonstance qu'Harald Harfagri, fameux chef norvégien, à la cour duquel beaucoup de bardes s'étaient réunis, prétendait descendre des Ynglinges qui, comme nous venons de le dire, s'étaient réfugiés en Norvège.

Le royaume de Suède est encore aujourd'hui séparé en trois grandes provinces: celle du Nord, dans les temps dont nous parlons, était encore occupée par les Lapons et les Finnois, et fort peu cultivée; au sud se trouve la province de Gothie, séparée de la Suède proprement dite par les monts Kolmarden. Aujourd'hui les Goths, les Suédois, ne forment plus qu'un seul et même peuple, et la langue des uns et des autres n'offre plus d'autre différence que celle qui existe partout de province à province; mais il paraît qu'autrefois ces deux contrées étaient habitées par deux peuples bien distincts, quoique tous deux fussent venus de Asie et eussent la même origine. Tout porte à croire que ce furent les Goths qui arrivèrent les premiers; mais c'était chez les Suédois qu'existait la royauté suzeraine, et ils devaient cet avantage au grand temple d'Upsala. Du reste, la séparation des deux pays était telle que les traditions inglinges ne comprennent même pas la Gothie dans l'empire d'Othin et de ses succes

seurs.

Iwar Widfamne réunit sous sa domination, non seulement la Suède et la Gothie, mais encore le Danemark, une partie de l'Angleterre et tout le littoral de la Baltique. Sa fille And, qui avait été mariée au roi de Danemark, se voyant menacée par son père après la mort de son mari, s'enfuit en Russie avec son jeane fils Haruld, et le roi des Russes, Radbard, devint son second époux. Alors Iwar rassembla des forces immenses pour aller attaquer Radbard; mais en arrivant

avec sa flotte dans le golfe de Carélie, il eut un songe, qu'il désira se faire expliquer par le vieil Hordr, son père nourricier: celui-ci refusa de se rendre sur la flotte, et se tenant sur un pro3. montoire, s'entretint ainsi avec le roi resté sur son navire. Il lui annonça que les dieux étaient irrités contre lui, que son royaume serait bientôt démembré, et qu'il ne transmettrait sa couronne à aucun des siens. Iwar courroucé répond de dures paroles au prophète, et la dispute anime tellement les deux vieillards qu'ils s'élancent l'un sur l'autre et sont tous deux engloutis par la mer.

L'expédition contre la Russie finit avec la mort d'Iwar. Radbard donna des hommes et des navires à Harald, son beau-fils, qui fut reconnu pour roi par les Séelandais et par les habitants de la Scanie. De là Harald alla soumettre la Suède et la Jutie. Il était grand guerrier, un charme magique le rendait invulnérable, et il dut à sa valeur le surnom de Hildetand (dent de guerre). Devenu vieux, il donna la Suède et l'Ostrogothie à Sigurd Ring, fils de son beau-frère Randwer et d'une princesse norvégienne; mais bientôt une guerre s'alluma entre Sigurd et Harald.

Othin, sous la forme de Bruno, conseiller qui avait la confiance des deux adversaires, envenimait leur haine mutuelle. Harald était déja si âgé que la vie lui était devenue à charge. Il préféra la mort dans les combats à une mort naturelle, et désira partir pour le Walhalla en compagnie d'un grand nombre de braves; il fit donc dire à Sigurd de se préparer à la guerre. Sigurd rassembla plus de 2,500 navires, les navires de Harald couvraient le Sund, et formaient comme un pont qui réunissait la Séelande à la Scanie. La bataille fut livrée en Ostrogothie, dans une plaine qui reçut le nom de Bravalla-hed (*): elle fut si acharnée

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que la vapeur qui s'élevait des blessures et du sang versé, forma comme un brouillard qui obscurcit le soleil. Lorsque Harald, que la vieillesse avait rendu aveugle, entendit, par le murmure des siens, que l'ennemi prenait le dessus, il demanda à Bruno, qui conduisait son char, comment Sigurd avait rangé son arinée. Le pseudoBruno lui répondit en riant, qu'il avait adopté l'ordre cunéiforme. Comment a-t-il pu apprendre cette manœuvre, s'écria le vieillard, puisque c'est Othin qui l'a inventée et qu'il ne l'a enseignée qu'à moi! Puis prenant un glaive dans chaque main, il fait pousser ses chevaux vers le centre de l'armée de Sigurd, immole un grand nombred'ennemis, jusqu'à ce qu'enfin Othin le renverse de son char et le tue d'un coup de massue sur la tête.

Aussitôt que Sigurd vit le char du roi vide, il fit cesser le combat et chercher le corps de son oncle. On le trouva sous un monceau de morts. Il périt dans cette bataille 30,000 nobles du côté des Danois, et 12,000 du côté des Suédois. Le corps d'Harald fut brûlé sur un bûcher fait de la proue dorée de son navire, et le feu fut entretenu avec tout ce que l'on put trouver de plus précieux. Sigurd y fit placer un cheval magnifiquement harnaché, et demanda aux dieux que Harald, porté sur son coursier, arrivât le premier dans le Walhalla, pour y préparer une bonne réception à ses amis et à ses ennemis. C'est ainsi que Sigurd Ring devint roi de Suède et de Danemark.

Son fils Ragnar était le plus fort et le plus beau de tous les hommes. C'est sur lui que la tradition a accumulé tous les hauts faits des peuples du Nord pendant le huitième et le neuvième siècle; ce n'est plus un personnage mythique, mais, comme Charlemagne dans les poésies épiques du moyen âge, il est le type des exploits de la nation entière. Nous allons donner un aperçu de ces traditions, sans entrer dans tous les détails.

Il paraît que l'union des différents états du Nord ne fut pas de longue du

rée, car les exploits de Ragnar commencent par une expédition dans la Norvège, qu'un chef suédois nommé Froé tyrannisait après avoir tué le roi Syvard. Froé ayant fait déshonorer les plus nobles femmes de la Norvège, un grand nombre d'entre elles, à la nouvelle de l'approche de Ragnar, vint rejoindre ce prince, et dans la bataille qu'il livra à Froé, l'une d'elles, Lathgertha, toujours présente au plus fort de la mêlée, décida la victoire en faveur du roi de Suède. Après la bataille Ragnar envoya demander sa main. La vierge demeurait seule dans la montagne; elle feignit d'être favorable aux vœux de Ragnar, et lui fit dire de venir à la nuit tombante. Puis elle attacha à sa porte un ours et un chien. Ragnar vint seul, tua l'ours de sa lance, étrangla le chien de ses mains, et s'empara de la vierge.

Pendant qu'il restait en Norvège, retenu par l'amour qu'il ressentait pour sa femme, les habitants de la Jutie et de la Scanie attaquaient les Séelandais, qui lui étaient restés fidèles; Ragnar les vainquit dans une grande bataille et s'avança dans la Scanie; là, ayant entendu parler de Thora, fille de Heroth, roi ou, selon d'autres, comte de Suède, il devint amoureux d'elle et répudia Lathgertha, qui lui avait donné un fils et deux filles.

Heroth avait trouvé à la chasse un serpent qu'il rapporta à sa fille Thora; mais entre les mains de Thora ce serpent grandit bientôt outre mesure. Chaque jour il dévorait un bœuf, et, roulé autour de la maison qu'habitait la princesse, il en interdisait l'accès à qui conque aurait voulu s'en approcher, car son haleine donnait la mort. Le roi Heroth, dans le désir de se voir délivré d'un si cruel fléau, fit proclamer qu'il donnerait la main de sa fille à celui qui tuerait le serpent. Une nombreuse jeunesse périt dans cette épreuve : néanmoins Ragnar résolut de tenter l'entreprise. Il se fit faire des habits de laine et de peaux, de telle manière que le poil était en dehors; couvert de ces vêtements, il se

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