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conque veut donner une explication générale des mythes scandinaves.

Toutefois, ce qui paraît résulter des recherches qui ont été faites jusqu'ici, c'est que les croyances des peuples du nord de l'Europe, Celtes, Germains et Scandinaves, ont entre elles beaucoup d'affinité et paraissent dériver de la même source. D'un autre côté, il y a tant de points de ressemblance entre ces religions et celles de la Haute-Asie, tant de traditions directes ou indirectes nous ramènent vers ce centre, que c'est là seulement qu'il faut en rechercher l'origine. Il est trèsvraisemblable que les relations entre le Caucase et là Scandinavie n'ont jamais été interrompues les grands fleuves de la Russie sont des routes naturelles qui conduisent des contrées boréales à la mer Noire, et il ne paraît pas que les peuplades sarmatiques aient jamais opposé une résistance sérieuse aux tribus guerrières qui traversaient le pays pour se diriger vers le sud. De plus, des découvertes récentes et les historiens arabes prouvent que de tout temps des marchands asiatiques se sont aventurés à remonter le Wolga et le Dniepr pour venir chez les peuples du Nord, chercher de l'ambre et des pelleteries. C'est ainsi que la religion scandinave a été continuellement enrichie et modifiée par les dogmes et les mythes de l'Asie; en sorte que même vers son déclin, les traditions relatives à Noé et à Troie sont venues y prendre place.

Tout ce que nous savons des aborigènes du pays nous porte à croire qu'ils adoraient des fétiches, et que, comme chez les Lapons d'aujourd'hui, la sorcellerie était l'occupation principale de leurs prêtres. Chez la race scandinave, au contraire, nous trouvous de tout temps, comme chez toutes les races venues de l'Asie, une triade de dieux suprêmes, représentant sous différentes formes la puissance, la sagesse et la bonté; et il est probable que toutes les modifications, toutes les révolutions survenues dans ce paganisme, n'ont été occasionées que par la préférence accordée successive

ment à l'une de ces trois divinités, et par conséquent à ses prêtres. Les trois grands dieux des Scandinaves étaient Thor (pl. I, 1), Odin (ibid., 2) et Freyr (ibid., 3), désignés aussi sous le nom de Har, Jafnhar et Thridie, c'est-à-dire le sublime, l'également-sublime, le troisième.

A l'époque où remontent nos connaissances historiques sur le Nord, le culte d'Odin était presque partout dominant; mais il paraît qu'avant lui Thor était considéré comme le dieu suprême. On l'adorait comme représentant l'une des forces de la nature, comme le dieu du tonnerre. On le supposait monté sur un char que traînaient des boucs, et tenant dans la main un marteau, symbole de l'éclair; car cette arme, garnie d'un manche très-court, ne servait point à frapper, comme on l'a cru quelquefois; on la lançait de loin, comme au moyen âge les chevaliers lançaient leur massue. Le taureau, symbole de la force, lui était consacre; il était le dieu de la guerre et des combats, et ne cessait de poursuivre de son tonnerre les Throldes, ou dieux des indigènes, qui s'étaient ainsi que ces derniers réfugiés dans les montagnes.

Freyr était le dieu de la force productive, de la fertilité de la terre, et du temps. Il paraît avoir été d'abord représenté comme Hermaphrodite plus tard comme Priape. C'était aussi le dieu de la lune, et l'on sait que dans le principe les Grecs et les Romains supposaient également à cette divinité le sexe masculin: Deus Lunus, paòs μv. Plus tard on lui donna une sœur, Freya, la déesse de l'amour ou plutôt de la reproduction du genre humain. Elle était particulièrement adorée en Suède, comme divinité nationale, bien qu'elle n'ait jamais été comptée au nombre des grands dieux.

Odin paraît avoir été au commencement adoré comme le dieu du soleil ; mais, par suite d'une révolution ou d'une réforme survenue, à ce qu'on pense, un siècle environ avant J.-C., il devint le dieu suprême, le chef invisible d'une théocratie puissante, et

son culte était répandu dans presque toutes les contrées du Nord, à l'époque où commencèrent les missions. Les traditions relatives à ce dieu tiennent de beaucoup plus près à l'élément historique que celles qui concernent les autres divinités. On croit entrevoir qu'un schaman, ou chef d'une colonie de prêtres, venu du Caucase, se fit passer pour une incarnation de l'ancien dieu du soleil, que son but fut dans le principe d'expulser entièrement les vieilles divinités et de fonder une theocratie nouvelle, mais que les peuples se montrant trop attachés à leur culte primitif, un système mixte fut formé, où l'antique religion trouva sa place pres d'Odin qui, n'ayant pas entierement réussi sur la terre, se fit le maître de l'avenir, et par ce moyen arriva plus tard à ses fins.

La croyance à l'immortalité de l'ame se rencontre, comme dogme fondamental, chez presque tous les peuples qui ne se sont pas trop écartés de la nature; elle était généralement répandue dans le Nord à l'époque où il entra en rapport avec les Romains. Ces peuples sont heureux de leur erreur, felices errore suo, disait Lucain. La métempsycose et les incarnations des dieux avaient chez les Scandinaves de nombreux partisans, et le même poète nous apprend que cette croyance les rendait si braves, qu'ils regardaient comme une lâcheté de ménager une existence qui devait renaître, ignarum redituræ parcere vitæ.

Le principe de toute théocratie, c'est T'espoir des récompenses et la crainte des peines d'une vie future. Les prétres odiniques savaient exploiter ce puissant mobile. Il paraît qu'avant eux on croyait que les ames des morts restaient quelque temps autour des tombeaux; on retrouve même quelques traces de la croyance à deux ames, l'une humaine qui s'anéantit avec le corps, l'autre divine qui lui survit.

Aux extrémités du Nord était l'empire d'Héla, où les ames de ceux qui, sans être méchants, n'avaient cependant rien fait d'illustre, vivaient dans

une misère affreuse. L'empire de Surtur (le Noir), où des flammes éternelles punissaient les méchants, était situé au-dessus de la terre et occupait une étendue immense. L'Udainsakr, au contraire, séjour des immortels, était un paradis terrestre où quelques héros avaient pu pénétrer durant leur vie, comme Ulysse pénétra dans les enfers. Le bonheur dont on y jouissait était assez matériel, et la présence de vierges immortelles donnait à ce paradis quelque ressemblance avec celui de Mahomet.

Suivant les croyances scandinaves, la terre a déja subi de nombreuses révolutions; elle en subira d'autres encore; mais enfin tout périra par le feu : les dieux eux-mêmes ne seront pas exceptés de cette destruction universelle.

Indépendamment des trois dieux principaux, il en existait encore un grand nombre, souvent confondus les uns avec les autres, et même avec les grands dieux. On déifiait certains hommes et certains objets de la nature. Chaque province, chaque famille avait ses dieux tutélaires. Ce que nous avons dit des deux ames paraît même indiquer que chaque homme avait son génie particulier.

Egir ou Hler, le dieu de l'Océan,

avait eu de sa femme Rauno neur

filles, les nymphes de la mer; mais quelque puissant qu'il fût sur cet élément, il avait un rival redoutable dans le Midgards Arm, grand serpent qui, couché au fond de l'Océan, entourait la terre comme une vaste ceinture. On reconnaît là le mythe asiatique qui se retrouve chez les Tibétains, fes Hindous, et jusque dans l'ancien Testament. Hler avait deux frères, Kar, le dieu des vents, et Loki, le dieu du feu. Il paraît que les prêtres de celuici furent les derniers qui se soumirent à la réforme odinique; c'est ainsi que l'on explique ce qu'on raconte de ses luttes avec Odin et avec les Ases, luttes qu'on pourrait aussi expliquer fort bien en les considérant comme une théorie physique sur la nature du feu élémentaire; mais prendre

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Loki pour le mauvais principe, pour l'Ahriman de la religion scandinave, c'est méconnaître d'une manière étrange le caractère de cette religion.

On donnait pour fils à Loki le loup Feuris, qui devait rester enchaîné jusqu'au dernier jour, où il briserait ses chaînes et dévorerait tout. Loki lui-même (pl. I, 4) est, comme Prométhée, attaché, avec les intestins de son fils aîné, à trois rocs immenses: sur l'un reposent ses épaules, sur l'autre ses cuisses, sur le troisième ses genoux; au-dessus de sa tête est suspendu un serpent qui laisse tomber sur lui des gouttes de poison; mais Sigyn, sa femme, ne l'abandonne pas elle tient au-dessus de lui une coupe dans laquelle elle reçoit le poison qui découle, et quand cette coupe est pleine, elle va la vider. Alors le poison tombe sur la figure de Loki dont le corps se contracte et s'agite, en proie à des douleurs indicibles, et c'est en ce moment qu'ont lieu les tremblements de terre.

Pour se soustraire aux poursuites des prêtres odiniques, les serviteurs des anciens dieux s'étaient à diverses reprises réfugiés vers le Nord: c'est là que Loki, identifié avec Thor, fut adoré sous le nom de Jumala. En Suède on l'appela Utgarde-Loki, Loki le banni, et il fut souvent consulté par les princes du Nord, jusqu'aux derniers jours du paganisme, alors que, par des motifs differents, les prêtres d'Odin et les missionnaires cherchaient à représenter son séjour comme d'un aspect horrible et offrant des dangers insurmontables à quiconque cherchait à y pénétrer.

Tyr était le dieu de la guerre, et comme des vierges assistaient souvent aux batailles, non seulement pour panser les blessés, et pour porter les boucliers des combattants, mais aussi pour prendre part elles-mêmes à la bataille, on donna pour femme à Tyr la déesse Hilda, dont le nom se retrouve dans celui des plus fameux guerriers de la Scandinavie et de l'Alleinagne (*).

(*) Hildebrand, Hildetand, etc.

Bragi était le dieu de l'éloquence et de la poésie; c'était la divinité tutélaire des bardes. Sa femme Iduna veillait à la garde des pommes de l'immortalité, fruit célèbre dans les mythes asiatiques, et qui ne pouvait être mieux placé que dans les mains de l'épouse du dieu des poètes.

Les Parques étaient connues dans le Nord sous le nom de Nornes. La première s'appelait Urd (la passée), la seconde Verandi (la présente), et la troisième Skuld (la future). Les Walkyries conduisaient les héros à la mort dans les batailles, et paraissent avoir eu quelque analogie avec les Kipes de la mythologie grecque. Enfin la terre, l'air et la mer étaient peuplés d'un grand nombre d'autres dieux, les uns solitaires, les autres vivant en société, comme les Alfes, les Dises et les Vættres.

Rien ne prouve qu'avant la réforme odinique les dieux aient été adorés dans des temples, ou qu'on les ait représentés à l'aide du bois ou de la pierre; mais il faut bien se garder de voir dans cette absence des idoles une preuve de la pureté des notions religieuses à cette époque. Cela prouve uniquement qu'alors on ne savait pas encore figurer, soit avec la pierre, soit avec le bois, les idées que l'on se faisait de la nature des dieux. En revanche, il est souvent mention d'arbres et de pierres sacrés. On trouve dans le nord de l'Europe des rochers posés l'un sur l'autre de telle manière que par la plus légère impulsion on peut mettre en mouvement le rocher supérieur. Pline l'ancien en avait vu en Asie mineure: ils ne sont pas rares en Angleterre, où on les appelle Rokingstones, ni en France, où ils sont connus sous le nom de pierres branlantes; on en a même trouvé au New-Hampshire en Amérique, et ces monuments paraissent appartenir à l'une des plus anciennes religions du globe.

Il nous reste à parler du culte d'Odin, tel qu'il existait au temps des premières missions, tel que les Eddas nous le représentent. Nous avons déja

dit que les mythes de cette époque sont presque entierement historiques. Ce n'est pas que de nos jours on n'ait cherché en Allemagne à leur donner un sens mystique et astronomique; mais ces théories supposent que les barbares du Nord possédaient au huitième siècle des connaissances astronomiques aussi étendues que celles qu'on acquiert aujourd'hui, non sans quelque peine, et cela seul suffit pour aire apprécier le système de M. Mone.

Odin arriva sur les bords de la Baltique d'Asgard, l'ancienne patrie des peuples scandinaves; il arriva lui douzième, et bientôt lui et ses compagnons se donnèrent pour des incarnations des anciens dieux du pays. On ne saura jamais avec certitude si l'on doit voir dans Odin, le Decaneus ou Cæneus dont parlent Strabon et Jornandès, et qui au temps de la dictature de Sylla vint chez le roi des Getes, Byrebistes, obtint, avec l'amitié du roi, un pouvoir égal à celui de ce monarque, étendit la domination des Getes sur une grande partie de l'Allemagne, donna des lois, enseigna la philosophie, la morale, la physique et Fastronomie, et fut regardé comme la résurrection de Zamolxis. Ce dont il faut convenir, c'est que toutes ces données s'appliquent assez bien à l'Odin du Nord: il introduisit les lettres runiques (*) dans les contrées septen

(*) On fait dériver ce mot de runa, signe mystérieux. L'alphabet connu sous ce nom était en usage dans le Nord, et même en Allemagne, avant la propagation du christiamisme. On peut croire qu'il y a été apporté de l'Orient et qu'il n'est pas tout-à-fait étranfer a l'alphabet hieroglyphico-phénicien, qui est la base primitive du nôtre. Dans l'impossibilité d'entrer ici dans de longs détails à ce sujet, nous nous contenterons de remarquer que, comme l'ancien alphabet ionien, l'alphabet runique n'eut d'abord que 16 lettres, auxquelles on en a ajouté plus tard trois autres; mais, d'un autre côté, par l'ordre des lettres et par leur valeur numérique, il differe entièrement des autres alphabets européens, comme on pourra s'en convaincre par la planche 1.

Bien que dans les temps postérieurs on

trionales, enseigna une cosmogonie dont nous parlerons plus tard, et une morale qui, il faut le reconnaître, est plutôt celle d'un aventurier adroit que celle d'un dieu, et sut profiter habilement de l'humeur guerrière des Scandinaves, bien qu'il ne soit pas fait mention des faits d'armes par lesquels il put s'illustrer lui-même ; mais il savait imposer à la multitude par une langue poétique et énigmatique, dans le goût oriental, et il possédait toutes les ressources de la sorcellerie, par laquelle, même encore aujourd'hui, les schamans en Sibérie et les angeroks chez les Groenlandais exercent une si grande influence. « Il sait,

ait employé quelquefois les lettres runiques sur le papier ou sur le parchemin, il paraît qu'on s'en servait particulièrement dans les inscriptions lapidaires; or, pour peu que l'on soit familiarisé avec ce genre de monuments, on sait que la forme des caractères épigraphiques varie à l'infini. Aussi ne donneronsnous que deux variétés de l'alphabet runique d'abord (pl. I, 1), les caractères du Helsingaland, qui se distinguent des autres qui paraissent offrir une analogie, au moins par l'absence de la barre perpendiculaire, et

extérieure, avec les caractères cunéiformes des monuments de Persèpolis; ensuite ( pl. II, 2), les caractères les plus ordinaires, et nous y joignons une inscription funéraire (pl. III, 1), afin de montrer de quelle manière on écrivait. Il faut remarquer que chaque lettre a un nom significatif et que ces noms se rapportent en partie à l'ancienne mythologie. Parmi les monuments lapidaires où ces caractères figurent, il en est qui descendent jusqu'au treizième siècle; mais on n'en connait pas que l'on puisse faire remonter au-delà du huitième. La plupart sont des inscriptions tumulaires : celle que nous publions (pl. III, 1) a été trouvée dans l'ile d'Oeland. Il faut pour la lire, commencer par l'extrémité inférieure à gauche, suivre le cercle et remonter ensuite verticalement. Nous croyons devoir la donner ici en lettres italiques: Hardrudr raisti stain dinza aistir sun sin Smith, trek gudan, halfitrin brudir ans sitr a gardum Orantr litr iakdu rada kan; ce qui signifie : « Hardrudr éleva cette pierre pour son fils Smith, bon guerrier; son beau-frère possède l'héritage; Orantr la fit sculpter par un homme habile. »

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dit l'ancienne Edda, guérir les maladies, émousser le glaive de l'ennemi, faire tomber les chaînes des prisonniers. Son regard retient la flèche dans l'air; il fait retomber les imprécations sur ceux qui en prononcent contre lui. Par ses charmes il éteint la flamme et amortit la haine dans le cœur de ses ennemis, il commande au vent de la mer, il apaise les vagues. Son seul regard est un charme puissant qui maîtrise les esprits malins. Il sait rendre la vie à un homme pendu; qu'il jette quelques gouttes d'eau sur un enfant nouveau-né, et celui-ci devient invulnérable. Enfin, s'il veut posséder seul le cœur d'une jeune fille aux blanches mains, il sait à son gré captiver ses pensées.>>

Odin réussit complétement en Danemark; mais en Norvège l'ancien culte de Thor se maintint presque sans altération; en Suède, où il avait bâti le premier temple à Sigtuna sur le lac Mælar, un de ses compagnons lui succéda. Il se fit payer un impôt personnel, que l'on appela l'impôt des nez, et moyennant lequel il s'obligea à défendre le pays contre les ennemis et à faire les sacrifices dus aux dieux. Partout il sut s'accommoder aux idées religieuses du pays, et c'est ainsi qu'il n'abolit point le sacrifice des prisonniers. On connaît la prière que les Saxons lui adressèrent, lors de leur dernier effort pour résister aux armes victorieuses de Charlemagne : « Saint « et grand Wudan (c'est la modifica «tion allemande d'Odin), sois-nous << en aide à nous et à nos princes « Wittekind et Kelta, contre le mé<< chant Charles! Fi, le boucher! Je << te donnerai un ure, deux brebis et « le butin! Je t'immolerai tous les « Francs sur ta sainte montagne du « Hartz! >>

Odin donna aux Suédois les lois qui existaient dans le Caucase, sa patrie. La tradition nomme parmi ses successeurs en Suède trois dieux, c'est-à-dire, trois de ses compagnons. Le troisième, qui se donnait pour le dieu Freyr, s'appelait Yngwe; de lui descendent les rois mythiques, appe

lés Ynglinges, qui n'étaient rois que du district d'Upsala. La série des rois historiques ne commence qu'au neuvième siècle, alors que saint Anschaire porta l'Evangile en Suède. Nous parlerons de leur histoire après avoir donné un aperçu rapide du système cosmogonique et dogmatique d'Odin, ainsi que des mœurs du peuple durant l'époque du paganisme.

On reconnaît dans les mythes des Eddas deux systèmes différents sur la cosmogonie: l'un emprunte de préférence ses images au règne animal, l'autre au règne végétal; tous deux on ne saurait le méconnaître, sont nés sous le ciel de l'Asie et sous l'influence d'un climat plus fécond et plus riche que celui du Nord. L'un d'eux appartenait-il au culte d'Odin et l'autre à celui de Thor? c'est une question sur laquelle on pourra long-temps discuter, sans jamais arriver à une solution définitive.

Suivant le premier de ces deux systèmes, deux mondes existaient en même temps avant le monde d'aujourd'hui, au sud Muspellzheimr, le pays du feu et de la lumière, au nord Niflheimr, le pays du brouillard et du froid. Ces deux mondes étaient séparés par l'abîme Ginunga - gap léger comme l'air lorsque le vent ne se fait pas sentir. Un grand nombre de fleuves sortaient du puits Hvergelmir. Le poison que ces fleuves contenaient se durcissait à mesure qu'ils s'éloignaient de leur source, et dans le Ginunga-gap ils se transformaient en glace et en frimas. Mais la glace fondait à la chaleur de Muspellzheimr, et des gouttes qui en découlaient s'était formé le corps du géant-monde Ymir. Celui-ci transpira pendant son sommeil, et de sa main gauche sortirent un homme et une femme, et l'un de ses pieds engendra avec l'autre le père des Hrimthurses, géants de glace.

En même temps qu'Ymir naquit, des gouttes de la glace fondue, la vache Audhumbla, des pis de laquelle coulèrent quatre fleuves de lait dont Ymir se nourrit. Puis elle lécha les

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