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entendu des 500,000 Grecs qui sont répandus dans la Morée et dans l'Archipel, demande qu'ils restent dans les limites que la nature leur assigne, que toute extension hors de ces limites leur serait éminemment dangereuse, je ne balancerai pas à sacrifier à cette puissante considération les désirs, les intérêts mêmes des 50,000 autres; j'irai même plus loin je suis convaincu que la domination turque promet aux Grecs rouméliotes plus de tranquillité que ne pourrait leur en offrir le nouvel état; que la misère, le désordre et le danger qui environneraient leur liberté, en feraient un présent bien funeste. C'est ce que les Grecs de l'Attique paraissent sentir aujourd'hui, quand ils abandonnent le sol affranchi de la Grèce, et reviennent volontairement se placer sous l'empire de ces maîtres, qu'on s'est plu à nous dépeindre comme si barbares'. D'ailleurs, pour ceux à qui leur joug est insupportable, la Morée est bien assez vaste pour les recevoir. En quittant leur pays, ils n'abandonneront ni champs, ni maisons, ni fortune, ni in

! Il arrive encore tous les jours à Smyrne et à Constantinople des familles grecques de la Morée et des îles. Ce fait est attesté par toutes les correspondances particulières. Les impôts exigés par le nouveau gouvernement grec sont beaucoup plus considérables que ceux que l'on payait à la Porte. Dans quelques îles, la taxe était presque nulle; aujourd'hui elle est exorbitante. Tino, entre autres, n'était assujétie qu'à un tribut de 36,000 piastres; aujourd'hui l'impôt fixe est de 60,000 piastres, non compris la dîme et les autres droits. (Note du D.)

dustrie, ni position acquise; leur émigration est facile comme celle des nomades. Il n'en est pas chez eux comme dans nos pays civilisés, où le paysan a tout son avoir attaché à la terre, où il ne peut le déplacer et ne l'abandonne pas sans compromettre son existence. Le paysan grec travaille pour le compte du Turc; une mauvaise cabane lui sert d'abri, sa ceinture emporte toute sa fortune. La Morée possède aujourd'hui une grande quantité de terres vacantes qui proviennent des dépouilles des Turcs. Le cultivateur de la Roumélie, comme celui de la Morée, peut se présenter pour les mettre en rapport; il sera bien reçu. Il apportera à la Grèce un citoyen utile, et il ne lui donnerait au contraire qu'un membre incommode, si c'était elle qui vînt le chercher dans ses montagnes.

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SOULT, MARQUIS DE DALMATIE'.

Nous sommes heureux de pouvoir révéler au public le nom de l'auteur de ces observations. Qu'on relise la série d'articles qu'il a publiés sur la Grèce dans notre Revue, et on lui rendra la justice de croire que c'est incontestablement ce qui a été dit de plus exact, de plus sagement pensé sur ce pays. Personne, il est vrai, n'était mieux placé que lui pour juger du véritable état des choses en Morée, où il était aide-de-camp du général Maison. Mais ce sang-froid qui permit de planer ainsi sur tant de passions déchaînées, la hauteur de vues où l'écrivain, si jeune encore, s'est placé, promettent à la France un homme d'état distingué, et à un illustre maréchal un digne rejeton de sa gloire.

(Note du D.)

DE

LA DÉPORTATION

ET

DES COLONIES PÉNALES.

La Russie envoie ses exilés dans les déserts de la Sibérie; l'Espagne, outre ses galères, a ses présidios d'Afrique; le Portugal faisait passer autrefois ses malfaiteurs à Mozambique et dans les Indes; la Hollande enfin a versé en Asie l'écume de sa population. En adoptant ainsi le système de déportation sur des plans plus ou moins vastes, le but principal s'est trouvé rempli sous le rapport de la peine; mais en choisissant mal le lieu où les coupables devaient la subir, ces gouvernemens n'ont obtenu aucun résultat durable de leurs systèmes de déportation. L'excès du froid ne permet

TOME IV.

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pas aux climats glacés de devenir jamais des provinces florissantes, et le ciel brûlant des tropiques dévorera toujours sans fruit les victimes nombreuses que l'Europe lui confiera. L'Angleterre a seule agi avec sagesse et prévoyance; c'est en faisant marcher de front l'exil forcé et l'expatriation volontaire dans des contrées tempérées, qu'elle a établi sur des bases immuables l'existence de deux peuples qui lui feront un éternel honneur.

L'Angleterre ayant seule réussi au-delà de toutes ses prévisions, je me contenterai d'examiner les deux modes qu'elle a suivis à l'égard de l'Amérique septentrionale et de l'Australie, sans cacher les fautes commises dans ses premiers essais.

que

Dès les convicts condamnés à la déportation en Amérique étaient embarqués, ils sortaient des mains du gouvernement; les capitaines des navires les transportaient à leurs frais pour les louer à leur profit aux colons qui les employaient sur leurs habitations, Ceux qui pouvaient payer le passage se trouvaient libres en arrivant, et la peine se bornait pour eux au simple bannissement. Ainsi la loi n'était pas égale pour tous, et les scélérats enrichis pouvaient même devenir les maîtres des malfaiteurs qui n'avaient pas su se ménager les profits de leurs crimes. On voit que le gouvernement songeait uniquement à se débarrasser du rebut de sa population, en augmentant celle de ses colonies au meilleur marché possible. Cessant d'exercer une surveillance immédiate et sévère, il

confondait le criminel endurci avec le malheureux égaré, et ne laissait exister de distinction qu'entre le riche et le pauvre. Mais d'ailleurs les mesures les plus convenables eussent été paralysées par le choix des localités. Une faible distance et des communications toujours ouvertes rendaient le retour facile; la tentation était continuelle, et l'exil devenait passager pour la plupart des criminels, qui rapportaient bientôt dans leur patrie toute l'expérience du vice.

En fondant une colonie pénale dans l'Australie après la reconnaissance de l'Amérique comme état indépendant, l'Angleterre voulut éviter à la fois les inconvéniens des premières localités qu'elle avait choisies et ceux du système suivi jusqu'alors. Le gouvernement se chargea du transport des convicts, et voulut conserver sur eux toute son autorité, en exerçant avec sagesse le droit de récompenser la bonne conduite par le don de la liberté, et de corriger des lois trop générales en proportionnant plus également la peine aux circonstances des délits. Il trouva en même temps dans l'extrême distance et dans l'isolement de sa colonie, le moyen le plus sûr d'empêcher les retours illégaux, et de forcer la plupart des bannis à adopter une nouvelle patrie où ils n'auraient plus à rougir. Cependant les mesures furent d'abord mal prises, et l'établissement se ressentit pendant quelques années des premières erreurs dans lesquelles on tomba, erreurs graves qui augmentèrent beaucoup les

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