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rait les empêcher d'aborder. A cet effet on ne reçoit ni ne rend de salut, parce qu'on s'est aperçu que le bruit du canon leur est contraire. On va même jusqu'à empêcher de fumer sur le rivage, parce que l'on croit que l'odeur du tabac les écarte. Enfin ces précieux animaux trouvent encore sur les bords de cette île la même solitude qu'avant l'époque où elle était habitée. L'espèce est la Tortue franche ou Mydas, ou Tortue verte (Testudo viridis des naturalistes). Les individus sont tous de la plus grande taille, pesant généralement de quatre à cinq cents livres, souvent davantage; on en aurait même vu, dit-on, de huit cents. Il s'en consomme ordinairement huit cents par an. C'est un excellent manger pour les marins. Bien accommodé, il a la plus grande ressemblance avec du jeune bœuf. On ne mange ordinairement que les chairs qui meuvent les membres, ou quelquefois les œufs les plus avancés et prêts à sortir, qu'on trouve dans le ventre; de sorte qu'il y a beaucoup de perte, et que la quantité de viande dont on se sert se réduit à assez peu de chose, vu la masse totale de l'animal; cependant on peut tout aussi bien faire usage des intestins. On sait que les tortues ne mangent point à bord des vaisseaux, et ne demandent d'autre soin que de jeter dessus un peu d'eau de mer; surtout de les abriter du soleil qui les dessèche et les tue.

La température du haut de la montagne diffère toujours de 10 à 12 degrés de celle de la plaine.

Dans la saison des pluies, qui est la plus fraîche, le minimum du thermomètre de Fareinheit est, sur la plage, à 70°, et dans la montagne à 58°. C'est probablement alors qu'on peut recueillir jusqu'à neuf cents gallons d'eau par jour de toutes les sources réunies. (Le gallon est de quatre bouteilles.)

Dans les autres saisons, le maximum de la chaleur est sur la plage de 92°; à la montagne, de 80°: par conséquent il ne gèle jamais; jamais non plus on n'a reçu de coup de vent.

Quelqu'un de bien instruit m'a dit qu'il n'y avait point de dépenses spéciales affectées à cette petite colonie, qu'elles étaient prises sur la masse générale qu'occasionnent les plus grandes.

Voici la liste des gouverneurs qui se sont succédés depuis le commencement de l'établissement, qui a été formé par :

1o Le lieutenant de vaisseau Cuppaje, en 1815, avec vingt-cinq hommes;

2o Major Campbell, avec trente-neuf hommes, arrivé en septembre 1821, parti en mars 1824;

3° Colonel Nicolls, avec deux cent vingt-deux hommes, arrivé en mars 1824, parti en octobre 1828;

4° Capitaine Bate, avec deux cent vingt-quatre hommes, arrivé en novembre 1828.

M. le capitaine Bate, par son air de douceur et de bonté, semble être né pour conduire un pareil établissement, qui demande réellement pour cela une trempe particulière de caractère;

car ce rocher ressemble à l'exil le plus affreux, et le serait en effet pour tout autre peuple que des Anglais, qui ne sauraient pas, comme on dit en terme de marine, s'installer. Ce gouverneur et ses officiers agissent sans la moindre cérémonie, et sont toujours dans le costume le plus simple, parce qu'il est le plus commode. C'était bien là les gens qui nous convenaient. Ils nous firent toutes les politesses qui étaient en leur pouvoir, et leur table nous fut constamment ouverte pendant la semaine que nous passâmes parmi eux. Nous eûmes l'avantage de leur donner à dîner; ils parurent prendre plaisir à une société passagère qui rompait pour eux la monotonie de leur existence. On y porta diverses santés. Quelques-unes furent appuyées d'un modeste coup de canon, afin de ne pas trop effrayer les tortues. Dans cette circonstance on se relâcha un peu de l'utile sévérité du réglement.

Y***.

(Souvenirs du coin du feu.)

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Vous m'avez engagé à vous rendre compte de mon voyage aux Antilles, et à vous communiquer les renseignemens que je pourrais recueillir, je vais m'en occuper....

Nous sommes partis de Brest le.... Au bout d'un mois de traversée, nous nous sommes trouvés en vue de la Guadeloupe. L'extérieur de cette colonie m'a d'abord séduit; il était beaucoup au-dessus de l'idée que je m'en étais formée. J'ai été agréa

blement surpris en voyant ces hautes montagnes couvertes de verdure, dont les teintes variées se marient à l'azur des cieux, de ces habitations dispersées çà et là, animant, vivifiant de petits vallons arrosés par des ruisseaux qui viennent se jeter dans la mer.

Mais en mouillant devant la Basse-Terre, la scène a totalement changé. De quel sentiment douloureux n'ai-je pas été affecté à la vue de cette ville couverte de débris, m'offrant l'image de la dévastation la plus complète!

J'ai été alors convaincu que les tristes effets de l'ouragan du 26 juillet 1825 n'avaient point été exagérés. Je me suis senti disposé à plaindre ces malheureux colons; mais l'idée des indignes traitemens qu'ils faisaient subir à leurs nègres a presque étouffé ma compassion.

Je me propose de descendre à terre dès que mon service me le permettra, et de prendre à bonne source des renseignemens sur les moeurs, la statistique et le commerce de cette colonie.

Je m'arme de résolution, je vais voir des esclaves dans un pays libre, dans une province de France. Recevez, etc.

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